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Archives - Salle de presse

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MODIFICATION DE LA CLAUSE 17 DES CONDITIONS
DE L'UNION DE TERRE-NEUVE AU CANADA :
ÉNONCÉ DE L'HONORABLE STÉPHANE DION

LE 27 OCTOBRE 1997


Une modification à l'article 43

Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter aujourd'hui une résolution visant à autoriser une modification bilatérale à la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada.

Les Conditions de l'union de Terre-Neuve font partie de la Constitution du Canada. L'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit qu'il est possible de modifier toute disposition de la Constitution du Canada applicable à certaines provinces seulement. Une telle modification peut être faite par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée.

Le 5 septembre dernier, l'Assemblée législative de Terre-Neuve a adopté à l'unanimité une résolution autorisant certaines modifications à la clause 17 de ses Conditions d'union au Canada, lesquelles s'appliqueront seulement à Terre-Neuve. Cette modification n'aura aucune répercussion d'ordre juridique sur les systèmes d'éducation ou les minorités religieuses des autres provinces. Conformément à l'usage établi, le président de l'Assemblée législative de Terre-Neuve a transmis au greffier du Conseil privé une copie certifiée conforme du texte de la résolution, qui a été reçue le 8 septembre 1997.

En tant que parlementaires, nous devons examiner la modification proposée et décider s'il y a lieu de l'approuver. Comme je l'ai déjà indiqué à plusieurs occasions, Monsieur le Président, le gouvernement du Canada appuie la proposition de modification qui permettra à Terre-Neuve de réformer en profondeur son système d'éducation.

Après des années de débats acrimonieux qui ont divisé Terre-Neuve sur le rôle des Églises et de la religion dans son système d'éducation, le gouvernement est d'avis que la modification proposée atteint un équilibre fonctionnel. À Terre-Neuve, la modification proposée semble faire l'objet d'un large consensus et recueillir un appui raisonnable chez les minorités touchées. Le gouvernement fonde son évaluation en partie sur l'approbation unanime de la résolution par l'Assemblée législative et sur les résultats du référendum provincial qui révèlent que 73 % des électeurs ont approuvé une proposition de réforme de l'éducation.

Néanmoins, le gouvernement du Canada est d'avis que toute démarche visant à modifier les droits des minorités inscrits dans la Constitution devrait se faire sous le signe de l'équité et de la rigueur. C'est pourquoi il a décidé de former un comité mixte spécial qui examinera la résolution de Terre-Neuve visant à modifier la clause 17. Le comité permettra aux groupes et aux citoyens intéressés de se prononcer sur la proposition. Nous pensons que ces audiences favoriseront non seulement la participation du public, mais également une meilleure compréhension de la modification proposée. De plus, le travail du comité aidera le Parlement à effectuer une évaluation indépendante des faits ainsi que du bien-fondé et de la pertinence de la modification proposée.

La proposition de modification à la clause 17

Monsieur le Président, comme vous vous en souvenez et comme nos collègues s'en souviendront, c'est la deuxième fois en moins de deux ans qu'on demande au Parlement d'examiner une modification à la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada. Cette situation peut sembler inusitée, mais la Constitution ne limite pas le nombre de démarches que peuvent faire les législatures pour obtenir des modifications constitutionnelles. Il revient au Parlement et à la législature provinciale concernée de déterminer l'à-propos de chaque proposition de changement constitutionnel.

Pour bien comprendre les circonstances qui ont amené cette deuxième proposition de modification, il convient de s'arrêter brièvement sur les dispositions de la clause 17. Il est également utile de passer en revue tous les efforts qui ont été consentis au cours des sept dernières années en vue de réformer le système d'éducation à Terre-Neuve.

Les compétences de Terre-Neuve en matière d'éducation ne sont pas énoncées à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, mais à la clause 17 des Conditions de l'union de la province au Canada, datant de 1949. Cette clause accordait à six confessions le droit d'administrer leurs propres écoles publiques. En 1987, la clause 17 a été modifiée pour faire bénéficier les Assemblées de la Pentecôte du Canada du même droit. Ces sept confessions administraient quatre systèmes scolaires séparés : le système des écoles intégrées (anglicanes, presbytériennes, de l'Armée du salut et de l'Église unie), le système des écoles pentecôtistes, le système des écoles catholiques et le système des écoles adventistes du septième jour.

En 1990, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a nommé Len Williams, ancien enseignant, directeur d'école et président de l'association provinciale des enseignants, et actuellement professeur d'université, à la tête d'une commission royale d'enquête sur la réforme de l'éducation. La Commission avait comme mandat « de faire une évaluation impartiale du système d'éducation existant et de proposer les changements qui s'imposaient » [traduction].

En 1992, la Commission royale d'enquête Williams recommandait la restructuration du système d'éducation à Terre-Neuve et au Labrador afin de permettre au gouvernement de l'administrer de façon plus efficiente. La Commission a proposé la création d'un seul système scolaire « interconfessionnel » qui engloberait les quatre systèmes confessionnels séparés déjà en place.

Au départ, le gouvernement de Terre-Neuve désirait éviter la voie constitutionnelle et simplement rallier les dirigeants confessionnels à son projet. Après presque trois ans de discussions stériles, il a voulu explorer une autre avenue : celle d'une modification constitutionnelle de la clause 17 de ses conditions d'union.

Mais la modification que Terre-Neuve cherchait à obtenir — celle-là même qui a été autorisée par cette Chambre et proclamée par le gouverneur général le 21 avril dernier — représentait un compromis. Elle n'aurait pas éliminé toutes les écoles uniconfessionnelles. Elle allait fournir à l'Assemblée législative de Terre-Neuve des pouvoirs supplémentaires pour organiser et administrer l'éducation publique grâce à un système d'écoles « interconfessionnelles » tout en laissant aux catholiques et aux pentecôtistes le droit à des écoles « uniconfessionnelles » à certaines conditions. Ces dernières devaient faire l'objet d'une loi provinciale applicable de manière uniforme à toutes les écoles, qu'elles soient «uniconfessionnelles» ou «interconfessionnelles».

Toutefois, la tentative de mettre en oeuvre la nouvelle clause 17 par voie législative dans le cadre d'une Schools Act révisée a été contestée avec succès devant la Cour suprême de Terre-Neuve. Le 8 juillet dernier, le juge Leo Barry a accordé aux représentants des Églises catholique et pentecôtiste une injonction temporaire interrompant tout le processus de réforme de l'éducation. Selon lui, la nouvelle Schools Act favorisait les écoles interconfessionnelles par rapport aux écoles uniconfessionnelles. Il en est donc arrivé à la conclusion qu'un juge se prononçant sur le fond de la question trouverait vraisemblablement que la loi est en opposition avec la clause 17 modifiée, laquelle requiert l'égalité de traitement entre les écoles interconfessionnelles et uniconfessionnelles (catholiques et pentecôtistes).

Comme le juge Barry l'a lui-même reconnu et prévu, l'injonction a causé des « bouleversements majeurs » pour les enseignants, les directeurs d'école et les étudiants qui avaient dû changer d'école à cause de la nouvelle loi. Cette injonction a même abouti à des réouvertures d'écoles et au réembauchage d'enseignants qui avaient été mis à pied à la suite de la fermeture et de la nouvelle désignation de certaines écoles. Pour le gouvernement de Terre-Neuve et les citoyens qui pensaient que ce débat créateur de divisions était terminé, l'injonction a soulevé de nombreuses questions et beaucoup d'incertitude au sujet de la future structure du système scolaire.

Le gouvernement de Terre-Neuve a fait appel de cette décision, mais n'a pas poursuivi sa démarche. Le premier ministre Brian Tobin a plutôt annoncé, le 31 juillet dernier, lors d'une allocution télévisée, qu'il tiendrait un référendum le 2 septembre afin d'obtenir le mandat de modifier de nouveau la clause 17. M. Tobin a expliqué que depuis cinq ans le gouvernement provincial, les conseils scolaires, l'association des enseignants, les Églises, les parents et les étudiants « se livraient à un débat en apparence interminable sur la façon de concilier la nécessité d'une réforme de notre système d'éducation et les droits des diverses confessions dans le système d'éducation » [traduction].

Sans précisément indiquer que l'injonction bloquait la réforme du système d'éducation, le premier ministre Tobin a soutenu : « Depuis les cinq dernières années, chaque tentative de concilier ces deux idées [...] réforme de l'éducation et droits des différentes confessions, s'est soldée par une aggravation de la confusion et du conflit » [traduction].

M. Tobin a donc décidé de s'adresser encore une fois à la population pour obtenir le mandat de modifier la clause 17. Le but de la modification qu'on nous a demandé d'examiner est de créer un seul système scolaire financé et administré par le secteur public. Le court texte de cette modification est clair et direct. Ses trois alinéas se lisent ainsi :

  1. En ce qui concerne la province de Terre-Neuve, la présente clause s'applique au lieu de l'article quatre-vingt-treize de la Loi constitutionnelle de 1867.
  2. Dans la province de Terre-Neuve et pour cette province, la Législature a compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation, mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier.
  3. L'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent.

Appui à la modification proposée

La modification proposée, qui entraîne une restructuration importante du système d'éducation de Terre-Neuve, a l'appui d'une majorité appréciable de la population de la province, et jouit d'un appui raisonnable au sein des minorités concernées.

En outre, la législature provinciale a approuvé la résolution à l'unanimité le 5 septembre.

En examinant cette modification, le gouvernement veut s'assurer que le processus est rigoureux et que les minorités concernées ne sont pas laissées pour compte. Vous vous rappellerez, Monsieur le Président, que la question des droits des minorités n'était pas au cœur du débat lorsque la modification précédente avait été soumise au gouvernement. C'est que l'ancienne clause 17 accordait certains droits à sept confessions représentant 95 % de la population. Toutefois, suite à la modification de la clause 17, le système des écoles intégrées (Église anglicane, Église presbytérienne, Armée du Salut et Église unie) est devenu une catégorie majoritaire représentant 52 % de la population. Les catholiques sont devenus une minorité non négligeable de 37 % alors que les pentecôtistes constituent une minorité de 7 %.

Étant donné l'impact de cette modification sur les droits des minorités, une simple majorité de 50 + 1 au référendum n'aurait pas été suffisante ni adéquate pour mesurer l'étendue du consensus chez les catholiques et les pentecôtistes. Mais loin d'aboutir à un partage serré des voix, le référendum a récolté une majorité considérable de 73 %, qui montrait que les minorités appuyaient la modification. La proposition a été appuyée par 47 des 48 districts électoraux de Terre-Neuve.

La participation au référendum a été de 53 %, mais étant donné que les opposants à la proposition de réformer le système d'éducation étaient selon toute probabilité les plus susceptibles de voter, les résultats envoient un message clair et témoignent d'un appui substantiel à la modification.

L'analyse indique que dans les régions à prédominance catholique, la proposition a reçu l'appui de la majorité. La région de la baie St-Georges, catholique à 74 %, a voté oui dans une proportion de 59 %. La population de la péninsule Avalon, catholique à 48,5 % , a voté oui dans une proportion de 72 %. Et coïncidence, la péninsule Burin, également catholique à 48,5%, a voté oui dans la même proportion que la péninsule Avalon. Environ 75 % de tous les catholiques de Terre-Neuve et du Labrador habitent dans ces trois régions.

Il est difficile d'évaluer avec précision dans quelle mesure les membres de la petite communauté pentecôtiste ont approuvé la proposition. Cependant, dans les quatre districts électoraux où se retrouve la plus grande concentration de pentecôtistes, la résolution a été appuyée par une majorité variant entre 57 et 64 %.

De plus, le 5 septembre, les quatre membres pentecôtistes qui siègent à l'Assemblée législative de Terre-Neuve et qui représentent des districts comprenant des populations pentecôtistes importantes, se sont joints à leurs collègues dans un appui unanime à la résolution portant modification de la clause 17.

En fait, dans leur évaluation de la modification proposée, les parlementaires devraient dûment considérer le fait que tous les membres de l'Assemblée législative de Terre-Neuve ont voté pour la résolution. Cela comprend tous les députés catholiques et pentecôtistes qui avaient fait campagne pour le non et qui avaient voté non lors du référendum provincial.

Le très fort appui que la modification a reçu au référendum et à l'Assemblée législative de Terre-Neuve nous permet de parler d'un consensus populaire clair et d'un appui raisonnable de la part des minorités touchées. Le Parlement devrait interpréter cet appui comme une indication que les habitants de Terre-Neuve et du Labrador veulent enclencher rapidement la réforme de leur système d'éducation et ce, d'une manière équitable pour tous.

Le bien-fondé de la modification

Au milieu de la confusion qui a suivi l'injonction interrompant la mise en œuvre de la modification apportée à la clause 17 en 1997, et après des années de débats sur la réforme de l'éducation et le rôle des Églises, les Terre-Neuviens veulent aller de l'avant. Les résultats du référendum et le vote unanime de l'Assemblée législative indiquent par ailleurs que les Terre-Neuviens croient que la modification proposée réalise un équilibre juste et fonctionnel qui autorise cette réforme.

La clause 17 proposée stipule clairement que l'éducation est un champ de compétence exclusivement provincial. Toutefois, la modification ne bannira pas la religion des écoles. La nouvelle clause 17 contient une disposition qui oblige les autorités à dispenser un « enseignement religieux » et qui stipule que « l'observance de la religion » doit être « permise dans une école si les parents le demandent ».

De la même manière, la clause n'exigera pas des enfants qu'ils assistent à des célébrations religieuses ou à des cours de religion si leurs parents s'y opposent. Cette interprétation est appuyée par les avis juridiques de deux éminents avocats, le célèbre constitutionnaliste Ian Binnie et l'ancien ministre fédéral de la Justice, l'honorable John Crosbie.

Le gouvernement reconnaît que les évêques de l'Église catholique et les leaders de l'Église pentecôtiste de Terre-Neuve et du Labrador ont des préoccupations au sujet de la modification. Nous notons cependant que le gouvernement de Terre-Neuve se montre ouvert à un rôle continu, bien que non constitutionnel, pour les Églises.

Ainsi, en prévision de l'adoption de la modification à la clause 17, le ministère de l'Éducation de Terre-Neuve a commencé à mettre en place un processus consultatif pour élaborer le nouveau programme d'enseignement religieux. Même si rien ne l'y oblige, il veillera à ce que des représentants des diverses confessions participent au processus.

Conclusion

À l'avenir, s'il arrivait qu'une autre province veuille proposer des changements à ses conditions d'union ou à l'article 93, il reviendra au Parlement d'évaluer lui-même les faits ainsi que le bien-fondé et la pertinence de la modification proposée. Le Parlement voudra aussi évaluer soigneusement si la modification reçoit un appui raisonnable de la part des citoyens concernés.

Dans le cas qui nous occupe, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a, en vertu de l'article 43, dûment autorisé une modification à la clause 17 qui s'appliquera seulement à cette province.

Le gouvernement du Canada croit que la modification est justifiée. Nous estimons qu'elle bénéficie d'un appui suffisant des citoyens touchés, y compris des minorités. Et nous croyons qu'elle mérite l'appui et l'approbation du Parlement.

Toutefois, le comité mixte et tous les parlementaires auront à faire leur propre évaluation de cette modification qui permettra à Terre-Neuve d'apporter les réformes nécessaires à son système d'éducation comme elle le souhaite depuis si longtemps.  


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Mise à jour : 1997-10-27  Avis importants