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Lettre d'un colonisateur de l'Ouest: récit de l'abbé Royer


Nous commençons aujourd'hui la publication d'une lettre qu'a bien voulu nous adresser M. l'abbé A. Royer, fondateur et desservant de Notre Dame d'Auvergne, Saskatchewan, diocèse de St-Boniface.

Monsieur le Rédacteur,

À mon passage à l'archevêché, vous avez bien voulu vous intéresser à mes excursions de 1907 et m'en demander une relation: c'est ce rapport que je vous esquisse, vaille que vaille, malgré la trépidation des chars, pour vous l'expédier d'Ottawa.

Fondation de la colonie de la rivière la Vieille

Katchou est un métis de Willow Bunch, connu et estimé sous ce nom par toute la région. En sa demeure, le voyageur trouve toujours une touchante hospitalité, le temps y passe vite quand la vieille maman (fervente chrétienne, de noble allure, drapée comme une matrone, aux traits distingués sous les nattes grises qui encadrent son visage et rappellent nos châtelaines du moyen âge) vous raconte en bon français, bien que la langue de la famille soit le cris, les moeurs, les coutumes, les guerres des sauvages et les fameuses chasses aux buffalos dont le souvenir lui arrache des larmes avec ces soupirs mélancoliques: "Maintenant les temps sont changés, les beaux temps sont passés." Katchou donc, pour rendre justice aux Métis comme aux autres, doit être à juste titre regardé comme le fondateur de notre colonie de la Vieille, car Katchou, au printemps de 1906 signala cette plage et y conduisit un groupe de canadiens de Cantal ayant à leur tête M. le Curé de Willow Bunch et le R. M. Lemieux. Ces messieurs construisirent là, la première maison et commencèrent plusieurs chantiers pour quelques parents qu'on vit arriver successivement. Un journal de l'époque publia leurs noms.

Au 1er juillet de la même année, tandis que je retournais en France chercher quelques amis pour revenir définitivement, mes compagnons se rendaient à leur tour sous la plaine de la Vieille, choisir des homesteads pour eux, pour moi et pour ceux que nous attendions. À vrai dire, nous avions choisi d'abord une autre place sur la rivière Souris, mais le courant d'immigration était si fort, qu'en revenant d'explorer l'Alberta nous trouvions nos terres enlevées par d'autres et devions aller nous installer à la Vieille, sur les indications de M. Gelley, toujours si dévoué aux émigrants français, et avec l'approbation de Mgr l'Archevêque dont la bonté nous avait tout de suite attachés au diocèse.

Trois mois plus tard arrivait de New-York un autre prêtre, M. l'abbé Gravel, désireux lui aussi de fonder une colonie et se proposant d'aller pour cela à 15 milles plus au sud. Mais, arrêté sans doute par les buttes, il se replia le même soir vers notre Vieille, se l'adjugea et lui donna son nom en lui obtenant un post-office (officiellement c'est Gravelbourg).

Huit jours après, je revenais de France avec quelques compatriotes, j'acceptais les offres que me faisait notre nouveau colonisateur par l'entremise de l'archevêché, et me rendais à la Vieille avec plusieurs Canadiens qui représentaient ces groupes de l'Est, tels que MM. David et Edmond Gauthier, et que la présence d'un prêtre décidait à surmonter les ennuis de l'éloignement.

Cependant l'hiver de 1907, un hiver terrible, nous surprit. On sait comment nous passâmes ces jours mauvais, bloqués dans la neige, séparés du monde mais avec l'esprit de famille des premiers chrétiens. Catholiques avant tout, nos braves Canadiens de l'Est auraient difficilement accepté de s'établir si loin des chars et sans les secours de la religion, mais apprenant de leurs amis qu'il y avait une mission à la Vieille, qu'un prêtre y avait passé l'hiver, ils nous arrivèrent en grand nombre aux premiers jours de printemps. Rapidement avec le concours de l'immigration Franco-Belge, tous les bons homesteads furent pris, la place peuplée.

II.

Regardant alors la formation comme terminée et parce que j'avais rêvé d'une paroisse dédiée à la Sainte Vierge et portant son nom, je me décidais à franchir les buttes du Sud pour desservir une autre place vers l'embouchure du Pinto Horse Creek. Nous entreprenions la route M. Biron, homme d'expérience, et moi. Nous ne tardions pas à constater que ces buttes abruptes, seulement sur les bords de la rivière, sont parfaitement cultivables et peuvent fournir d'excellents homesteads. La place fut signalée à quelques familles mécontentes de la Vieille ou plutôt de certains procédés. Elles s'y rendirent et y restèrent. D'autres les rejoignirent bientôt. Un groupe d'Irlandais catholiques y vint aussi. Aujourd'hui, il y a de quarante à cinquante homesteads catholiques. Cette place n'a pas encore de nom officiel (s'il y a quelqu'homme célèbre, qu'il se présente!), on l'appelle là-bas: Buffalo Head, parce que, chose rare aujourd'hui, on y a trouvé, sur le bord d'un grand slough (bourbier), une quantité prodigieuse de têtes de buffalo ou bison.

III.

Voyant la rapidité avec laquelle cette nouvelle paroisse serait peuplée alors que des catholiques demanderaient encore des terres, je résolus de visiter la région qui nous sépare de Willow Bunch. Ce que j'y trouvai? De belles terres, du foin très dense, mais déjà des anglais. Ce qui m'y frappa le plus? La carabine du canadien qui me conduisait, carabine, hélas! bien anticléricale quoique appartenant à M. Le Moine; la balle destinée à un canard qu'elle me logea dans un pied (pas le canard) me valut un autre genre d'exploration, celle de l'hôpital protestant de Moose Jaw. Oh! ne vous scandalisez pas à ce mot. Pour 36 raisons je ne suis pas allé à l'hopital catholique: la première, c'est qu'il n'y en a pas... vous me dispensez des autres? Là, un magnifique portrait du Christ m'aidait à souffrir semblant me dire en souriant: "Moi, j'avais les deux pieds percés." Là, des quiproquos inévitables aux débutants de l'anglais venaient parfois me distraire tel que celui que je vous ai raconté à propos d'une plume pour laquelle on m'apporte... mettons un encrier. Là, la visite de Sa Grandeur, toute empreinte de son habituelle bienveillance, venait enfin me réconforter. Une parole surtout que Monseigneur adressait à sa suite me fit impression et me donna une énergie nouvelle: "Un évêque ne peut aller lui-même par les prairies pour y fonder des paroisses. Ses occupations l'en empêchent, mais il compte pour cela sur le dévouement de ses prêtres." Et c'est pour répondre à ce voeu tout apostolique que, sortant de l'hôpital, allégé de 40 dollars, je me fis hisser sur une voiture et repris aussitôt, bien que sans ressources, la route des déserts. Accompagné de jeunes canadiens et de quelques-uns de mes français j'explorai, à plusieurs reprises, la rivière du Pinto de son embouchure à sa source. C'est pendant l'une de ces excursions que nous avons dû goûter les charmes d'une nuit à la belle étoile, plus agréable cependant qu'une autre passée l'hiver dernier dans la neige sans couvertures ni provisions. C'est alors aussi que nous avons senti, pour la première fois de l'année, les caresses trop piquantes d'une nuée de maringouins endiablés.

IV.

N'ayant rien trouvé de complètement à mon goût, c'est-à-dire, réunissant la somme d'argent que je recherchais, je commençais une série de nouvelles courses dans la direction de l'Ouest. Tout d'abord, je remontais le Whisky Creek; magnifiques terres mais déjà entamées. Songez donc avec un pareil nom! Et cependant nous n'avons bu là que de l'eau claire pour faire descendre une superbe friture de grenouilles et de poissons des ruisseaux. Le nom de Whisky Creek vient tout simplement de libations mémorables qui eurent lieu jadis entre commissionaires venant de Winnipeg et des Métis venus à leur rencontre avec, inutile de l'affirmer, la seule idée de donner un coup de main. Toujours est-il que pour fêter la rencontre, on sortit des colis, on ouvrit des caisses magiques qui produisirent bientôt de tels brouillards que nos voyageurs ne distinguaient plus le courant du creek et le prenaient pour un flux de whisky.

V.

De Whisky Creek j'allais visiter une charmante petite colonie où j'étais admirablement bien reçu par des Canadiens et des Métis: la colonie du lac Laplume, pardon, du lac Pelletier. Ici, en effet, on modernise comme ailleurs, on va jeter dans l'oubli les quelques noms qui pourraient conserver à la tradition les intéressantes légendes d'autrefois. En France, il s'est formé, il y a quelques années, des comités prenant pour tâche de ressusciter ces vieux récits, la charme des veillées d'hiver: il était bien tard. Que va-t-on faire ici? Ne serait-il pas avantageux de les recueillir tandis qu'elles sont encore visiblement gravées sur les cailloux de nos buttes, dans les écarts de nos creeks, au fond de nos coulées, avant que les vandales du jour, aidant aux ravages du temps, n'en aient effacé la trace. Lac Laplume! "D'où vient ce nom?" demandais-je à un vieux Métis de l'endroit. –Je vais te le dire Père, écoute: C'était pendant les guerres des Sauvages. Vois-tu là-haut sur la montagne, ce tapon de pierres? Une tribu qui devait se battre le lendemain, était réunie là, pour offrir un sacrifice afin d'obtenir la victoire. Un jeune chef s'avança vers l'autel et prenant ses plumes les offrit au ciel, et le ciel accepta car il envoya immédiatement un vent violent prendre les plumes et les porter dans ce lac. Voilà pourquoi les Sauvages le baptisaient "Lac de la Plume." –Mais, dis-moi, qu'étaient-ce que ces plumes, comment constituaient-elles un sacrifice? –Je vais te le dire aussi: Père, récompensaient le courage de leurs guerriers en leur donnant des plumes de Kilio. –De Kilio? Qu'entends-tu par là? –Oh! je ne sais comment tu l'appelles, toi, mais c'est un grand oiseau de proie, presque noir. –Mais alors chacun pouvait s'en procurer en tuant un de ces oiseaux? –Pardon, Père, celles qui servaient à la récompense étaient marqués par le Grand Chef au moyen d'un morceau de peau de belette, fixé d'une façon toute particulière. À celui qui rapportait un cheval on donnait une plume; trois à celui qui scalpait un ennemi et rapportait une chevelure humaine. Le soldat qui obtenait le plus grand nombre de plumes avançait en grade et pouvait devenir Grand Chef. Tu vois qu'à jeter ses plumes au ciel le jeune guerrier faisait un véritable sacrifice. –Grand merci, mon ami, de ta belle histoire que je n'oublierai pas. Je vais te demander autre chose maintenant. –Parle, Père, je suis à tes ordres. –Tu connais le pays comme ta poche, n'est-ce pas? Alors, avec un bon rire franc, et dans son oeil noir, un éclair brillant où semble passer tout un monde de souvenirs: "Oh! oui, me répond le Métis, je l'ai parcouru bien des fois quand la tribu des Cris, à laquelle j'étais allié, repoussait les Pieds-Noirs jusque dans les Rocheuses et surtout quand nous chassions les buffalos." –Entre parenthèse, en as-tu tué beaucoup? –Des masses. –Des masses de Pieds-Noirs? –Pardon, peut-être bien quelques-uns, mais je veux dire des buffalos. –Bon, bon, eh bien! je voudrais visiter la prairie qui s'étend de la Frenchman Creek et trouver quelque belle place pour y établir une paroisse. Veux-tu m'accompagner? –Je veux bien, Père. –Ton nom d'ailleurs est prédestiné pour cela, Moïse Adam! Avec toi je suis sûr de passer les rivières sans rester dans l'eau, et tu ne peux me conduire qu'au Paradis Terrestre. Et nous voilà partis pour la montagne du Cyprès où je suis retourné deux fois depuis, dans l'intérêt des nouveaux colons. Il y a là, à l'est de la montagne, une très vaste plaine légèrement ondulée, terrain un peu sableux avec ça et là une roche, mais tout près, des avantages indiscutables. J'ai vu, en effet, dans les replis de la montagne de riches ranchers anglais et français, très aimables, fort hospitaliers, quelques catholiques, dernier parfum peut-être de l'ancienne mission de South Fork, dont il ne reste qu'une cheminée par laquelle on désigne le creek "Cheminy Creek". J'ai vu des troupeaux magnifiques passant sur les bords de Swift Current, et dans les coulées obragées de trembles, du charbon, du soufre, du fer, une sorte d'ardoise, qui pourraient bien amener un jour en ce pays des richesses inattendues. Au milieu de la plaine s'élève une butte qui, vue du Nord, ressemble exactement aux pyramides d'Egypte. Dix jeunes Cris s'étaient un jour éloignés de leur camp et chevauchaient joyeux mais téméraires à travers la prairie, sans se douter que de là-haut, dissimulés sous le feuillage, des yeux les surveillaient farouches et sanguinaires. Tous furent massacrés par une tribu ennemie et enterrés ensuite, par les leurs, au sommet de cette butte. C'est la butte des Cris.

Et c'est au cours de mon premier voyage aux Cyprès que j'ai appris une recette sauvage des plus utiles. Tuer, plumer, cuire, manger et... j'allais dire digérer un canard en vingt minutes, et que j'ai appris aussi, recette moins intéressante, à déjeuner en serrant la ceinture d'un cran.

VI.

Au retour de cette excursion et à mi-chemin, je trouvai des plateaux superbes, que j'avais déjà notés de loin et que j'ai visités en détail depuis. On peut y établir plusieurs riches paroisses. La terre, que nous avons fouillé en maintes places, est excellente et donnera certainement les meilleurs résultats. Il n'y a pas de bois mais en retour ni roches, ni broussailles. Nous y avons bu de bonne eau de source. Les plateaux sont d'ailleurs coupés par un ruisseau qui ne tarit jamais. Les vieux chasseurs m'ont affirmé qu'ils y avaient vu du charbon, maintenant caché sous un éboulement au bord du creek.

VII.

Alors, certain de pouvoir indiquer aux catholiques des centaines d'homesteads à terre fertile, faciles à cultiver, riches d'avenir puisqu'ils sont situés sur un tracé de chemin de fer, je suis revenu à la maison prendre un groupe de braves gens qui attendaient mes appréciations. En l'Octave de l'Assomption, après une messe solennelle, nous partons en caravane, wagons, démocrates, cavaliers. Arrivés au centre de ces contrées explorées, au coin de ces plateaux dont je viens de parler, j'explique de mon mieux à mes gens la valeur de chaque place, depuis Willow Bunch jusqu'aux Cyprès Hills, et pour fixer leur choix, nous recourons aux lumières d'en haut. Quel inoubliable spectacle! Dans cette vallée, depuis si longtemps déserte et silencieuse, un autel est dressé rustique et pittoresque, mais tout doré par les rayons du soleil levant, me rappelant et amenant sur mes lèvres la devise de mon bien-aimé professeur de rhétorique, Mgr Leroy: "O Oricus veni et illumina!" Tandis que je célèbre le St Sacrifice de la messe, des voix fraîches et sonores font tressaillir les échos endormis. MM. Lescé et Brund, deux jeunes Canadiens, accompagnés par un violoniste français, M. Barrot, exécutent de très jolis motets latins. Puis tous ensemble, sans dissimuler quelques larmes d'émotion, entonnent à l'unisson et font vibrer le cantique suivant, improvisé pour la circonstance. Air: C'est le mois de Marie!

Refrain:
Désormais, tendre Mère,
C'est ici ton séjour,
Et sur ce coin de terre
Règnera ton amour.

1er couplet:
Dans cette immense plaine
Nous venons tout joyeux,
Te tailler un domaine
Douce Reine des Cieux,

2e couplet:
À toi donc, ô Marie!
L'onde de ces ruisseaux,
Et ces vertes prairies,
Et ces riches côteaux!

3e couplet:
O Toi que l'on implore
Quand on veut réussir,
Nous te vouons encore
Nos projets d'avenir.

4e couplet:
Dans cette colonie
Canadiens et Français
Par toi, Vierge bénie,
Attendons le succès.

5e couplet:
Que dans cette paroisse,
Fondée en ton honneur,
La Foi s'implante et croisse
Dans l'Amour du Seigneur.

6e couplet:
Qu'enfin, sans défaillance,
Te servant en ces lieux,
Près de Toi l'Espérance
Nous mène un jour aux cieux!

Le pays est dédié à Marie par les premiers qui l'ont choisi. Dans le courant d'avril prochain, dès mon retour, nous nous retrouverons nombreux sur ces plateaux, pour y continuer notre culte à l'auguste Mère de Dieu. Grâce à de hautes protections, nous espérons avoir bientôt le bureau de poste; tandis que d'honnêtes Canadiens et Français se mettront amicalement à la disposition des arrivants, pour leur rendre tous les services possibles aux meilleures conditions. Les Métis m'ont bien indiqué d'autres plateaux plus éloignés; ce sera pour l'été prochain, si je le puis. En attendant, nous nous séparons, chacun allant où son inclination le pousse. M. le comte de Couesbouc, MM. Louis, André, Jeoffroy, Dayon, Pierre, Betiot, etc. vers la plaine des Cyprès, que les Anglais de là-bas appellent déjà Little France, les autres, à la suite de MM. Biron et Ledoux, par le chemin opposé. Pour moi, sentant le besoin d'un peu de repos, je me retire à la maison où je constate qu'on peut obtenir en nos prairies des récoltes étonnantes, sur premier labour, et où j'indique les nouvelles places à ceux qui pourront parvenir jusqu'à moi dans notre colonie de la Vieille. La Vieille que j'ai si souvent nommée, c'est par elle que j'ai commencé, par elle que je vais finir, dussiez-vous rire de ma paroisse pour ses anciennes légendes.

VIII.

Johnston Lake n'est qu'une autre usurpation dans l'histoire locale, ne révélant, m'a-t-on dit, que des choses banales et seulement pour quelques initiés. Le vrai nom, c'était le lac de la Vieille (Old Wife's Lake). Remontons encore bien loin dans le temps des Sauvages. Tandis que sa tribu, Cris ou Sioux, je ne me rappelle plus bien, campait sur les bords du lac, une femme vénérée et redoutée comme sorcière, l'épouse du Grand Chef, vint à mourir. Rien d'extraordinaire jusque là, il paraît que cet accident arrive à tout le monde. Mais voici l'extraordinaire: Elle fut enterrée avec grande pompe dans une île du lac, suivant les rites et les coutumes sauvages, assise, ses agrès de manège en main, à trois pieds sous terre et, croyez bien la chose, tout enterrée qu'elle était, continua solennellement ses prophéties. À la veille d'une guerre, les Sauvages venaient en file s'agenouiller sur les bords du lac, et les yeux fixés dans la direction du tombeau priaient et écoutaient, l'oreille attentive. Alors une voix sortait de l'île mortuaire et peu à peu dominait le bruit de la vague: c'était la voix de la vieille sorcière. Si elle braillait, les pauvres Sauvages n'avaient plus qu'à éviter les rencontres, leur défaite était certaine; mais, si au contraire la voix chantait gaiement des strophes guerrières, ils étaient sûrs de la victoire. Et voilà pourquoi ils appelaient ce lac: Old Wife's Lake et Old Wife's River le cours d'eau qui l'alimente. Enfin comme ce cours d'eau passe dans notre première colonie, on appelle encore communément celle-ci: La plaine de la Vieille.

Quelques erreurs (addendum)

Dans notre article du 15 juin sur la colonisation du sud de la Saskatchewan, il s'est glissé quelques erreurs que nous nous faisons un devoir de rectifier. Nous n'attribuions à N.-Dame d'Auvergne que 100 familles, tandis qu'il y en a au moins 150. Nous devons ajouter que cette place a été ouverte à la colonisation l'an dernier, avant l'arpentage, par M. l'abbé A. Royer, prêtre français, dirigeant un groupe de ses compatriotes. Ce prêtre dévoué, qui réside actuellement dans cette paroisse où il vient de construire une église, est venu au printemps de 1906 d'Auvergne au Canada pour y fonder une paroisse en l'honneur de la Très-Sainte Vierge. C'est l'un des ouvriers de la première heure. Tout en desservant les catholiques déjà établis dans cette région, principalement à la Vieille, appelée depuis Gravelbourg, il a exploré et étudié à ses frais le sud-ouest de la Saskatchewan. Dès l'été de 1907, il dirigea au pied de la Montagne des Cyprès les premiers colons qui s'y établirent: M. le comte de Couesbouc et les siens, MM. Dayon et Tixier, Barrot et son fils.

M. l'abbé Royer nous assure qu'il connaît au sud de N.-D. d'Auvergne plusieurs townships qu'on arpente présentement, éloignés des chemins de fer actuels, mais plus rapprochés des futures lignes, lesquels pourraient former de belles paroisses canadiennes-françaises. Avis donc, compatriotes!

(Les Cloches de Saint-Boniface, vol. 7, #6, 15 mars 1908, p. 71-72; vol. 7, #8, 15 avril 1908, p. 91-93; vol. 7, #11, 1er juin 1908, p. 130-131; vol. 7, #12, 15 juin 1908, p. 141-142; vol. 7 #13, 1er juillet 1908, p. 153-154; vol. 8, #14, 15 juillet 1909, p. 181-182.)

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