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Résumé
Aspects nationalistes de
l'esthétique
de Lawren S. Harris
par Jean-René Ostiguy
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article
Page 1
La recherche d'une peinture canadienne de caractère nationaliste a cours à
la fin du XIXe siècle, mais elle manque d'optimisme. Au mieux, sous
le règne du Canadian Art Club, elle réclame une peinture rurale, pastorale et surtout «
pittoresque ». En 1908,
toutefois,
le critique Mortimer-Lamb propose une idée nouvelle. Il regrette
que jusqu'à cette date les paysages du Grand Nord n'aient pas constitué
un objet d'intérêt pour aucun peintre. On peut se demander
si cette remarque n'a pas influencé Lawren S. Harris et ses amis
dans leur projet de faire progresser une esthétique proprement canadienne.
Effectivement, c'est en 1908 que Harris effectue son premier
voyage dans le Nord. Puis d'autres suivront, notamment en 1909, puis en
1912, au nord de l'Outaouais, aux limites de l'Ontario et du Québec.
Son amour pour les régions nordiques se reflète dans le premier
numéro de la revue The Lamps publiée par Arts and
Letters Club, de Toronto. C'est là qu'il commence à utiliser
un langage d'accent mystique que l'on retrouve dans ses articles ultérieurs.
L'artiste ne cessera pas d'être toumenté par l'appel du
Nord jusqu'à ce qu'il se rende à quelques centaines de milles
du pôle, en 1930.
Harris semble avoir cessé de peindre entre 1931 et 1934.
Il devient alors plus actif à la Theosophical Society de Toronto
et consacre ses énergies à la synthèse de ses idées
philosophiques et religieuses. Ainsi s'explique comment son art possède
des ramifications avec une grande variété d'intérêts
humains dépassant le cadre du nationalisme canadien proprement dit.
Dans une série d'écrits qui débutent en 1923 et se
poursuivent jusqu'en 1954, il définit les responsabilités
des artistes d'avant-garde en insistant sur l'interdépendance
de l'artiste et de la collectivité.
Selon Harris, la collectivité canadienne illustre une
race nouvelle, celle des habitants de l'Amérique du Nord. Dès
1914, il a l'intuition du rôle particulier que devra jouer le peuple
canadien sur le continent. Il précise sa pensée dans des
écrits subséquents où il ne cesse de souligner, quelquefois
avec agressivité, les différences qui séparent le
Canada de l'Europe. Pourtant, en 1927, il se fait le défenseur d'une
exposition à l'Art Gallery de Toronto, The International Exhibition of Modern
Art, organisée par la Société
Anonyme. Il déclare ne pas craindre que l'avant-gardisme de
Kandinsky, de Mondrian, de Picabia ou de Max Ernst ait quelque influence néfaste
sur la peinture canadienne. L'entrain des Canadiens, croit-il, est incompatible
avec la mélancolie des Européens et leur caractère demeure, somme toute, plus près de celui de leurs
voisins du Sud. Tous ces propos s'expliquent à la lumière
du long séjour
de Harris aux États-Unis.
Le nationalisme de Lawren Harris s'intègre dans le grand ensemble de
la collectivité et de la culture nord-américaine et son
avant-gardisme prend sa source dans la tradition du mysticisme théosophiste
à la fois oriental et européen. Par l'approfondissement de
ses propres théories esthétiques au cours des années
vingt et trente, Harris obtient une position avantageuse d'où il
nous révèle, d'une part, l'universalisme de l'esthétique
de sa peinture paysagiste et, d'autre part, les assises de sa longue aventure
dans l'art abstrait.
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