3.1.1 L’éducation dans la langue de la minorité francophone : d’énormes progrès, d’énormes défis
3.1.2 L’éducation dans la langue de la minorité anglophone : le défi de la diversité
3.1.3 L’apprentissage de la langue seconde : au ralenti après des progrès réels
3.1.4 Les programmes existants : les ententes fédérales-provinciales-territoriales sont notre levier
3.2.1 L’enseignement dans la langue de la minorité : les francophones
3.2.2 L’enseignement dans la langue de la minorité : les anglophones
3.2.3 L’enseignement de la langue seconde
3.2.4 Au-delà de la salle de classe
En matière d’éducation, la politique des langues officielles comprend deux volets : l’éducation dans la langue de la minorité et l’enseignement dans la langue seconde. Le Plan d’action va renforcer la capacité du gouvernement du Canada d’agir dans ces deux domaines cruciaux.
Notre plan a été conçu à partir d’une analyse de la situation actuelle. L’éducation est le pilier sur lequel a été bâtie la politique des langues officielles. Nous partons déjà de quelque chose de solide. Examinons donc d’abord la situation actuelle.
Nous allons regarder en premier lieu l’éducation dans la langue de la minorité, tant pour les francophones que pour les anglophones, avant de nous pencher sur la situation existante en matière d’enseignement dans la langue seconde. Puis, nous examinerons les programmes existants par lesquels agit le gouvernement du Canada.
S’il y a bien un domaine où les progrès ont été impressionnants en matière de promotion des langues officielles, c’est bien celui des institutions d’enseignement des communautés francophones en situation minoritaire.
On ne trouvait pas d’écoles françaises dans la moitié des provinces en 1982, date de l’entrée en vigueur de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, lequel confère aux parents appartenant à une minorité linguistique un droit de gestion et de contrôle sur les établissements d’enseignement qui leur sont destinés. En 1990, les minorités d’expression française géraient quelques écoles en Ontario et l’ensemble des écoles au Nouveau-Brunswick; aujourd’hui, des structures de gestion scolaire minoritaires sont en place dans toutes les provinces et dans les territoires.
On compte aujourd’hui 150 000 jeunes dans 674 écoles francophones, ainsi qu’un réseau de 19 collèges et universités francophones à l’extérieur du Québec. Au cours des dernières années, on a de plus assisté à l’émergence d’un réseau virtuel d’enseignement postsecondaire à distance en français pour pallier la dispersion des clientèles.
La clientèle scolaire en milieu minoritaire francophone est passée de 56 p. 100 des élèves admissibles en vertu de la Charte en 1986, à 68 p. 100 au recensement de 200118.
Voici certaines des réussites :
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Le progrès accompli est donc assez impressionnant. Il s’explique en bonne partie par l’enchâssement du droit de gestion et de contrôle sur les établissements d’enseignement. Les tribunaux ont veillé, comme dans les affaires Mahe19 et Arsenault-Cameron20, à ce que la contrainte du nombre selon laquelle ce droit de gestion et de contrôle était modulé ne soit pas d’une exigence indue.
Malgré ces réussites, la situation actuelle laisse voir des difficultés majeures pour l’éducation dans la langue de la minorité francophone. Les problèmes soulignés par les minorités francophones pendant les consultations se regroupent en deux grands thèmes : le recrutement et la rétention des clientèles scolaires admissibles; et la qualité de l’enseignement en français face à l’ampleur croissante des besoins.
Les défis du recrutement des élèves et du financement continuent de menacer la survie des petites écoles. Le réflexe du recours à l’école anglaise ou à l’immersion si l’école française est éloignée, continue de s’exercer. Sans clientèle suffisante et sans financement adéquat, les écoles primaires desservant un quartier ou une communauté francophone de taille modeste peuvent difficilement continuer d’animer la vie communautaire. Dans certaines régions, il existe encore aujourd’hui peu d’écoles secondaires ancrées dans les milieux minoritaires et l’accès limité à l’éducation postsecondaire en français incite des élèves à ne pas terminer leur secondaire dans cette langue.
Les parents s’inquiètent de la qualité de l’enseignement et de la manière dont il prépare leurs enfants pour l’avenir. Ils tiennent à des programmes, à des cours et à des options dont la qualité soit égale à ceux de la majorité. Les résultats des élèves appartenant à des minorités francophones aux examens comparatifs normalisés semblent justifier leur inquiétude. Les tests ont révélé invariablement des lacunes en lecture et en écriture comparativement à la moyenne pancanadienne. En sciences, il y a des écarts significatifs en faveur du système anglophone en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, en Ontario et au Manitoba21. On ne sait pas dans quelle mesure des variables liées aux méthodes d’enseignement, ou au milieu, notamment la prédominance de l’anglais à la maison, contribuent à ces écarts.
Il ne sera pas facile d’augmenter le nombre d’élèves tout en améliorant la qualité de l’enseignement. La conciliation de ces deux objectifs présente un défi particulier. Les élèves actuellement inscrits aux écoles françaises sont ou bien ceux dont les deux parents sont francophones, ou bien des enfants de familles exogames qui possèdent déjà une solide connaissance du français. Or, le tiers des ayants droit disent ne pas maîtriser assez bien le français pour soutenir une conversation22. En intéresser davantage aux écoles françaises nécessitera des efforts additionnels. De plus, il faudra de nouvelles ressources pour offrir une aide particulière à tous ces élèves dont l’aisance en français varie considérablement, certains ne maîtrisant pas vraiment la langue française au départ.
Il faut aussi prendre en compte que de plus en plus, surtout dans les régions où ils sont les plus minoritaires, les jeunes francophones épousent des anglophones et fondent des familles avec eux. C’est ce qu’on appelle les couples exogames.
« Plus l’école de langue française fait un recrutement intensif, plus les besoins en francisation augmentent puisque les jeunes qui ont le droit à une éducation en langue française sont souvent loin de maîtriser leur langue maternelle », écrit Yves Lusignan dans Le Reflet, publication mensuelle de l’Association de la presse francophone, le 7 août 2002, Les écoles francophones sont-elles attrayantes pour les jeunes? |
Graphique 1 – Pourcentage de couples endogames et exogames, francophones hors-Québec, 1971-2001 |
L’exogamie est particulièrement importante chez les jeunes couples, ceux qui sont précisément les plus susceptibles d’avoir des enfants en âge scolaire. En fait, près des deux tiers des enfants se trouvent aujourd’hui dans des familles où seulement l’un des deux parents est de langue maternelle française.
Graphique 2 – Pourcentage d’enfants de moins de 18 ans dans des foyers francophones, selon le type de famille et la région, 2001 |
Par ailleurs, on ne saurait améliorer l’enseignement et donc les résultats scolaires sans remédier à la pénurie de professeurs disponibles, laquelle risque d’empirer. Par exemple, la proportion de professeurs qui vont prendre leur retraite d’ici dix ans en Ontario est estimée à presque 50 p. 100 par le College of Teachers23, et à plus des deux tiers d’ici 2011 à Terre-Neuve, selon une étude faite à l’Université Memorial24.
Enfin, il faut aider davantage les parents avant même que leurs enfants n’atteignent l’âge scolaire, car dès la naissance de l’enfant, les parents pensent au choix de sa langue d’instruction. La Commission nationale des parents francophones le signale dans son Plan national d’appui à la petite enfance : « La naissance d’un enfant, surtout le premier, est pour les parents le moment de choix déterminants à long terme sur la vie de famille. En milieu minoritaire, c’est le moment où jamais de leur offrir activement de l’appui et des services en français »25.
Le secteur public anglophone compte aujourd’hui 102 000 élèves répartis dans 360 établissements primaires et secondaires de langue anglaise au Québec ainsi qu’un réseau de huit cégeps et universités anglophones. À cela s’ajoutent 13 650 élèves inscrits dans des établissements primaires et secondaires privés. Ces jeunes anglophones du Québec ainsi que leurs parents et leurs enseignants ne font pas face aux mêmes défis que les francophones d’ailleurs au Canada.
La presque totalité (94 p. 100) de la clientèle anglophone potentielle est inscrite dans les écoles de langue anglaise du Québec, comparativement aux 68 p. 100 des étudiants admissibles inscrits dans les écoles françaises hors-Québec.
L’enseignement en anglais attire indéniablement les non-anglophones du Québec. Jusqu’à 74 p. 100 des jeunes francophones qui en avaient le droit26 ont opté pour l’école anglaise en 2000-2001, proportion qui grimpe à 94 p. 100 chez les ayants droit allophones.
Du point de vue de la qualité de l’enseignement, les élèves des écoles anglophones ont des notes équivalentes à celles des élèves des écoles francophones en lecture, en mathématiques et en sciences. Les écarts entre les deux systèmes scolaires au Québec n’étaient significatifs dans aucun des domaines étudiés27.
Mais cela ne veut pas dire que les anglophones n’ont pas leurs propres défis à relever. Trois enjeux se dégagent particulièrement de nos consultations avec les communautés, du mémoire présenté par le Quebec Community Groups Network ainsi que des données disponibles28. Le premier est l’adaptation à une population étudiante de plus en plus hétérogène.
Par exemple, dans une étude récente sur la fréquentation scolaire, l’Institut Missisquoi a déterminé que le nombre de francophones dans les écoles anglaises a presque doublé en une décennie, de 10 362 en 1991 à 19 235 en 200229. Mais ce phénomène se produit surtout à l’extérieur de Montréal, où les francophones constituent maintenant 25 p. 100 des élèves des écoles publiques anglophones, comparativement à 6,2 p. 100 à Montréal.
La même diversité des situations s’observe en ce qui concerne l’importance numérique des allophones. À Montréal, 28 p. 100 des élèves dans les écoles anglaises ont une langue maternelle autre que l’une des langues officielles. À l’extérieur de Montréal, ce pourcentage est de 11,7 p. 100.
Le deuxième défi découle des problèmes que pose la dispersion des petites écoles (moins de 200 élèves30) dans certaines régions du Québec. Il faut dans ce contexte développer l’enseignement à distance pour offrir des services éducatifs aux élèves qui autrement n’auraient pas accès à des cours spécialisés.
« Nous devons trouver le moyen de rendre nos élèves heureux, appréciés au Québec, vivant en français, du moins en partie. Je crois que le défi auquel nous ferons face au cours des 15, 20 et 25 prochaines années sera de rendre nos élèves vraiment bilingues, des gens qui peuvent faire davantage que de simplement parler une autre langue. » Alan Lombard, directeur exécutif, Provincial Association of Protestant Teachers of Quebec, au Symposium sur l’expérience canadienne de l’enseignement des langues officielles, 1996. |
Le troisième défi est l’apprentissage du français comme langue seconde. L’Institut Missisquoi précise que seulement 36 p. 100 des répondants anglophones considéraient que l’enseignement qu’ils avaient reçu en français les avait bien préparés à réussir dans la société québécoise.
La moitié des élèves inscrits au primaire et au secondaire – 2,6 millions de jeunes Canadiens – apprennent actuellement le français ou l’anglais comme langue seconde, dont 324 000 en immersion française. Telle est la situation actuelle. Mais considérons la tendance.
En 30 ans, le pourcentage de Canadiens bilingues est passé de 12 à 18 p. 100. Ces résultats somme toute modestes dissimulent un progrès plus encourageant chez les jeunes. En effet, le taux de bilinguisme a augmenté chez les anglophones de 15-24 ans de l’extérieur du Québec et chez les francophones du même âge vivant au Québec31.
Graphique 3 – Maîtrise de l’autre langue officielle chez les 15-24 ans, anglophones hors-Québec et francophones du Québec, 1971-2001 |
Qu’il s’agisse des programmes de base dans l’une ou l’autre langue ou des programmes d’immersion en français, toutefois, le taux d’inscription n’a pas augmenté depuis dix ans. Après la hausse de la fin des années 1970 et des années 1980, l’apprentissage des langues secondes ne progresse plus.
Un rapport récent de Canadian Parents for French32 souligne que la qualité de l’enseignement du français langue seconde est menacée par la désuétude du matériel pédagogique, le manque d’enseignants qualifiés, et le décrochage fréquent d’élèves du programme au niveau secondaire, souvent lié à leur impression de ne pouvoir continuer en français au postsecondaire.
Graphique 4 – Inscriptions dans les programmes de français et d’anglais langue seconde par rapport aux inscriptions totales, 1978-2000 |
Graphique 5 – Inscriptions en immersion française en proportion des inscriptions totales en langue anglaise, 1978-2000 |
Le gouvernement s’inquiète des effets possibles de ce ralentissement sur la capacité des jeunes de maîtriser leur deuxième langue. Pourtant, d’après le sondage annuel d’Environics effectué pour le compte du Centre de recherche et d’information sur le Canada à l’automne 200133, 86 p. 100 des Canadiens (y compris 82 p. 100 d’anglophones), croient important que leurs enfants apprennent une deuxième langue. De plus, 75 p. 100 de ces anglophones sont d’avis que cette autre langue devrait être le français. Quatre-vingt-dix pour cent des francophones qui désirent que leurs enfants soient bilingues favorisent l’anglais comme langue seconde. Il paraît inconcevable au gouvernement que l’on ne puisse répondre à la demande qui existe manifestement dans tous les coins du pays.
L’augmentation du bilinguisme chez nos jeunes est un enjeu d’autant plus important que l’intérêt pour les langues étrangères est en hausse ailleurs dans le monde, notamment aux États-Unis34 et en Europe. Les Canadiens sont actuellement moins bilingues que les Britanniques, eux-mêmes les moins capables d’utiliser une deuxième langue parmi tous les Européens35.
Enfin, il faut souligner le lien positif entre l’apprentissage de l’autre langue officielle par la majorité et la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Ce lien apparaît clairement dans le cas des couples exogames. Lorsque, par exemple, un ou une francophone en situation minoritaire fonde une famille avec un conjoint anglophone, la probabilité que les enfants apprennent le français n’est que de 32 p. 100 si ce conjoint est unilingue, mais elle grimpe à 70 p. 100 s’il maîtrise le français.
Graphique 6 – Transmission du français aux enfants dans les familles exogames, selon la connaissance du français par le parent non francophone, Canada moins le Québec, 2001 |
L’apprentissage de l’autre langue par la majorité est de plus en plus un atout pour l’avenir des communautés. C’est un enjeu crucial sur lequel nous reviendrons dans le chapitre 4 consacré au développement des communautés.
En plus des tribunaux, nul doute que l’action du gouvernement du Canada a joué un rôle important pour l’éducation dans la langue de la minorité comme dans l’apprentissage de la langue seconde.
L’éducation étant de compétence provinciale, la politique des langues officielles du gouvernement du Canada prend dans ce domaine surtout la forme d’un partenariat avec les provinces et les territoires. Depuis 1971, le Programme des langues officielles en enseignement constitue l’instrument charnière de ce partenariat. Il régit et l’éducation dans la langue de la minorité, et l’enseignement de la langue seconde.
Dans le cadre de ce programme, c’est au moyen d’un protocole d’entente de cinq ans avec le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada) [CMEC] sur les objectifs généraux ainsi que d’ententes bilatérales avec chaque province et territoire que s’effectuent les transferts fédéraux. Cette façon de procéder vise à la fois le respect des compétences et la prise en compte des situations différentes dans chaque région du pays. Chaque gouvernement provincial ou territorial a élaboré un plan d’action pluriannuel comprenant des activités d’éducation dans la langue de la minorité, d’apprentissage de la langue seconde et de sensibilisation à la culture de l’autre collectivité de langue officielle. Ces ententes viennent à échéance en 2003 et feront l’objet de renégociations.
De plus, le gouvernement a établi en 1993 des Mesures spéciales en éducation. Il s’agit d’une aide ponctuelle en marge du Protocole mais sujette à des ententes bilatérales. Ces mesures ont renforcé la gestion scolaire francophone et permis de créer ou de consolider des institutions postsecondaires dans diverses provinces. Elles ont suscité la création du réseau ontarien de collèges communautaires francophones et la solidification d’institutions en Alberta, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. En 1999, les Mesures d’investissement en éducation ont pris la suite, grâce à des ententes se terminant en 2004.
Deux programmes du ministère du Patrimoine canadien encouragent la coopération fédérale-provinciale-territoriale pour aider les jeunes de tout le pays à se perfectionner dans l’autre langue officielle. Ils procurent aux participants une occasion de se déplacer au Canada et, tout en améliorant leurs connaissances linguistiques ou celles des autres, de nouer des liens avec des concitoyens de l’autre langue officielle. Le Programme des bourses d’été en langues officielles permet aux jeunes ayant au moins terminé leur onzième année d’apprendre leur langue seconde ou, dans le cas des francophones en situation minoritaire, de se perfectionner dans leur propre langue. Le Programme des moniteurs de langue officielle offre aux jeunes de travailler, à temps plein ou à temps partiel, avec un enseignant en salle de classe. Ces initiatives découlent toutes deux du Programme des langues officielles en enseignement et sont régies par le même protocole d’entente avec le CMEC.
Au cours des dernières années, les programmes financés par le gouvernement fédéral afin d’intéresser les jeunes au bilinguisme ont été affaiblis par le manque d’investissements. Prenons le cas du Programme des bourses d’été en langues officielles qui, depuis 1973, a permis à 200 000 jeunes de participer à des échanges; il offre actuellement à 7 500 jeunes Canadiens la chance de perfectionner leur langue seconde dans un établissement postsecondaire mais reçoit deux fois plus de candidatures qu’il ne peut en satisfaire. Créé la même année, celui des moniteurs en langue officielles a profité à 30 000 jeunes du niveau postsecondaire. Pour des raisons qui n’ont rien à voir avec sa qualité, le Programme n’arrive plus aujourd’hui à recruter suffisamment de candidats pour répondre à la demande des maisons d’enseignement. Les gestionnaires des provinces et territoires chargés de l’administrer attribuent cette désaffection à la faible rémunération des moniteurs (12 500 dollars en neuf mois pour du travail à temps plein et 4 000 dollars pour un moniteur à temps partiel) alors que le marché de l’emploi se porte mieux.
Il est crucial d’agir maintenant pour aider les communautés à relever leurs défis en éducation, pour relancer l’enseignement en langue seconde au Canada et pour faire en sorte que le Canada demeure un chef de file en ce domaine.
Le gouvernement du Canada réinvestit dans l’enseignement dans la langue de la minorité et dans l’enseignement en langue seconde. Il y consacre les sommes nécessaires. Il ajoute au montant actuel de 929 millions de dollars sur cinq ans la somme de 381,5 millions.
Mais il ne s’agit pas seulement de majorer le financement. Il faut aussi se donner des objectifs plus exigeants, qui correspondent aux défis auxquels nous faisons face. C’est pourquoi ce financement supplémentaire sera réparti en deux nouveaux fonds, l’un sur l’Enseignement dans la langue de la minorité francophone ou anglophone (209 millions de dollars), l’autre en Enseignement de la langue seconde (137 millions de dollars). Avec ses partenaires, et dans le plein respect de leur compétence constitutionnelle, Patrimoine canadien voudra financer des mesures assorties d’objectifs clairs et prévoyant les résultats décrits ci-dessous pour les Canadiens.
En plus de la création de ces deux fonds, la ministre du Patrimoine canadien renouvellera le protocole et les ententes fédérales-provinciales-territoriales du programme des langues officielles en enseignement aux niveaux actuels de financement. Ces ententes seront accompagnées de plans d’action qui préciseront les objectifs et résultats convenus. La Ministre va aussi accroître les budgets de deux programmes qui en découlent, ceux des moniteurs de langues officielles et des bourses d’été (35,5 millions en tout d’ici 2007-2008).
ACCROÎTRE LE NOMBRE DES AYANTS DROIT INSCRITS DANS LES INSTITUTIONS SCOLAIRES DE LA MINORITÉ FRANCOPHONE HORS-QUÉBEC
La proportion des étudiants admissibles inscrits dans des écoles francophones est passée de 56 p. 100 en 1986 à 68 p. 100 en 200136. L’objectif fixé dans notre Plan d’action est de porter ce pourcentage à 80 p. 100 d’ici une autre dizaine d’années. Pour ce faire, le gouvernement entend :
1. Améliorer le recrutement et la rétention des élèves.
Avec l’aide notamment du nouveau fonds d’appui à l’enseignement dans la langue de la minorité, le gouvernement vise à doter ces établissements d’enseignement de programmes de qualité comparable à ceux de la majorité. Les mesures de francisation et d’appui spécialisé aux élèves à risque recevront la plus grande attention. La rétention sera aussi une priorité : il faut inciter les jeunes à poursuivre dans le système francophone, notamment lors du passage au niveau secondaire.
La francisation commence dès la petite enfance. Le gouvernement fédéral encouragera les provinces et territoires à proposer des mesures pour favoriser l’accès aux garderies et aux maternelles dans les écoles de communauté. Il s’intéressera aussi à la création de centres scolaires communautaires comme lieux privilégiés de vie en français.
2. Augmenter le nombre d’enseignants qualifiés.
Le gouvernement aidera les provinces et les territoires en matière de recrutement, de formation et de perfectionnement du personnel enseignant. Des objectifs précis seront établis avec chaque province et chaque territoire.
AMÉLIORER L’ACCÈS AUX ÉTUDES POSTSECONDAIRES
Les nouveaux investissements privilégieront aussi la transition vers le niveau postsecondaire francophone. Pour améliorer l’accès aux études, le gouvernement va élargir l’éventail des programmes en français dans les universités et les collèges francophones ou bilingues. Aussi, dans certaines régions, il encouragera l’aménagement de lieux de formation dans la langue de la minorité, rattachés par des ententes avec des établissements francophones d’ailleurs au pays, mais situés physiquement dans les collèges et universités de la majorité. Patrimoine canadien examine des propositions sérieuses à cet effet.
Enfin, le gouvernement étudiera de près les projets d’enseignement à distance que pourraient lui soumettre les provinces et territoires.
APPUYER L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS AUX ANGLOPHONES ET AIDER À ÉLARGIR LES OPTIONS ACCESSIBLES AUX ÉLÈVES À L’EXTÉRIEUR DE MONTRÉAL
Dans le cadre de son partenariat de longue date avec le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada voudra lui offrir d’appuyer l’enseignement du français dans les écoles de la minorité anglophone.
De même, conscient des inquiétudes des parents anglophones, exprimées notamment par le QCGN, le gouvernement accordera une attention particulière aux propositions de programmes à distance pour élargir l’éventail des options offertes aux élèves de petites écoles secondaires en région et accroître les possibilités de formation des étudiants de niveau postsecondaire dans leur langue à l’extérieur de Montréal. En vue de revitaliser les écoles anglophones en région, certains besoins prioritaires comme la création de centres scolaires communautaires pourront également faire l’objet de discussions bilatérales. L’expérience en milieu minoritaire francophone l’a démontré : utiliser l’édifice scolaire et lui adjoindre des locaux communautaires procure l’espace vital où la communauté nourrit son identité et façonne sa contribution à l’ensemble de la société.
DOUBLER LA PROPORTION DE DIPLÔMÉS DES ÉCOLES SECONDAIRES AYANT UNE CONNAISSANCE FONCTIONNELLE DE LEUR DEUXIÈME LANGUE OFFICIELLE
Actuellement, 24 p. 100 des jeunes Canadiens âgés de 15 à 19 ans connaissent l’autre langue officielle. L’objectif du Plan d’action est de porter cette proportion à 50 p. 100 d’ici 2013. Le gouvernement fédéral offre son aide aux provinces et aux territoires pour atteindre cet objectif, lequel est du reste tout à fait réaliste.
L’expérience démontre combien il est possible d’accroître le bilinguisme chez les jeunes. La moitié des Anglo-Québécois âgés de 15 à 24 ans maîtrisaient le français en 1971, alors qu’en 2001 huit sur dix y parvenaient. La proportion de Québécois francophones du même âge maîtrisant l’anglais est passé de 30 à 38 p. 100 entre 1981 et 1991. En quinze ans, de 1981 à 1996, la proportion de jeunes anglophones hors-Québec en mesure de s’exprimer efficacement en français est passée de 8 à 15 p. 100.
Aujourd’hui, nous avons appris de ces expériences, les méthodes pédagogiques sont plus perfectionnées, nous savons mieux comment enseigner les langues. De plus, c’est la première fois qu’un tel objectif est ainsi proposé aux Canadiens, ce qui représente en soi une motivation pour réussir. Oui, il est possible de faire en sorte que dans dix ans un jeune Canadien sur deux maîtrise ses deux langues officielles.
Grâce au fonds d’appui à l’enseignement de la langue seconde, il sera possible de convenir de mesures ciblées avec les provinces pour :
1. Améliorer le français et l’anglais de base.
L’amélioration de l’enseignement de la langue seconde passe en partie par le renouvellement des approches et des outils pédagogiques utilisés pendant les cours de français et d’anglais réguliers. Le gouvernement encouragera l’examen de méthodes alternatives, comme les cours dans le domaine des arts et les cours d’éducation physique donnés dans la langue seconde; les horaires compacts ou par blocs ayant déjà fait l’objet d’essais en Ontario; et le régime d’anglais intensif tenté dans plusieurs écoles du Québec, inspiré de l’enseignement condensé du français aux jeunes immigrants.
2. Donner un nouvel élan à l’immersion.
Plusieurs des mesures énergiques prévues dans le Plan d’action vont permettre de donner un nouvel élan à cette forme d’enseignement. Avec plus d’enseignants, une qualité de l’enseignement rehaussée, un matériel scolaire plus accessible et de meilleure qualité, plus d’emplois d’été, plus de programmes d’échanges, une possibilité accrue pour les élèves d’envisager des études postsecondaires dans leur langue seconde, il sera alors possible de répondre de façon beaucoup plus adéquate aux désirs des parents et des élèves d’avoir accès à une immersion de grande qualité. Des fonds seront d’ailleurs injectés dans la promotion de cette forme d’enseignement, pour informer tant les jeunes que leurs parents de ses avantages, sinon de son existence même.
Le gouvernement du Canada travaillera de près avec les provinces et les territoires pour y parvenir. Ce sont ces gouvernements qui détiennent la compétence constitutionnelle. Ils nous ont fait savoir qu’ils ne demandent que cela : renforcer notre partenariat pour l’immersion. Le gouvernement du Canada les aidera à ouvrir des classes supplémentaires ainsi qu’à moderniser les méthodes d’apprentissage.
3. Augmenter le nombre d’enseignants qualifiés.
Afin d’augmenter le nombre d’enseignants en langue seconde, le gouvernement appuiera les initiatives que pourraient présenter les provinces et les territoires pour recruter de futurs spécialistes, les former et leur offrir des occasions de perfectionnement.
4. Offrir aux diplômés bilingues l’occasion de mettre à profit leurs compétences.
Dans le cadre d’emplois d’été et de programmes d’échange, on fera valoir aux jeunes Canadiens les avantages concrets de leur connaissance des deux langues officielles.
AMÉLIORER LES PROGRAMMES DES BOURSES ET DES MONITEURS
Les programmes des moniteurs de langues officielles et des bourses d’été plaisent toujours aux jeunes pour lesquels ils ont été conçus; ils ont conservé la faveur des gestionnaires provinciaux et territoriaux qui les administrent. Cependant, ils ont besoin d’un coup de pouce pour maintenir leur momentum.
« Ces programmes permettent de faire naître des relations nouvelles entre bon nombre de Canadiens et de Canadiennes, qui apprennent ainsi à comprendre et à apprécier l’apport de la dualité linguistique au sein de la société canadienne, notamment par l’apprentissage de leur seconde langue officielle. » Patrimoine canadien, Langues officielles, Rapport annuel 2001-2002, p. i, Message de l’honorable Sheila Copps. |
Le gouvernement a donc décidé d’ouvrir le Programme des moniteurs à plus de jeunes en augmentant de 10 à 15 p. 100 le nombre de participants par rapport à leur nombre actuel. Ils étaient 889 en 2000-2001; il faut qu’ils dépassent dorénavant le millier. De plus, le salaire annuel des moniteurs sera accru de 10 p. 100. Au total, le gouvernement investira jusqu’à 10,8 millions de dollars annuellement dans ce programme, comparativement aux 6,8 millions de dollars antérieurs, une augmentation graduelle qui atteindra 59 p. 100 la cinquième année du Plan.
Le budget du Programme des bourses d’été totalisera 19,4 millions de dollars en 2007-2008, une augmentation de 70 p. 100 par rapport au budget actuel de 11,4 millions de dollars. Ces fonds permettront d’augmenter de 10 p. 100 la valeur de chaque bourse (1 635 dollars en 2001-2002). Le programme accueillera près de 10 000 participants en 2007-2008, soit presque 2 000 de plus.
AIDER À PROMOUVOIR LA RECHERCHE
La situation des communautés minoritaires de langue officielle, tout comme les questions liées à l’apprentissage de la langue seconde, suscitent depuis longtemps l’intérêt des chercheurs universitaires canadiens. Ces derniers sont d’ailleurs reconnus comme chefs de file mondiaux pour ce qui est de l’enseignement des langues secondes. Le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada consacre environ 1,7 million de dollars par année à ces domaines. Un tel investissement appuie l’avancement des connaissances sur les défis que vivent les communautés de langue officielle en situation minoritaire et offre des pistes de développement de politiques publiques. Malgré ces efforts, il reste encore beaucoup à faire pour bien cerner les problèmes et leurs conséquences.
Le Conseil a adopté récemment un nouveau domaine de recherche stratégique – Citoyenneté, culture et identités – qui offre un cadre prometteur pour le financement de nouvelles études sur ces questions. Tout en continuant l’appui offert dans le contexte de ses programmes réguliers, le Conseil de recherche en sciences humaines explorera la possibilité d’établir des partenariats en vertu du nouveau domaine de recherche stratégique. Le Conseil pourra ainsi aider à renouveler la recherche pertinente.
* * *
Rien n’est possible en éducation sans les provinces et les territoires. Les deux nouveaux fonds leur donneront l’occasion de proposer les initiatives qui leur apparaissent les plus susceptibles de correspondre à leurs contextes respectifs. En plus, le Plan d’action viendra appuyer des programmes qui ont fait leurs preuves et qui ont besoin de ressources pour continuer. Si nous atteignons nos objectifs, si par exemple d’ici dix ans huit ayants droit francophones sur dix reçoivent un enseignement dans leur langue, et si la moitié de nos diplômés du secondaire maîtrisent nos deux langues officielles, c’est le Canada tout entier qui en profitera. Pour y parvenir, il nous faudra tous, élèves, enseignants, parents, institutions d’enseignement, conseils scolaires et gouvernements, travailler en équipe.
Données du recensement du Canada de 2001. En 1986, il y avait 152 225 élèves dans les écoles de la minorité francophone et 271 914 enfants admissibles à ces écoles en vertu de l’article 23(1). Le ratio élèves/population admissible était donc de 56 p. 100. En 2001, il y avait 149 042 élèves dans les écoles de la minorité francophone et 219 860 enfants admissibles à ces écoles, pour un ratio de 68 p. 100. Cette proportion indique la mesure dans laquelle le système scolaire de la minorité francophone réussit à attirer sa population cible.
« Mahe c. Alberta », [1990] 1 R.C.S.342.
« Arsenault-Cameron et al. c. Île-du-Prince-Édouard », [2000] 1 R.C.S.3
À la hauteur : La performance des jeunes du Canada en lecture, en mathématiques et en sciences, Étude PISA de l’OCDE – Premiers résultats pour les Canadiens de 15 ans, p. 28.
Angéline Martel, Droits, écoles et communautés en milieu scolaire minoritaire 1986-2002, étude réalisée pour le Commissariat aux langues officielles, 2002.
« Teacher supply report », publié dans la revue trimestrielle du Ontario College of Teachers intitulée Professionally Speaking, décembre 1998.
Teacher Supply/demand in Newfoundland and Labrador : 1998-2010, novembre 1998, Dr. Robert Crocker, Faculty of Education, Université Memorial, Terre-Neuve.
La Commission nationale des parents francophones, Plan national d’appui à la petite enfance, document non publié, janvier 2002.
En vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, les citoyens canadiens ont le droit de faire instruire leurs enfants en anglais : s’ils ont reçu leur propre instruction au niveau primaire en anglais au Canada; s’ils ont un enfant qui a reçu ou reçoit son instruction en anglais au Canada.
Étude PISA de l’OCDE, op. cit. (Note 21).
Jack Jedwab, The Chambers Report, Ten Years After : The State of English Language Education in Quebec 1992-2002, Institut Missisquoi, janvier 2002.
Institut Missisquoi-CROP, Enquête 2000.
Association des commissions scolaires anglophones, sondage non publié, 2002.
Recensement du Canada, 1971 à 2001.
Canadian Parents for French, The State of French Second Language Education in Canada, 2001.
Centre de recherche et d’information sur le Canada, Portraits du Canada 2001, janvier 2002.
Sondage Gallup, avril 2001.
Commission européenne, op.cit. (Note 5).
Recensement du Canada, 2001.
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