Très cher Claude...

[...] Il me faut à présent clore mon caquetage car il va être l'heure pour moi d'aller à l'école et avant, je dois poster ma lettre. Je te quitte donc avec regret. Au fond, tu dois être bien content d'être délivré de la corvée de me lire. Mais cela ne m'empêche pas de t'aimer, va ! Pense bien à moi après m'avoir lue. Serre-moi bien fort dans tes bras, couvre-moi de baisers, de ces doux baisers qui m'anéantissent complètement et qui me font tellement tienne. Ô Claude chéri, qu'il doit être doux de t'aimer de près ! Que nous sommes misérables d'être aussi loin l'un de l'autre.

[...] Je m'entends très bien avec la nouvelle directrice de notre école. Le travail est toujours ardu. Mais vois-tu, j'ai à côté de cela une si douce compensation : être aimée de toi, et bien souvent cette douce pensée me réconforte un peu. Dis, Claude chéri, tu m'aimes même un brin, n'est-ce pas ? Quelle triste situation, pour nous autres femmes de ne pas savoir si on est aimé ou non. Mais vois-tu, cher aimé, je n'ai jamais douté de toi. Je crois que la sincérité est à la base de notre amour, de cet amour qui m'est si cher, si précieux. T'arrive-t-il de penser à moi aussi souvent que je pense à toi ? Quoique loin de moi, tu m'obsèdes et me hantes. Dernièrement, j'ai lu ces vers d'Edmond Rostand que je pourrais te dédier :

Ton nom est dans mon coeur comme dans un grelot
Et comme tout le temps m'ami je frissonne,
Tout le temps le grelot s'agite et le nom sonne.

Et le mien ? Ne retentit-il pas en ton coeur que seulement les jours où tu m'écris ou quand tu reçois mes lettres ???

Malheureusement tu es si loin, Claude, et nos pensées mettent tant de temps à parcourir l'espace. Et tu me demandes si je pourrai te donner quelques instants de bonheur quand tu viendras un jour visiter notre île. Comment peux-tu me poser pareille question, cher amour ? Alors, te mets-tu en tête que tous ces mots que je t'écris sont vains ? Pourquoi douter de moi, cher aimé ? Ma lettre est plus qu'une lettre, elle risque de devenir un journal. C'est que, vois-tu, Claude, quand je suis en ta compagnie par la correspondance, je voudrais que cela ne finît jamais. Mais je ne veux te retenir davantage, ton temps étant si précieux. Et en te laissant je veux te donner à travers l'espace et malgré lui, un long, doux et tendre baiser où j'ai mis tout mon coeur et toute mon âme. Peut-être dans le silence et le calme de la nuit le recevras-tu et le sentiras-tu mieux encore...

[...]

Extrait d'une lettre de Carmita

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