Tatiana
Demidoff-Séguin
Il existe au
Québec une longue tradition sculpturale. Jusqu’en 1940, il s’agit
presqu’exclusivement d’art religieux et le matériau le plus communément
employé est le bois.
A la fin du
XIXème siècle et au début du XXème siècle, le bronze fait son apparition.
Il s’agit de monuments publics, de sculpture profane. Sous l’influence
des automatistes, à partir de 1940, de nouvelles perspectives s’ouvrent
à la sculpture québécoise. Quelques créateurs font des recherches
et des réalisations dignes d’intérêt. Un nom de femme apparaît:
Sylvia Daoust.
Mais la sculpture
contemporaine prend son véritable élan à partir des années 50 avec
la publication du Refus Global de Paul-Emile Borduas. Parmi
les signataires, une femme, Marcelle Ferron.
C’est dans les
années soixante que la sculpture prend vraiment une place importante
et devient rapidement incontournable. Les sculpteurs se regroupent,
revendiquent. Ils sont dynamiques, enthousiastes. Ce sont des créateurs
débordant d’activités, d’imagination, de talent. Il y a encore très
peu de femmes. Mais on peut déjà citer à cette époque les noms de
Francoise Sullivan, Yvette Bisson, Anne Kahanne, Suzanne Guite.
C’est l’époque
de tous les défis, de tous les espoirs. L’idée de symposiums ou
plusieurs sculpteurs oeuvrent sur un site se répand à travers le
monde, le Québec n’y fait pas exception. Dans toutes ces manifestations,
les femmes ne sont pas présentes, ou si peu. On peut relever en
1966 le nom d’Ethel Rosenfield.
Dans les années
‘70 mais surtout ‘80 la sculpture devient environnement, installation,
performance, elle peut être art public ou éphémère. Elle s’accroche
au mur, se répand sur le sol, elle s’intègre aux lieux. Les femmes,
de plus en plus nombreuses prennent la relève. Au Conseil de la
sculpture du Québec, une sculpteure est élue présidente en 1982.
C’est une première. Une autre lui succèdra en 1987. Pourtant au
symposium de sculpture environnementale à Chicoutimi en 1980, sur
une dizaine d’artistes choisis, il n’y a qu’une seule femme. Elles
seront quatre en 1984 sur treize artistes sélectionnées, au symposium
international de sculpture contemporaine à Saint-Jean-Port-Joli,
dont deux québécoises. Ce sera le plus important symposium de sculpture
au Québec avec un budget avoisinant le million de dollars et des
artistes venant de sept pays.
Il faudra attendre
1995 et le symposium Terre gravide...émergence à Longueuil pour
assister à un symposium entièrement féminin, mais il s’agissait
là d’une décision des organisatrices de l’événement. C’est là un
fait de notre temps. Depuis une quinzaine d’années on peut voir
la tenue d’expositions ou d’événements importants réalisés dans
cette optique. Il s’agit de sensibiliser le public à une réalité
de notre époque.
Après le diaporama
sur les femmes artistes du Québec en 1980, on voit apparaître des
expositions ou des événements présentant uniquement des oeuvres
de femmes artistes. En sculpture, il s’agit d’expositions importantes
qui ont eu un impact dans le milieu, telles que: l’exposition d’avant-garde
de douze sculpteures à la galerie Powerhouse à Montréal en 1980,
en 1982 c’est Tridimention-Elles à la Galerie de l’Université
du Québec à Montréal qui présente les installations de six sculpteures,
puis en 1984, Sur les Elles du temps, Camille Claudel et des
sculpteures québécoises contemporaines, toujours à l’Université
du Québec à Montréal, pour ne citer que celles-là.
Dans les cours
d’art, dans les universités, les étudiantes en art sont souvent
plus nombreuses que les étudiants. A la sortie, parmi ceux et celles
qui poursuivent une carrière, on retrouve moins de femmes que d’hommes.
Au niveau des réussites les femmes sont encore minoritaires.
A l’origine
même, le choix d’être sculpteure implique une organisation importante
et onéreuse. Les constraintes physiques et financières sont de diverses
natures: atelier et équipement spécialisé, achat des matières premières,
entreposage des oeuvres, supervision de chantier, transport et manipulation
des oeuvres pour réalisation, expositions et tout autre événement
d’ordre social et public, en général aux frais de l'artiste.
Que nous réserve
l’avenir? Une certitude s’impose: par leur talent, par leur action,
par leur détermination, par la force de leur création innovatrice,
les femmes ont pris leur place dans le domaine de la sculpture.
Maintenant les femmes artistes sont toujours présentes dans toutes
les expositions ou événements d’importance qui ont lieu ici ou ailleurs.
Il faudra le
passage du temps pour établir des bilans. Mais mieux que des mots,
le document visuel que vous présente l’historienne de l’art Pham
Van Khanh, saura démontrer de façon éblouissante les milles façettes
du talent des sculpteures du Québec d’aujourd’hui.
Tatiana Demidoff-Séguin
est sculpteure et ex-Présidente du Conseil de la Sculpture du Québec,
1996
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