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Effet de boule de neige?
Les communautés et les familles collaborent à la prévention de la criminalité chez les jeunes

par Ish Theilheimer, avec des dossiers de Murray Angus

Un petit, mais dynamique mouvement est en train de faire boule de neige au sein des communautés partout au Canada en dépit d'un climat franchement hostile.

Ce climat résulte de la préoccupation du public à l'égard de la criminalité chez les jeunes. Point n'est besoin d'être un spécialiste des sondages pour savoir que la criminalité chez les jeunes constitue l'un des points sensibles d'une insécurité publique généralisée. Le sentiment de panique s'accroît au sein de la population au rythme des manchettes sur les crimes sensationnels.

Malgré ce climat difficile, on préconise de plus en plus des correctifs à la criminalité chez les jeunes qui mettent l'accent sur les causes fondamentales plutôt que sur le châtiment et les représailles.

Beaucoup de personnes croient que nous devons «être plus durs envers les jeunes», estime Joan Pennell, professeure à l'université Memorial de Terre-Neuve. Elle est membre du Conseil national de prévention du crime, une commission mandatée par le gouvernement fédéral qui a fait les manchettes en demandant des programmes sociaux améliorés et mieux financés pour prévenir la criminalité.

Tout au long de sa carrière, Mme Pennel a aidé les communautés éloignées et autochtones dans leurs recherches et leurs actions pour contrecarrer la criminalité et la violence. «Être plus durs envers les jeunes signifie les enfermer et, dans ce cas, vous brouillez encore plus leur position dans la communauté.» Quand ils sont relâchés, nombre d'entre eux récidivent. «Cette approche n'a pas réduit l'activité criminelle.»

«La panique engendre une mauvaise politique sociale», selon Barb Hill de La Société John Howard du Canada à Kingston. Son organisation travaille à la réhabilitation des jeunes contrevenants et à la réforme du système judiciaire.

Elle ajoute que les craintes de la population sont «bassées sur de fausses perceptions de la criminalité chez les jeunes et de ce qui est efficace pour prévenir ce genre de criminalité et toute récidive.»

«L'image du système judiciaire pour les jeunes qui parvient au public par le biais des médias reflète les cas extrêmes», affirme Anne Sherman de l'Î.-P.-É, un membre du Conseil national de prévention du crime oeuvrant en éducation juridique du public. On a créé la fausse impression voulant que «la criminalité chez les jeunes soit hors de contrôle et que le taux d'infraction est plus élevé que jamais.» Elle signale que la condamnation des jeunes dans les cas d'infraction contre les biens est, en réalité, plus sévère que pour un grand nombre de causes impliquant des adultes.

Doug McNally, ancien chef de police d'Edmonton et membre du Conseil lui aussi, partage l'avis de Mme Sherman. Beaucoup de personnes «veulent trouver des solutions simples... Je suis content que les gens abordent cette question. J'aimerais seulement qu'ils sachent que nous sommes en présence d'une question complexe exigeant des solutions complexes.»

Certains se sont ralliés à une solution simple : envoyer les jeunes contrevenants dans des camps sévères de style militaire. Barb Hill rappelle que cette approche n'a pas donné de succès aux États-Unis.

«La recherche démontre que les camps de style militaire ne contribuent pas à diminuer les récidives ou la population carcérale.» Les seuls programmes de ce genre qui ont fait une différence sont ceux qui offrent d'autres programmes comprenant de l'attention individuelle et une assistance considérable aux anciens contrevenants. Grâce à la recherche, dit-elle, «nous savons ce qui fonctionne et cela n'est pas basé sur l'étiquetage ou la dissuasion.»

Une sentence sévère n'est pas appropriée dans nombre de cas, selon Elaine Scott, directrice administrative du Conseil national de prévention du crime. «Oui, il y a une petite minorité d'enfants pour lesquels le milieu carcéral est la solution. Mais, pour la plus grande majorité d'enfants, des options différentes sont plus efficaces.» Le Canada vient au quatrième rang pour le taux d'incarcération derrière les États-Unis, la Russie et l'Afrique du Sud. En outre, le pourcentage des jeunes contrevenants détournés du système de justice pénale au Canada est moins élevé que celui des États-Unis.

Profil d'un programme de prévention :

Rendre à César ce qui est à César
La stratégie de l'Î.-P.-É. commence par une image positive de la jeunesse
La stratégie provinciale de prévention de la criminalité chez les jeunes à l'Île-du-Prince-Édouard est essentiellement axée sur la lutte contre les stéréotypes négatifs.

La stratégie, appelée CRIME-BEAT, a été mise au point en 1995 par le gouvernement provincial avec la participation active de divers groupes communautaires et organismes de l'Île.

Diane Barnes, coordonnatrice du justice Resource Service à Charlottetown, affirme que «Beaucoup de jeunes pensent que le reste du monde est contre eux. Nous voulons leur montrer que le reste de la communauté reconnaît leurs bons coups.»

Les perceptions du public au sujet du rôle des jeunes dans la criminalité ne reflètent pas toujours la réalité, de dire Barnes. «Les gens pensent que c'est pire que jamais -- nous leur devons de corriger ces fausses impressions. Les jeunes sont contents de savoir que le reste de la communauté les perçoit de façon positive.»

Cette image positive est bien méritée.

En 1995, deux des cinq prix du Premier ministre de la province pour la prévention du crime ont été gagnés par des groupes de jeunesse de l'Île. Un des groupes, Jeunesse Acadienne, a produit une pièce musicale portant sur les

conséquences de la conduite en état d'ébriété chez les jeunes. Un autre groupe, Students Against Drinking & Driving, a organisé avec succès une campagne de «jetons de taxi» pendant la saison des fêtes : des jetons de 5$ -- une somme suffisante pour toute personne désirant se rendre chez elle en taxi à Charlottetown -- ont été vendus dans toute la communauté pour être donnés en cadeau.

Pour Barnes, «Le fait d'attirer l'attention sur ce genre d'efforts confirme non seulement ce que les jeunes ont fait, mais ce qu'ils peuvent faire.

Barnes affirme que bâtir une image positive des jeunes n'est qu'une composante d'une stratégie plus large en matière de prévention du crime. Un groupe consultatif provincial comprenant des représentants des jeunes a été formé pour élaborer une stratégie plus approfondie.

Nous allons réaliser des activités conventionnelles comme la surveillance de quartier, affirme Barnes, mais nous voulons nous attaquer aux causes profondes de la criminalité et amener les gens à réfléchir un peu plus. En bout de ligne, nous voulons maximiser les possibilités dont disposent les enfants pour contribuer à leurs communautés.»

À en juger les efforts déployés à ce jour, il semble que beaucoup d'enfants font déjà leur part.

Assumer la responsabilité
Quelles sont les meilleures façons de traiter la criminalité chez les jeunes? Anne Sherman estime que la réforme du système judiciaire passe par la participation communautaire. «À un moment donné dans le passé, les communautés ont cédé beaucoup de leur pouvoir et influence sur la façon dont on se chargeait des jeunes en difficulté. Ils ont été remis entre les mains du système judiciaire. Lorsqu'ils étaient à risque, la communauté leur tournait le dos. Nous avons abandonné les jeunes et avons éprouvé une peur croissante envers les groupes de jeunes en raison de ce que nous avons vu à la télé ou lu dans les journaux.»

Elle ajoute «qu'un système judiciaire axé sur la réhabilitation (combinant la participation communautaire, la participation et la réhabilitation de la victime) est plus approprié qu'un système fondé sur le châtiment.» À son avis, les options de rechange aux procès et à l'incarcération doivent fournir aux jeunes contrevenants des façons positives d'assumer la responsabilité de leurs actions et de faire amende honorable. Elle croit fermement en la valeur de «l'humiliation communautaire» pour confronter les contrevenants à la désapprobation de la communauté.

Barb Hill affirme «qu'il ne faut pas s'en remettre uniquement à la police, mais plutôt assumer notre part de responsabilité. Même si vous envoyez ces personnes dans des établissements, elles reviennent dans nos communautés. Que devons-nous faire? Nous ne pouvons pas simplement leur tourner le dos et les oublier.» Elle met en garde contre la création «d'enfants jetables.»

Dans sa recherche de solutions à la criminalité chez les jeunes, Barb Hill soutient que les Canadiens et les Canadiennes doivent considérer la raison d'être d'un système judiciaire à l'intention des jeunes. Il «devrait être basé sur la notion de ce que représentent l'enfance et la jeunesse. Nous ne permettons pas aux enfants de voter jusqu'à ce qu'ils atteignent un certain âge. Nous disons qu'ils ne sont pas assez responsables... Nous ne les laissons pas conduire de véhicule avant l'âge de 16 ans. Nous voulons les protéger aussi longtemps que nous le pouvons s'ils ne sont pas assez matures pour assumer cette responsabilité.»

En fait, «se débarrasser» de tous les jeunes contrevenants ou les mettre sous les verrous serait impossible et d'un coût prohibitif. Doug McNally fait remarquer que 80 p.100 de tous les jeunes garçons commettent un acte criminel à un moment ou à un autre, mais que la plupart de ces actes ne sont pas très graves. «Le comportement criminel... fait souvent partie de l'adolescence, dit-il. Nous devons trouver de meilleures façons d'y faire face.»

Il estime que la prévention et l'intervention précoces constituent la façon d'y arriver. «Comme société, nous pouvons épargner de l'argent en faisant de la prévention primaire.» Cela veut dire «adopter un modèle de santé publique afin de protéger la société des crises futures. On doit mettre l'accent sur les enfants -- avant leur naissance et jusqu'à l'âge de six ans.»

Selon Elaine Scott, «Le développement social est la meilleure façon d'aborder la prévention du crime.» Le Conseil et Scott soutiennent que cette prévention passe par des efforts considérables pour améliorer les conditions de vie, la vie communautaire et la société en général. «II faut accorder la plus grande priorité aux enfants et aux jeunes. Les communautés et les familles sont cruciales à tout progrès dans ce domaine.»

Richard Tremblay, Ph.D., du Groupe de recherche sur l'inadaptation psycho-sociale chez l'enfant de l'Université de Montréal, est l'un des rares chercheurs ayant mené de la recherche à long terme sur les enfants à risque et les efforts de prévention. Le groupe a étudié les effets de l'intervention préventive et a conclu que l'intervention intensive durant les premières années de l'élémentaire pouvait réduire substantiellement le risque de délinquance et de problèmes académiques plus tard dans la vie.

«On remarque une différence à long terme. Le problème, c'est que ça coûte cher. Il faut deux ans d'intervention intensive auprès de la famille et à l'école. Selon nous, l'intervention serait plus efficace si elle commençait tôt dans la vie de l'enfant.»

Doug McNally, ancien chef de police, croit qu'il vaudrait la peine d'investir dans les enfants. «Je crois que nos initiatives élimineraient ou réduiraient les coûts de nos systèmes de santé, des systèmes d'aide sociale et du système judiciaire. Nous pourrions épargner beaucoup d'argent.»

«Nous consacrons dix milliards de dollars par an aux dépenses en aval du système judiciaire (tribunaux et institutions) et tout le monde déplore que les résultats ne sont pas à la hauteur, affirme Pennel. Lorsque nous faisons ces dépenses en amont, c'est-à-dire dans le cadre des services préventifs, nous diminuons le nombre de victimes d'actes criminels et augmentons nos chances d'aider les jeunes gens avant qu'ils ne fassent fausse route et aient des ennuis.»

Profil d'un programme de prévention
Partners for Youth
"Nous avons écouté les jeunes"
Pensez de façon positive! Telle est la philosophie qui sous-tend le programme novateur et communautaire de prévention de la criminalité chez les jeunes à Edmonton.

Il s'agit d'un programme qui a connu du succès.

Axé sur deux écoles élémentaires situées aux deux extrémités de la ville, le programme Partners for Youth a démontré l'efficacité de l'intégration des services aux jeunes grâce à une idée révolutionnaire -- écouter les jeunes.

D'après Jerry Tymkow, directeur de l'école catholique romaine St. Nicholas dans le nord-est d'Edmonton, «ce sont les enfants qui nous disent ce qu'ils veulent, plutôt que l'inverse.» Selon Tymkow, l'école St. Nicholas abrite le programme dans le secteur nord-est de la ville d'Edmonton, une région classée à «haut risque» et à «taux élevé de criminalité» en 1992 par le Groupe de travail du maire sur l'amélioration de la sécurité en milieu urbain.

Il en a résulté une approche multidisciplinaire en milieu scolaire pour répondre aux besoins des jeunes et de leur famille. «Nous avons réuni des organismes comme les services sociaux, l'aide sociale à l'enfance et la police pour les mettre à la disposition des jeunes à l'école.» Le programme s'est largement appuyé sur des programmes «pratiques» semblables à ceux offerts par les

Clubs de garçons et filles du Canada, les soirées dansantes, etc...

Selon Tymkow, «la clé est que nous écoutons les enfants. Une fois que les enfants s'engagent dans des activités positives, le taux de criminalité chute.»

Les données le montrent: depuis la mise en place du programme en 1993, que le taux de criminalité dans le nord-est d'Edmonton a enregistré une baisse significative.

«Il est crucial de mettre l'accent sur les aspects positifs. Nous tentons d'améliorer les forces des jeunes plutôt que de nous attarder sur les aspects négatifs. C'est beaucoup plus profitable.&187;

Cette philosophie est manifeste dans les programmes récemment élaborés. En réponse à un sondage communautaire, on a décidé d'installer un centre de documentation dans un centre commercial afin de fournir un «guichet» pour diverses ressources et différents services communautaires.

Tymkow affirme que «la communauté a indiqué qu'elle voulait un centre séparé du milieu scolaire.

Nous ferons ce qu'il faut pour réussir.»

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