LE MINISTRE DION PROPOSE L’APPROCHE
CANADIENNE POUR RÉAGIR AUX DEMANDES SÉCESSIONNISTES EN DÉMOCRATIE
LONDRES
(ROYAUME-UNI), le 15 octobre 2003 – S’adressant aux membres du
Constitution Unit, un organisme de recherche indépendant se consacrant aux
questions constitutionnelles, réunis à l’University College de Londres, le
Président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales,
l’honorable Stéphane Dion, a fait valoir qu’il pourrait exister
des principes universels susceptibles de guider les démocraties lorsqu’elles
sont confrontées à des demandes sécessionnistes pacifiques. À ce propos, il
a décrit l’expérience récente du Canada, qui est devenu le premier grand État
démocratique à admettre sa divisibilité par un texte législatif, la « loi
sur la clarté » sanctionnée le 29 juin 2000.
Le Ministre a exposé les
fondements éthiques de cette loi, laquelle, a-t-il rappelé, a reçu un large
appui mais a aussi été critiquée autant par les partisans de la sécession
sur demande que par ceux qui, à l’inverse, préconisent l’indivisibilité
absolue du territoire national.
M. Dion a d’abord procédé
à un examen critique de la thèse de la sécession sur demande, telle que les
leaders sécessionnistes québécois l’ont développée. Il a montré qu’une
telle procédure de sécession unilatérale comporte trois faiblesses qui la
rendent inacceptable : « Elle pose des problèmes graves sur les plans du
droit, de l’équité et de la clarté. »
Du point de vue du droit, le
fait que la sécession unilatérale d’une province n’ait pas de fondement
juridique, ni en vertu du droit canadien ni au regard du droit international,
rend cette procédure non seulement inacceptable, mais inapplicable dans les
faits : « Pourquoi des citoyens attachés à un pays accepteraient-ils
d’en être dépossédés illégalement? », a demandé le Ministre.
Du point de vue de l’équité,
le Ministre a noté que les leaders séparatistes québécois estiment que la sécession
sur demande n’est valable que pour eux. Si des populations territorialement
concentrées au Québec demandaient à se séparer à leur tour, ou tout
simplement à rester rattachées au Canada, les leaders sécessionnistes québécois
s’estiment en droit de prendre les moyens de les en empêcher, a fait
remarquer M. Dion.
Enfin, troisième problème,
cette procédure manque de clarté. Elle suppose que la sécession peut être
obtenue à l’arraché, sur la base d’une majorité incertaine et fragile, et
d’une question qui, tant aux référendums de 1980 que de 1995, « entremêlait
le projet d’indépendance et le maintien d’une éventuelle association
quelconque avec le Canada ».
Bien que la thèse de la sécession
sur demande telle qu’elle est préconisée par les leaders séparatistes québécois
soit inacceptable, le Canada n’est pas indivisible pour autant, a soutenu le
Ministre.
Certes, a-t-il convenu, «
les citoyens d’une démocratie sont liés par un principe de loyauté mutuelle
par-delà leurs différences de langue, de culture, de religion ou
d’appartenance régionale. Voilà sans doute pourquoi tant de démocraties se
considèrent comme indivisibles. »
« Mais, en même temps, a-t-il
enchaîné, on ne peut écarter la possibilité qu’en démocratie des
circonstances se produisent qui fassent de la négociation d’une sécession la
moins mauvaise des solutions envisageables. Cela pourrait être le cas advenant
qu’une partie de la population manifeste clairement, de façon pacifique mais
résolue, sa volonté de ne plus faire partie du pays. »
Telle est la position du
gouvernement du Canada qui s’est incarnée dans la loi sur la clarté, a
expliqué le Ministre : « Le gouvernement du Canada n’accepterait
d’entreprendre une négociation sur la sécession que dans l’hypothèse où
la population d’une province manifesterait clairement sa volonté de ne plus
faire partie du Canada. Cette volonté claire de sécession devrait s’exprimer
par une majorité claire appuyant une question portant clairement sur la sécession
et non sur un vague projet de partenariat politique. »
La négociation sur la sécession
devrait se dérouler dans le cadre constitutionnel canadien et devrait être
guidée par la recherche réelle de la justice pour tous, ce qui pourrait entraîner
la modification des frontières, a expliqué M. Dion. Il a rappelé que la loi
sur la clarté donne elle-même effet à l’exigence de clarté formulée par
la Cour suprême du Canada dans son avis de 1998 sur le Renvoi sur la sécession
du Québec.
Le Ministre a ensuite déclaré
que la prémisse fondamentale de cette approche canadienne selon laquelle une sécession,
sans être impossible, ne devrait être négociée que face à une volonté
claire de rupture, lui paraissait juste et de portée universelle. Dans le cas
du Canada, a-t-il relevé, cette approche a eu un effet bénéfique sur l’unité
nationale en introduisant la notion de clarté, les Québécois étant, dans
leur grande majorité, attachés à leur appartenance canadienne.
Malgré ses effets
manifestement bénéfiques pour l’unité canadienne, le Président du Conseil
privé a dit ne pas douter que l’approche canadienne puisse paraître très
audacieuse et trop libérale face à ce phénomène internationalement abhorré
qu’est la sécession. Et le Ministre de conclure : « L’approche
canadienne rejette le recours à la force, à toute forme de violence. Elle mise
sur la clarté, la légalité et la justice pour tous. Si elle peut paraître idéaliste
à de nombreuses nations, c’est justement parce qu’elle vise à traiter de
façon idéale des situations complexes et délicates. Elle pourrait à mon avis
contribuer à la paix et à la pratique éclairée des États. »
- 30 -
Pour information :
|
André Lamarre
Conseiller principal
Téléphone : (613) 943-1838
Télécopieur : (613) 943-5553
|
|