En 1916, les Canadiens adoptèrent une nouvelle façon d'utiliser le canon - le tir indirect -, une méthode qui, selon eux, permettait de renforcer le feu de l'artillerie lourde. Avec cette méthode, que désapprouvaient
les Britanniques et les Français, les fantassins et les cavaliers pouvaient difficilement rester à découvert. Les manoeuvres en surface furent donc réduites, ce qui modifia les activités sur le champ de bataille. L'ut
ilisation croissante des mitrailleuses, des gaz et de l'artillerie finit même par limiter considérablement les mouvements de l'infanterie et de la cavalerie.
La majorité des efforts furent dorénavant consacrés au creusement de tranchées et de tunnels. Des réseaux très étendus furent ainsi créés pour protéger les fantassins, qui durent co
mbattre à partir de positions fixes en concentrant leur feu et leurs attaques sur des secteurs précis.
C'est lors des batailles comportant peu de mouvements que l'artillerie était la plus efficace. Elle dominait alors le champ de bataille, car le feu provenait surtout des armes lourdes. Ces armes étaient toutefois très difficiles
à déplacer et, dès que la ligne de bataille changeait, elles perdaient toute leur utilité. Il revenait alors à l'infanterie d'avancer jusqu'à la zone bombardée et de finir le travail. Les lignes de batail
le ne changèrent pas beaucoup pendant la Première Guerre mondiale.
Pour sortir de l'impasse de la guerre des tranchées, il fallait bouger. Le pilonnage permettait d'affaiblir les réseaux de tranchées ennemis. Après des tirs nourris de l'
artillerie, l'infanterie se lançait à l'assaut. Les fantassins devaient franchir leurs propres barbelés, atteindre la première ligne, puis entrer dans le No Man's Land. Il était très dangereux de quitter
la protection des tranchées, mais c'était le seul moyen de s'emparer des positions ennemies. L'artillerie ne pouvant qu'affaiblir ces positions, il revenait à l'infanterie de prendre possession du terrain. Tout en avançant, les soldats lançaient des grenades, contournaient les barbelés et évitaient les trous d'obus.
Cette tactique laissait toutefois les soldats canadiens sans
défense face aux contre-attaques allemandes. Les Allemands
avaient le temps de se remettre de l'attaque canadienne et de se
retrancher dans des positions défensives. Lorsque les attaquants
traversaient le No Man's Land, leurs baîonnettes et leurs fusils ne
faisaient pas le poids contre les mitrailleuses de l'ennemi. Cette stratégie était inefficace et même su
icidaire.
Les Canadiens s'étaient bien rendu compte que ces tactiques britanniques étaient non seulement inefficaces mais aussi mal exécutées. Ils savaient qu'avec un peu de recherches et de planification, il était possible d'
améliorer la technique du barrage roulant utilisée pour prendre d'assaut les positions ennemies. Selon eux, le succès de cette stratégie reposait avant tout sur une planification soignée et sur une collaboration é
;troite entre l'infanterie et l'artillerie. On expliquerait donc aux fantassins le plan d'attaque et ce qu'on attendait d'eux. Ces changements apportés par les Canadiens permirent de perfectionner la technique du barrage roulant.
Les soldats attendaient l'heure H dans un état de grande nervosité. Plusieurs heures avant le déclenchement de l'attaque, les troupes se mettaient en position. Les hommes s'asseyaient alors et at
tendaient en silence sous le crachin. À l'aube - moment de la
journée où les attaques étaient le plus souvent
lancées -, l'artillerie lourde entrait en action dans un fracas de tonnerre. Le bruit du canon et des mines qui explosaien
t se répercutait à tous les échos et faisait trembler la terre. Les soldats entendaient au-dessus de leurs têtes le sifflement des obus et voyaient au loin l'éclair des explosions illuminer le ciel. Le crépitemen
t des mitrailleuses et des fusils, qui appuyaient le feu de l'artillerie, se mêlait au grondement des armes lourdes. Ce bruit infernal couvrait tous les autres sons. Les anciens combattants qui se rappellent cette expérience déclaren
t bien souvent qu'il n'y a pas de mots pour décrire ce bruit, le plus fort qu'ils aient jamais entendu.
Le barrage roulant progressait petit à petit, suivi par
l'infanterie. L'assaut était alors donné à fond.
L'artillerie pilonnait les lignes allemandes en se concentrant sur les
canons et les tranchées, cibles localisées grâce
à l'information recueillie par les troupes avant la bataille. La
transmission de ces renseignements sur les positions ennemies
était essentielle, d'où le rôle capital joué
par les communications dans la planification des attaques. Lorsque la stratégie était mise en oeuvre avec succès, les Allemands étaient confinés dans leurs tranchées par les tirs de barrage et ne pouvaient donc pas lancer facilement de contre-atta
ques contre les Canadiens.
Le feu nourri de l'artillerie détruisait tout ce qui se trouvait sur son passage. Pour demeurer à l'abri des tirs - aussi bien ceux de l'ennemi que ceux de leurs propres artilleurs -, les fantassins canadiens devaient suivre de près le barrage. À mesure que celui-ci se déplaçait, les
troupes avançaient et ce, à la vitesse de 100 mètres toutes les trois minutes. Cette vitesse devait être respectée scrupuleusement, car une progression trop rapide ou trop lente pouvait entraîner la mort. En effet, si les soldats se déplaçaient trop rapidement, ils risquaient d'être tués par leur propre artillerie. S'ils avançaient trop lentement, ils se trouva
ient exposés au feu de l'ennemi.
Les Canadiens améliorèrent la technique originale du barrage roulant en la rendant plus efficace. L'application de méthodes scientifiques à l'artillerie lourde permit de frapper avec plus de précision les cibles ennemies. Les principes de la physique ainsi que les conditions météorologiques - vitesse et direction du vent, température de l'air et état du canon de la pièce d'artillerie - furent pris en considération lors des t
irs. Ces facteurs, auxquels les Britanniques et les Français n'attachaient aucune importance, permirent d'améliorer la précision des tirs.
On utilisait les mitrailleuses pour compléter les tirs de l'artillerie lourde. Le tir indirect de ces armes légères - on visait au-dessus de la tête des attaquants - permettait de renforcer le barrage roulant. On se servait aussi de gros canons lançant des fusées pour détruire les réseaux de barbelés. Grâce aux brèches ainsi créées,
les fantassins pouvaient se déplacer plus facilement dans le No Man's Land. On continuait de tirer pour empêcher l'ennemi de colmater les brèches. Cette technique rendait aussi la tâche plus difficile aux Allemands, qui
pouvaient moins aisément sortir de leurs tranchées et
lancer une contre-attaque. Lorsque le barrage roulant était
levé, les troupes se lançaient à l'assaut à
la baîonnnette. Les soldats franchissaient alors le No Man's
Land et essayaient d'atteindre les lignes ennemies. Il s'ensuivait bien souvent un combat corps à corps.
Si l'attaque était couronnée de succès, les fantassins se retranchaient. Ils assuraient leur emprise sur les tranchées allemandes qu'ils venaient de conquérir en nettoyant toutes les poches de résistance laissées derrière eux. Ils réparaient ensuite les tranchées et s'en servaient pour les attaques futures.
Le barrage roulant finit par remplacer le type de barrage utilisé auparavant.
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