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Gaspard Dughet: Un nouveau dessin
apparenté aux gouaches de la galerie Colonna
par Marco Chiarini
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Jusqu'à tout récemment,
à ma connaissance, quatre dessins (1) seulement pouvaient s'apparenter
aux paysages à la gouache de la galerie Colonna, à Rome, l'une
des oeuvres les plus importantes de Dughet. Maintenant, un autre
dessin de qualité supérieure, appartenant à la Galerie
nationale du Canada, vient s'ajouter à ces études. (2) Le dessin à
la pierre noire sur papier bleu-vert représente un paysage rocheux
avec une voûte naturelle: à l'arrière-plan se trouve un rocher
(semblable à celui qui paraît dans l'un des quatre tableaux ronds
de la collection Devonshire à Chatsworth); à droite, une chute
d'eau; à gauche, un tronc d'arbre et quelques arbustes; et,
presqu'au centre, esquissée de façon imperceptible, une figure
d'homme appuyée à une butte (fig. 2).
Mis à part quelques légères différences de dimensions et
quelques détails plus soignés dans le tableau, il est évident que
la composition correspond parfaitement à l'une des gouaches de la
galerie Colonna, plus précisément à celle portant le no 130
(fig. 1). (3) Comme c'est souvent le cas chez Dughet, la feuille d'études
est de grande dimension et le dessin, exécuté à la pierre noire
sur papier bleu-vert, révèle la technique qu'affectionnait le
peintre dans sa maturité.
La datation des gouaches Colonna a été modifiée à plusieurs
reprises (4) et, en ce qui concerne leur ordre chronologique, nous possédons
un dossier d'une valeur inestimable: la biographie de l'artiste
par Filippo Baldinucci, (5) dans laquelle les gouaches sont datées
de la période suivant immédiatement les années où Gaspard exécuta
le cycle des fresques de l'église Saint-Martin-aux-Monts
(1648-1651). Comme le faisait récemment remarquer Marcel
Roethlisberger et contrairement à plusieurs opinions, (6) il n'y a
aucune raison de douter du passage de Baldinucci selon lequel « le
connétable Colonna [...] commanda » à Dughet, après qu'il eut
terminé le cycle de Saint-Martin, « plusieurs fresques pour des
salles de son palais, des frises et des dessus de portes, ainsi que
des tableaux à l'huile, qui étaient fort loués ». Les gouaches,
que l'on considère comme étant une partie des travaux exécutés
pour le compte de la famille Colonna et dont certaines sont
probablement les « dessus de portes » mentionnés par l'historien
de Florence, peuvent donc dater de sa période de pleine maturité,
soit vers 1665.
Bien que nous ne sachions encore si les dessins apparentés aux
tableaux de Dughet (autres que ceux de Saint-Martin-aux-Monts) sont
des études préliminaires ou des transpositions de la toile sur
papier, (7) il est absolument certain que les études correspondant aux
gouaches Colonna datent de la même époque que les tableaux.
La technique employée par Gaspard, dans l'exécution de cette série
d'oeuvres, est celle qui caractérise sa maturité et ses dernières
années, lorsque l'influence de Nicolas Poussin et de sa façon de
traiter l'aquarelle (toujours présente dans plusieurs études préliminaires
pour les fresques de Saint-Martin) (8) aura presque complètement
disparu. C'est à ce moment, en fait, que l'emploi de la pierre
noire sur papier bleu-vert, parfois avec des rehauts, devint
prédominant. (9)
Le dessin d'Ottawa cadre bien avec cette période de travail pour la
famille Colonna, alors qu'il exécuta également des fresques dans
deux des salles du palais. Il existe des dessins de la décoration
de l'une de ces salles, dont la facture est très proche du dessin
d'Ottawa. Des trois feuilles d'études que l'on possède, l'une est
au Kunstmuseum de Düsseldorf (fig. 3) et les deux autres, à la
Crocker Art Gallery de Sacramento. Seule cette connaissance récente
des fresques maintenant me permet d'établir une relation entre les
paysages des dessins et ceux des fresques. (10)
La ressemblance de style entre les fresques et les gouaches, ainsi
que les dessins en rapport avec celles-ci, vient confirmer qu'elles
furent exécutées à la même époque, ainsi que le soutient
Baldinucci. En comparaison des autres dessins exécutés par
Dughet pour la famille Colonna, la feuille d'études d'Ottawa est
parmi les meilleures. Par la souplesse de la touche et la hardiesse
du traitement, elle se range parmi les plus pittoresques connues
jusqu'à maintenant (Vienne, Sacramento et Düsseldorf), (11) tandis
que les autres feuilles d'études sont plus sèches et plus
schématiques. (12)
Du point de vue technique, le dessin d'Ottawa, par sa douceur et
l'atmosphère qu'il recrée, est comparable à certaines oeuvres
plus complexes. (13) Uniquement au moyen du contraste de la pierre
sur le fond coloré du papier, Gaspard obtient une intensité
lumineuse et une ambiance des plus remarquables. Ce type de synthèse
formelle diffère de l'approche très réaliste et analytique de son
contemporain Claude Lorrain. De ce point de vue, il est caractéristique
que Dughet laisse de grandes surfaces vierges et qu'il définisse les
formes en clair-obscur, soulignant ainsi leur vigueur en projetant
de fortes ombres qui les font ressortir. Cela est particulièrement
remarquable si l'on compare le dessin avec le tableau correspondant,
bien que plus « sombre » dans les tons bruns et verts et beaucoup
plus détaillé dans la description de l'ambiance.
Si dans sa peinture Dughet cherche à exalter le majestueux volume
et le poids des rochers et des masses, son dessin fait davantage
ressortir l'architecture du paysage par la simplicité élémentaire
des structures. Même dans ce dernier cas, il est très difficile de
dire si Gaspard fut directement inspiré par la nature. Son dessin
est tellement travaillé et élaboré qu'il suppose une conception
en atelier à partir de souvenirs tirés de la réalité. Par
contre, dans les compositions de ce genre commence à se faire
sentir l'influence du paysage héroïque et sauvage dont Salvator
Rosa s'est fait le champion à la suite de son long séjour à
Florence (1640-1649); si bien que son paysage avec voûte naturelle
et chute d'eau, au palais Pitti, à Florence, ses paysages rocheux
des collections Mahon et Incisa della Rocchetta et ses compositions
semblables nous reviennent à l'esprit. (14) Du reste, que Gaspard ait
été sensible à l'expressivité préromantique de Rosa, on en a la
preuve dans un dessin conservé au British Museum, sujet plein de désolation
et de solitude datant de ces années-là et attribué à Salvator
Rosa, mais qu'il m'a semblé plus raisonnable de rendre à Gaspard
Dughet. (15)
Puisque la carrière artistique de Gaspard Dughet, dit aussi le
Guaspre ou Gaspard Poussin (Rome, 1615- Rome, 1675), n'a pas été
marquée d'incidents notables, il n'est pas facile d' établir une
chronologie de ses oeuvres, puisqu'il ne les a jamais signées ni
datées.
Les sources nous disent que le jeune Gaspard fut orienté par son
beau-frère, Nicolas Poussin, vers la peinture de paysage, suivant
les idéaux de la tendance classicisante commencée par les Bolonais
(Annibale Carrache et le Dominiquin). Dughet, sauf pour un voyage de
jeunesse en Toscane, ne quitta jamais Rome. Sa passion pour la
chasse lui fit préférer la représentation des coins les plus
sauvages des environs de la ville. Et c'est près de Tivoli, de
Monte Sabini et de Monte Cimini qu'il trouvait l'inspiration pour
ses innombrables compositions. L'oeuvre la plus renommée de sa
carrière artistique fut le cycle de fresques à
Saint-Martin-aux-Monts (1648-1651). Par la suite, il travailla
pour les Colonna et, plus tard, il exécuta des décorations dans
les palais Pamphili et Borghese. Le thème dominant, même dans ses
fresques, est toujours la campagne romaine - Dughet ne s'intéressa
jamais
à la représentation de la figure humaine - vue selon une idéalisation
qui révèle l'influence constante des idéaux poussiniens.
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