Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin 8  (IV:2), 1966

Accueil
English
Introduction
Histoire
Index annuel
Auteur et Sujet
Crédits
Contact

Résumé

Réalisme, Surréalisme et Célébration:

Les peintures d'Alex Colville dans la 
Collection de la Galerie nationale du Canada


par Patrick A. E. Hutchings


English article


Page  1

Célébrer les dieux, les héros, les événements d'une époque, est une des hautes fonctions de l'art.

Alex Colville célèbre la vie quotidienne d'une société de classe moyenne et démocratique. En célébrant l'homme moyen, il le montre dans sa noblesse existentielle et non-héroique. Par son réalisme, l'art de Colville satisfait aussi le goût de l'homme moyen pour un art où il peut reconnaître des situations et des objets qui lui sont familiers. Famille sous l'orage (Fig.1) célèbre la banalité d'une scène familiale avec grandeur, et les objets peints ont une qualité épique que la technique de la détrempe rend très bien. La technique n'est pas cependant seule responsable de la dignité du sujet peint qui, elle, vient de la vision personnelle de l'artiste.

La Course à la nage ( Fig. 3) est encore une scène banale et éphémère, mais le réalisme méticuleux de Colville confère aux nageuses une qualité sculpturale dont la monumentalité et la permanence rappellent Maillol.

Le travail détache l'homme de la nature et l'homme ne peut s'identifier uniquement à la nécessité du travail. La Femme à la corde à linge (Fig. 4) illustre cette double aliénation; la femme est raide et absente de son travail. Cette dissociation de la personne et de son travail souligne le thème plus vaste de la tragédie romantique, à savoir l'aliénation nécessaire et essentielle de l'homme face à la nature. Colville ne raconte pas une histoire mais il peint là un emblème que nous saisissons intuitivement. Ce tableau est métaphysiquement vrai en ce qu'il représente quelque chose de fondamental dans la réalité et dans la condition humaine.

Il y a aussi chez Colville, à la fois, des éléments de surréalisme authentique et des éléments de surréalisme apparent. Prenons un exemple de ce que nous appellerons le préraphaélisme extatique de Colville: Le Chien dans un champ (reproduit sur la couverture) est aussi méticuleusement exécuté qu'un tableau de Holman Hunt mais il n'illustre ni « message » ni thème. Le quasi-surréalisme n'est qu'une passion pour le réalisme, qu'un amour véritable du métier de peintre. La Femme, l'homme et le bateau ( Fig. 5) et Quatre Personnages sur un quai (Fig. 6) sont des tableaux positivement mais doucement surréalistes qui suscitent le problème de savoir si l'oeuvre entière de Colville est généralement surréaliste. Le surréalisme de Colville est plus froid, plus contrôlé, moins épatant que celui de Magritte. La Femme, l'homme et le bateau évite habilement le réalisme pur, et les symboles de l'inconscient sont présentés avec un classicisme froid qui rappelle Poussin plutôt que Delvaux. Colville donne là une image de l'innocence perdue.

Son surréalisme est celui de l'égo et n'exprime pas uniquement l'inconscient. En termes de philosophie idéaliste, il nous dit que le rationnel est le réel et l'inconscient est présenté en termes d'intelligibilité.

Les Quatre Personnages sur un quai est une énigme consciente, peut-être une allégorie de l'art de Colville lui-même, un énoncé de ses principes de forme et d'équilibre classiques. L'Enfant au chien (Fig. 7) est moins surréaliste et illustre mieux le caractère précis de sa vision. Ce tableau célèbre la réalité.

Ses qualités positives et son surréalisme particulier nous forcent à classer son oeuvre comme étant du réalisme « existentiel » et « de célébration ». Son surréalisme n'est pas celui de Breton, qui voulait une synthèse du rêve et de la réalité. Celui de Colville fusionne plusieurs niveaux de réalité; il est un peu hallucinatoire mais toujours lié à la logique de l'esprit conscient. Le merveilleux chez Colville est celui du monde tel qu'il est, et ce monde peut être aussi beau et significatif que celui de l'insolite de Breton. Sa notion du merveilleux est existentielle et liée à la notion de réalité fabuleuse telle qu'énoncée par Thoreau. Colville exprime la splendeur de l'être. Il nous montre ce qui est et lui donne une « existence permanente et absolue »; il est préoccupé, de façon quasi-sociologique, par l'actualité qu'il rend dans un langage ordinaire, pour des gens ordinaires.

On devrait pouvoir placer Colville dans un moment précis de l'histoire de la peinture et le rattacher à une école. Son art se place dans la tradition réaliste américaine mais sa sensibilité et son ton sont uniques, personnels et spécifiquement canadiens. Son réalisme précis et dur rappelle Dulongpré, Lionel leMoine FitzGerald, Lawren Harris et surtout Antoine Plamondon.

Haut de la page


Accueil | English | Introduction | Histoire
Index annuel
| Auteur et Sujet | Crédits | Contact

Cette collection numérisée a été produite aux termes d'un contrat pour le compte du programme des Collections numérisées du Canada, Industrie Canada.

"Programme des Collections numérisées, droit d'auteur © Musée des beaux-arts du Canada 2001"