Chère âme...

Comme le temps passe, chère âme, mais comme il passe lentement loin de toi et sans nouvelles. Ton avant-dernière lettre m'étant parvenue au milieu de juin, j'ai reçu la dernière le 7 août, donc 2 mois sans aucun mot de toi. Mais je ne dois pas rendre la distance responsable de ce retard mais bien toi.

Oui, Claude, tu prends un temps infini avant de répondre à mes lettres et cela me désole vraiment. Si je ne t'écris qu'aujourd'hui, il ne faut pas croire que c'est par indifférence. Figure-toi que ta missive m'est parvenue juste au moment où j'allais partir pour le centre de l'île où j'ai passé un agréable séjour dont je te parlerai plus loin. Tu as dû recevoir déjà une carte que je t'ai adressée de "Hinche" mais que je n'ai postée qu'à "Mirebalais". Tu vois que je ne t'ai pas oublié dans mes déplacements, tandis que, pauvre moi, je n'ai même pas reçu un mot d'Ontario où j'étais complètement jetée dans le sac à oublis. Je l'ai bien noté et merci que nous sommes parfois folles, nous autres femmes, de croire aux mots, aux serments, de nous attacher à vous... En valez-vous au moins la peine ?... Néanmoins, ta lettre est venue dissiper les vilains nuages qui assombrissaient mon esprit. Mais cette accalmie n'a pas duré longtemps et me voilà replongée dans le plus profond découragement.

Cette situation est vraiment triste, Claudy chéri... Pourquoi t'ai-je écrit ? Pourquoi m'as-tu répondu ? Pourquoi la sympathie a-t-elle jailli entre nous ? Pourquoi nos deux coeurs ont-ils volé l'un vers l'autre si nous ne pouvions nous voir, nous parler, même pas nous toucher la main ? La vie est-elle donc faite seulement de rêves et d'illusions ? La réalité ne peut-elle donc être que malheureuse ? Quel triste sort que le nôtre, Claudy !! Je dis "le nôtre" en pensant que toi aussi tu dois avoir des moments de cafard si vraiment mon souvenir fait vibrer en toi quelques fibres comme le tien a le don de me remuer jusqu'au plus profond de mon coeur. Oui, Claude aimé quand je pense à toi, aux heures délicieuses que nous aurions pu connaître ensemble, c'est un anéantissement complet de mon être en une douce volupté qui me fait te chérir davantage. Ah ! Ah ! Me voici partie sur un thème que je dois changer car sans cela que vas-tu penser de moi ?

Allons, ma triste Carmita, secouons-nous, faisons risette... Claudy attends une lettre gaie et à défaut de cela, envoyons-lui au moins des idées moins moroses.

[...]

Extrait d'une lettre de Carmita

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