LETTRE À MONSIEUR BERNARD LANDRY
Le 28 août 1997
Monsieur Bernard Landry
Vice-Premier ministre et ministre dÉtat
de lÉconomie et des Finances
12, rue St-Louis
1er étage
Québec (Québec)
G1R 5L3
Monsieur le Vice-Premier ministre,
Un homme d’action tel que vous a besoin d’informations exactes.
Hier, vous avez qualifié «d’erreur historique élémentaire» mon affirmation selon laquelle
aucun État créé par sécession n’a été admis aux Nations Unies sans l’approbation de l’État
prédécesseur. Vous avez prétendu que «pour nommer un cas entre 50», l’Allemagne a
reconnu la Slovénie comme un État indépendant dans les premières heures suivant la
déclaration d’indépendance de celle-ci.
Voici les faits exacts à propos de la Slovénie.
- Le 23 décembre 1990, le gouvernement slovène tient un référendum sur une question on
ne peut plus claire: «La République de Slovénie devrait-elle devenir un État souverain et
indépendant?» Le oui l’emporte avec 95,7 % des votes valables exprimés et le taux de
participation est de 93,3 %.
- Le 25 juin 1991, la Slovénie déclare son indépendance.
- Le 29 novembre 1991, la Commission d’arbitrage, nommée par la Communauté
européenne, conclut que la République fédérative socialiste de Yougoslavie est sur la voie
de la dissolution.
- Le 5 décembre 1991, le Président de la République fédérative socialiste de Yougoslavie,
M. Stipe Mesic, démissionne en déclarant que celle-ci n’a plus de légitimité.
- Le 16 décembre 1991, la Conférence des ministres sur la Coopération politique
européenne invite toutes les républiques de Yougoslavie qui le souhaitent à soumettre leur
demande pour être reconnues comme États indépendants.
- Le 23 décembre 1991, donc six mois après la déclaration d’indépendance, l’Allemagne
reconnaît officiellement la Slovénie.
- Le 15 janvier 1992, le Canada et l’Union européenne reconnaissent la Slovénie.
- Le 22 mai 1992, la Slovénie est admise aux Nations Unies, non pas contre l’avis de la
République fédérative socialiste de Yougoslavie, mais après que celle-ci a cessé d’exister.
En somme, malgré un appui quasi unanime de sa population, la Slovénie a dû attendre que
la communauté internationale constate que la dissolution de la fédération yougoslave était
irréversible avant d’obtenir la reconnaissance internationale.
Le cas slovène montre à quel point la reconnaissance internationale est quelque chose de
difficile à obtenir. Nos concitoyens ont le droit de le savoir.
Je suis tout à fait disposé à discuter avec vous des 49 autres cas de reconnaissance
internationale que vous avez en tête.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Vice-Premier ministre, l’expression de mes sentiments
distingués.
Stéphane Dion
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