Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin 9-10  (V:1-2), 1967

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Résumé

Les voyageurs de Daumier

by Willard E. Misfeldt, Professeur,
École des beaux-arts, Université 
Bowling Green Bowling Green, Ohio


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Le développement des moyens de transport au XIXe siècle a facilité la croissance rapide des grandes villes, encouragé l'une des plus grandes vagues d'émigration de l'histoire et influé sur le concept traditionnel de l'attachement de la famille et de l'individu à un endroit particulier. Il a aussi été une nouvelle source d'inspiration pour un grand nombre de peintres, en Angleterre et en France, surtout au cours des années 1860.

En Grande-Bretagne, l'appréhension que l'on éprouvait envers tout progrès technologique donna naissance à des chansons satiriques, à des lithographies et à des caricatures décriant les chemins de fer lesquelles, de pair avec les gravures populaires commémorant l'inauguration des premières lignes, contribuèrent à rendre ce sujet digne des artistes les plus sérieux. Les peintres victoriens dè Grande-Bretagne étaient attirés par les possibilités narratives des moyens de transports publics, des gares et des terminus, comme on peut le constater dans Omnibus Life in London (Intérieur d'omnibus à Londres) de Egley, dans Parting Words (Les Adieux) de F. B. Barwell et dans quelques oeuvres de Rossiter et Frith.

A l'exception de Thiers qui partageait le scepticisme de Ruskin, les Français considéraient les trains comme des engins ou des jouets merveilleux. C'est en 1828 que les premières voies ferrées furent posées en France et que le premier omnibus fit son apparition dans les rues de Paris. Vers la fin des années 1830 et 1840, on érigea en Angleterre et en France de somptueuses gares qui ressemblaient à des palais par leur style historique et pittoresque.

Honoré Daumier lui-même, qui était encore un enfant en 1816, comptait au nombre des provinciaux qui, de 1800 à 1860, montèrent à Paris et triplèrent la population de la capitale. Dès 1841, Daumier s'inspire des moyens de transports publics pour les caricatures qu'il destine aux journaux parisiens, se moquant des petites manies des passagers ou des conditions de transport. Son humour n'est jamais acerbe mais toujours compatissant envers les voyageurs anonymes auxquels il a fini par s'identifier.

Au début des années 1860, lorsque Daumier, chômeur malgré lui, put enfin faire de la peinture à l'huile, il peignit surtout des personnages en voiture ou attendant dans des gares ou des stations. Ces tableaux transcendent les situations spécifiques des caricatures pour atteindre une qualité universelle. M. Misfeldt pense que ces voyageurs sont apparentés aux personnages des autres tableaux de Daumier: les réfugiés politiques, les saltimbanques, les amuseurs publics et Don Quichotte, le faux héros cherchant en vain à redresser les torts. Les voyageurs de Daumier n'ont aucune mission; ils symbolisent monumentalement mais sans drame le nomade et l'exilé, à travers l'histoire.

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