Général Lawson, Général Lorimer, Général Beares et Général Milner, membres des Forces de la coalition, biens chers alliés et membres des forces armées et de la mission policière.
Je suis honorée de m’adresser à vous aujourd’hui en ma qualité d’ambassadeure du Canada, au moment où nous abaissons le drapeau de notre pays pour marquer la fin de son engagement militaire en Afghanistan. L’achèvement de la plus longue mission militaire jamais entreprise par le Canada est un événement historique. Aujourd’hui, la fierté, une certaine tristesse et le souvenir de tous nos collègues blessés ou tombés au combat dominent l’ordre du jour.
Mes paroles s’adressent aujourd’hui aux nombreux militaires canadiens et membres de la mission de la police canadienne. C’est grâce à vous que nous sommes ici en ce moment, à vous qui avez rendu cet aboutissement possible.
Depuis plus de 12 ans, vous travaillez avec nos partenaires internationaux et afghans pour rétablir la sécurité dans un pays ravagé par la guerre; pour semer les graines du développement et de la gouvernance dans un sol appauvri et dévasté par la tyrannie. Vous avez jeté les fondements de l’avenir plus brillant soit par les rues, les écoles, les ponts que le résilient peuple afghan mérite tant.
Le régime illégitime, barbare et misogyne des talibans a été chassé du pouvoir. Les camps d’entraînement d’Al-Qaïda qui nous menaçaient tous ont été détruits. La communauté internationale a manifesté sa détermination à combattre la menace mondiale du terrorisme. L’OTAN a montré que les liens noués par ses membres au lendemain de la Seconde Guerre mondiale se sont renforcés toujours davantage au fil des années.
Tout au long de l’engagement de notre pays en Afghanistan, les Forces canadiennes ont collaboré de près avec les Afghans, avec ses alliés de l’OTAN et d’autres partenaires ainsi qu’avec tous les diplomates, les spécialistes du développement, les agents de police et avec de nombreux autres intervenants du gouvernement canadien. Nous sommes tous plus forts quand nous nous donnons la main; nous avons accompli davantage grâce au travail d’équipe que n’importe lequel d’entre nous n’aurait pu le faire en agissant seul.
Malgré tout, le rôle des Forces canadiennes a été unique en son genre, extraordinaire et essentiel. Les progrès que nous avons accomplis ici n’auraient pas été possibles sans votre courage, votre dévouement et votre sacrifice. Vous avez fait honneur aux plus nobles traditions de nos forces armées pour faire en sorte que l’on se souvienne du rôle militaire joué par le Canada en Afghanistan au même titre que celui qu’il a rempli à la crête de Vimy, à Dieppe, à Kapyong, au Kosovo et aux nombreux autres endroits du monde où les Forces canadiennes ont manifesté leur bravoure à nulle autre pareille.
Votre force a protégé les faibles; votre bravoure a semé l’espoir dans les cœurs désespérés, et votre main bienveillante tendue au peuple afghan l’a convaincu qu’un avenir meilleur était à leur portée.
Grâce à vos efforts, 7,7 millions d’enfants afghans fréquentent maintenant l’école, et près de 40 p. 100 d’entre eux sont des filles.
Aujourd’hui, 70 p. 100 de femmes enceintes de plus donneront naissance à des bébés sains, sans craindre pour leur propre vie ou celle de leur enfant.
Les parents peuvent maintenant regarder leurs enfants jouer sans craindre qu’ils soient contaminés par le virus de la polio, car plus de 8 millions d’enfants ont été vaccinés, et le nombre de cas de polio confirmés est tombé à 14 l’an dernier.
Le nombre de cliniques de soins de santé a doublé depuis 2001, et plus de 9 000 professionnels de la santé ont été formés.
Nous n’exagérons pas, mais nous constatons simplement les faits, quand nous disons que des générations de filles et de garçons afghans auront la chance de naître, de grandir en bonne santé et de recevoir une éducation grâce à votre travail. L’infrastructure humaine que vous avez aidé à construire a un potentiel illimité, et nous pouvons déjà voir avec quel acharnement incessant nos partenaires afghans s’affairent à construire leur avenir sur les fondements que vous avez mis en place.
Si ces remarquables réalisations ne suffisent pas en elles-mêmes, rappelez-vous que l’Afghanistan s’apprête à procéder à une élection qui aboutira au transfert pacifique du pouvoir entre un chef élu démocratiquement et un autre, transfert qui sera le premier du genre dans l’histoire de l’Afghanistan. Ce sera une élection dont les hommes ET les femmes du pays décideront des résultats.
Tous ces progrès sont attribuables à vos efforts.
Comme dans tous les pays, la situation en Afghanistan demeure imparfaite, et l’incertitude plane encore sur l’avenir du pays. Bien des défis n’ont pas encore été relevés, et il faut encore faire face à de nombreux problèmes. Ce n’est cependant pas un signe d’échec, mais plutôt de progrès, car les Afghans eux-mêmes se chargent maintenant au premier chef de s’attaquer à ces difficultés.
Par votre travail, vous avez créé des forces armées et une police afghanes mieux entraînées. Le gouvernement de l’Afghanistan peut maintenant se charger de sa propre sécurité, tout comme la communauté internationale l’avait souhaité. Nous respectons la souveraineté de ce pays et son droit à l’autonomie gouvernementale, et vous avez procuré aux forces de sécurité les compétences dont elles avaient besoin pour assumer leurs responsabilités. Vous pouvez maintenant rentrer au pays, convaincus qu’elles réussiront à poursuivre le travail en votre absence.
Maintenant que vous entreprenez votre voyage de retour au Canada – un voyage si bien mérité – vous laissez ici un héritage dont vous pouvez être fiers. Plus encore, toutefois, vous avez aussi ajouté au patrimoine national du Canada, au rôle qu’il joue dans le monde, à sa réputation auprès de ses alliés et à l’identité canadienne en risquant votre vie pour porter secours à un peuple dans le besoin. C’est là un patrimoine dont nous devons nous souvenir et nous nous souviendrons et qu’il nous faut partager et nous le partagerons.
À cette fin, dans quelques heures, des élèves de partout au Canada se joindront à nous pour commémorer cette occasion spéciale. Ils prendront part à une vidéoconférence en ligne depuis leur salle de classe pour en apprendre davantage sur l’engagement de leur pays sur le plan militaire et sur celui du développement en Afghanistan. Les drapeaux seront abaissés dans les écoles et les centres communautaires pour rendre hommage au travail que vous avez accompli ici. On les hissera de nouveau à la fin de la journée pour vous saluer et vous accueillir à votre retour au pays.
Malheureusement, comme c’est toujours le cas quand il s’agit de la guerre, ces progrès n’ont pas eu lieu sans un coût tragique, sans des pertes que l’on ne réussira jamais à remplacer, sans des blessures qui ne guériront jamais. Un soldat m’a déjà dit que chaque guerrier veut que l’on se souvienne de lui, et j’ajoute que nous DEVONS nous souvenir de chaque guerrier. Aspect primordial, nous nous rappellerons les 161 hommes et femmes qui ont fait don de leur vie et le sacrifice douloureux et permanent consenti par leur famille. Nous nous souviendrons aussi de tous ceux et celles qui ont subi des blessures physiques et mentales qui continuent de les affliger, eux et leurs êtres chers.
Je paraphrase ici des mots à un des plus grands généraux du Canada, Sir Arthur Currie. À ceux et celles tombés au combat, je dis ceci : « Vous n’êtes pas morts, car vous êtes entrés dans l’immortalité. Vos familles ne pleurent pas sur votre sort, car elles sont fières d’avoir compté en leur sein des fils et des filles aussi dignes. Vos noms seront vénérés à jamais par votre pays reconnaissant, et Dieu vous emportera au Royaume des cieux. »
Nous pouvons souhaiter que les familles des disparus ne les pleurent pas, mais nous savons que tel n’est pas le cas. De toutes les émotions, la tristesse est celle qu’il vaut mieux partagée. Le seul petit réconfort vient de la conviction que leur sacrifice n’a pas été en vain, qu’ils ont influé positivement sur le cours des choses et que la douleur des êtres chers est partagée par tout un pays reconnaissant. La guerre est triste, elle est tragique et elle peut être plus horrible que l’on ne saurait la décrire, mais elle est aussi inévitable parfois.
On dit qu’il suffit d’une seule chose pour que le mal triomphe, et c’est l’inaction des bons. Vos actions et celles de vos collègues disparus ont mis fin au triomphe du mal. Cette guerre JUSTE a libéré les Afghans et surtout les Afghanes de l’oppression talibane. Elle a préservé des multitudes, partout dans le monde, des souffrances engendrées par le fléau du terrorisme. Elle a permis à des gens qui vivaient dans la guerre depuis des générations d’aspirer à un avenir de paix.
C’est précisément parce que vos courageux efforts et vos nobles sacrifices ont été fructueux que nous resterons en Afghanistan et poursuivrons votre œuvre après votre retour au pays. Aujourd’hui, au cours des prochaines minutes, le drapeau canadien sera abaissé ici en ce lieu, mais demain, il sera de nouveau arboré au lever du soleil afghan, à l’ambassade du Canada. Il flottera en souvenir de tout ce que vous avez accompli et pour symboliser tout ce que nous continuerons de faire avec nos partenaires afghans au cours des jours qui viennent.
Ce récit afghan ne prend pas fin, non plus que le rôle qu’y joue le Canada. Un chapitre important est clos aujourd’hui, mais demain, nous tournerons la page et nous amorcerons la prochaine étape de notre cheminement avec le peuple de ce magnifique pays. Nos diplomates, nos spécialistes du développement et nos partenariats commerciaux continueront de renforcer les liens entre l’Afghanistan et le Canada, liens qui ont été tissés héroïquement par votre labeur et vos efforts incessants et persistants et par vos sacrifices inoubliables. Le travail ne sera pas facile et, comme la mort tragique de deux civils canadiens au cours de l’attaque récente perpétrée au restaurant Taverna nous l’a rappelé, il sera parfois dangereux, mais il est vital malgré tout. Nous poursuivrons notre travail après votre départ parce que vous avez fait en sorte que nous puissions le faire.
Rentrez maintenant au pays qui vous accueillera avec reconnaissance. Allez baigner dans les visages remplis d’admiration des élèves qui iront au lit ce soir encore plus fiers d’être Canadiens et désormais plus conscients de ce que signifie le titre de citoyen du monde. Par-dessus tout, allez retrouver l’amour de vos familles et amis : après une si longue séparation, vous l’avez mérité au plus haut point.
Nous resterons après votre départ. Nous collaborerons avec nos partenaires internationaux et afghans pour poursuivre la mission que vous avez entreprise il y a déjà de nombreuses années. Nous nous efforcerons chaque jour de faire honneur à l’héritage que vous laissez ici. Vous nous manquerez, et nous saurons toujours que nous sommes ici grâce à vous. VOUS avez rendu notre travail possible, et c’est là une vérité que NOUS n’oublierons jamais. Nous nous souviendrons. Merci. Et maintenant « bon retour » à tous.