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Feu Monseigneur Jean Gaire, P.D., curé de Wauchope


L'Ouest canadien, en particulier le diocèse de Régina, vient de perdre l'un de ses prêtres les plus méritants dans la personne de Mgr. Jean Gaire, prélat de la Maison de Sa Sainteté et curé de la paroisse Saint-François de Wauchope. Sa santé était chancelante depuis quelques années, mais son énergie était inlassable. Il succomba subitement dimanche après-midi, le 4 janvier. Il avait chanté la messe le matin.

Né à Lalaye, dans l'Alsace française, le 16 novembre 1853, de Martin Gaire, cultivateur, et de Reine Humbert, le jeune Jean fit ses études aux petits séminaires de Strasbourg et de Luxeuil et au grand séminaire de Nancy, où il fut ordonné par Mgr. Toulon le 17 juillet 1878. Vicaire à Frouard dans le diocèse de Nancy de 1878 à 1880, desservant, puis curé de Loisy-Bezaumont de 1880 à 1888, il sentit la vocation de missionnaire colonisateur dans l'Ouest canadien. Pour y correspondre il quitta son cher pays de France le 25 avril 1888 et arriva le 21 mai suivant à Saint-Boniface, où Mgr. Taché l'accueillit avec son grand coeur.

Il fut pendant un mois l'hôte de M. l'abbé Jolys, curé de Saint-Pierre, et prit contact avec les différentes paroisses de la vallée de la Rivière-Rouge. Après avoir constaté que la race franco-canadienne était fortement groupée dans cette fertile vallée, qu'aucune autre ne pourrait l'en déloger et que l'Ouest du Manitoba était en danger d'être à jamais perdu, il comprit qu'il y avait là une position importante à conquérir et à assurer à tout prix. Il décida d'aller y fixer sa tente. «Cette détermination, dit-il, surprit mes supérieurs; ils me laissèrent cependant partir convaincus que quelques jours de vie réelle feraient tomber ce qu'ils croyaient être mes illusions.» Contre toute attente une position stratégique de premier ordre fut conquise et conservée, grâce à l'énergie et à l'endurance du missionnaire colonisateur. Ce grain de sénévé, si généreusement jeté en terre et arrosé de tant de sacrifices, a produit un grand arbre dont les paroisses de Grande-Clairière, de Saint-Maurice, de Saint-Raphaël, de Saint-Antione des Prairies, de Dumas, de Forget et de Wauchope, sont les verdoyants rameaux.

L'histoire de la fondation de Grande-Clairière, peut-être la plus extraordinaire et la plus héroïque qu'aient enregistrée les annales de la colonisation des plaines de l'Ouest, a été racontée par le fondatuer lui-même, à la demande expresse de Mgr Langevin, dans un volume de deux cents pages intitulé: Dix années de mission au Grand Nord-Ouest Canadien. Rien de palpitant comme l'intérêt de ces débuts en pleine prairie et combien admirable le geste de ce prêtre, qui marqua l'emplacement d'une future paroisse par la prise de possession d'un homestead dans une région où il n'y avait que trois familles métisses éloignées les unes des autres!

Le vingt-cinquième anniversaire de cette fondation fut célébré à Grande-Clairière le 3 juillet 1913. Comme il était juste, celui qui avait été si longtemps à la peine fut ce jour-là à l'honneur. Il fut le héros du jour. Il chanta une messe solennelle à laquelle assistait le grand archevêque de Saint-Boniface, qui l'avait vu à l'oeuvre depuis dix-huit ans et qui se plut à rendre un magnifique hommage à son esprit d'initiative, à son courage à toute épreuve et à son travail fécondé par le sang de l'Agneau auquel il avait mêlé celui de son coeur.

Le regretté défunt fut sans contredit le missionnaire colonisateur qui amena dans l'Ouest canadien le plus de colons de France et de Belgique. Il publia pendant plusieurs années un bulletin intitulé: Le Défenseur du Canada catholique et français, destiné à faire connaître les avantages de l'Ouest. Aux campagnards de ces pays tentés de prendre le chemin des villes, il disait: «Venez au Canada. Vous y trouverez la fortune, la paix, la vertu, le bonheur, en même temps que vous nous aiderez à poser les fondements d'un grand peuple.» Il sut toujours cultiver un sain enthousiasme et un optimisme de bon aloi: deux choses bien nécessaires au milieu des difficultés inhérentes à tout mouvement de colonisation.

Depuis 1903 l'ardent missionnaire s'était établi à Wauchope et il y demeura jusqu'à sa mort. Le 15 mai 1920 S.S. Benoît XV le créa prélat de sa Maison. C'était une dignité bien méritée. Au zèle du colonisateur il joignait les vertus de prêtre et de l'homme de Dieu. Son âme s'était fortifiée dans le sacrifice et dans de dures privations. Sa modestie et son détachement étaient admirables. «Ce n'est ni l'or, ni la gloire, ni le bien-être qui m'attire au Canada», avait-il écrit à son évêque en lui demandant la permission de quitter son diocèse de France, «c'est donc Dieu qui m'y appelle.» Ces paroles si simples et si sacerdotales, il les a vécues pendant près de trente-sept ans dans les diocèses de Saint-Boniface et de Régina. Aussi son nom restera-t-il en bénédiction dans l'un et dans l'autre.

S.G. Mgr Mathieu, qui a présidé ses funérailles à Wauchope le 8 janvier, lui a rendu un bel éloge en présence de sa dépouille mortelle. Dès la nouvelle de sa mort il écrivit à ses prêtres une lettre dans laquelle il rappelait sa vie de dévouement, de sacrifice, de travail et de privation. «La vie sacerdotale apparut toujours pure et lumineuse dans sa personne; elle apparut dans la régularité de sa vie, dans la dignité de son caractère, dans la loyauté de sa parole, dans la charité de son âme, dans le dévouement de son coeur, en un mot, dans son inaltérable fidélité au devoir. Il répandit toujours autour de lui la bonne odeur de Jésus-Christ et il fut toujours la vivante image de ce divin modèle.»

(Les Cloches de Saint-Boniface, vol. 24, #1, janvier 1925, p. 5-7)

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