Bulletin 27/08
20 août, 2008
Coupures dans les programmes culturels
Première partie : Routes commerciales et PromArts en contexte
Alors que plusieurs d’entre nous profitaient encore de l’été, le gouvernement fédéral a annoncé une série de coupure totalisant autour de 40 million $ dans ses programmes culturels ainsi que l’élimination pure et simple de certains autres. La CCA publie aujourd’hui la liste des programmes qui sont affectés par ces coupures et nous fournirons plus d’information sur ces mesures dans les prochains jours. Aujourd’hui, l’accent sera mis sur l’élimination du programme PromArt par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) et sur l’abandon progressif du programme Routes commerciales au ministère du Patrimoine canadien (MPC).
Les faits en résumé
Il y a eu un véritable torrent de critiques au sujet des coupures budgétaires récemment annoncées aux programmes Routes commerciales et PromArt. La vaste majorité des commentaires publiés dans les journaux et entendus à la radio et à la télévision ont été négatifs à propos de cette décision.
Le ministère du Patrimoine canadien explique que la décision d’abolir le programme Routes commerciales est basée sur les résultats d’une évaluation du retour sur l’investissement. Les ressources du programme (9 million $) sont, dans une large mesure, absorbées par les salaires et le remboursement des dépenses des agents de commerce culturel postés à travers le Canada et dans différentes villes à travers le monde. Bien que la portion du programme dédiée aux bourses et contributions était assez faible, les artistes, producteurs et travailleurs culturels qui ont utilisé ces services ont indiqué un haut degré de satisfaction par rapport à l’aide reçue de ces agents.
Le programme PromArt du MAECI (4,7 million $) est aussi aboli sans explication, autre que l’étrange tournure que le gouvernement a décidé de donner à cet annonce. Cette abolition fait suite aux réductions initiales de 11,8 millions $ sur deux ans annoncées en 2006 pour ce programme.
Les montants accordés dans le cadre de ces deux programmes demeuraient souvent relativement restreints mais servaient de levier aux artistes et organisations culturelles dans leur recherche de partenaires pour développer des marchés à l’étranger, contribuer à notre image nationale et ajouter de la valeur aux autres efforts de développement de marchés entrepris par les missions canadiennes à l’étranger. Au moment d’écrire ces lignes, il n’y a toujours pas d’indications claires de l’intention du gouvernement de remplacer ces programmes par d’autres plus performants.
Pour en savoir davantage
Quand l’honorable Sheila Copps, ancienne ministre du Patrimoine canadien, a annoncé le programme Routes commerciales, elle avait mis l’accent sur les objectifs que le programme devait atteindre – cibles pour l’augmentation des exportations en télévision, film, enregistrement sonore, etc. Dans le cadre du processus décisionnel ayant mené à cette abolition du programme, l’évaluation du retour sur l’investissement a vraisemblablement mené à la conclusion que le programme n’avait pas atteint ces. Si c’est bel et bien le cas, il est pour le moins surprenant que le gouvernement ne se réfère pas à une telle évaluation pour justifier sa décision.
Bien que le programme Routes commerciales ait pu avoir quelques défauts de conception, l’objectif de développement de marchés et de publics internationaux pour les biens et services culturels canadiens demeure valable et conforme au rôle du gouvernement fédéral en matière de commerce étranger. Avec les jeux olympiques de Vancouver-Whistler 2010 à l’horizon, le besoin de développer une stratégie afin de capitaliser sur l’énorme attention que recevra le pays avant et après l’événement semble évident. Les Australiens ont noté que le manque de stratégie de suivi lors de leur présentation de jeux avait été une erreur stratégique qu’il n’a pas été possible de corriger.
Préoccupée par les impacts de l’annulation du programme Routes commerciales, la CCA a invité le président du Comité permanent sur le Patrimoine canadien à demander à la ministre Verner de fournir les explications, plus que nécessaires, sur les raisons pour lesquelles le gouvernement a décidé d’annuler le programme. La ministre devrait aussi expliquer les intentions du gouvernement quant au support qu’il entend apporter au développement des marchés culturels à l’étranger, comme il le fait pour presque tous les autres secteurs de l’économie canadienne.
Le programme PromArt au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international est une toute autre problématique. Depuis les sévères coupures apportées au programme en 2006, les rumeurs persistaient à l’effet que le programme tomberait fatalement sous le couperet gouvernemental. Au cours de la dernière année, la CCA s’est intéressée au sujet de la diplomatie publique et du rôle des arts et de la culture dans l’ensemble des stratégies nationales. Il ne s’agit pas ici d’une idée unique au Canada : parmi les autres nations, les États-unis et le Royaume-Uni ont renouvelé leur engagement à investir dans les arts et la culture comme l’un des outils efficaces de la diplomatie publique.
Les porte-paroles du gouvernement ont mentionné des groupes comme “Holy Fuck” et l’auteur Gwynne Dyer ou le réalisateur Avi Lewis à titre d’exemples de récipiendaires de l’aide du programme qui ne représenteraient pas bien le Canada internationalement.
Il y a deux erreurs fondamentales dans ce raisonnement. Premièrement, le programme est administré par les fonctionnaires qui font des recommandations sur le financement à accorder aux autorités supérieures du ministère et ultimement toutes les décisions sont prises par le ministre des Affaires étrangères. Il ne s’agit donc pas ici d’un cas où un jury de pairs “hors de contrôle” essaie délibérément d’être outrageux ou de mettre le ministère dans l’embarras. Deuxièmement, si certains récipiendaires portent à controverse, ce n’est certainement pas de leur faute – ils n’ont pas forcé le système pour recevoir cette aide financière. En fait, il a été établi que plusieurs des exemples “outrageux” dénoncés par les porte-parole gouvernementaux n’avaient jamais demandé une bourse de déplacement mais avaient plutôt répondu à une invitation faite par le ministère lui-même !
De façon tout aussi inexplicable, le ministère a aussi indiqué qu’il ne contribuerait désormais plus au pavillon canadien de la Biennale de Venise laissant au Musée des beaux-arts du Canada et au Conseil des Arts du Canada le soin de régler la facture à même leur budget actuel. Cet événement international est l’un des plus prestigieux du monde dans le domaine des arts visuels et le Canada y a déjà laissé sa marque, notamment en 2001 alors de Janet Cardiff et George Bures Miller remportaient un prix spécial du jury. En 2006, c’était au projet SweaterLodge du studio Pechet and Robb de Vancouver d’attirer les éloges internationales. Le MAECI semble désormais se contenter de laisser la tâche de bâtir la réputation du Canada à d’autres partenaires à même leurs budgets actuels.
Et qu’est-il advenu de notre très apprécié engagement à soutenir la diversité culturelle ? La capacité du Canada à présenter au monde une diversité raciale, ethnique et linguistique devrait aussi inclure une diversité créative et artistique. Le MAECI a souvent été mal à l’aise face aux arts et à la culture et avec une série d’anciens ministres tels l’Hon. Lloyd Axworthy, le Très Hon. Joe Clark et l’Hon. Flora MacDonald qui ont été de véritables défenseurs de l’implication des arts dans la poursuite des objectifs de la politique étrangère.
Il est maintenant clair qu’une réflexion en profondeur est requise au sujet de la promotion des artistes, créateurs et professionnels des arts sur la scène internationale. La CCA demande au Comité permanent des Affaires étrangères et du Développement international de se saisir de façon urgente de cette question du rôle des arts et de la culture dans la politique étrangère et la diplomatie publique. Nous avons trop à perdre si nous nous contentons d’hausser les épaules – le réel retour sur l’investissement dans ces programmes ne saurait se mesurer sans prendre en compte la manière dont nos artistes, créateurs et professionnels des arts rehausse l’image du Canada en nous présentant comme une nation développée, diverse et créative.
Que puis-je faire ?
Nous vous encourageons à écrire une lettre au Président du Comité permanent sur les Affaires étrangères et le Développement international et au Président du Comité permanent sur le Patrimoine canadien leur demandant de se saisir de cette question dans les plus brefs délais. Il s’agit là d’une question pour laquelle nous ne pouvons nous permettre de demeurer inactifs.
Vous pouvez aussi écrire au Premier ministre, à la ministre du Patrimoine canadien Josée Verner et au ministre des Affaires étrangères David Emerson.
La CCA a aussi contacté les chefs des autres partis politiques fédéraux afin de connaître leur position sur le sujet. Vous pourriez penser à en faire autant. Si les rumeurs sont exactes, nous nous dirigeons vers une élection automnale – assurons-nous que tous les partis politiques comprennent l’importance et l’urgence de ces enjeux.
Vous pouvez aussi contacter votre député :
pour faire connaître votre opinion et, si vous êtes dans l’une des quatre circonscriptions où une élection partielle a été annoncée, vous pouvez demander à chacun des candidats de clairement énoncer sa position sur la question.
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