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La Rolanderie revivra-t-elle?par Albert O. DubéLes médias ont fait état dernièrement que les Fransaskois désiraient faire revivre la Rolanderie, une colonie d'aristocrates français dont peu de nos gens avaient entendu parler. De plus, l'ACFC, l'organe porte-parole des Fransaskois, avait présenté un projet d'aménagement d'un site historique connu sous le même nom. Qu'en est-il de cette colonie française dont le nom évoque toute la romance de la vieille France?
Au printemps de 1885, trois Français a la recherche d'un lieu d'établissement agricole firent la découverte de la vallée de la Pipestone située dans la partie sud-est de la Saskatchewan, non loin de la frontière manitobaine. Rappelons que cette vallée était complètement déserte en 1885, bien que le chemin de fer passait déjà à Whitewood, à quelques milles au nord. «Ils furent irrésistiblement conquis par le spectacle qui s'offrait a leurs yeux.», écrivait Donatien Frémont dans son livre intitulé Les français dans l'ouest canadien. Il décrit la vallée de la façon suivante: «Sur la rive droite de la Pipestone, qui va se jeter dans le lac des Chênes, les côteaux garnis de saules et de trembles contrastaient de façon agréable avec la plaine légèrement ondulée se déroulant au nord. La rivière, qui peut prendre des allures d'un torrent furieux à la saison du dégel, se transforme en un paisible cours d'eau aux bords tantôt escarpés, tantôt inclinés mollement en larges prairies naturelles égayées de fleurs sauvages.» Les trois hommes jugèrent l'endroit idéal pour l'élevage des animaux et la production des céréales. Leur chef, le Dr. Rudolph Meyer, alsacien de haute distinction, était de mentalité nettement française et catholique. Il était d'une famille riche et considérée, et il était resté au pays après la guerre franco-prussienne de 1871. Maire de sa commune, lui-même occupait un poste important dans son patelin. À la suite d'un revers de fortune, il émigra en France, et pendant deux ans, il fut régisseur du château de la Rolanderie à Maule (Seine-et-Oise). Il partit pour le Canada avec une somme de 100,100 francs (20,000$) que lui avait confiée son patron, M. Larin. Il reçut comme mission d'établir une colonie française et d'exploitation agricole. Il dût abandonner l'intendance de la Rolanderie en France pour venir fonder la Rolanderie de l'Ouest canadien. Le Dr. Meyer était accompagné de son jardinier, Émile Renoult, ainsi que du comte de Roffignac, originaire de la Haute-Vienne, que l'on a qualifié d'ambitieux, plein d'entrain mais d'esprit peu réfléchi. Il ne fut pas, comme plusieurs l'ont affirmé, co-fondateur de la Rolanderie; d'ailleurs il n'en eut la direction qu'après le départ de Meyer. Comme tout bon colon, nos trois aventuriers prirent un homestead. Soit dit en passant que Meyer était aussi accompagné d'une cousine, qu'il épousa dès son arrivée en «la terre promise». Elle prit homestead aussi. Son mari lui choisit une terre au fond de la vallée, près de la rivière. À cet endroit, qui était d'un charme particulier, on construisit tout de suite une vaste gentilhommière qui fut la «maison de la Rolanderie» et devint le vrai centre de l'exploitation agricole. L'année suivante naissait le premier enfant catholique sur le territoire de la future paroisse Saint-Hubert, Otto-Heinrich Meyer. La spécialité de la «maison de la Rolanderie» fut incontestablement l'élevage des bovins shorthorn. Ces bêtes de race étaient vendues pour la reproduction et comme boeufs de travail, alors très utilisés dans les fermes de l'époque. On fit aussi l'élevage des chevaux et des porcs, mais sur une échelle plus restreinte. On ne cultivait guère les grains que pour la consommation sur place par les animaux. Ce genre d'exploitation nécessitait une nombreuse main-d'oeuvre. Les Français et les Belges émigrés ne suffisant pas, il fallut recourir aux autres que l'on put trouver dans le voisinage. Il y en eut de toutes races et de toutes langues: une vraie tour de Babel. Mais au bout de quelques années, il fut possible de recruter le personnel exclusivement parmi les francophones. Pour les loger, de petites maisons furent construites à proximité de celle de la Rolanderie. Une colonie de comtes français en SaskatchewanLes fondateurs de la Rolanderie furent suivis peu après leur arrivée par la famille le Bidan de Saint-Mars, mais celle-ci ne fit qu'un bref séjour. L'année suivante arrivèrent la plupart des gros personnages qui formeront avec les quatre premiers venus de la Rolanderie, le premier noyau de la colonie: le comte Jean de Jumilhac, du Calvados, qui devait devenir plus tard le duc de Richelieu après son retour en France; le comte Joseph de Farguettes, de Toulouse; le comte de Beaulincourt et sa famille; le comte Henri de Soras, d'Annonay (Ardèche); le vicomte Joseph de Langle, d'Alençon; Robert Wolfe, de Lyon associé de la célèbre maison de pianos Pleyel-Wolfe et beau-frère du fabricant de pneus Michelin. Le comte de Jumilhac fit construire une belle demeure aux murs percés de multiples fenêtres, qui dominait la vallée et prit le nom ancestral, de Richelieu. En société avec Wolfe et Soras, il se lança dans l'élevage des moutons. L'affaire eut un bon départ, grâce a un berger écossais d'expérience qui sut se procurer des béliers de race pure, ainsi que des brebis Shropshire et Oxford Down. Par la suite, le comte de Soras resta seul propriétaire du troupeau. Il organisa une vaste installation dans la montagne (de l'Orignal) à 43 milles de Whitewood.
Yves de Roffignac, après avoir été quelque temps l'hôte du Dr. Meyer à la Rolanderie, choisit sur son homestead un petit plateau en contrebas pour y élever une splendide demeure qui justifiait son nom de Bellevue. On l'appelait aussi la Maison Blanche, à cause de la couleur éclatante de ses murs peints en blanc. Le jeune comte y accueillit Farguettes et de Langue, qui s'associèrent avec lui dans l'élevage des chevaux de remonte pour l'armée française. Les nouveaux venus fournirent les capitaux, l'autre se contentant de l'apport de sa présumée expérience. Ils achetèrent 135 juments et quinze étalons que Roffignac conduisit lui-même de Regina sur le ranch, avec l'aide du célèbre cowboy Pascal Bonneau, fils. Soixante-cinq autres juments furent amenées de Pincher-Creek en Alberta. La société ne dura qu'un an et prit fin par un procès retentissant qui se déroula en France. Roffignac le perdit, ce qui lui assena un rude coup financier. Le comte de Farguettes renonça à la vie de rancher et Joseph de Langle demeura le seul propriétaire des chevaux. Culture de la chicorée et de la betteraveL'arrivée du baron de Brabant, un Hollandais, va donner une nouvelle dimension et un nouvel élan a l'activité générale de la colonie. Le baron, ayant fait plusieurs voyages en Amérique, avait constaté l'absence de la culture de la chicorée en Amérique. La région se prêtant bien à ce genre de culture, il décida d'y faire pousser cette fameuse plante qui résiste aux gelées. Associé du comte de Roffignac, le baron s'est installé dans la maison de Bellevue, avec son frère, sa femme et ses trois enfants. Sur toutes les terres qui dépendent du domaine, la chicorée y règne en maîtresse et dès l'année suivante, tous les fermiers vont imiter cet exemple. Les Brabant, experts en la matière, prirent en mains la direction technique et le comte fournit les capitaux. La semence et les machines furent importées d'Europe. Semée au printemps, la chicorée devait être récoltée à l'automne. Tout le travail – semailles, binage, éclaircissage, arrachage, séparation des racines de la tige – était exécuté à la main par des paysans qu'on avait fait venir de Hollande et de Belgique. Les racines étaient séchées par de Brabant à Bellevue, puis torréfiées à la Rolanderie par Émile Renoult, qui jardinait en été et torréfiait en hiver. Elles étaient alors moulues et mélangées avec du café également moulu. Le produit fini, placé sur le marché dans des boîtes en fer blanc sous le nom officiel de «Bellevue Coffee Brand» ou «French Coffee», se vendit médiocrement. On reprochait à ce mélange de contenir plus de chicorée que de café. Au cours du premier hiver, un incendie se déclara dans l'écurie de Bellevue, détruisant tout le matériel de la manufacture. Sans se décourager, les frères Brabant repartirent à neuf, se transportant à Richelieu, chez leur nouvel associé, le comte de Jumilhac. Le résultat financier ne fut pas plus brillant et le feu vint encore une fois tout interrompre. C'était la fin pensait-on. Mais l'industrie de la chicorée devait renaître de ses cendres et jouir d'une certaine prospérité. La grande entreprise de la Rolanderie proprement dite, sous la direction de Rudolph Meyer, semblait en plein essor et à la veille de donner des profits lorsque le fondateur, après moins de quatre ans, crut devoir y renoncer personnellement. Dès l'automne de 1889, il quittait le pays pour ne plus revenir. Ce n'était pas un échec total, loin de là. Il laissait un splendide troupeau de Shorthorn ainsi qu'un grand nombre de porcs et de chevaux. Mais en dépit de ses qualités réelles d'administrateur, Meyer se sentit apparemment débordé par une tâche au-dessus de ses forces. Les propriétés et le cheptel passèrent entre les mains d'une société qui se forma à Paris, sous le nom de «Rolanderie Stock Raising». Fondation de Saint-HubertL'abbé Léon Muller, prêtre parisien, reçu mission de l'archevêque de Saint-Boniface d'aller fonder une paroisse à la Rolanderie, sous le vocable de Saint-Hubert. Ce prêtre va mener les affaires rondement. Les plans de l'église ont été préparés ainsi que les accessoires décoratifs à Paris avant son arrivée à la Rolanderie. Venu de France au Manitoba en février, l'abbé Muller fait en mars un voyage éclair à Montréal. Le 5 avril, il arrive en coup de vent à Whitewood. En sautant du train, il se rend à neuf milles au sud-est et donne des ordres pour la construction de la chapelle. Les travaux doivent être terminés en juin. En août, il retourne à Paris, s'occupant de recruter des colons pour sa lointaine paroisse de l'Ouest canadien. L'abbé Muller est reconnu comme le fondateur de la paroisse Saint-Hubert. Cependant il n'y remit jamais les pieds. Comme dit Donatien Frémont: «rendons néanmoins justice à son bon goût en architecture religieuse, pour la part qui lui revient dans l'érection de cette première église. L'endroit choisi, très pittoresque d'abord, était au nord de la rivière à proximité des collines boisées.»
Dans un pays où l'on connaît que des constructions en bois, la première église de Saint-Hubert présentera le luxe incroyable d'être en pierres des champs qui seront assemblées par des maçons français. L'unique porte en chêne sculpté, offre un riche effet artistique, aussi bien que les huit verrières dont l'auteur a pris comme modèles le fils et la fille de l'un des nobles donateurs. À l'intérieur, on pend une belle toile figurant la scène de l'Annonciation, oeuvre du comte de la Forrest-Divonne. Cette fondation de paroisse est vraiment unique en son genre, si l'on songe que le petit groupe rural se compose exclusivement de catholiques de langue française venus de France et de Belgique, que les fonds destinés à l'érection de l'église ont été fournis par des aristocrates demeurés fidèles aux traditions de la vieille France et que le curé fondateur est un prêtre du diocèse de Paris. On peut y voir cependant une soeur cadette de Fannystelle. Le nom de Saint-Hubert va alors faire passer au second rang celui de la Rolanderie, qui ne désignera plus que le centre initial de culture et d'élevage. Les autorités postales le feront modifier plus tard en Saint-Hubert-Mission afin de le distinguer du Saint-Hubert des environs de Montréal. L'insuffisance de la main-d'oeuvreL'insuffisance de la main-d'oeuvre se fait toujours sentir dans la colonie. Certains visiteurs ont noté que le personnel des travailleurs étaient bien inférieur à celui de l'état-major présent; cependant la situation devait s'améliorer considérablement dû aux efforts des chefs. Des gens en provenance de l'Ardenne, l'Ardèche, Marne, Ain, Seine-et-Oise, etc. rejoindront la petite colonie. Émile Janet, fils d'un fabricant de champagne, songe à mettre sur pied une fromagerie de gruyère moderne. En même temps arrivent d'autres aristocrates tels que le comte Max de Quercize, le vicomte Alphonse de Seyssel, le comte Paul de Beaudrap et sa femme Yvonne. Souvenirs d'une brève période de gloireSaint-Hubert a pu se flatter de posséder les quatre premières familles nobles qui ont colonisé le nord-ouest. Il est presque certain qu'aucun centre n'eut jamais aussi riche collection de personnages titrés venus dans l'espoir de refaire leur fortune, tout en menant la vie de grands seigneurs. Une anglo-canadienne de la région, faisant appel à ses souvenirs d'enfance, a noté ses impressions de cette brève et glorieuse période. Madame L.W.P. Park écrit dans le Whitewood Herald: «À leur arrivée, les comtes et leurs familles menèrent grand train. Ils importèrent des aliments coûteux, des vins, des sucreries et tous les objets de luxe variés auxquels ils étaient habitués. Ils firent venir de France des chevaux pur sang et des chiens de race, de même que les plus fins harnais pour l'équitation et la promenade. Ils circulaient beaucoup à cheval et en voiture. Les pimpants équipages apparaissaient sur les pistes sinueuses de la prairie – hautes charrettes anglaises qui avaient peut-être roulé au Bois de Boulogne, tirés par des chevaux fringants et bien entretenus – avec pour unique spectateur probable un gopher (marmotte) solitaire, fort intrigué près de son terrier, ou un faucon planant nonchalamment au-dessus du vaste silence. Les comtes et leurs familles étaient très assidus aux courses du voisinage, à Cannington et à Moosomin. Ils arrivaient en carrosses à trois ou quatre chevaux, avec cochers et valets de pied en livrée – chapeaux hauts de forme, cocardes et gants blancs.» Madame Park évoque ces personnages féeriques, formant un contraste singulier avec les cris au visage peint, drapés dans des couvertures, et leurs «squaws» portant «papooses» ficelés au dos. Dans le cour ordinaire des choses, le comportement de ces aristocrates vis-à-vis de leurs voisins pouvait paraître empreint d'une certaine hauteur. La barrière de la langue y était sans doute pour quelque chose. Ils firent pourtant de méritoires efforts pour s'adapter au milieu et entrer dans cet esprit de communauté fraternelle qui est l'une des caractéristiques de l'Ouest canadien. Déconfiture de la RolanderieAlors que nos gentlemen farmers réussissaient médiocrement à maintenir leur train de vie ancien, leurs diverses entreprises, inaugurées avec beaucoup d'enthousiasme, périclitaient l'une après l'autre d'une façon décourageante. Comme chef responsable de la Rolanderie, Roffignac donna tout de suite la juste mesure de son imprévoyance. Meyer avait laissé un beau troupeau de porcs, d'un revenu assuré; mais en moins d'un an le grain manquait pour l'engraissage, parce qu'on avait négligé à peu près toute culture. Pour résoudre le problème, les porcelets furent simplement jetés à la rivière et les adultes en partie égorgés. Les saloires étant bien insuffisants pour conserver une telle quantité de viande, le surplus fut entassé dans un petit bâtiment. Cela se passait en plein été: les mouches et les vers eurent tôt fait de transformer ce charnier en un foyer actif de putréfaction. Plusieurs années après, on voyait encore une pile d'ossements, vestige de cette singulière hécatombe.
Les industries de transformation des produits agricoles semblaient poursuivies par une sorte de fatalité, pour ne point mettre en cause surtout l'incompétence. Une petite manufacture de brosses ferma promptement ses portes. La tentative de fromagerie gruyère ne dura qu'un an. Son promoteur, Émile Janet, grand et beau jeune homme aux manières distinguées, ne possédait pas l'expérience en affaire de son père, le fabricant de champagne. En société avec le vicomte de Seyssel, il installa la machinerie appropriée dans un local modeste en troncs d'arbres. François Dunand et le fromager Bajolain connaissaient parfaitement leur métier; mais les chefs de l'entreprise ignorèrent leur avis quand il fut question d'analyser d'abord le lait de la région. Le gruyère authentique provient de vaches qui passent toute l'année dans de riches pâturages, tandis que celles de la prairie s'alimentent pendant plusieurs mois de fourrage sec. Le premier hiver, Janet et Seyssel perdirent trente des bêtes de leur troupeau. À la fin de 1893, ils abandonnèrent la partie. Le projet de betterave à sucre, le plus ambitieux de tous, avait été mûrement pesé et se fondait sur des expériences concluantes. Roffignac avait distribué aux cultivateurs de la semence d'une variété particulièrement riche en sucre et un expert avait déclaré les résultats satisfaisants. C'est ainsi que fut décidée la création d'une raffinerie pour répondre aux besoins de la population de l'ouest, qui devait s'alimenter de sucre en Allemagne. Peu après son retour de France, à l'automne de 1890 le comte exposa dans une assemblée publique, dont rendit compte le Manitoba Free Press de Winnipeg, les profits extraordinaires que l'on pouvait attendre de cette industrie. Il se dit assuré de recueillir en France le capital nécessaire – quelque 500,000 dollars, mentionnait la rumeur – à la construction et à l'équipement d'une manufacture pour extraire le sucre de la betterave. Il fit un voyage à Ottawa afin d'obtenir du ministre des Douanes l'entrée gratuite des machines. Le gouvernement lui refusa, néanmoins, l'autorisation de vendre les sous-produits contenant de l'alcool. Mais le capital attendu ne vint pas et le projet s'effondra. Ces échecs successifs, en anéantissant les espoirs des agriculteurs-industriels sans expérience qui y avaient engagé des fonds considérables, présageaient à plus ou moins brève échéance une faillite générale de la colonie. La catastrophe se déclencha plus tôt qu'on ne l'attendait, dès la fin de 1893, par l'abandon forcé de la Rolanderie. Le comte de Roffignac, écrasé sous les dettes, avait des intérêts personnels dans presque toutes les entreprises, qui en subirent le contrecoup. Plusieurs des gentilshommes des débuts avaient déjà renoncé à une vie pour laquelle ils se sentaient peu d'aptitudes. Les autres allaient s'éloigner à leur tour, quelques-uns à regret. Il ne restera définitivement que des anciens serviteurs et ouvriers des premiers maîtres. Ces paysans ne doutèrent jamais que la vallée de la Pipestone ne fut capable de les nourrir. Derniers vestiges du passéToute trace de la période romantique n'a pas entièrement disparu. En 1986, les traces suivantes existaient encore dans la région. La maison de la Rolanderie existait toujours, bien que septuagénaire. La maison du comte de Beaudrap située à quelques pas de l'église actuelle de Saint-Hubert existait encore ainsi que celle du comte de Langle. Les deux dernières étaient dans un état acceptable, compte tenu de leur âge. La Rolanderie était très dilapidée mais pouvait être sauvée moyennant une rénovation considérable.
Quant aux derniers vestiges de la coquette chapelle de 1890: vitraux, portes sculptées, tableau de l'Annonciation – pieusement conservés dans la structure de la nouvelle église, ils disparurent dans l'incendie de cette dernière qui réduisit tout en cendres (1935). À côté de l'endroit ou s'élevait la primitive maison de Dieu, un cairn surmonté d'une croix en commémore le souvenir. Tout près, une douzaine de tombes marquent le lieu de sépulture des premiers morts de la paroisse naissante.
Avec la disparition des derniers témoins, l'histoire des débuts spectaculaires de Saint-Hubert a presque sombré dans l'oubli. Ils furent pourtant la pierre d'assise d'une fondation durable qui met en relief les qualités foncières de notre race. Les sympathiques gentilshommes de la fin du siècle dernier échouèrent dans leur projet de créer une réplique avantageuse de la vieille France; mais ils ouvrirent la voie à des compatriotes dont les efforts patients et laborieux ont abouti à l'épanouissement de l'un des beaux centres franco-catholiques de l'ouest canadien. Conclusion
En 1986, je posais la question suivante: La Rolanderie revivra-t-elle? Ma réponse était alors: Oui, si les descendants des familles des ouvriers agricoles français et belges de la Rolanderie le veulent. Elle revivra, si les autorités provinciales et municipales le veulent. Elle revivra, si les Fransaskois, par l'entremise de leurs associations, le veulent! Le projet d'aménagement d'un site historique à la Rolanderie était excitant en 1986. Malheureusement, rien n'a été fait et aujourd'hui l'histoire des comtes français reste inconnue des Fransaskois et des Fransaskoises.
Maintenant, à cause du développement d'une industrie touristique francophone en Saskatchewan, il y a de nouvelles tentatives de faire revivre la Rolanderie. D'abord, cet article a pour but de faire connaître à un plus grand public l'histoire de Rudolph Meyer et des comtes de Roffignac, de Seyselles, de Soras, de Beaudrap, de Beaulincourt, etc. Les bâtiments ne sont plus en état pour être rénovés; il faudra alors trouver d'autres moyens de faire valoir l'histoire des comtes français qui sont venus s'établir dans la vallée du Pipestone vers 1885. Certains ont suggéré l'organisation d'un grand bal masqué. D'autres proposent la production d'une dramatique qui pourrait être présentée pendant les mois d'été. Bien sûr, il faudra d'abord que les gens de la région de Whitewood reconnaissent que c'est dans leur patelin que s'étaient établis le plus grand nombre de noble par mille carré en Amérique du Nord. Whitewood est véritablement le «Pays des comtes». BibliographieFrémont, Donatien, Les Français dans l'Ouest canadien, St-Boniface: Les Éditions du blé, 1980. NDLR: Nous allons poursuivre cette fascinante histoire des comtes français de la vallée du Pipestone dans le prochain numéro de Revue historique, en décembre 1999, avec un article de Carol Léonard, Aristocratie: la galerie des portraits. Monsieur Léonard tracera un portrait des principaux comtes et ajoutera aux réalisations de ces aristocrates en Saskatchewan. Nous vous présenterons aussi les blasons des comtes. |