« À CHAQUE PEUPLE SON ÉTAT - UNE IDÉE IMPRATICABLE » - STÉPHANE DION
OTTAWA (ONTARIO), le 30 septembre 1996 – Selon le ministre des Affaires
intergouvernementales du Canada, monsieur Stéphane Dion, l’idée selon
laquelle toute population ayant des caractéristiques qui lui sont propres
devrait avoir son État «est terriblement fausse» et «impraticable».
Le Ministre prenait la parole ce soir à Sainte-Foy, dans le cadre d’une
conférence sur le fédéralisme organisée par l’Institut québécois des
hautes études internationales de l’Université Laval, en collaboration avec
le Centre international de formation européenne de Nice et l’Université de
Colombie-Britannique.
La nécessaire cohabitation des cultures
Monsieur Dion a affirmé que non seulement l’idée «À chaque peuple son
État» est impraticable mais que c’est aussi une faute morale car «c’est
en apprenant à faire cohabiter les cultures qui les composent que les États
donnent à leurs populations la possibilité de se grandir. [...] La
cohabitation des cultures est nécessaire; c’est même la seule solution car
ni l’assimilation des cultures, ni leur séparation ne sont praticables ni
moralement acceptables».
«Si le Canada est si ouvert, si tolérant, et si généreux aujourd’hui» d’ajouter
le ministre Dion, «c’est parce que les Français et les Anglais, dès le
départ, ont pris les moyens pour s’entendre et tirer parti, à la fois de
leurs identités respectives et de la complémentarité de ces deux grandes
cultures».
À l’heure de la mondialisation des marchés et de la recherche de l’autonomie,
le Ministre rappelle que d’une part «la recherche d’organisations élargies
s’explique par une prise de conscience des forces de l’interdépendance
mondiale et par le besoin d’exercer une influence accrue sur les décisions
internationales»; tandis que, d’autre part, «la recherche de petites unités
politiques indépendantes s’explique par le besoin de rendre les gouvernements
plus sensibles aux besoins des citoyens et à leurs attachements premiers : les
liens linguistiques et culturels, l’appartenance à une religion, les
traditions historiques et les coutumes sociales. C’est ce qui constitue les
fondements d’une communauté».
«Le fédéralisme aide à concilier ces courants opposés» précise le
ministre. «Le Canada est une fédération où chaque province peut donner sa
perspective propre et régler ses problèmes à sa façon». À titre d’exemple,
le Ministre rappelle que les dix provinces du Canada qui avaient des déficits
budgétaires ont trouvé, chacune à sa façon, le moyen de s’en sortir et, qu’aujourd’hui,
sept d’entre elles ont atteint l’équilibre budgétaire ou réalisent des
surplus. «Chaque province cherche ses forces en elle-même, ce qui n’empêche
pas qu’elles s’entraident par la solidarité».
Traitant de l’éthique du fédéralisme, monsieur Dion se réfère à Alan
Cairns, une autorité canadienne reconnue en matière de fédéralisme, qui a
démontré dans son oeuvre que les institutions ne permettent pas seulement d’accomplir
des choses, mais qu’elles encouragent des principes moraux, qu’elles
contribuent à façonner notre vision du monde et de nous-mêmes.
Tolérance et solidarité : deux grands principes moraux qu’encourage
le fédéralisme
Selon le ministre Dion, le fédéralisme encourage deux grands principes moraux
: la tolérance et la solidarité. La tolérance, qui s’exprime à travers
notre capacité de comprendre les différentes manières d'agir : «Elle fait
appel à notre capacité d’accepter les diverses façons de contribuer à la
vie en société. Dans sa forme la plus fondamentale, la tolérance donne aux
gens la liberté d’être eux-mêmes pour mieux s’entraider les uns les
autres».
À ceux qui disent qu’il faut être Canadien tous de la même façon, le
ministre Dion réplique que d’après lui, cela est une erreur. À ceux qui
voient dans la décentralisation une menace, le ministre se dit persuadé du
contraire.
«Moi qui suis un p’tit gars de Québec, né dans cette ville, habitant
maintenant à Montréal, j’ai ma façon à moi d’être Canadien, je ne suis
pas obligé de l’être comme quelqu’un de Winnipeg. Mais je sais, par
instinct, que le fait de partager le même pays avec cette personne de Winnipeg
fait d’elle et de moi de meilleurs êtres humains».
À ceux qui prétendent que le fédéralisme ne peut fonctionner que dans une
société homogène, ayant la même religion et la même langue, le Ministre
répond que ce n’est pas du tout son avis. «Le fédéralisme fonctionne dans
une société homogène et il est nécessaire dans une société hétérogène,
parce qu’il favorise la tolérance, et c’est ce dont une société
hétérogène a le plus besoin», a souligné le ministre.
Se référant au professeur LaSelva de l’Université de Colombie-Britannique,
le ministre Dion a fait valoir «que cette structure institutionnelle qu’est
le fédéralisme est porteuse d’un principe moral que j’appelle la
solidarité. [...] La solidarité, que je définis comme étant le sens du bien
commun et de la compassion à l’égard de nos concitoyennes et de nos
concitoyens, nous permet d’agir ensemble, de consolider nos moyens et d’unir
nos forces».
«Voilà le vrai sens de la solidarité canadienne. C’est plus que de la
tolérance; non seulement nous tolérons ce que sont les autres, mais nous
voulons les aider à être ce qu’ils sont».
Réforme de la fédération
Abordant le plan de réforme de la fédération, le Ministre a rappelé qu’une
«fédération peut et doit toujours être améliorée, s’adapter à l’évolution
des besoins de ses populations, mais toujours en s’appuyant sur les principes
moraux qu’elle encourage. C’est ce que le gouvernement du Canada a fait».
Expliquant la proposition du gouvernement fédéral aux provinces concernant la
formation de la main-d’oeuvre, le Ministre a déclaré «nous avons donné aux
provinces plus de marge de manoeuvre pour cette politique publique très
importante pour le monde de demain. La formation de la main-d’oeuvre est un
secteur crucial parce que les pays comme le Canada ne maintiendront leur
avantage concurrentiel que s’ils peuvent compter sur une main-d’oeuvre
hautement qualifiée».
«Le gouvernement a donc pris des mesures pour éliminer tout conflit ou tout
chevauchement en offrant aux provinces la possibilité de gérer les quelque
deux milliards de dollars par année que le gouvernement fédéral dépense
actuellement pour les mesures actives d’aide à l’emploi».
«Ainsi chaque ordre de gouvernement aura sa responsabilité propre, et nous
pourrons attaquer le prochain siècle dans un bon cadre de travail grâce à une
bonne compréhension de ce qu’est le fédéralisme canadien».
«Partout le fédéralisme aide les êtres humains à mieux vivre ensemble» a
conclu le Ministre, «le fédéralisme est une solution valable pour nos
sociétés humaines, une solution que nous devons conserver pour nous-mêmes et
nos enfants».
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Pour information: Claude Péloquin
Secrétaire de presse
(613) 943-1838
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