Trésor chéri...

[...] Nous voici à travers la campagne, nous tenant par la taille. Avec quel soin, quelle sollicitude tu me tiens bien serrée contre toi pour qu'aucune pierre, aucune inégalité de terrain ne me fasse buter. Quel temps magnifique !!... Dans l'infini bleu piqué de myriades d'étoiles, une grosse lune toute argentée baigne de sa clarté la campagne endormie. Une brise légège balance sur leurs tiges les boutons d'or, les dahlias, les marguerites, toutes ces fleurs sauvages d'où s'exhale un parfum de miel. Pas âme qui vive ! Nous sommes seuls dans ces vastes champs. On n'entend que le concert monotone de ces mille bourdonnements d'insectes. Que la campagne est belle et sereine !!! Qu'elle invite à l'abandon ! À la tendresse. Nous arrivons dans une vaste étendue couverte d'une pelouse fraîche et fournie.

-- Dis, cher amour, si l'on s'asseyait un moment sous ce grand pommier.

-- Justement, j'allais te faire la même demande.

Avec quel empressement tu étends vite par terre ton veston pour que je m'y installe commodément. Tu prévois tout chéri... Nous voici donc étendus côte à côte sur la pelouse qui forme un vrai matelas tellement elle est épaisse. Quel silence, quelle paix... Amoureusement tu passes ton bras gauche sous ma tête (toujours dans ton souci de me créer une commodité) tandis que l'autre -- Oh ! que c'est délicieux -- se promène avec une telle douceur sur mes formes que cela allume tous mes sens.

Mais moi non plus, je ne dois pas être en reste avec toi. Aussi habilement que je le puis, je m'efforce à mon tour de te prodiguer quelques caresses qui, même si elles ne sont pas aussi savantes que les tiennes, ont cependant réussi à te secouer d'un grand frisson de volupté car tu te fais de plus en plus pressant. Tes baisers dans mes cheveux, sur mes yeux, dans mon cou, mes épaules, ma poitrine, mes seins gonflés de désir, ces caresses dont ta main fait jouir les parties les plus secrètes de mon être à un point tel que tu es obligé de me clore les lèvres de baisers brûlants pour étouffer le râle de plaisir que la volupté me fait pousser de temps en temps, cette chaleur qui coule dans nos veines malgré le p'tit froid qu'il fait, ces doux mots pleins de promesses que tu sussures à mon oreille, cette nuit si belle qui semble inviter à l'amour, même cet arbre qui nous couvre de son ombre et cette lune qui vient de se cacher derrière un nuage pour se faire nos complices, et surtout, Claudy chéri, ce grand amour qui nous unit depuis si longtemps, tout cela n'est-il pas autant de raisons pour que ton être entier n'ait qu'un désir : me posséder, alors que moi, je n'aspire qu'à une seule chose : me donner toute entière, corps et âme, à celui que j'aime.............

Minuit près... Dans la nuit calme et complice, sous la douce clarté des étoiles, deux êtres viennent de s'unir, de s'appartenir non seulement passionnément, mais surtout sincèrement. L'Amour ! que de douces minutes on te doit !...

-- Heureuse, ma douce petite femme ?

-- Chéri, il n'y a pas de qualificatif pour désigner ces moments que je viens de vivre. Ô Claude, comme je t'aime. Je suis fière d'être tienne... Mais je me demande, cher amour, si j'ai pu te donner une somme de bonheur égale à celle dont tu viens de me faire jouir...

Minuit 1/2 -- À petits pas et serrés l'un contre l'autre, nous avons regagné l'hôtel où tout est endormi. Sur le seuil de ma chambre, mon bien-aimé viens de me laisser après m'avoir dit "bonne nuit, mienne" dans une longue étreinte et en prenant mes lèvres. Mon Dieu ! Pourquoi l'ai-je laissé partir ?...

1 heure du matin : En chemise de nuit, accoudée à me fenêtre, je contemple la campagne baignée d'une clarté lunaire. Le sommeil semble me fuir ce soir. Pourtant je suis bien fatiguée mais cette fatigue m'est douce car elle me vient de mon bien aimé. ... Crac ! Quelqu'un vient d'ouvrir la porte de ma chambre. J'ai à peine le temps de me retourner que deux bras vigoureux m'ont soulevée de terre pour me transporter sur le lit...

-- Chérie, ne m'en veux pas de me trouver chez toi à cette heure. Mais vraiment est-il juste que nous passions loin l'un de l'autre cette nuit merveilleuse ? Ne me réponds pas, je t'en supplie...

-- Alors même que je voudrais te repousser, je n'en aurais guère le courage. Me croiras-tu, doux mien, si je t'avoue qu'au fond, je désirais passer cette nuit dans tes bras. J'étais tellement sûre que tu reviendrais que je n'avais même pas fermé ma porte à clef...

Et dans la nuit claire et calme, sous tes caresses savantes et à la fois subtiles et profondes, tu me fais une nouvelle fois délicieusement tienne.

[...]

Claudy, il est temps pour moi de retourner à la triste réalité, c'est-à-dire d'aller à l'école. Le rêve était trop beau pour être durable. Je me demande parfois s'ils ne sont pas plus heureux que nous ceux qu'aucun rêve ne hante, ceux qui n'ont aucune aspiration, aucun désir. N'avait-il pas raison le grand poète allemend lorsque son coeur, las, découragé, mais encore tant assoiffé de bonheur et d'amour enviait le sort des <<êtres normaux que le rêve épargne>> ? ... Voulait-il dire par là que nous, les sensibles, sommes des anormaux ? Il aurait rudement tort de penser ainsi. Que serait une vie sans rêve, sans idéal ? ... L'amour est pour moi l'unique oasis dans le long désert qu'est notre courte existence...

[...]

Extrait d'une lettre de Carmita

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