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L'analyse de la composition de l'orfèvrerie religieuse
par R. M. Myers et J. F. Hanlan
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Page 1
L'étude traditionnelle d'objets ouvrés par la recherche historique et l'expertise bénéficie de plus en plus de l'examen et de l'analyse
scientifiques. Conjointement à une recherche sur des pièces pour une exposition importante de l'orfèvrerie de France et de Nouvelle-France* que la Galerie nationale a présentée en 1974,
nous avons entrepris d'analyser chimiquement l'orfèvrerie religieuse qui figure actuellement dans sa collection.
L'argenterie canadienne a été, dans la plupart des cas,
refondue à partir de rebuts, de pièces de monnaie ou de «
vieil » argent, ce qui suppose l'emploi d'un large éventail
d'alliages. De ce fait, on ne peut prétendre découvrir, chez quelque artisan que ce
soit, une même fmesse du métal ou encore l'utilisation constante d'un métal
provenant d'une source particulière. Il existe toutefois une certaine continuité au niveau de la qualité des pièces sur une longue période de temps.
Nous avons donc décidé d'analyser quantitativement des objets de cuivre et d'argent et de noter la présence de tous les éléments
identifiables.
Toutes les analyses ont été effectuées à
l'aide d'un spectroscope à rayons X à dispersion d'énergie
(voir fig. I). En raison de la grande efficacité du genre de détecteur utilisé, il a été possible de procéder à l'excitation complète et sûre des éléments à l'aide de radio-isotopes et d'analyser rapidement tous les éléments à partir du nombre atomique II (sodium) en
montant. Autre avantage, aucun échantillonnage n'est requis, car on place la partie choisie de la pièce directement devant le détecteur et l'analyse se fait.
Pour obtenir des résultats quantitatifs, on calcule les pourcentages maximums de cuivre et d'argent et on en fait une moyenne
(voir fig. 2). Ce résultat est ensuite comparé à
un graphique standard d'étalonnage permettant de connaître le pourcentage d'argent et de
cuivre. Soucieux d'atteindre une plus grande précision
statistique, nous avons prix deux lectures de chacune des parties considérées.
Puisque cette technique permet d'analyser uniquement une couche de
surface très mince, il est important que celle-ci soit représentative de la composition globale de
l'objet. Il a été établi que tel était le cas puisque aucune couche de surface très riche n'aurait pu résister à des polissages constants.
Plus de 40 pièces de la collection ont été examinées, mais pour trois artistes
seulement, soit François Ranvoyzé [Québec, 1739
-Québec, 1819], Louis Amiot [Québec, 1764- Québec,
1839], et François Sasseville [Sainte-Anne, La Pocatière,
1797- Québec,
1864], avions-nous assez d'articles pour nous permettre de tirer des conclusions statistiques pertinentes quant à la fmesse de l'argent utilisé dans les
oeuvres
(voir fig. 3).
Nous avons découvert que dans 80% des cas, les oeuvres
de Ranvoyzé avaient une teneur en argent supérieure à
95%, norme française. Cela est plausible, puisque Ranvoyzé
est le plus ancien artisan des trois et qu'une bonne partie de l'argent
importé de France devait être disponible pour fins de refonte.
Avec le temps, toutefois, cet argent d'excellente qualité devint
de plus en plus rare, et l'on se mit à utiliser davantage des pièces de monnaie et de l'argent moins pur comme
alliage, entraînant ainsi une baisse de la qualité.
Seulement 36.4 % des oeuvres d'Amiot se situaient au-dessus de la norme française et, à l'époque de
Sasseville, seulement 25% des oeuvres étudiées contenaient un argent de bonne qualité. Au cours de la période de cent ans couverte par ces artistes, nous discernons
nettement une baisse de la qualité de l'argent
disponible.
Nous avons aussi découvert que la composition des pièces
simples variait très peu d'une partie à l'autre, habituellement
de 1 à 3%. Si l'analyse d'une partie spécifique diffère
totalement du reste de l'objet, il est probable qu'à la suite d'un
examen plus approfondi, on retrouvera des ajoûts ou des réparations. Lorsque l'analyse de la coupe de calice n° 14792
(voir fig. 4) démontra que l'argent utilisé pour sa fabrication était de 5.4% moins pur que le reste de l'argent du
calice, nous avions des raisons de croire que la coupe était un ajoût. En fait, nous avions déjà des doutes à ce
sujet, car de par son style, elle différait du reste du
calice.
Il ne semble pas probable, actuellement, que l'analyse chimique
seule puisse déterminer l'authenticité de l'orfèvrerie
canadienne; néanmoins, elle constitue une méthode à
même de confirmer les preuves obtenues par d'autres méthodes
et de faire ressortir les modifications et les réparations.
*Voir le catalogue accompagnant l'exposition (édition française et édition anglaise
disponibles) rédigé par Jean Trudel, Conservateur de l'art canadien ancien à la Galerie nationale du Canada: L'orfèvrerie en Nouvelle-France, Galerie nationale du Canada, Ottawa,
1974, 240 pages.
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