|
Le point sur le statut de l'artiste
- Mettre à jour les activités en Saskatchewan
par
Dave Margoshes
Six mois après qu'un comité consultatif a présenté
au ministre le dernier rapport sur le traitement équitable
des artistes, et presque deux ans après l'adoption
par le gouvernement de la Saskatchewan d'une loi sur le statut
de l'artiste, qui reconnaît la contribution des travailleurs
culturels à l'enrichissement de la société,
le statut du rapport comme tel demeure inconnu. Mais la communauté
artistique demeure optimiste.
« Le gouvernement a fait de bonnes choses dans le secteur
culturel, dit Skip Kutz, vice-président de la Saskatchewan
Arts Alliance et président de son comité sur
le traitement équitable des artistes. J'ose espérer
que cette action salutaire se répercutera sur cette
loi. »
M. Kutz a insisté sur le fait que le milieu des arts
n'était pas à la recherche d'un traitement de
faveur.
« Les gens doivent comprendre et ne pas oublier que
nous ne demandons pas un statut spécial. » Bien
au contraire. Les artistes de la province, qui font partie
du peloton de queue pour ce qui est des avantages sociaux,
« ne veulent que ce que les autres travailleurs reçoivent,
soit les avantages de base auxquels tout le monde a droit
», ajoute M. Kutz.
Comme le dit bien succinctement la brochure de la SAA : «
Les artistes de la Saskatchewan revendiquent l'égalité
de traitement, l'égalité de ‘statut’
avec les autres travailleurs de la société.
» Autrement dit, ils veulent avoir accès aux
avantages sociaux, aux droits et normes collectifs, aux mesures
de protection de la santé et de la sécurité,
à la protection du revenu, à la formation, aux
régimes d'assurance et de retraite; ils veulent que
leur travail soit reconnu comme du « vrai » travail
et leurs emplois, comme de « vrais emplois ».
Il y a déjà plus d'une décennie - près
de 11 ans - que le Comité consultatif du ministre sur
le statut de l'artiste a présenté une douzaine
de recommandations au sujet de la santé, de l'éducation,
de la protection légale et du moyen de subsistance
des artistes de la Saskatchewan.
Une des principales recommandations, selon la SAA, est le
droit d'avoir un syndicat chargé de négocier
au nom des travailleurs culturels. (Bien sûr, ce ne
sont pas tous les artistes, dont beaucoup sont des travailleurs
autonomes, qui seraient obligés d'adhérer à
un syndicat ou qui le voudraient. D'après la proposition
de l'Alliance, ils auraient le choix d'adhérer ou non
à un syndicat.) La SAA souhaite aussi vivement l'établissement
d'une commission sur le statut de l'artiste et l'adoption
d'un code des artistes - deux recommandations clés
du rapport de 1993.
L'Arts Alliance cite des études récentes montrant
que le traitement moyen des travailleurs du milieu des arts
est de 13 500 $, soit presque au bas de l'échelle économique.
M. Kutz, qui est musicien, fait observer que même un
interprète de musique classique, en tenue de soirée
et membre d'un des orchestres symphoniques les plus prestigieux
de la province, ne touche pas tout à fait le salaire
minimum quand on inclut les heures de répétition.
La question la plus épineuse pour le gouvernement consiste
à déterminer comment procurer les avantages
de la négociation collective - conçue pour des
groupes d'employés - aux artistes qui, en général,
sont des travailleurs autonomes.
Actuellement, un assez bon nombre d'artistes de la Saskatchewan,
comme les musiciens d'orchestres
symphoniques et les acteurs qui se produisent sur la scène
du Globe Theatre à Regina ou du Persephone Theatre
à Saskatoon, jouissent de certains des avantages de
la négociation collective, mais cela se fait du
commun accord entre leurs syndicats et les groupes qui les
engagent. Les écrivains, artistes en arts visuels et
autres artistes qui travaillent surtout seuls ne jouissent
d'aucun avantage.
« Nous faisons simplement semblant d'avoir des relations
syndicales-patronales », affirme M. Kutz.
Les travailleurs artistes, comme les travailleurs autonomes
en général, ne sont pas visés par la
Trade Union Act de la Saskatchewan, ne sont pas protégés
par la Labour Standards Act et n'ont pas accès au Labour
Relations Board.
Selon M. Kutz, il n'en coûterait rien au gouvernement
de placer les artistes et autres travailleurs culturels sous
la protection du Labour Relations Board. « Ce n'est
pas si compliqué, dit-il avec impatience. Nous demandons
simplement l'accès aux mesures de protection de base
dont jouissent les autres travailleurs. »
Il y a des modèles dont on peut s'inspirer. Le gouvernement
fédéral et celui du Québec, qui a une
grande longueur d'avance sur les autres provinces en ce qui
concerne le traitement équitable des artistes, ont
adopté des lois qui accordent le droit à la
négociation collective aux artistes.
Certains groupes représentant les artistes, comme l'American
Federation of Musicians (AFM) aux États-Unis et au
Canada, et la Canadian Actors' Equity, ont exhorté
la Saskatchewan à suivre l'exemple du gouvernement
fédérale et du Québec. Même le
Labour Relations Board de la Saskatchewan, par le truchement
de sa présidente à l'époque, Gwen Gray,
a exhorté la province à commencer à prendre
prudemment des mesures pour se joindre à ce club exclusif.
Un autre aspect important est l'application des avantages
et mesures d'allégement fiscal aux artistes. La plupart
de ces derniers n'ont ni régime de pension ni assurance
invalidité, ou n'ont alors qu'une protection limitée.
Tout semble indiquer que le rapport pourrait inclure une recommandation
en faveur de l'allègement fiscal. Dans ce cas également,
le Québec donne l'exemple; dans cette province, la
première tranche de 30 000 $ de revenu de redevances
est soustraite à l'impôt.
Les tensions entre les défenseurs des droits collectifs
et ceux qui préconisent plutôt un
accroissement des droits pour les artistes individuels se
sont manifestées durant les
délibérations l'an dernier du dernier Comité
consultatif sur le statut de l'artiste.
On a dit craindre que l'enchâssement des droits à
la négociation collective ne provoque une
agitation ouvrière dans le milieu des arts, mais cela
ne s'est pas produit au Québec ou dans les domaines
de
compétence fédérale après l'adoption
d'une loi sur le statut de l'artiste.
Nommé en septembre 2002 pour exercer un mandat d'un
an, le comité a été chargé de
trouver des moyens de concrétiser la loi largement
symbolique adopté plus tôt dans l'année.
En avril 2003, il a publié un rapport d'étape
puis entamé une série de consultations et de
réunions dans l'espoir d'achever son rapport final
avant la fin de son mandat.
En septembre dernier, quelques jours avant le déclenchement
de l'élection, le rapport a été soumis
à la ministre de la Culture, Joanne Crofford, en poste
au moment de l'adoption de la loi de 2002.
Depuis l'élection, qui a abouti au retour au pouvoir
de justesse des néo-démocrates, Mme Crofford
s'est vu confier un autre ministère et a été
remplacée, à celui de la Culture, de la Jeunesse
et des Loisirs, par une novice en politique, Mme Joan Beatty.
Ancienne communicatrice à la CBC et jadis membre du
conseil de SaskCulture, Mme Beatty semble être un bon
choix pour le portefeuille de la culture. On ignore toutefois
ses vues sur le traitement équitable des artistes.
La président du comité consultatif, Mme Barbara
Young, affirme que le rapport renferme une quinzaine de
recommandations et qu'elles sont réalisables. Elle
ajoute que Mme Crofford nous a dit de « nous concentrer
sur ce qui peut être fait dans l'immédiat. La
plupart des recommandations portent sur des mesures à
court terme. Nous avons cherché des mesures intermédiaires
qui nous mèneraient à des buts à long
terme. » Mme Young est une enseignante dans domaine
des arts à la retraite qui a déjà été
présidente du conseil du Globe Theatre.
Le rapport d'étape a traité uniquement de cinq
aspects : une rémunération équitable
et le rôle de la négociation collective; la promotion
des arts; le développement économique; les avantages
sociaux et la fiscalité; l'éducation et la formation.
Il ne renfermait toutefois aucune recommandation au sujet
de la promotion, des avantages sociaux et de la fiscalité
ou du développement économique. En ce qui concerne
l'éducation et la formation, il affirmait que «
le secteur des arts lui-même doit continuer à
jouer un rôle de premier plan. »
Tout en présentant un historique du dossier du statut
de l'artiste en Saskatchewan et en faisant ressortir les enjeux
clés, le rapport d'étape de 28 pages a surtout
abordé la question de la rémunération
et a même proposé l'établissement d'une
« autorité quasi- judiciaire » chargée
des questions épineuses entourant le revenu des artistes.
Depuis l'adoption de la Status of Artists Act en 2002 - la
Saskatchewan est la seule province autre que le Québec
à avoir adopté une loi au sujet du traitement
équitable des artistes actifs - la situation n'a guère
changé pour les artistes, mais la SAA a poursuivi ses
efforts de défense des intérêts.
Pour la première fois en Saskatchewan, les artistes
sont considérés comme des travailleurs, à
l'instar de la plupart des autres gens. La reconnaissance
dans la loi de « la contribution importante des artistes
» et de « la valeur de la créativité
artistique » pour la vie culturelle, sociale, économique
et éducative de la Saskatchewan est essentiellement
une déclaration pieuse - qui ne serait pas d'accord?
- mais son allusion au fait qu'il est « important pour
les artistes d'être rémunérés équitablement
pour la création et l'usage de leurs œuvres »
n'est rien de moins que révolutionnaire. On peut en
dire autant de sa
reconnaissance du « droit des artistes de jouir des
avantages économiques et sociaux qui sont offerts aux
autres travailleurs de la Saskatchewan. »
D'un seul coup, le gouvernement a accordé aux artistes
- en théorie du moins - les droits dont les autres
résidents de la Saskatchewan jouissent depuis nombre
d'années.
Mais il est temps maintenant, comme le signale M. Kutz, de
passer à l'action.
Dave Margoshes est un écrivain qui vit à
Regina. Ce texte a été produit à la demande
de la Saskatchewan Arts Alliance
|
|