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Résumé
« Espoir I » de Gustav Klimt
par Johannes Dobai
English article
Page 1
D'après
Ludwig Hevesi, ami de Klimt et dont les commentaires sont habituellement
considérés dignes de foi, Gustav Klimt aurait peint Espoir I au cours de l'été de 1903 dans le but de le présenter
à l'automne lors d'une exposition rétrospective de ses oeuvres.
Espoir I n'avait toutefois pas figuré à cette exposition,
organisée par la Sécession de Vienne, un groupe formé
de jeunes artistes « non conformistes » dont Klimt avait
été le premier président. L'artiste aurait accepté
l'avis du ministre de l'Instruction publique de ne pas exposer sa toile.
C'est à Berlin, en 1905, que Klimt l'a tout d'abord exposée,
puis à Vienne en 1909, en même temps que Vision, une
variante du même thème. Vers 1905, Espoir I avait été
achetée par le collectionneur viennois Fritz Waerndorfer. Ce dernier
avait cependant gardé jalousement ce tableau « isolé
de tout regard profane derrière deux portes hermétiquement
closes ». Ce tableau est certainement celui qui, parmi les créations
de Klimt, a soulevé le plus de controverses. Certains contemporains
le considèrent cependant comme une oeuvre d'inspiration religieuse.
A cette époque, plusieurs voyaient dans les oeuvres de
Klimt une interprétation de thèmes sombres et défaitistes. Voyons cependant l'analyse que fait son ami
Hevesi
d'Espoir I:
« II s'agit, dit-il, d'Espoir, oeuvre réputée,
ou plutôt mal famée, qui représente une jeune femme enceinte
que l'artiste a osé peindre sans ses voiles C'est un de
ses chefs-d'oeuvre, une création profondément émouvante.
La jeune femme chemine, sereine, dans (a sainteté de son état.
Des masques immondes et grimaçants, d'une lubricité blasphématoire,
se pressent vers elle; les démons de la vie...mais ces tentations ne la troublent pas. Elle s'avance dans la voie des
horreurs,
incorruptible et pure, grâce à l'Espoir qu'elle porte dans
Son sein. C'est une image symbolique - écho moderne
du thème qu' Albrecht Dürer traite dans son tableau Le
Chevalier, la Mort et le Diable. Cette image est interprétée
avec une sensibilité romantique, à une époque où
toutes les tendances à l'émancipation convergent. Est-il
étonnant que « Jes purs » aient frappé l'oeuvre
d'anathème et condamné l'artiste à cent mille ans de purgatoire?
Les manuoevres d'une majorité hostile
ont empêché d'exposer la toile à l'exposition Klimt,
il y a deux ans. Elle se trouve actuellement dans le sanctuaire le plus
privé de la maison Waerndorfer. » « Ludwig Hevesi, Das Haus
Waerlldorfer (1905), dans Altkunst-Neukunst, Wien 1894-1908, Vienne, 1909, p. 223.)
Cette analyse d'Hevesi est assez juste si l'on tient compte
de l'évolution de l'artiste dans les années qui ont précédé
Espoir I. En effet, déjà en 1901, Klimt peint, dans
le coin en haut à droite de son tableau La médecine, un nu semblable de femme enceinte. L'iconographie complexe de cette
oeuvre, que les critiques du temps ont fortement attaquée, fait
ressortir la nature du
monde imaginaire du peintre à la fois agnostique, pessimiste et
sceptique. La même vision, le même univers d'idées sont
à l'origine d'Espoir I. Klimt a voulu, en recourant à
un symbolisme ésotérique, exprimer, par une seule image,
le réalisme de la vie, contestant ainsi l'esprit des philistins
de l'époque victorienne et la « sainteté
auguste » de la gestation. Bien que le fond des oeuvres symboliques (conformément
aux concepts des symbolistes) ne puisse se ramener qu'avec prudence à
des formules rationnelles et logiques, Klimt avait sans doute l'intention
de symboliser par les monstres (comme la tarasque marine), les « puissances
philistines ». La substance de certaines autres de ses oeuvres et
la position qu'il occupait alors dans le monde de l'art viennois confèrent
aussi une certaine plausibilité à cette hypothèse.
La lutte contre les concepts béotiens n'est, cependant,
qu'un aspect de la teneur de cette toile qui est aussi un symbole plus
profond de l'entité que forment la vie et la mort. Toutefois, la
mort et le renouvellement de la vie ne sont que des facettes de l' « énigme
du monde », que ne peuvent résoudre les simples facultés
intellectuelles. C'est seulement dans l'optique de l'iconographie complexe
de La médecine et d'autres tableaux de Klimt, qu'il est possible
de comprendre cet aspect essentiel de l'oeuvre en question.
Klimt a repris plusieurs fois l'étude du même thème.
De nombreux dessins datant de différentes périodes d'activité
le confirment. Il s'agit, en partie, d'études ou de projets de
composition, comme l'esquisse d'une frise, ponctuée, à certains
intervalles, par le personnage principal d'Espoir I. C'est toutefois Vision, peinte en 1907 et exposée en 1909 en même temps
que Espoir I, qui contribue de façon significative à
l'interprétation de l'oeuvre: dans Vision, Klimt insiste
d'une façon beaucoup plus évidente que dans l'autre tableau
sur le « caractère sacré » de la gestation. C'est d'ailleurs
conforme à tout son développement. Ainsi voit-on dans les
ébauches pour la fresque de Stoclet le baiser revenir comme un leitmotiv
auquel Klimt semble vouloir donner une valeur spirituelle. Cependant, peu
de temps avant sa mort, Klimt revient au motif d'Espoir l dans
les esquisses préliminaires d'Adam et Eve, oeuvre qu'il n'a
pu achever. L'analyse de ses dessins confirme également la teneur
principalement humaniste (et en partie autobiographique, bien que voilée)
d'Espoir I, l'oeuvre qui marque l'étape la plus importante
dans l'évolution artistique de l'artiste. Le tableau appartient
à sa toute première époque. Il anticipait déjà
non seulement sur le principe du montage, mais sur le contraste des divers
plans réels dans une même oeuvre.
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