1990
Le Nadine : 8 pertes de vie

Hommage aux huits disparus en mer.
Le Radar, vol. 19 no. 28, du 8 au 14 janvier 1991, p. 5
Hommage aux huits disparus en mer.

Le Nadine est un chalutier qui pratique la pêche au sébaste. Il est la propriété de Madelipêche. Construit aux ateliers Verreault Navigation aux Méchins en 1974, il est le frère jumeau du Rallye II. Il mesure 40 mètres de long, 10 mètres de large et 5 mètres de profondeur. Le navire a un tonneau de 493.20 tonnes brutes. Il est équipé d'un moteur diesel de huit cylindres. Sa valeur marchande est évaluée entre huit et dix millions. Le Nadine est d'abord affecté à l'usine de Paspébiac en Gaspésie, puis il est acheté par Madelipêche.

Le 16 décembre 1990, les vents soufflent en direction sud-est à 55 nœuds. Le Nadine qui quitte la région de Terre-Neuve, fait route vers le port de Cap-aux-Meules, les cales chargées de sébaste. Le débarquement est prévu pour huit heures le lendemain matin.

À 22h37, la radio de Cap-aux-Meules capte le message de détresse du Nadine.

  " Ici le Nadine, 10 personnes à bord, voici notre position : 47 degrés, 26,3 minutes latitude nord par 62 degrés 19 minutes longitude ouest, ON COULE… " (1)  

Toute communication est alors rompue, puisque la génératrice tombe en panne. Le Nadine pris dans la tempête, dont les vagues atteignent de 12 à 15 pieds est sans courant électrique, sans lumière, sans radio et sans Loran C (système de navigation).

Aussitôt le message reçu à la radio marine de Cap-aux-Meules, il est transmis à la garde côtière de Dartmouth en Nouvelle-Écosse. Puis, à 22h40, le Cutter, navire de la Garde côtière de Cap-aux-Meules, quitte le port avec à son bord le capitaine Gérard Boudreau, Charles Cormier et Jean Leblanc afin de porter secours aux membres de l'équipage du Nadine. À 1h15 dans la nuit, le Cutter arrive sur les lieux de la tragédie. Malheureusement, le Nadine et son équipage ont coulé à 10,4 milles au large de Grande-Entrée.

Le Simon-Fraser, brise-glace de la garde côtière, est aussi dépêché sur les lieux de la catastrophe et les recherches se déroulent pour tenter de trouver des survivants. Des avions tentent d'éclairer la scène avec des fusées lumineuses lancées dans le ciel. Deux membres de l'équipage sont retrouvés. Le capitaine du Nadine, Robert Poirier, flotte à la surface dans son habit de survie, vivant, il supporte Émile Poirier qui ne survivra pas.

On trouve par la suite un premier radeau de sauvetage, mais il est vide. Un deuxième est trouvé à 1 mille et ¾ de Grande-Entrée, Serge Poirier y est retrouvé vivant. La zone est passée au peigne fin. Différents navires se sont joints aux deux premiers pour les aider dans leurs recherches; Le Mary Hichton, le Ann Harvey, le Souliedo, le GC Gordon, le Cap-Adèle, le Manon-Yvon et le Jean-Mathieu. Les corps de trois autres marins sont repêchés, soit Augustin Vigneau, Jacquelin Miousse et Pierre Cyr.

Le lendemain le bateau, le Souliedo, aperçoit une tâche d'huile à la surface de l'eau, ce qui permet de localiser le Nadine. Le 18 décembre, les plongeurs Mario Cyr et Gaston Arseneau effectuent une première descente sur l'épave. On y trouve le corps de Gérard Vigneau dans la timonerie. Les corps d'Estelle Laberge, biologiste en mission d'observation, de Lauréat Deveau et Mario Leblanc sont introuvables.

Le 21 décembre 1990, 1300 personnes assistent aux funérailles des cinq marins retrouvés, en l'église Saint-Pierre de Lavernière. Ces pertes sont marquantes pour la communauté des Îles. Un poète a écrit une complainte sur la tragédie du Nadine afin que l'on garde en mémoire cet événement marquant de l'histoire locale.

L'enquête menée par le Bureau des Transports du Canada, la Sûreté du Québec et la Gendarmerie Royale du Canada débute en janvier 1991. Six plongeurs et un inspecteur du Bureau des Transports du Canada procèdent à l'inspection extérieure et intérieure de l'épave et visualisent l'épave par photogrammétrie. L'inspection du navire permet de retrouver le corps de la biologiste Estelle Laberge. Cette enquête démontre aussi que les membres de l'équipage se sont réunis dans la timonerie peu de temps avant le naufrage, mais que la plupart n'ont pas eu le temps d'enfiler leur habit d'immersion qui leur aurait permis de survivre de 2 à 24 heures dans l'eau froide. Comme le bateau est couché sur le côté et que les radeaux de sauvetage se sont déployés à l'envers, les membres de l'équipage ne peuvent embarquer.

Les audiences publiques permettent d'apprendre qu'une fois le message de détresse lancé, la génératrice s'arrête et que peu de temps après, le navire se met à reculer. Une vague déferle alors sur le navire qui commence à s'enfoncer. Les hommes qui s'occupent à déployer les radeaux de sauvetages sont balayés par la mer.

L'enquête prouve que les couvercles de certains troues d'homme sont déplacés, ce qui entraîne une infiltration d'eau graduelle dans les cales à poissons et par le fait même fait pencher le navire. Selon l'expert Donald Tremblay, ce problème n'a pas joué un rôle déterminant dans la catastrophe, mais contributoire. Toujours selon cet expert, ancien professeur à l'Institut Maritime du Québec, l'eau s'est d'abord infiltrée par la porte de l'écoutille de la cambuse, qui n'était pas verrouillée, pour ensuite gagner le tunnel de l'arbre de l'hélice. Simultanément, l'eau s'infiltre par les troues d'homme déstabilisant le chalutier rempli de sébaste. Lorsque l'eau atteint le moteur électrique qui actionne le gouvernail, il se produit un court circuit et le navire est impossible à gouverner. La descente vers le fonds est rapide. Selon lui, le pas de l'hélice, qui s'est mis à la renverse, n'a pas eu un effet important sur le naufrage.

Le 8 novembre 1991, le Nadine est remonté à la surface par la compagnie Gama Aquatec, propriété de Mario Cyr et de Gaston Arseneau. Il est transporté par le Smit Tak jusqu'au port de Grande-Entrée ou une grande corvée de nettoyage et de remise en marche l'attend. L'opération de renflouage et de reconditionnement coûte entre 400 000$ et 450 000$. Au printemps 1992, il est prêt à effectuer un retour en mer.

1- Le Radar, vol. 19 no. 28, du 8 au 14 janvier 1991. p. 3

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Dernière mise à jour: 11 mars, 2004
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