La prudence budgétaire du gouvernement du Canada sert bien
les Canadiens
Dans la Tribune du 24 octobre dernier, M. Michel Morin suggère que ce
serait par « arrogance » que le gouvernement du Canada
affirmerait l’inexistence d’un déséquilibre fiscal au Canada. Je tiens à
assurer M. Morin que la position du gouvernement du Canada s’inspire
uniquement de l’intérêt public.
Les surplus budgétaires fédéraux des cinq dernières années ne sont pas
la preuve qu’il existe un déséquilibre fiscal structurel dont les provinces
seraient les victimes. Ils sont plutôt le fruit d’un redressement économique
que les Canadiens ont trop difficilement obtenu pour qu’on le tienne pour
acquis.
Le gouvernement du Canada ne nage pas dans l’argent. Il faut garder en
tête que l’endettement fédéral de 536 milliards de dollars est plus de
deux fois supérieur à celui des provinces. Le surplus du gouvernement du
Canada, qui se chiffre à 8,9 milliards de dollars pour la dernière année
budgétaire complétée, peut paraître important, mais il fondrait comme neige
au soleil si nous relâchions notre prudence budgétaire.
Nous n’aurions pas dégagé un tel surplus si le Canada avait connu le
ralentissement économique que lui annonçaient les économistes du secteur
privé au moment du dernier budget fédéral en décembre 2001. Alors qu’ils
entrevoyaient une croissance du PIB de 1,1 % pour le Canada en 2002,
celle-ci sera de 3,4 % selon le Fonds monétaire international (FMI). Cette
performance inattendue de l’économie canadienne est tout à fait
exceptionnelle dans les circonstances. La croissance ne sera que de 1,4 %
en moyenne pour les pays du G7 en 2002, toujours selon le FMI.
Les effets de balancier en matière budgétaire sont considérables et
commandent la plus grande prudence. Regardons la situation d’autres pays. Le
gouvernement fédéral américain anticipait, lors du dépôt du budget
2001-2002, un surplus de 230 milliards de dollars US; il prévoit
maintenant un déficit de 165 milliards de dollars US. En Europe, la
France, l’Italie, l’Allemagne et le Portugal ont des problèmes importants
de trésorerie.
Le Canada abandonnerait la prudence budgétaire qui l’a si bien servi si le
gouvernement fédéral et ceux des provinces basaient leurs politiques
budgétaires des prochaines années sur une méthodologie aussi peu fiable que
celle qui est recommandée dans le rapport de la Commission Séguin. Si, il y a
cinq ans, on avait essayé de prévoir les budgets de cette année en utilisant
la méthode Séguin, cela aurait donné un surplus de 60 milliards de
dollars pour le gouvernement du Canada et un surplus de 12 milliards de
dollars pour le gouvernement du Québec! Les conclusions du rapport Séguin ne
sont pas réalistes.
Dans ces circonstances, le gouvernement du Canada aide les gouvernements
provinciaux du mieux qu’il le peut. Les transferts fédéraux aux provinces
augmenteront annuellement de 6 % au cours des prochaines années alors que
la hausse annuelle des revenus du gouvernement fédéral ne devrait être que de
2 %. Le gouvernement du Canada a dit, et répète, que, s’il trouve la marge
de manœuvre pour faire plus à l’occasion du prochain budget, il le fera.
Plutôt qu’une question de déséquilibre fiscal, c’est une question de
responsabilité fédérale.
Alors que les transferts fédéraux aux provinces ont été restaurés à
leur niveau de 1995, les baisses d’impôt des provinces leur occasionnent un
manque à gagner de plus de 20 milliards de dollars. Le gouvernement du
Canada ne les critique pas pour avoir baissé leurs impôts, pas plus qu’il ne
leur recommande de les augmenter. Il dit simplement que le fait que les
provinces s’estiment en mesure de baisser leurs impôts est l’une des
preuves de l’inexistence d’un déséquilibre fiscal.
Le gouvernement du Canada aide les provinces en partie par les transferts,
mais surtout en favorisant la bonne santé économique du pays. Si le Canada a
pu échapper au ralentissement économique en ce début de décennie, c’est
pour une bonne part parce que la Banque du Canada a pu baisser les taux d’intérêt
au bon moment. Elle a pu le faire notamment parce que les finances publiques,
autant fédérales que provinciales, étaient plus saines qu’il y a dix ou
vingt ans. Après tout, le surplus fédéral est une excellente nouvelle pour
tous les Canadiens. Une telle situation financière fait l’envie des citoyens
des autres pays.
En somme, le gouvernement du Canada aide ses partenaires provinciaux autant
que possible et il espère pouvoir dégager des financements additionnels pour
la santé, pour Kyoto, pour les infrastructures, pour les langues officielles,
etc. Mais il le fera tout en maintenant la prudence budgétaire qui vaut à
notre pays les finances publiques les plus saines du G7 selon un rapport récent
du Fonds monétaire international.
Il n’y a pas de déséquilibre fiscal au Canada, il y a plutôt le devoir
de s’entraider.
Lettre ouverte du ministre Stéphane Dion parue dans le journal La
Tribune le 30 octobre 2002.
Pour informations :
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André Lamarre
Conseiller spécial
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