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Emparons-nous du sol


Nous recevons des Révérends MM. Lemieux, curé de Willow Bunch, Sask., et M. A. Leroyer, missionnaire, les deux correspondances suivantes.

....Je certifie par la présente, que dans le cours de l'été dernier, Messieurs Leduc, Camille Laroche et Lauzière ont visité les terrains aux environs de Willow-Bunch, spécialement les townships 6, 7, 8, rangs 30 et 31 sur le troisième méridien. Ces messieurs ont été on ne peut plus enchantés de leur visite. Il faut à tout prix s'emparer de ce royaume sans pareil, ont-ils dit, car quoiqu'il y ait encore de la place pour des milliers de familles; cependant, le site est trop beau et la terre trop bonne pour qu'elle ne soit pas prise bientôt.

Il est grandement temps que les Canadiens viennent s'établir ici – dans un an, ce sera peut-être trop tard. Avant peu, les chemins de fer sillonneront ces belles plaines.

Les plus braves seront comme toujours, les plus heureux.

En avant donc, vous tous qui avez des fils à établir ou qui cherchez pour vous-mêmes, une terre hospitalière et feconde.

Moose Jaw, 11 mars 1907.


À Monseigneur Dugas, V.G.P.A.

Monseigneur,

Ennuyé d'être resté quatre mois dans la neige, je suis parti la semaine dernière, à pied pour Mortlach. En arrivant là j'ai écrit à Sa Grandeur, à mon grand regret, au crayon, mais le maître de poste lui-même, n'avait ni encre, ni plume.

Je demandais où l'on comptait bâtir l'église de Gravelbourg; Monseigneur l'Archevêque m'avait déjà écrit dans une lettre que j'ai trouvée à Moose-Jaw: "Près de l'emplacement du Père Gravel." Or, le Père Gravel ayant marqué: Section 12 du t. 10, r. 4, je crois à peu près. D'ailleurs, le Père devant arriver bientôt, me dira clairement ce qui lui plaît.

Au sujet de l'autre paroisse dont m'a parlé Monseigneur, et que je tâcherai d'aller fonder au plus tôt, je demande à Sa Grandeur, de l'appeler N.-D. d'Auvergne. C'est un moyen de plaire à mes compatriotes et d'attirer beaucoup de dons. Si même j'avais eu la réponse avant de repartir, j'aurais expédié mes demandes. Ce sera pour la prochaine occasion.

Je suis resté quelques jours à Moose-Jaw, pour voir dimanche, le Père Roy et les cérémonies solennelles dont nous sommes privés depuis si longtemps. Je vais repartir ce soir, car il faut que je sois là-haut au moment de l'inondation à laquelle on s'attend. Cet hiver, nous avons continué de nous réunir les dimanches dans une maison neuve; un de mes Français chantait la messe avec deux Canadiens. Il y a eu communion à Noël. J'ai lu l'Évangile et prêché tous les dimanches. Ces braves gens étaient très attentifs et avaient l'air bien contents. Sans calendrier, sans ordo dans la place, nous avons dû calculer un instant pour trouver quand serait le dimanche de Pâques, et puis le mercredi des Cendres. On a bien examiné la lune et l'on est arrivé juste. Une famille s'est trompée un certain jour et est arrivée, en grande tenue, un samedi qu'elle croyait un dimanche. Nous avons eu un moment d'inquiétude mes français et moi, nous trouvant surpris par l'hiver sans provisions et sans bois; mais j'ai la chance d'avoir avec moi de bons et courageux jeunes gens. Ils sont allés sortir du bois de la neige, et du gibier des creeks. Je les ai vus revenir parfois, avec un porc-épic, 3 ou 4 Jacques rabbits (des lapins), des poules; de quoi nourrir une paroisse! On en tuait même pour les loups, les renards qui ne se gênaient pas du tout pour venir toutes les nuits à notre porte, déterrer, découvrir notre garde-manger et se payer un festin à nos dépens. Plusieurs l'ont payé cher (car mes hommes sont d'excellents tireurs, décorés pendant leur service militaire), mais avant de périr, ils nous avaient joué plus d'un tour.

Le froid a été assez vif pour geler les orteils à celui-ci, le nez à celui-là: les beaux jours vont achever de restaurer tout cela. La moyenne du froid était 25 centigr. au dessous de zéro. Assez souvent; nous avons eu -30 et quelquefois -40. C'était intéressant pour des gens habitués à crier au secours quand ils avaient -10. Le plus ennuyeux pour nous était encore la privation da toute correspondance. J'ai trouvé à Moose-Jaw, dans la chambre de M. Émile Gravel, une montagne de lettres, auxquelles je n'ai pas achevé de répondre. De futurs émigrants qui m'avaient écrit, écrit de nouveau, sont découragés de n'avoir point reçu de réponse. J'en suis bien contrarié, car il y avait parmi eux des Catholiques excellents et riches, qui auraient fait beaucoup de bien à une paroisse. J'espère pourtant les ramener tout de suite à leurs idées d'avant l'hiver qui ne nous a pas tués, comme ils pourront le voir.

Dès qu'on va pouvoir circuler en voiture, j'irai explorer la région que je connais assez bien déjà à douze milles à la ronde, mais que je veux connaitre jusqu'au fond. J'irai même par la prairie au Lac Laplume et à Swift Current; je saurai ainsi, où l'on pourra grouper des centres catholiques. J'espère emmener dans cette excursion, le premier de mes jeunes gens qui connaît très bien la prairie. C'est lui qui avait arpenté notre township, à une verge près, de ce que font les arpenteurs. J'amenerai aussi le brave homme qui avait été désigné à M. Gravel, pour l'aider à arpenter ses lots. Cet homme qui était là chez un de nos voisins quand les MM. Gravel sont arrivés, est un excellent ouvrier, mais aussi un connaisseur de prairies. Avec ces deux aides, je pourrai je pense, découvrir quelque chose de bien. Je vous communiquerai le résultat.

En attendant, Monseigneur, je vous serai reconnaissant si vous vouliez bien me donner au plus vite, le nom que je souhaite; je vous garde d'ailleurs, une profonde gratitude pour la bonté que vous m'avez témoignée jusqu'ici, et je vous prie d'agréer l'expression de mes sentiments les plus respectueux.

A. Royer, ptre.

P.S. Nous aurons maintenant assez régulièrement des occasions pour recevoir notre courrier. M. Émile Gravel y veillera encore quelques jours ici.

(Les Cloches de Saint-Boniface, vol. 6, #9, 1er mai 1907, p. 120-122)

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