Si vous possédez ou habitez près de pâturages dans l'Outaouais ou ailleurs au Québec et en Ontario, gardez l'œil ouvert, de mai à septembre, pour la Pie-grièche migratrice de l'Est (voir photo), une des espèces d'oiseau les plus rares dans l'Est du Canada et même dans le Nord-Est de l'Amérique du Nord.
Cet oiseau est de la taille d'un Merle d'Amérique, et est surtout gris avec une poitrine pâle, un large masque noir, un bec crochu, des ailes noires et blanches et une queue noire bordée de blanc.
Photo : André Cloutier
Il vit et niche généralement dans ou près de pâturages naturels non labourés, en particulier le type de pâturage utilisé pour l'élevage traditionnel de bovins de boucherie. La Pie-grièche migratrice utilise l'herbe courte laissée par les bovins comme territoire pour chasser des insectes (sauterelles et autres grands insectes) et des petits animaux. Étant donné que les pies-grièches n'ont pas de serres comme en ont les oiseaux de proie, elles empalent leurs proies (insectes, souris et autres petits animaux) sur les épines des buissons d'aubépine, ou sur du fil de barbelé, avant de les manger. Même si vous ne voyez pas l'oiseau lui-même, si vous trouvez des insectes ou des petits animaux empalés sur une épine ou un barbelé, c'est un signe important qu'une pie-grièche se trouve probablement à proximité. Les pies-grièches utilisent également les buissons d'aubépine comme perchoirs à partir desquels elles peuvent apercevoir leurs proies de même que des prédateurs potentiels, comme endroit protégé pour faire leur nid, et aussi pour se cacher des prédateurs (tels que les éperviers, buses et busards).
La Pie-grièche migratrice de l'Est était commune dans toute la vallée du Saint-Laurent dans le passé. Il ne reste maintenant que quelques couples en Ontario, et on observe occasionnellement un individu ailleurs, y compris au Québec. Bien que les raisons pour lesquelles les populations de cet oiseau ont si dangereusement diminué ne soient pas entièrement connues, il est probable que la perte ou la conversion des pâturages naturels est un facteur important à considérer.
Le Service canadien de la faune (région Québec)en collaboration avec le Club des ornithologues de l'Outaouais (COO), l'Université McGill et Conservation de la nature – Québec travaillent ensemble depuis quelques années pour identifier et protéger les meilleurs habitats pour les Pies-grièches migratrices, dans l'espoir de contribuer à sauver cette espèce. Les pâturages de l'Outaouais, et plus spécifiquement du Pontiac, offrent un territoire idéal aux pies-grièches, à cause de la grande superficie et de l'état naturel des pâturages, et des grands nombres d'aubépines qui s'y trouvent. Ce type d'habitat peut aussi se retrouver dans plusieurs autres régions agricoles du Québec et de l'Ontario. Indiquons aussi que des travaux de réintroduction expérimentale de la Pie-grièche migratrice se poursuivent aussi dans le sud-ouest de l'Ontario.
En Outaouais, après une première saison de travaux expérimentaux à l'été 2004, le travail du groupe s'est poursuivi en 2005. De jeunes Pies-grièches migratrices de l'Est, nées en captivité à l'Université McGill, ont été acclimatées dans des volières sur des pâturages de bovins de boucherie dans l'Outaouais, puis ont été relâchées. Elles ont pu vivre de façon indépendante avec succès. Nous avons pu les observer, pendant plusieurs semaines, chasser vigoureusement et se nourrir d'insectes et de petits vertébrés, jusqu'à ce qu'elles partent apparemment avec les vagues d'autres oiseaux qui migraient vers le sud à la fin d'août, comme elles devaient normalement le faire. De plus, en 2005, une étudiante du second cycle de l'Université McGill, madame Sarah Fraser, a passé plusieurs semaines à observer les pies-grièches en Outaouais et à utiliser de l'équipement de télémétrie, en collaboration avec le COO, pour suivre les mouvements des oiseaux. Elle complètera bientôt ses travaux de maîtrise avec quelques résultats supplémentaires d'observations sur les pies-grièches à être relâchées en Outaouais en 2006.
Nous espérons certainement qu'un ou plusieurs des oiseaux relâchés en 2004 ou en 2005 sera de retour en Outaouais ou ailleurs au Québec soit cette année ou à l'avenir, ou que d'autres Pies-grièches migratrices de l'Est choisiront de venir passer l'été ici en Outaouais ou ailleurs au Québec et en Ontario.
Afin que nous puissions retrouver un ou plusieurs de ces oiseaux dans la nature, et que nous puissions accumuler des résultats pour le programme de réintroduction expérimentale, nous continuons à avoir besoin d'aide, surtout étant donné la grande quantité de territoire potentiellement utilisable et le fait qu'il est peu probable que les pies-grièches reviennent exactement au même endroit d'où elles sont parties. C'est pour ces raisons que l'aide des ornithologues et des fermiers et autres résidents du Pontiac, de l'Outaouais, du Québec et de l'Ontario est tellement importante – plus nous aurons d'observateurs potentiels, plus nous avons de chances de réussir! Nous avons bénéficié de l'aide de plusieurs observateurs au printemps et à l'été 2005, et nous les remercions chaleureusement de leurs généreuses communications.
Nous vous serions très reconnaissants de nous rapporter pour la saison 2006 (voir les coordonnées ci-dessous) toute observation potentielle de Pie-grièche migratrice de l'Est, fondée sur la description donnée au début de cet article. Il serait très utile que vous preniez quelques notes sur l'allure de l'oiseau, ce qu'il faisait et l'endroit où vous l'avez vu – les pies-grièches se retrouvent surtout perchées sur des buissons ou des arbres isolés, ou sur des clôtures ou des fils. D'octobre à avril, un oiseau très semblable mais beaucoup plus commun, la Pie-grièche grise, visite le sud du Québec et le nord de l'Ontario, donc prenez bien note de la date à laquelle vous faites une observation de pie-grièche. Le masque de la Pie-grièche grise ne s'étend pas au-dessus de son bec comme le fait celui de la Pie-grièche migratrice.
Nous anticipons avec plaisir continuer à travailler avec les résidents de l'Outaouais et de partout ailleurs au Québec et de l'Ontario pour aider l'espèce bien remarquable qu'est la Pie-grièche migratrice de l'Est à survivre et, espérons-le, à se multiplier dans nos régions.
Pour toute observation de pie-grièche ou toute question que vous pourriez avoir sur ce projet, veuillez communiquer avec :
Gérard Desjardins
Club des ornithologues de l'Outaouais
511 chemin McConnell, Gatineau (Québec) J9J 1G5
Tél : (819) 682-1717, courriel : info@coo.qc.ca