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Archives - Salle de presse

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« LE RENOUVEAU ET LE RÔLE DES MÉTIS »

NOTES POUR UNE ALLOCUTION DEVANT
LE MÉTIS NATIONAL COUNCIL

OTTAWA (ONTARIO)

LE 14 FÉVRIER 1997


Il me fait plaisir de m'adresser à vous au nom de l'honorable Anne McLellan, interlocuteur fédéral pour les Métis et les Indiens non inscrits, et d'avoir l'occasion de participer à la conférence d'orientation du Métis National Council. Cette conférence est, bien sûr, un des éléments clés du processus bilatéral établi entre le Bureau du Conseil privé et le Métis National Council. Ce processus bilatéral fournit à votre organisme une importante tribune pour discuter de questions d'intérêt mutuel avec les ministères fédéraux, et un outil qui facilite votre travail avec ceux-ci.

Votre conférence arrive à point nommé puisqu'elle vous offre la possibilité de discuter des diverses questions que les gouvernements sont en train d'examiner dans le contexte du renouveau de la fédération. Le moment est également bien choisi en ce que la conférence suit d'assez près la publication du rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones. Je suis certain que vous aurez, au cours des prochains jours, des échanges intéressants sur un bon nombre des questions fondamentales auxquelles nous sommes confrontés aujourd'hui.

Au cours de la dernière année, j'ai beaucoup voyagé d'un bout à l'autre du Canada. Plus que jamais, j'ai pu prendre conscience de l'immensité de notre pays et de l'inestimable contribution apportée par nos nombreux et divers groupes et communautés, dont les Métis, à l'édification du Canada. Ce matin, j'aimerais aborder avec vous un sujet auquel nous devrions tous nous intéresser davantage, soit le rôle historique joué par les Métis dans la construction de notre pays. Je veux souligner l'importance de leur contribution continue au raffermissement de l'unité nationale.

J'aimerais également vous parler du renouveau de la fédération et de l'apport important des Métis à cette démarche. Dans ce contexte, je vous entretiendrai aussi d'une certaine évolution notable survenue ces dernières années dans des domaines comme l'autonomie gouvernementale des Métis et des Autochtones vivant hors des réserves.

Travailler ensemble à la réconciliation nationale

Les Métis ont joué un rôle capital et unique dans l'évolution du Canada, particulièrement dans l'Ouest. En effet, l'histoire du Canada serait bien différente sans leur contribution. Grâce à leur remarquable adaptation aux langues et aux cultures européennes et indiennes, les Métis étaient des intermédiaires logiques dans les rapports commerciaux nés du développement de la traite des fourrures et de l'ouverture de l'Ouest.

Les Métis du début de notre histoire ont été parmi les principaux artisans de l'expansion du Canada vers l'Ouest, non seulement par leur contribution essentielle à l'économie, mais aussi en leur qualité de protecteurs de cette région contre les incursions des Américains. Les qualités et les capacités particulières des Métis les ont rendus indispensables au développement de notre nation. Commerçants, fournisseurs, chargés du fret, messagers, interprètes, diplomates et guides : ils ont été tout cela.

Ils ont créé une nouvelle culture, qui plonge ses racines dans l'histoire de l'Ouest canadien. Leur langue «metchif» s'est formée à partir d'un mélange de français, d'anglais, de cri et d'ojibway.

Ils ont été des créateurs. Ils ont adapté la technologie européenne à une nature sauvage et rude grâce à des innovations comme la charrette de la rivière Rouge et le bateau York, qui facilitaient le transport de grandes quantités de marchandises et d'approvisionnements à travers l'Ouest, jusqu'aux postes éloignés de traite des fourrures. Ils ont élaboré leurs propres formes de gouvernement, qui ont finalement mené à la création d'une nouvelle province, le Manitoba.

Toute réflexion sur l'édification de notre pays et sur les Métis doit, bien sûr, faire mention du rôle de Louis Riel. Comme nombre d'autres figures dominantes de notre histoire, Riel a été l'objet de controverses à son époque et il l'est encore. Quelle que soit votre opinion à son sujet, les réalisations de Riel ont été nombreuses et importantes. Premièrement, en tant que politicien, je ne peux que l'admirer d'avoir été élu trois fois par acclamation à la Chambre des communes.

En examinant le rôle controversé joué par Riel dans notre histoire, je suis frappé à de nombreux égards par les parallèles entre ce qu'il a affronté à son époque et les défis que nous avons à relever actuellement dans nos efforts pour renforcer l'unité de notre pays. La population de la région du Nord-Ouest à l'époque de Riel était d'environ 12 000 âmes. Elle comprenait 6 000 Métis francophones, 4 000 Métis anglophones et 2 000 autres personnes de différentes nations. Ces gens étaient les représentants de plusieurs langues, cultures et religions différentes. À de nombreux égards, le Nord-Ouest de l'époque de Riel était un microcosme du Canada tel que nous le connaissons aujourd'hui, avec nos nombreuses cultures, langues et traditions.

Louis Riel a été un éloquent défenseur des droits des Métis ainsi que de ceux de tous les membres de sa collectivité -- Autochtones comme non-Autochtones, anglophones comme francophones. Ses partisans et lui avaient dressé une liste de droits qui protégeaient non seulement les leurs, mais tous les colons qui vivaient à l'époque dans les territoires du Nord-Ouest. Il s'agit là d'une contribution remarquable, surtout si l'on tient compte des similitudes entre cette liste de droits et notre propre Charte des droits et libertés, qui a vu le jour plus de 100 ans plus tard.

La liste de droits de Riel a bien sûr formé la base de ses négociations touchant les conditions d'admission du Manitoba dans la Confédération, ou Loi sur le Manitoba, qui prévoyait certaines garanties pour les Métis, dont les droits dans les domaines scolaire et religieux, et la reconnaissance des droits linguistiques des francophones et des anglophones. Malheureusement, nombre des réalisations de la Loi sur le Manitoba ne devaient pas faire long feu.

Au cours des décennies qui ont suivi, l'exécution de Riel et la dispersion des Métis dans tout le Nord-Ouest, de même que l'interdiction de parler leur langue et de pratiquer leur religion au Manitoba, devaient avoir des conséquences dramatiques sur l'avenir de l'ensemble de la nation. En fait, le Québécois que je suis ne peut s'empêcher d'être étonné par tout ce qu'ont en commun les destinées des Québécois et des Métis. Si le Manitoba et le Canada s'étaient engagés dans la voie tracée par Riel et ses partisans, la présence francophone dans cette province, et peut-être même dans tout l'Ouest canadien, aurait sans doute été beaucoup plus forte qu'elle ne l'est maintenant. La fédération canadienne aurait dès lors changé de cap, et ce sentiment de vivre en marge du reste du pays qu'éprouvent aujourd'hui bon nombre de Québécois n'aurait peut-être jamais pris naissance.

Ceci étant dit, il nous faut nous tourner vers l'avenir. Comme Louis Riel l'avait dit à ses partisans du Nord-Ouest avant l'adoption de la Loi sur le Manitoba : «Espérons que les leçons du passé nous serviront de guide à l'avenir!» Malgré leurs différences de langue, de religion et de mode de vie, les Métis et les autres colons du Nord-Ouest avaient appris à vivre ensemble dans un cadre bilingue. Nous devons nous inspirer de ce chapitre du début de l'histoire de notre nation pour mener nos luttes d'aujourd'hui. Nous devons nous remémorer les paroles de sir Wilfrid Laurier qui a décrit avec beaucoup de justesse, en 1886, la leçon que nous devons tirer de l'histoire. Réprouvant les mesures prises par le gouvernement à l'égard des Métis, il avait dit ceci :

«S'il avait pris le même soin pour faire le bien qu'il a pris pour punir le mal, jamais il n'eût eu besoin de prouver à ce peuple que la loi ne saurait être violée impunément, parce que jamais la loi n'aurait été violée en rien.»

Cette phrase s'applique admirablement encore aujourd'hui. Afin d'éviter le mal on doit favoriser le bien. C'est l'approche du gouvernement fédéral en ce qui concerne les mesures qu'il met de l'avant pour répondre aux préoccupations des Métis. Je vous ferai part de certaines de ces mesures tout à l'heure.

Les Métis ont toujours travaillé pour bâtir et renforcer notre grand pays, et leur rôle reste tout aussi important aujourd'hui. Au cours des années 1980 et 1990, les Métis ont pris de plus en plus leur place, et ils continuent d'apporter une contribution précieuse à l'évolution de notre nation. Des hommes et des femmes métis se distinguent aujourd'hui dans de nombreux domaines d'activité, comme les affaires, l'éducation, le droit, la médecine et les arts.

Je sais à quel point vous voulez continuer à jouer un rôle vigoureux dans l'avenir de notre pays. En effet, votre ancien président, qui est maintenant lieutenant-gouverneur du Manitoba, Yvon Dumont, et votre président actuel, Gerald Morin, ont parlé à de nombreuses reprises du désir des Métis de voir le Canada fort et uni. N'oublions pas l'héritage que nous ont laissé les pionniers métis pendant que nous continuons à bâtir notre nation avec les valeurs canadiennes de tolérance, de justice, d'équité, de coopération, de partage et de générosité envers tous et toutes.

Nouer des rapports plus solides

L'édification d'une nation comporte, bien sûr, de nombreux aspects, en particulier dans une fédération aussi complexe que le Canada. Comme beaucoup parmi vous le savent, un de mes principaux rôles à titre de ministre des Affaires intergouvernementales a consisté à coordonner les efforts du gouvernement fédéral pour renouveler et moderniser la fédération canadienne. La vision du gouvernement libéral est celle d'une fédération où les différents ordres de gouvernement travaillent de concert pour s'assurer que les Canadiens reçoivent la meilleure gamme de services possible. À cette fin, j'ai travaillé avec mes collègues de même qu'avec les provinces et les territoires afin de clarifier les rôles des différents ordres de gouvernement.

Comme vous le savez, tous les gouvernements sont aujourd'hui aux prises avec des changements financiers, économiques et sociaux difficiles. Mais nous devons faire face au changement de manière constructive et innovatrice si nous voulons nous assurer que tous les Canadiens peuvent se prévaloir des programmes, des services et des possibilités qui sous-tendent notre avenir social et économique collectif. Dans certains domaines, nous établissons de nouvelles relations avec les provinces et territoires afin de faire en sorte que nos activités soient complémentaires. Nous travaillons avec les autres ordres de gouvernement pour clarifier nos rôles, pour mettre fin aux chevauchements s'il y a lieu, et pour nous assurer d'une collaboration harmonieuse. Dans certains domaines, tels que celui de la formation professionnelle, nous nous retirons, reconnaissant que les provinces et territoires sont plus près des gens qui ont besoin de ces services et sont, par conséquent, plus en mesure d'adapter la formation à leurs besoins. Dans tous les cas, nous cherchons de nouveaux moyens de nous doter d'une plus grande capacité de répondre aux besoins des Canadiens. Je constate avec satisfaction qu'un grand nombre des questions sur lesquelles nous nous penchons en tant que gouvernements se retrouvent aux rangs de vos préoccupations à court et à long terme -- par exemple, le renouvellement de la politique sociale, le développement économique, la formation et l'environnement.

Pour pouvoir relever les défis qui se présenteront à eux, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ne peuvent agir en vase clos. Par ailleurs, bien que nous poursuivions notre travail avec les provinces, nous oeuvrons aussi avec vous. C'est pourquoi le Premier ministre nous a demandé de veiller à ce que les droits et intérêts des Autochtones soient respectés et que ces derniers aient un mot à dire à ce sujet. À cette fin, certains des principaux ministres fédéraux, dont la ministre McLellan et moi, se sont réunis à plusieurs occasions avec des représentants des associations autochtones nationales, y compris votre président, Gerald Morin. Ces réunions ont été extrêmement positives et ont été une source d'inspiration très utile pour notre travail. Comme vous le savez peut-être, le suivi découlant de la Conférence des premiers ministres est axé sur des initiatives sectorielles dirigées par des ministres sectoriels. Dans ce contexte, j'ai encouragé les dirigeants autochtones à soumettre leurs préoccupations directement aux ministres fédéraux à qui revient la responsabilité première de mener des initiatives particulières pour renouveler la fédération.

Le Métis National Council entretient régulièrement des discussions sur le renouvellement de la fédération avec des représentants de divers ministères, et en tant qu'interlocuteur fédéral, la ministre McLellan et ses représentants continueront de veiller à ce que vous puissiez travailler de concert avec les principaux ministres fédéraux à ces diverses initiatives. Dans des domaines importants tels que le renouvellement de la politique sociale et l'environnement, les représentants du Métis National Council ont tenu des réunions régulières avec les représentants fédéraux et se sont ainsi assurés que l'on tiendra compte de leurs points de vue. Les observations qui me sont parvenues des groupes autochtones autant que des représentants fédéraux au sujet de ces réunions ont été extrêmement positives. Dans le contexte de l'effort de renouvellement de nos relations, il est important que le Métis National Council et ses membres se fassent entendre et je me réjouis à l'avance de votre participation soutenue à cet effort. Parallèlement, je vous encouragerais à exprimer votre point de vue auprès des représentants des provinces, qui ont aussi un rôle clé à jouer dans le renouvellement de la fédération.

Renouveler nos relations avec les Métis

Je fais souvent ressortir le caractère flexible de notre fédération comme étant une de ses forces principales. Notre fédération est en effet assez flexible pour que l'on puisse l'adapter à de nouveaux défis et à de nouveaux contextes. C'est cette flexibilité qui nous permet de répondre aux aspirations nouvelles des divers citoyens, provinces, régions et cultures de ce pays. Notre approche face au renouvellement de la fédération repose sur cette flexibilité.

C'est également notre engagement à établir des relations efficaces et à trouver des solutions innovatrices qui anime l'approche du gouvernement fédéral concernant la mise en oeuvre du droit inhérent de tous les Autochtones, y compris les Métis, à l'autonomie gouvernementale et les négociations à cet égard. Une annonce à ce sujet a été faite par l'honorable Ron Irwin et l'honorable Anne McLellan en août 1995. L'approche du gouvernement fédéral au regard de l'autonomie gouvernementale est assez flexible pour tenir compte du contexte unique dans lequel se trouvent les Métis.

Plutôt que de s'attarder à des discussions abstraites sur l'autonomie gouvernementale, le gouvernement fédéral se concentre sur des activités qui donnent des résultats afin de pouvoir progresser dans le sens que nous le souhaitons tous dans ce domaine important. L'approche du gouvernement fédéral comporte diverses façons pratiques pour les Métis de mettre en application l'autonomie gouvernementale, notamment la formation d'institutions offrant des programmes et des services, le transfert des programmes et des services et diverses formes de gouvernement public. Je crois que grâce à cette approche, les Métis pourront un jour diriger leurs propres institutions gouvernementales et par voie de conséquence, les programmes et services qui sont essentiels à votre avenir.

Bien entendu, personne ne connaît exactement la forme que prendra l'autonomie gouvernementale pour les Métis. Toutefois, en travaillant ensemble dans le cadre d'un processus d'autonomie gouvernementale tripartite, nous découvrirons de quelle manière nous pouvons le plus efficacement pourvoir les Métis des outils dont ils ont besoin pour que leurs collectivités soient plus robustes et plus saines. J'ose espérer qu'avec l'importance accordée à des progrès concrets, la structure fédérale constitue une base solide sur laquelle pourra s'ancrer l'autonomie gouvernementale qui permettra aux Autochtones de réaliser leur plein potentiel social et économique.

J'ai parlé plus tôt de la nécessité d'améliorer la collaboration intergouvernementale. Comme c'est le cas du renouvellement de la fédération, la négociation de l'autonomie gouvernementale est une entreprise difficile qui exigera un engagement à long terme de la part de toutes les parties concernées. La réussite de l'initiative d'autonomie gouvernementale repose sur l'efficacité de notre travail collectif. Toutes les parties doivent mettre la main à la pâte -- les Autochtones, le gouvernement fédéral, les provinces et les administrations municipales.

Passons maintenant à certaines initiatives sectorielles. Je crois que le gouvernement fédéral a pris des mesures audacieuses et proactives dans le domaine des programmes et services fédéraux. Comme vous le savez, suite au programme «Les chemins de la réussite», le Métis National Council a signé une entente-cadre nationale portant sur la formation professionnelle. Dans ce contexte, certains membres affiliés du Métis National Council auraient déjà négocié des accords bilatéraux régionaux et d'autres accords seraient en cours. C'est là une étape importante vers l'autonomie gouvernementale.

J'aimerais aussi mentionner le Programme d'approvisionnement auprès des Autochtones, la stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones et le fonds de bourses pour les anciens combattants autochtones. Ces programmes illustrent tous les avantages soutenus qui découlent de la collaboration entre gouvernements et groupes autochtones, y compris les Métis, dans le but d'élaborer des programmes et services qui répondent aux besoins de votre collectivité. Certains d'entre eux n'en sont encore, bien entendu, qu'à l'étape de l'élaboration et nous aurons besoin d'un apport soutenu de votre part pour les rendre efficaces.

Conclusion

En conclusion, j'aimerais reprendre les paroles du Premier ministre lorsqu'il a déclaré :

«[l]e fonctionnement de notre fédération doit répondre à nos besoins collectifs et correspondre à notre diversité. Il doit être une expression de respect réciproque et de respect envers nos institutions. Il doit comprendre un partenariat et un dialogue entre les pouvoirs publics et les citoyens.»

À mesure que se déroule votre conférence et que vous discutez des questions qu'il faut régler, je vous invite à ne pas oublier que vous avez un rôle nécessaire à jouer pour que le pays demeure fort et uni et pour que s'engage le dialogue auquel faisait référence le Premier ministre. Je sais que vous assumerez cette responsabilité avec la même vigueur et le même engagement qui ont toujours caractérisé la contribution des Métis à la société canadienne.

Le rôle que vous jouerez dans l'avenir de notre pays continuera d'être important. La vigueur de la nation métis a contribué à bâtir ce pays et elle l'aidera à franchir le XXI e siècle dans l'unité. Je me joins à la ministre McLellan pour souhaiter de tout coeur que votre réunion soit couronnée de succès. Je vous remercie.

L'allocution prononcée fait foi.  


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Mise à jour : 1997-02-14  Avis importants