Note pour une allocution de
Mel Cappe
Greffier du Conseil privé et Secrétaire du Cabinet
à la
Conférence nationale : Traverser les frontières
Ottawa (Ontario)
Le 30 mars 2001
Le texte prononcé fait foi
Introduction
- Après tout, la plupart d’entre vous êtes ici parce que vous êtes conscients de la très grande importance de la technologie et de la transformation qu’elle fait subir au gouvernement.
- Vous avez une bonne idée de ce qu’est le cybergouvernement et des avantages éventuels que cela représente pour le Canada et ses citoyens. Vous êtes aussi parfaitement au courant des dossiers qu’il faudra naviguer pour en arriver à faire fonctionner ce gouvernement électronique : des dossiers comme celui de la vie privée et de la sécurité où la marge d’erreur est très restreinte. Toute transformation d’aussi grande envergure que celle-ci représente un défi que nous devons être en mesure de relever pour pouvoir résoudre les problèmes.
- À tout événement, il nous faudra une sorte de gourou – et ce ne sera pas moi — capable de sensibiliser tous les Canadiens et Canadiennes au cybergouvernement et de leur expliquer pourquoi c’est important pour eux.
- Pour ma part, on m’a demandé de parler des structures gouvernementales et de la façon dont on pourrait les améliorer pour qu’elles soutiennent le cybergouvernement.
- Mais je ne suis pas d’accord. C’est une fausse dichotomie que d’affirmer qu’il n’y a que des ministères ou des réseaux. Nous n’avons pas le choix, nous avons besoin des deux. L’affirmation selon laquelle les ministères sont des boîtes étanches ne correspond pas à la réalité, et ce, depuis des années.
- Cela ne veut pas dire qu’il y était confiné; cela veut seulement dire qu’il vivait dans cette réalité. Et il s’est efforcé de se transformer pour s’en sortir. Je pense que c’est ce que nous devons faire pour relever le défi de vivre avec un modèle ministériel qui existe pour de nombreuses bonnes raisons, tout en établissant des réseaux pour sortir de ce modèle et changer notre façon de fonctionner. C’est la façon de fonctionner qui est tellement importante.
- Mais le modèle ministériel n’est pas suffisant. Nous avons besoin de remettre en question le statu quo et de trouver des moyens de transposer les fonctionnalités des réseaux au modèle ministériel.
- Tout d’abord, le vrai défi du cybergouvernement est le fait que nous ne savons pas encore exactement ce qui est possible. Nous ne savons pas où cette transformation nous mènera. Mais nous avons besoin de planifier en vue de ce changement radical. Après tout, la raison pour laquelle nous planifions est que nous savons que nous allons aboutir ailleurs.
- Cela signifie également que nous avons besoin de structures souples permettant l’adaptation, peu importe la direction où le cybergouvernement nous mènera.
- Ensuite, le modèle ministériel offre une capacité d’adaptation. Il répond à notre besoin de respecter les grands principes de la gouvernance comme la responsabilisation envers le Parlement et les Canadiens. Et il a permis une croissance importante de l’action horizontale et de la collaboration.
- Enfin, le cybergouvernement concerne davantage les gens que les structures. Et si je devais insister sur un seul message, il concernerait l’importance primordiale des gens : la façon dont nous les préparons, les embauchons, les formons, la façon dont nous sommes nous-mêmes formés à titre de gestionnaires, et la façon dont nous dirigeons.
- À mon avis, le cybergouvernement modernisera notre institution et la rendra capable en bout de ligne d’offrir de meilleurs programmes et services aux Canadiens.
Visée au delà de l’horizon — Le défi de définir le cybergouvernement
- Pour le ministère, c’était un défi que de prendre l’initiative et de reconnaître que le public voulait obtenir du gouvernement davantage que des brochures; qu’il y avait une demande de mettre en ligne de l’information scientifique et technique et d’offrir des renseignements utiles et précieux comme les services météorologiques.
- Nous avons donc expérimenté, embauché un webmestre et mis quantité de nos services en ligne. Nous avons créé un portail permettant aux gens des différents services du ministère d’interagir avec leur clientèle. C’était au début des années 90.
- La Voie verte est devenue un exemple à suivre dans le cadre de nos efforts pour mettre en ligne l’information gouvernementale. Elle a évolué, tout comme a évolué notre compréhension de ce que nous pouvons faire en ligne.
- À ce moment-là, nous savions que les services en ligne intéressaient les Canadiens, mais nous avons appris à ne pas nous fier à des hypothèses simplistes.
- Par exemple, nous avons appris que les Canadiens de tout âge, dont beaucoup de personnes âgées, voulaient profiter de ces services en ligne; des personnes comme ma propre mère, qu’on appelle cybe-grand-mère parce qu’elle utilise déjà le courrier électronique.
- Nous avons aussi appris que l’Internet n’est qu’un complément des autres modes de prestation des services, comme le téléphone et les comptoirs de service. Il ne les remplace pas et n’élimine pas leurs coûts, surtout si nous voulons offrir aux citoyens des services qui respectent leurs préférences.
- Cela signifie que nous devrons faire preuve de souplesse et porter une attention particulière aux résultats que nous souhaitons obtenir, tout en restant ouverts à l’idée de devoir corriger notre tir rapidement afin de tirer profit des nouvelles façons d’obtenir ces résultats.
- En fait, la plupart de nos services comportent un important et complexe volet de diffusion d’information. Nos services ne sont pas toujours simples.
- Le défi consiste donc à prendre les programmes et les services ayant une composante « information » complexe et à les mettre en ligne d’une façon qui contribuera à accroître la confiance du public plutôt qu’à la diminuer.
- Par exemple, j’ai un compte de téléphone cellulaire et un compte de téléphone résidentiel, mais mon fournisseur ne peut me transmettre une seule facture. La compagnie y travaille et y parviendra éventuellement. Mais ne venez pas me dire que le gouvernement est le seul à travailler en vase clos.
- L’été dernier, j’ai déménagé. Je suis allé à ma banque pour effectuer mon changement d’adresse pour mon compte, mais je n’ai pas pu le faire pour ma carte Visa, même si je l’ai obtenue par la banque.
- La dame qui m’a servi était très gentille, mais elle était limitée par la technologie, et ce, pour une bonne raison : la technologie exige que l’on rende des comptes au sein de différents secteurs cloisonnés en vue d’atteindre des objectifs commerciaux. Tout comme au gouvernement, le modèle ministériel existe pour maintenir la responsabilisation de tous et chacun.
- Nous pouvons donc apprendre du secteur privé ce qu’il fait bien, et nous pouvons aussi apprendre de lui ce qu’il ne faut pas faire.
La pérennité du modèle ministériel
- Les Canadiens et les Canadiennes s’attendent à ce que la fonction publique soit clairement responsable devant le Parlement par l’entremise des ministres. Ils s’attendent à ce que ces ministres et le premier ministre rendent des comptes aux citoyens. C’est là l’essence même de notre régime démocratique de type britannique.
- Mais au fur et à mesure que le gouvernement réussit à communiquer avec les citoyens et les citoyennes, nous courons le risque de voir diminuer le rôle d’intermédiaire que jouent les députés. Ces derniers devront trouver des moyens novateurs de rapprocher le gouvernement des citoyens et de rapprocher les citoyens du gouvernement afin de résoudre les problèmes.
- Le modèle ministériel ne peut pas exister dans un monde cloisonné et sans souplesse. Nous devons trouver des moyens d’agir de façon horizontale et en collaboration et travailler au-delà des frontières des ministères. Nous nous y efforçons, nous apprenons et il nous reste encore un grand bout de chemin à parcourir.
- Nous avons souligné l’importance de changer la culture et de faire preuve de leadership pour que la collaboration interministérielle et le travail d’équipe deviennent partie intégrante des habitudes de travail, de même que l’importance de renforcer les capacités d’élaboration des politiques horizontales.
- Et c’est justement ce qui se produit. Aujourd’hui, tous les ministères fédéraux, les autres paliers gouvernementaux et les partenaires de notre société et de notre économie travaillent ensemble plus que jamais.
- Vous avez déjà entendu parler de notre projet de « gouvernement en direct »; permettez-moi de vous rappeler que le portail Canada.gc.ca, qui a été remanié et a ensuite été inauguré par le premier ministre et des élèves de sixième année en janvier dernier, est le résultat d’un travail d’équipe auquel ont participé des comités et groupes de travail de tous les ministères.
- Dans bien des cas, ces engagements supposent plus qu’une simple collaboration au sein du gouvernement du Canada.
- Ils nous amènent à travailler avec les autres paliers du gouvernement, le secteur privé, le secteur bénévole et les Canadiens.
- Tout cela implique aussi un niveau plus élevé de « responsabilisation ».
- La première est l’engagement de responsabilisation envers les Canadiens au moyen de mesures claires et comparables sur les résultats.
- La seconde est une entente visant une étroite collaboration avec les autres paliers du gouvernement et la participation d’organismes privés pour certains dossiers.
- Il reste encore des cloisons à abattre. La technologie peut nous aider dans ce domaine, mais la sécurité demeure une préoccupation importante lorsqu’il s’agit de recourir à cette technologie pour transmettre de l’information.
- La protection de la vie privée constitue également un empêchement majeur à l’adoption généralisée des démarches horizontales. Et le défi n’est pas tellement le fait que le public exige que les organismes gouvernementaux respectent des normes extraordinairement élevées, mais plutôt que nous n’avons pas encore déterminé quel est le meilleur moyen de répondre à ces normes.
- Comme l’a expliqué la ministre Robillard, nous travaillons à aborder en parallèle les questions de la protection de la vie privée et de la sécurité dans le cadre de notre projet de Gouvernement en direct.
- Monsieur Martin a parlé à propos de la disparition des distances. Je veux vous laisser une pensée au sujet de la « multidirectionnalité », c’est-à-dire un contexte dans lequel l’information et les idées circulent dans toutes les directions et où un nombre pratiquement infini de gens se branchent les uns aux autres instantanément.
- Je ne veux pas ajouter plus de jargon à ce débat, mais je tiens à souligner qu’à mon avis, il est vital de songer à utiliser les réseaux pour diffuser l’information et pour abattre les barrières entre les ministères, plutôt que de tenter de les éviter.
- De plus, si nous créons des réseaux moins hiérarchisés et si nous obtenons ainsi la contribution d’un grand nombre de particuliers à l’élaboration des politiques, comment alors en assurer la qualité et comment susciter une large participation de tous les Canadiens.
- Allons un peu plus loin. Comment éviter que les députés voient leur rôle comme représentants de leurs électeurs diminuer? Et comment répondre à la nécessité de rendre des comptes dans le contexte de notre régime parlementaire de type britannique?
Les gens sont au cœur de l’instauration du cybergouvernement
- Je parle de personnes capables de travailler efficacement sans se soucier des frontières de toute sorte; de gens qui voient les dossiers dans un contexte large et horizontal, qui comprennent l’importance de partager l’information et qui sont conscients que le travail d’équipe et la collaboration sont importants pour l’innovation et la productivité.
- Je parle de gens qui comprennent le potentiel du cybergouvernement et qui en font une réalité conforme aux valeurs de la fonction publique.
- Nous mettons l’accent sur le recrutement, le maintien en poste et l’apprentissage avec comme objectif principal d’accroître la diversité de la fonction publique et d’y attirer des jeunes gens brillants et motivés.
- Nous voulons que les jeunes joignent les rangs de la fonction publique afin d’y acquérir une précieuse expérience et nous espérons que bon nombre d’entre eux voudront y faire carrière.
- Comme l’a fait remarquer la ministre Robillard, il est essentiel de disposer des travailleurs du savoir dont nous avons besoin et de veiller à ce qu’ils possèdent les bons outils et qu’ils bénéficient de l’apprentissage et des infrastructures nécessaires à leur travail dans un monde axé sur l’électronique.
- Au gouvernement du Canada, les fonctionnaires ont la chance de jouer un rôle actif dans les grands dossiers qui touchent notre pays et notre monde, et c’est ici que les priorités en matière de ressources humaines et le plan d’action du cybergouvernement s’harmonisent particulièrement bien.
- Nous voulons attirer, maintenir en poste et favoriser la venue de gens qui pourront travailler dans le contexte de la transformation du cybergouvernement au Canada. Ce seront eux qui nous aideront à tirer profit des idées nouvelles, des nouveaux partenariats et des nouvelles technologies pour assurer le lien entre les gens, les idées et les possibilités.
- Nous fonctionnons dans un monde où les ressources sont limitées. Nous posons des questions difficiles. Nous voulons savoir comment obtenir de meilleurs résultats et comment renforcer les valeurs qui ont toujours été nos atouts.
- En fait, le cybergouvernement sera défini par les choix que nous ferons et ces choix devront être fondés sur les solides assises des valeurs de la fonction publique.
Conclusion
- Tout d’abord, le monde du cybergouvernement est plus complexe que la simple automatisation des services de base, aussi important ce processus soit-il. Nous souhaitons obtenir de meilleurs résultats dans un climat de changement constant mais qui nous pose de réels défis lorsqu’il s’agit de dossiers comme la protection de la vie privée et la sécurité.
- Comme le député de Winnipeg-Sud, Reg Alcock, le soulignait, le gouvernement doit innover et ne pas se contenter d’automatiser. Voilà qui illustre bien notre défi : l’automatisation est relativement simple, mais l’innovation est plus difficile.
- Ensuite, le modèle ministériel semble être ici pour rester étant donné qu’il répond aux attentes des Canadiens et des parlementaires lorsqu’il est question, par exemple, de rendre des comptes. De plus, ce modèle a prouvé qu’il possède la souplesse nécessaire pour favoriser l’adoption de démarches plus horizontales de collaboration à l’égard des questions de politiques publiques.
- Enfin, puisqu’il reste encore du travail à faire pour nous permettre de passer aux stratégies axées sur les réseaux, nous avons la certitude que, en renforçant et en modernisant la fonction publique, nous ferons davantage pour créer le climat nécessaire à l’innovation.
- Nous devrons faire davantage pour encourager la collaboration au sein du gouvernement et avec les autres secteurs de la société.
- Nous devrons être toujours éveillés aux possibilités et encourager l’innovation.
- Et nous devrons concentrer nos efforts sur les gens, c’est-à-dire ceux de la fonction publique, ceux qui nous mèneront là où nous voulons aller.