Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin 17, 1971

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Résumé

La restauration d'un Reynolds

par Mervyn Ruggles

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Page  1

La première peinture européenne d'importance à être acquise par la Galerie nationale du Canada fut le portrait de Charles Churchill par Reynolds (achetée en 1910) peint en 1755 à Londres, lorsque l'artiste avait trente-cinq ans. Si l'on en croit le carnet de séances de pose du peintre, le portrait fut commencé à midi, le jeudi 15 avril, dans l'atelier de la rue Great Newport. La date où il fut achevé est inconnue, mais Waterhouse estime qu'il fallait au moins neuf séances à Reynolds pour exécuter un portrait de 30 sur 25 pouces. Le portrait aux genoux de Churchill demanda évidemment plus de temps. Cette année-là, 120 modèles ont posé pour Reynolds. En 1758, il a 150 clients qu'il réussit à satisfaire en peignant tous les jours, y compris les dimanches. C'est son année de plus grande production. 

En octobre 1752, après un séjour de trois ans en Italie, Reynolds revient à Londres où il s'installe en 1753. Nous sommes à peu près certains que jusqu'à cette période il avait utilisé la technique directe de son maître Hudson (pigment dans l'huile de lin). A son retour d'Italie, il s'engage dans des « travaux d'expérimentation » et se sert de nouveaux mélanges avec d'autres huiles, expérience qu'il poursuivra tout au long de sa carrière. Malheureusement, certaines surfaces du Churchill de la Galerie nationale présentent des signes évidents de ce traitement expérimental. A cette époque, Reynolds préfère déjà les bleus, les gris et les bleus tirant sur le noir. H. A. Buttery signale l'usage que fait le peintre d'un carmin fugitif sur un apprêt à la céruse pour rendre les tons de chair. Les carmins couramment employés à cette époque n'étaient pas permanents et leur utilisation par Reynolds pour rendre les tons de chair donne des résultats qui sont loin d'être satisfaisants. Ce n'est que beaucoup plus tard que Reynolds commence à employer le vermillon, plus stable, pour la couleur chair. Il utilise du bitume, mélange brun à base de goudron, comme additif pour ses arrière-plans et les ombres, et mélange souvent les cires et les pigments avec des siccatifs rapides. Il existe de nombreux exemples des efforts expérimentaux de Reynolds.

Le Portrait de Charles Churchill a été nettoyé et verni par F. W. Colley, restaurateur à contrat de la Galerie nationale du Canada, en 1923. Ces dernières années, le vernis de résine naturelle (le dammar) avait beaucoup jauni (fig. I), les tons de chair avaient pris une teinte jaunâtre, et un réseau sombre et mat de fissures, semblable à celui que présente la vieille porcelaine, voilait les détails de l'arrière-plan. Par conséquent, et parce que le support, bien qu'il eût été entoilé il y a une centaine d'années, était fragile, usé dans les coins et qu'il se fendillait aux arêtes du châssis (fig. 7), le Laboratoire national de restauration et de recherche commença un traitement complet de restauration après qu'une étude préliminaire détaillée fut soumise. Ce rapport comprenait des examens aux rayons X (fig. 6), à l'infrarouge et à l'ultraviolet (fig. 8). Les radiographies révélaient que Reynolds avait changé la position de la main gauche du modèle qui reposait à l'origine sur un parapet, que le feuillage avait d'abord été peint dans le coin supérieur gauche de l'arrière-plan et qu'un feston de feuilles existait près du centre en haut, au-dessus de la tête. Les radiographies montrèrent aussi qu'un réseau de craquelures dues à la présence du bitume avait été recouvert au cours de restaurations antérieures. Ces craquelures couvraient presque tout l'arrière-plan, sauf le ciel du coin supérieur gauche. Heureusement, le personnage de Churchill n'a été aucunement touché par le bitume. Les essais ultérieurs aux solvants ont démontré que Reynolds avait lui-même peint par-dessus le feuillage du coin supérieur gauche, mais que la branche autre-fois située au-dessus de la tête avait été altérée beaucoup plus tard par une autre main. Ce n'est qu'après l'enlèvement du vernis jauni, à l'aide d'un solvant composé de parties égales d'acétone et de tétrachloréthylène, que fut révélée l'étendue réelle du surpeint de l'arrière-plan; le but avait été de cacher l'important réseau de craquelures de contraction (fig. 2). Une série d'îlots blancs à l'aspect d'enduit au plâtre fin commençèrent à émerger graduellement à différents endroits sur la couche picturale. L'enduit (du blanc d'Espagne lié avec de la colle animale) avait été étalé à la spatule pour combler les vides laissés par le retrait de la couche de peinture, et couvrait une surface beaucoup plus grande que nécessaire. La photomicrographie (fig. 3) en donne un exemple. Les essais aux solvants dans la partie de la main gauche indiquent que c'est encore Reynolds lui-même qui a changé le parapet en souche d'arbre bien que l'on ignore les raisons qui l'ont poussé à le faire. L'enlèvement du vernis jauni a révélé une couche de pigments blancs et fermes avec des traces de carmin décoloré, et une coleur rouge sur les joues et les lèvres. On s'est rendu compte qu'il s'agissait de retouches faites au cours d'une restauration ultérieure parce qu'elles recouvraient les craquelures d'âge dues au vieillissement de la couche picturale originale (fig. 5).

Un examen au microscope a révélé que la première couche d'apprêt était de couleur gris pâle de type commercial, indiquant que Reynolds ne préparait pas lui-même ses toiles, mais les achetait déjà montées sur châssis. Sur toute la surface réservée au ciel, il appliqua une couche d'impression chromatique bleue-noire avant de peindre le ciel. En second lieu, l'arbre à droite et le feuillage furent étudiés. Le bleu-noir de la couche d'impression semble altérer quelque peu le blanc du visage, produisant la coloration gris pâle actuelle. Huit échantillons minuscules de pigment (fig. 9), chacun d'un diamètre deux fois moindre que celui d'une tête d'épingle, furent prélevés par M. R. Boyer pour être analysés au moyen de la diffraction et de la spectroscopie à rayons X. Voici les résultats de cette analyse:

1 Jaune sur la souche d'arbre: ocre jaune et blanc de plomb

2 Vert à gauche de la souche d'arbre: ocre jaune, bleu de Prusse et blanc de plomb.

3 Vert sous le coude gauche: ocre jaune, bleu de Prusse et blanc de plomb

4 Peinture brune au-dessus de la souche d'arbre: brun organique (bitume 1) et blanc de plomb

5 Peinture blanche sur le volant de la manchette de dentelle droite: blanc de plomb

6 Peinture jaune dans le ciel, près du coude droit: jaune de Naples

7 Peinture bleue de la bordure supérieure gauche: bleu de Prusse et blanc de plomb

8 Peinture bleu foncé du ciel, immédiatement au-dessus de la tête: bleu de Prusse et blanc de plomb.

Une fois le vernis enlevé, un scalpel fut employé pour gratter les îlots d'enduit au plâtre fin. Les surpeints de la surface écaillée du coin supérieur droit ont été enlevés avec la couche de vernis. La vieille toile a été enlevée et l'adhésif à la colle en pâte a été soigneusement gratté. On s'est servi de la table chauffante à vide pour rentoiler le portrait avec de la toile écrue en utilisant l'adhésif spécial à la cire et à la résine de la Galerie nationale (deux parties de cire d'abeille jaune, deux parties de cire microcristalline W - 445, une partie de résine cyclohexanone). Un nouveau châssis, plus approprié, remplaça l'ancien. Quelques repeints à la résine synthétique furent nécessaires pour assortir les lacunes de la vieille peinture. On appliqua, enfin, deux couches protectrices de résine cyclohexanone dans du xylène (fig. 4).

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