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L'abbé Bérubé: une controverse (écoles, missions et colonisation)


Les graves documents que nous publions aujourd'hui sont d'une extrême importance. Ils touchent à trois questions vitales pour l'avenir catholique et français dans l'Ouest Canadien.

Protestation des prêtres séculiers du diocèse de Prince-Albert, Sask., 8 juillet, 1909.

À Sa Grandeur Monseigneur Pascal, Évêque de Prince Albert.

Monseigneur,

Avant de la livrer à la publicité, nous avons cru de notre devoir de déposer aux pieds de Votre Grandeur la protestation suivante, que nous envoyons également à Son Excellence le Délégué Apostolique et à Sa Grandeur Monseigneur Langevin, Métropolitain:

Les quelques prêtres qui forment le clergé séculier du jeune diocèse de Prince-Albert en Saskatchewan, réunis pour les exercices de la retraite pastorale, ont jugé à propos, pour sauvegarder leur honneur et dégager leur responsabilité personnelle de protester contre les écrits et les paroles d'un prêtre nouvellement arrivé dans leur rangs.

Il est faux de dire que la législation scolaire dans le Nord-Ouest soit satisfaisante pour des coeurs catholiques. Dans les centres catholiques, il est vrai, le catéchisme peut être enseigné dans l'école, soit par l'instituteur, soit par le prêtre, soit par toute autre personne approuvée par les commissaires, de trois heures et demie à quatre heures. De plus, à la rentrée des classes, on pourra placer entre les mains des enfants la série des livres catholiques approuvés pour les écoles d'Ontario.

C'est là le maximum des concessions faites à l'enseignement catholique dans nos écoles publiques de la Saskatchewan.

Que l'un d'entre nous se déclare satisfait de cette législation, le fait est possible; pour nous, nous déclarons que nous ne le sommes pas et ne pouvons pas l'être.

Faux aussi de prétendre que les missions sauvages sont abondamment pourvues de toutes les ressources qui leur sont nécessaires et que toutes les offrandes pour les missions doivent être dirigées vers les nouvelles paroisses fondées par les blancs. – The indian and half-breed missions are fairly well provided for, while our missions among the white settlers are absolutely destitute of everything. Secular clergy and help are specially wanted... (May 27, 1909)

Sans doute, dans nos nouvelles paroisses où tout est à créer, presbytère, église, vases sacrés, ornements, mobilier d'église, nous avons beaucoup à lutter contre les difficultés matérielles, et le plus grand nombre d'entre nous vit bien pauvrement, mais nous aimons à reconnaître que nos vaillants confrères qui évangélisent les sauvages dans les missions du Nord, loin de toutes civilisation, sont plus à plaindre et plus méritants que nous: nous ne voudrions jamais bénéficier de la générosité publique à leur détriment.

Nous estimons que l'oeuvre de la colonisation dans le Nord-Ouest est une belle oeuvre.

Que nos frères catholiques de la province de Québec, au lieu d'émigrer aux États-Unis, viennent renforcer nos rangs. Ils rencontreront ici des avantages matériels incomparables. En choisissant bien leur place, ils trouveront bien des prêtres pour les recueillir et les évangéliser; et si la situation scolaire ne donne pas toute satisfaction, ils comprendront, par ce que nous avons dit, qu'elle est préférable encore à celle des États-Unis.

Mais nous voulons que cette colonisation se fasse par des procédés honnêtes; l'Ouest canadien offre assez d'avantages sans qu'il soit nécessaire d'attirer les gens par des promesses irréalisables.

Surtout, nous ne voulons pas que la colonisation catholique soit l'occasion de spéculations éhontées.

J.-C. Sinnett, St-Ignace.
S.-B. Bourdel, St-Rogatien et St-Donatien.
P.-E. Myre, St-Isidore.
T.-H. Schmid, Lac Canard.
L. Perronet, Ste-Solange.
P. Barbier, Domrémy.
L. Voisin, Bonne Madonne.
P. Esquirel, Lac Brochet.
H. Chauvin, Marcelin.
L. Leduc, St-Patrice.
J.-B. Julien, St-Hippolyte.
P. Le Floch, St. Brieux, absent.
D.-M. Gamache, Kelvington.

Lettre de S.G. Mgr l'Archevêque aux prêtres séculiers du diocèse de Prince Albert, Saint-Boniface, 26 juillet, 1909.

À Messieurs les prêtres séculiers du diocèse de Prince Albert, signataires d'une importante protestation du 8 juillet 1909.

Chers Messieurs,

Le travail si absorbant de la visite pastorale m'a privé du plaisir d'accuser plus tôt réception de votre important document collectif par lequel vous donnez la note juste sur la situation scolaire dans la Saskatchewan, sur la colonisation et aussi sur les besoins pressants des missions sauvages. Vous aviez autorité pour parler puisque tous vous compter plusieurs années d'expérience dans le pays, et le fait d'avoir envoyé tout d'abord votre intéressant document à votre vénérable Évêque et à son Excellence le Délégué Apostolique prouve le bon esprit qui vous anime.

Vous avez eu raison de dire que nous ne pouvons pas être satisfaits de la situation scolaire dans la Saskatchewan aussi bien que dans l'Alberta, parce que les écoles sont neutres en principe, et il est à désirer que les écrits de feu Mgr Taché, d'illustre mémoire, et T. Révérend Père Leduc, o.m.i., v.g., et les discours prononcés au Parlement d'Ottawa par Sir Wilfrid Laurier et l'Honorable Fitzpatrick, pour appuyer la première clause nous garantissant tous nos droits scolaires, sans parler des aveux de nos adversaires dans l'Ouest et dans Ontario, aient plus d'autorité pour convaincre les gens intelligents et bien disposés que les écrits si regrettables de Monsieur l'abbé Bérubé.

Je vous remercie cordialement, chers Messieurs, d'avoir si bien défendu les héroïques missionnaires Oblats qui ont fait et continuent de faire une si belle oeuvre au milieu des Indiens. Le même personnage ecclésiastique voudrait-il les prendre par la famine?

Enfin, ce que vous dites de la colonisation catholique par nos compatriotes de Québec est fort juste. Nous ne demandons pas que l'on se dépouille pour nous; nous voulons la Province de Québec plus forte, plus populeuse, plus puissante que jamais; mais nous désirons que nos compatriotes désireux de posséder des terres fertiles viennent prendre leur bonne part des richesses de cet Ouest Canadien ouvert à la civilisation par nos pères venus des bords du St-Laurent. "Là où le père a passé passera bien l'enfant." Il n'y a pas le moindre doute que l'Ouest offre de grands avantages matériels, comme le prouve un grand nombre d'Européens et de Canadien-Français qui y ont fait fortune; et je suis convaincu que beaucoup de fils de cultivateurs, effrayés du travail de défrichement de la forêt, mais attachés à la culture du sol, se tailleraient facilement un beau domaine, s'ils venaient dans nos régions. Les colons heureux et prospères abondent; les découragés sont rares! Il a même lieu d'espérer que les discussions des journaux augmenteront le courant d'immigration de notre peuple désireux de venir voir un pays que les uns vantent et que d'autres cherchent à discréditer.

Nous supplions les nôtres de ne pas nous abandonner alors que d'autres veulent notre effacement et désirent récolter là où ils n'ont pas semé.

Ce n'est pas au moment où certains personnages semblent vouloir déplacer l'axe catholique du Canada que les nôtre de Québec doivent désespérer de nous et réjouir nos adversaires.

La Province de Québec n'a-t-elle pas été depuis un siècle (1818-1918) et n'est-elle pas encore aujourd'hui la grande pourvoyeuse de missionnaires, de nos communautés religieuses et de secours d'argent pour nos paroisses, nos missions, nos oeuvres? Et s'il s'agit de voler au secours des Ruthènes menacés dans la foi, où trouverons-nous ailleurs que dans Québec des prêtres de bon vouloir prêts à se dévouer au milieu d'eux?

Rien d'étonnant que nous ayons alors de si chaudes sympathies et dans le vénérable épiscopat et dans le patriotique clergé, et chez les bons fidèles de Québec. J'arrive de la visite pastorale de plus de trente paroisses françaises bien organisées, où les nôtres conservent leur foi et leur langue; et il m'a semblée entendre sortir de chacune d'elle une voix qui répondait à ceux qui seraient tentés de désespérer de nous: "Non moriar, sed vivam et narrabo opera Domini." "Je ne mourrai pas, mais je vivrai et je chanterai les oeuvres du Seigneur." Et il y a plus de soixante paroisses françaises dans le seul diocèse de St-Boniface.

Avec des prêtres comme vous, chers messieurs, nos compatriotes, sans avoir les mêmes avantages que dans Québec, conserveront certainement leur religion et notre belle langue française dans ces régions nouvelles, prolongement de la patrie canadienne.

À ceux qui nous parlent d'une représentation amoindrie à Ottawa nous répondons que les nôtres restent assez puissants pour se protéger et nous protéger nous-mêmes, s'ils s'unissent sous le drapeau de la foi, et il ne faut pas oublier le rôle que nous jouons dans les législatures locales.

Certes, Québec est tout pour nous, puisqu'il est notre raison d'être comme groupe à part et ayant des droits acquis dès les premiers temps de la découverte du pays; mais ce n'est pas l'affaiblir que de lui demander son surplus de population alors qu'une puissance mystérieuse pousse les nôtres vers l'Ouest comme l'a remarqué l'illustre économiste, M. Rameau de St-Père, le plus grand ami des Canadiens-Français en France.

Soyez donc mille fois bénis, chers et dignes messieurs, d'avoir travaillé si efficacement en faveur de trois grandes causes: vous prouvez par là combien est grand et fécond le sacerdoce catholique quand il s'inspire des pensées de la foi et du vrai patriotisme, au lieu de mettre sa plume au service d'un parti politique et d'égarer l'opinion publique pour un peu plus de trente pièces d'argent.

Je vous remercie et je vous bénis, chers et dignes, messieurs, de toute l'effusion de mon coeur.

"Bene scripsistis."

Adelard, O.M.I.
Archevêque de St-Boniface.

Extrait d'une lettre de S.G. Mgr Pascal, Évêque de Prince-Albert.

Au cours d'une lettre adressée au directeur du Catholic Register and Canadian Extension, en date du 28 juin, S.G. Mgr l'Évêque de Prince Albert écrit ce qui suit au sujet de la remarque de M. l'abbé Bérubé concernant les missions indiennes:

"Je désire ajouter un mot en réponse à une remarque faite il y a quelque temps dans votre journal par M. l'abbé Bérubé, de Vonda, concernant les missions indiennes des Pères Oblats. Cette lettre est pour dire le moins, exagérée et de nature à faire un tort grave aux Pères Oblats, qui pendant soixante ans se sont sacrifiés pour les missions du Nord-Ouest du Canada. Ils ont encore la charge de tous les Indiens jusqu'au pôle nord et leur dévouement est purement et simplement héroïque. Aucun prêtre des églises civilisées ne pourrait vivre la vie qu'ils sont obligés de mener sans une vocation spéciale. J'espère donc que vous ne permettrez rien contre eux dans votre estimable journal, spécialement provenant de la source en question, sans mon approbation épiscopale."

Albert, O.M.I.,
Évêque de Prince-Albert.

Précieuses adhésions, Saint-Boniface, Man., 29 juillet, 1909.

Les prêtres du clergé séculier de l'archidiocèse de Saint-Boniface, exerçant leur ministère dans la Province de Saskatchewan, adhèrent entièrement et de tout coeur à la lettre de protestation du clergé séculier de Prince-Albert, publiée dans L'Action Sociale le 14 juillet dernier contre les écrits et les paroles d'un prêtre de la Saskatchewan, touchant la question scolaire, les missions indiennes et la colonisation.

Ces prêtres, réunis à Saint-Boniface pour la retraite annuelle, remercient cordialement leurs confrères de Prince-Albert de leur lettre de protestation et réprouvent de leur côté les agissements de celui qui n'a aucune mission pour parler et écrire comme il le fait.

J.-A. Therriault, Montmartre.
Nap. Poirier, Bellegarde.
Chs. Poirier, Cantal.
A. M. Ferland, St-Antoine.
D.-L. Nadeau, Souris Valley.
H. Kugerer, Ste-Delphine.
A. Lemieux, Willow Bunch.
J.-A. Magnan, Gravelbourg.
A.J. Jansen, Sedley.
P. Schor, Cateville.
J. A. Dufresne, Swift Current.
J. Gaire, Wauchope.
C. Maillard, Wolseley.
D. Chaveloux, Dumas.

(Les Cloches de Saint-Boniface, vol. 8, #16, 15 août 1909, p.197-202)

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