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Deux lettres de Mgr Taché sur la colonisation au Manitoba


Nous trouverons dans le Manitoba du 3 septembre 1890 deux intéressantes et importantes lettres de Mgr Taché sur la colonisation au Manitoba. Elles sont adressés à M. l'abbé C.-A. Beaudry, alors missionnaire colonisateur pour le Manitoba et aujourd'hui curé de Saint-Antoine sur Richelieu.

Saint Boniface, 29 août 1887.

Mon cher Monsieur,

Comptant sur votre généreuse disposition, je prends la liberté de vous prier de travailler à l'oeuvre si importante de la colonisation de Manitoba, avec la permission de votre si digne Évêque.

Vous connaissez mes intentions: il ne s'agit pas de dépeupler, ni d'amoindrir notre province de Québec; mais de la fortifier par le développement d'une province soeur qui, à un moment donné, peut lui rendre l'appui qu'elle en a reçu.

Nous avons causé assez de ces choses pour être convaincus que nos idées sont les mêmes, ce qui m'assure de votre fait, un concours aussi prudent qu'efficace.

Permettez-moi de vous offrir une participation aux mérites que les missionnaires de ce pays ont acquis et continuent d'acquérir par leur dévouement et leur zèle.

Vous avez pu vous en convaincre, ce dévouement et ce zèle ont été loin d'être stériles: malheureusement, le tout menace d'être noyé, au moins en partie, par le flot d'une immigration dans lequel l'élément canadien et catholique ne brille que par son absence.

Je comprends que c'est une oeuvre de dévouement que je vous demande et que vous éprouvez bien des petits déboires, mais vous m'avez convaincu que vous êtes du nombre de ceux qui savent se dévouer quand il y a une oeuvre qui intéresse la Religion et la Patrie.

Je prie Dieu de vous bénir, ainsi que tous ceux qui vous aideront à mener à bonne fin l'entreprise dans laquelle vous entrez si généreusement.

Agréez l'assurance de mon respect affectueux et de l'estime avec laquelle je suis heureux de me dire votre tout dévoué en N.S.

Alex, O.M.I., Arch. de Saint-Boniface.

* * *

Saint-Boniface, 16 août 1890.

Mon cher M. Beaudry,

En réponse à la vôtre du 12 courant je vous permets de publier la lettre par laquelle je vous invitais à travailler à la colonisation, et vous pourrez même ajouter la publication de celle-ci, dans laquelle je veux vous affirmer que je ne pense nullement comme M. Tardivel au sujet de l'émigration de nos compatriotes dans la province de Manitoba. Mes opinions sur ce sujet sont diamétralement opposés à celles exprimées par le journal La Vérité, dans son numéro du 9 courant. Loin de regarder l'émigration de Canadiens-français à Manitoba comme un malheur, je la considère comme un avantage, non-seulement pour la province de Québec, et ceci je l'ai dit au rédacteur de La Vérité, comme je le dis à tous ceux auxquels je parle de cette question.

Puis, affirmer que depuis 1859, "les circonstances ne sont guère changées au fond à Manitoba", c'est vraiment faire une affirmation que je ne puis pas comprendre.

En 1859, Manitoba, comme province canadienne, n'existait pas, le pays qui constitue cette province n'avait aucune relation commerciale ou politique avec le Canada. Le pays que j'habite était alors pour le Canadien une terre étrangère; maintenant c'est une partie intégrante de la patrie.

En 1859, la Rivière-Rouge était encore inaccessible; aujourd'hui on y vient sans difficulté, presque sans fatigue, en très peu de temps et à peu de frais.

Si, avec tous ces changements, et bien d'autres qu'il serait trop long d'énumérer, on peut dire que "les circonstances ne sont guère changées", en vérité je n'y comprends rien, ou mieux, je comprends qu'un parti pris est inaccessible à toute conviction contraire.

Est-ce que jamais pu vous faire la demande que je vous ai adressé? Est-ce que j'éprouverais la reconnaissance qui m'anime à votre égard pour le zèle que vous déployez pour diriger des compatriotes du côté de Manitoba, si je pensais, même à peu près, comme pense M. Tardivel sur cette question.

Encore une fois, je pense tout différemment et je vous prie de ne pas laisser refroidir votre zèle dans une cause que je regarde comme patriotique et sacrée.

Agréez l'assurance de mon dévouement affectueux.

Votre tout reconnaissant en N.S.,

Alex, O.M.I., Arch. de Saint-Boniface.

(Les Cloches de Saint-Boniface, vol. 26, #5, mai 1997, p.105-108)

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