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Souvenirs de Monseigneur Gaire sur la colonisation de l'Ouest


«Mon expérience du pays ne date pas d'hier, écrivait Mgr. Gaire en avril 1924, dans le Bulletin de l'A.C.F.C. C'est en l'année 1888 que je quittais la France pour passer au Canada et c'est en juillet de la même année que j'allais fonder Grande-Clairière, à l'extrème sud-ouest du Manitoba, tout près de la frontière de l'Assiniboia, la Saskatchewan actuelle.

«Nous étions alors en pleine période des temps héroïques de la colonisation dans l'Ouest. Il n'y avait encore qu'une ligne de chemin de fer à travers nos prairies de l'Ouest. Le Manitoba était faiblement peuplé et les deux provinces soeurs, la Saskatchewan et l'Alberta, ne comptaient encore que de rares colons clairsemés le long de l'unique voie ferrée qui traversait ces deux grandes provinces, alors simples territoires. A l'ouest de Brandon, les villages des stations ne comprenaient généralement que quelques maisons. C'est au plus si l'on pouvait distinguer sur la ligne les quelques gros villages qui s'appellent aujourd'hui les villes de Régina, Moose Jaw, Swift Current, Maple Creek, Medicine Hat et Calgary.

Les premiers établissements

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L'église à Wauchope (Université d'Ottawa, Centre de recherche en civilisation canadienne-française) 9 Kb

«À cette époque relativement lointaine, il y avait déjà dans nos prairies des ouvriers de la bonne cause franco-canadienne; il y avait à Régina ce brave abbé Graton, mort à la tâche dans les neiges; il y avait l'abbé Roy, devenu curé de Wolseley; il y avait encore l'abbé Gaire, qui, établi à Grande-Clairière, se préparait à fonder coup sur coup les missions de Saint-Maurice, Saint-Raphaël, Dumas, High View et Wauchope, sans compter Saint-Antoine et Forget. Ces établissements fondés au milieu de difficultés inouïes dans des temps très durs, entre 1890 et 1900, sont devenus maintenant des paroisses généralement florissantes qui maintiennent haut le drapeau catholique et français au sud, au sud-ouest et au nord des collines de l'Orignal. D'autres colonies franco-canadiennes se fondaient dans le même temps un peu plus au nord-ouest.

«Voici d'abord Saint-Hubert, situé, sur la rivière Pipestone, entre Whitewood et la Montagne de l'Orignal, fondée par des fils de famille de France, généralement éleveurs, qui cédèrent à des fils de simples paysans venus de France et de Belgique.

«Nous trouvons ensuite Wolseley sur la grande ligne et Montmartre avec Lac Marguerite un peu au sud: ces deux derniers centres formés au début avec des émigrants venus de France. Citons encore Qu'Appelle Nord et c'est tout ce que nous pouvons trouver à l'est de Régina.

«À l'ouest de cette ville absolument rien qui révélât la présence de quelques colons franco-canadiens, si ce n'est l'établissement de quelques métis au sud de Swift Current, au Lac Pelletier, et loin au sud, au fond d'une immense solitude, la paroisse métisse de Willow Bunch qui devait devenir avec le temps le centre si actif de colonisation que nous pouvons voir maintenant.»

Après avoir parlé de la colonisation dans la partie nord de la Saskatchewan, Mgr Gaire ajoutait ces considérations générales:

«Si le courant qui portait nos catholiques français de Québec vers les États-Unis, avait été tourné énergiquement dès 1870, ou tout au moins dès 1890, du côté de l'ouest du Canada, l'état de choses au point de vue catholique et français serait tout autre dans nos prairies que celui que nous pouvons voir aujourd'hui.

«Nous serions partout la grande majorité des catholiques de ces régions et probablement en bonne moitié de la population totale et l'avenir ne pourrait manquer de nous revenir définitivement, à bref délai, grâce à la magnifique natalité de notre race au Canada.

L'appoint de Québec

«Il faut reconnaître pourtant que les cris d'alarme des missionnaires français parvenaient parfois à se faire entendre, et c'est ainsi que de temps à autre à partir de 1870 il nous arrivait avec parcimonie, de-ci de-là, des émigrants de la province de Québec. Les uns nous venaient conduits comme par la main du missionnaire, les autres un peu par curiosité et parfois par hasard.

«Une fois arrivée, ces nouveaux venus, très surpris de la richesse de nos plaines, ne manquaient pas d'en parler dans leurs lettres à leurs compatriotes du Bas-Canada. Ces lettres laissaient généralement incrédules les gens d'en bas. Cependant la curiosité de quelques-uns était piquée, et voulant se rendre compte par eux-mêmes de l'état des choses dans les prairies de l'Ouest, ils entreprenaient le voyage à leur tour peu à peu.

L'apport de l'Europe française

«À l'appoint encore faible de Québec commença à s'ajouter, vers 1887-88, celui de l'Europe française. La France et la Belgique et même la Suisse commencèrent à envoyer au Canada quelques-uns de leurs enfants chaque année.

«En Belgique ce fut le Luxembourg pauvre qui entra le premier dans la voie, tandis qu'en France c'était la Lorraine qui donnait le premier exemple. Les premiers arrivés, très clairsemés, en appelaient d'autres un peu moins rares et ceux-ci à leur tour en plus grand nombre.

«Le hasard avait décidé du départ des premiers et c'est ainsi que d'un heureux hasard sortait peu à peu une poussée d'émigration de plus en plus appréciable de France et de Belgique vers nos prairies de l'Ouest, vers le Manitoba d'abord puis vers la Saskatchewan et vers l'Alberta ensuite.»

(Les Cloches de Saint-Boniface, vol. 24, #2, février 1925)

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