« LE RESPECT DE LA DÉMOCRATIE AU CANADA »
NOTES POUR UNE
ALLOCUTION DEVANT
LA FACULTÉ DE DROIT
UNIVERSITÉ DE
MONTRÉAL
LE 18 MARS 1998
«Le Canada est né, il y a 121 ans, au terme d'un processus qui s'est
nourri aux sources du dialogue, de la négociation, de l'ouverture.»
Lucien Bouchard, le 1er juillet 1988
Aujourd'hui, alors que j'ai le plaisir et
l'honneur d'être l'invité de l'Association des étudiants de la Faculté de
droit de l'Université de Montréal, plusieurs souvenirs me reviennent des onze
années passées à enseigner la science politique à quelques pas d'ici, au
pavillon Lionel-Groulx -- je ne ferai aucun commentaire sur le nom de ce
pavillon... Ce sont de bons souvenirs, car j'ai le sentiment d'avoir toujours
réussi, avec votre aide, à surmonter un obstacle bien plus important que celui
de la politique partisane, soit celui du chauvinisme disciplinaire. Entre la
noble discipline du droit et la science politique, ce n'est pas toujours l'amour.
Un juriste m'a déjà dit que, hors de la règle, il n'y avait que de l'anecdote
et que donc la science politique était la science de l'anecdote... mais je ne
vous dirai pas ce que des politologues disent des juristes! Je préfère me
souvenir avec bonheur des étudiants en droit que j'ai connus qui se sont
aventurés en science politique, de votre bibliothèque, dans laquelle j'ai
passé de longues soirées et de vos professeurs, y compris celui qui siège en
face de moi à la Chambre des communes, le professeur Daniel Turp.
Permettez d'ailleurs que je salue, avec une
chaleur toute particulière, de pro-démocrate à pro-démocrate, un autre de
vos professeurs, André Tremblay. Car c'est évidemment de la démocratie dont
nous allons parler aujourd'hui, du respect de la démocratie au Canada.
Je soutiendrai que l'histoire de la démocratie
canadienne, même avec ses ratés, ses pages sombres, se compare avantageusement
à la progression de la démocratie dans l'histoire des autres pays. Il est peu
d'histoires moins éloignées de l'idéal démocratique que celle que les
Québécois ont faite avec les autres Canadiens. Certes, le Canada a à
apprendre des autres démocraties; on ne peut pas se vanter, par exemple,
d'avoir le Sénat le plus démocratique du monde! Mais il reste qu'en général
la progression démocratique s'est concrétisée dans de meilleures conditions
chez nous qu'ailleurs.
Le 11 mars dernier a marqué le 150e anniversaire
du gouvernement responsable au Canada. À cette occasion, l'historien Ged
Martin, professeur à l'Université d'Édimbourg, a écrit :
«Pour ce qui est de la combinaison cruciale de
la participation populaire, des droits de la personne et de l'autonomie
gouvernementale, l'histoire canadienne n'a pas son égale dans le
monde»[Traduction libre].
Je ne vois pas d'exploit dont un pays puisse
être plus fier.
Si nous en étions pleinement conscients, nous
aurions sans doute souligné le 150e anniversaire de l'avènement du
gouvernement responsable au Canada autant que les Français ont, à juste titre,
le 13 janvier 1998, souligné le 100e anniversaire du J'accuse d'Émile Zola.
Il nous faut nous rendre compte à quel point la
démocratie parlementaire est, pour l'humanité, une conquête toute récente et
encore bien partielle. Quand je faisais mes études universitaires, à la fin
des années 1970, les Européens de l'Est, la quasi-totalité des
Sud-Américains et une large proportion des Méditerranéens et des Asiatiques
vivaient sous des régimes autoritaires ou totalitaires. Dans les démocraties
mêmes, des partis prônant la dictature du prolétariat trouvaient une large
audience. Chez nous, au Canada, des théories gauchistes hostiles à la
démocratie parlementaire perçaient dans le monde syndical et dans nos
universités... jusque dans nos facultés de droit.
La vague de démocratisation qui a déferlé au
cours des deux dernières décennies de ce siècle est l'un des phénomènes les
plus extraordinaires de l'histoire de l'humanité. Des millions d'êtres humains
jouissent des droits démocratiques dont leurs parents ont été privés. Cela
doit nous faire prendre conscience, à nous Canadiens, de la chance que nous
avons d'appartenir à un pays qui a été un pionnier de la démocratie.
1. L'avancée de la démocratie au Canada
Pionnier de la démocratie, notre pays l'a été
en effet. Certes, des assemblées élues ont été instituées en Virginie en
1619 et au Massachusetts en 1634, mais nous avons suivi, avec la
Nouvelle-Écosse en 1758, l'Île-du-Prince-Édouard en 1773, le
Nouveau-Brunswick en 1785 et le Bas et le Haut-Canada en 1792. C'est un fait
exceptionnel et admirable que, depuis 1792, notre pays a presque toujours été
gouverné par un régime politique comportant une assemblée élue.
Ces assemblées étaient élues au suffrage
restreint selon des procédures assez rudimentaires. L'élargissement du droit
de vote et l'assainissement des moeurs électorales seront des conquêtes
difficiles pour toutes les démocraties naissantes. Le Canada du XIXe siècle
aura été, là aussi, un leader.
Le suffrage censitaire qui s'est instauré au
Canada suivait sensiblement les mêmes règles qu'en Grande-Bretagne, mais, du
fait de notre structure sociale plus égalitaire et de la moins grande
concentration de la propriété, le suffrage a été, dans les faits, moins
restreint chez nous.
Les pouvoirs des premières assemblées élues
étaient beaucoup plus limités que ceux des parlements d'aujourd'hui. Là
encore, le Canada a été à l'avant-garde des réformes. Je l'ai rappelé tout
à l'heure : le système de gouvernement responsable au Canada a maintenant 150
ans, ce qui en fait l'un des plus anciens au monde. C'est en effet le 11 mars
1848 que Louis-Hippolyte Lafontaine est devenu le premier Premier ministre du
Canada -- qu'on appelait à l'époque la province du Canada --, après que la
coalition de députés réformistes des deux Canadas qu'il dirigeait avec Robert
Baldwin a convaincu le gouverneur général de nommer un conseil des ministres
détenant l'appui de la majorité de l'assemblée. C'est à partir de ce moment
que s'est établi le véritable lien entre le peuple et ses gouvernants. Le
gouvernement responsable avait aussi été mis en place quelques semaines plus
tôt en Nouvelle-Écosse. Ces assemblées élues ont pu exercer des pouvoirs
très étendus pour l'époque d'autant que, comme nous n'avons jamais eu de
véritable aristocratie, nos Chambres hautes non élues n'ont pas eu la même
emprise qu'en Grande-Bretagne.
Il aurait été de beaucoup préférable que
l'autorité coloniale consente au gouvernement responsable sans qu'une seule
goutte de sang soit versée, c'est-à-dire sans les rébellions qui ont été
réprimées au Bas comme au Haut-Canada, le Québec et l'Ontario de l'époque.
Mais il reste que dans l'ensemble, la conquête de la démocratie s'est
réalisée chez nous dans des conditions bien plus pacifiques qu'ailleurs, sans
qu'une révolution sanglante soit nécessaire pour abolir le despotisme royal,
non plus qu'une guerre civile pour abolir l'esclavage.
En plus de leur dimension démocratique, les
rébellions de 1837-1838 au Bas-Canada ont eu une dimension nationale, à
laquelle le parti pris pour l'assimilation des Canadiens français du rapport
Durham a réagi. Mais il faut bien voir que les démocraties libérales
naissantes du XIXe siècle considéraient l'uniformisation active de leurs
populations et l'assimilation linguistique comme la norme à suivre, au moyen
notamment de l'instruction populaire conçue comme un moule unique. Je peux
citer à ce chapitre le linguiste Jacques Leclerc :
«L'autoritarisme centralisateur qui consiste à
imposer unilatéralement une seule langue partout sur le territoire en ignorant
le pluralisme linguistique [...] allait de soi au 19ième siècle».
Aujourd'hui, on a tendance à oublier à quel
point la valorisation du pluralisme linguistique et culturel est une valeur
toute récente dans les démocraties. Même les esprits libéraux et
progressistes du siècle dernier tendaient à voir dans l'assimilation une
condition nécessaire à l'égalité des chances pour les individus. Durham, par
exemple, était certes un chaud partisan de l'empire, un assimilateur borné, un
mange-Canadiens, mais, et c'est là le paradoxe, il était aussi un libéral
épris d'égalité des chances, surnommé en son pays «Radical Jack», partisan
du droit de vote, de l'éducation populaire et de la réforme agraire. Son
rapport recommandait l'instauration du gouvernement responsable au Canada. À la
même époque que Durham, l'un des plus grands esprits de l'histoire du
libéralisme, Tocqueville, cherchait le moyen d'assimiler les Algériens à la
civilisation française.
Ce qui est exceptionnel au Canada, ce n'est pas
que l'assimilation y ait été recherchée, c'est qu'elle n'ait pas triomphé.
L'Union des deux Canadas par laquelle Durham espérait assimiler les Canadiens
français a plutôt ouvert la voie à l'alliance Baldwin-LaFontaine. Les
populations anglo-protestantes et franco-catholiques jetaient les bases de leur
entente au lieu de s'étriper comme elles l'avaient trop souvent fait
jusqu'alors, partout où les circonstances de l'histoire les avaient réunies.
Sans cette entente, qui sait ce qui serait advenu du fait français au Canada.
Il y a eu et il y a encore trop de francophones canadiens qui ont perdu leur
langue, mais on trouvera difficilement un pays qui ait opposé un contrepoids
plus efficace aux forces d'assimilation, en ce monde moderne où, pour la
première fois dans l'histoire de l'humanité, le nombre de langues parlées
diminue au lieu d'augmenter.
Il faut toujours se placer dans le contexte de
l'époque. Par exemple, on peut considérer qu'il aurait été préférable que
la Constitution de 1867 ait été à l'époque soumise à un référendum, au
lieu de n'être approuvée que par le Parlement de l'Union. Mais le fait est que
le système parlementaire qui prévalait dans la province du Canada des années
1860 «était, à certains égards, en avance par rapport à tous les autres
systèmes parlementaires du monde à l'époque» [Traduction libre] (S. J. R.
Noël, Patrons, Clients, Brokers, p. 174). Même encore aujourd'hui, il est trop
peu de pays qui, comme le Canada, sont nés sous leur forme moderne d'un acte
parlementaire plutôt que d'un acte violent.
2. Cinq conclusions tirées de notre
histoire
Si j'en avais le temps, je poursuivrais cette
rétrospective de notre histoire pour tenter d'expliquer comment il se fait que
le Canada est perçu, partout au monde, comme l'un des pays les plus respectueux
de la démocratie et des valeurs universelles. Mais il est temps de faire le
point et, pour chacun d'entre nous, de tirer ses propres conclusions de la
genèse de notre démocratie. En voici cinq que je vous propose.
1. N'oublions jamais que cette démocratie
avancée dont le Canada a hérité par son histoire est aussi une réalité
québécoise. Elle ne s'est pas faite contre nous, elle ne s'est pas faite
malgré nous, elle s'est faite avec nous. Nous pouvons en être fiers. C'est
dans cette démocratie que nous avons développé notre culture et notre génie
propres. On ne saura jamais ce qui se serait produit si le Canada était resté
sous le régime français. Peut-être Napoléon nous aurait-il vendu aux
États-Unis en même temps que la Louisiane pour financer ses guerres
européennes, et nous nous serions dissous dans le «melting pot». Mais on ne
refait pas l'histoire avec des «si». C'est dans le Canada, dans l'entraide des
Québécois et des autres Canadiens, que la société québécoise s'est
épanouie avec son caractère propre.
2. Rappelons-nous que nous avons appris de notre
histoire la tolérance et le respect des opinions contraires. Surtout parce que
nous nous sommes engagés dans l'un des débats les plus difficiles qu'une
société puisse mener, celui de la sécession, nous devons nous tenir loin des
procès d'intention, de la démonisation de l'autre et de la politique
incantatoire.
Ce qui m'amène à dire un mot sur le renvoi à
la Cour suprême. Je ne dirai jamais de ceux d'entre vous qui désapprouvent ce
renvoi que vous êtes de mauvais démocrates. Je pense simplement que vous
sous-estimez gravement les difficultés que pose la conciliation entre la
sécession et la démocratie. Permettez qu'à titre de démocrate s'adressant à
d'autres démocrates, je vous fasse entendre le point de vue du gouvernement du
Canada.
Il est constant en démocratie que lorsqu'un
désaccord important survient non seulement sur le fond, mais aussi sur la
procédure juridique qui doit être suivie pour résoudre ce désaccord de fond,
les parties se tournent vers la Cour pour obtenir la clarification juridique
nécessaire. C'est exactement ce que le gouvernement du Canada a fait dans le
cas qui nous occupe. Il n'a pas demandé aux juges de décider à la place du
peuple s'il est pertinent ou non de faire sécession. Il leur a demandé si une
sécession unilatérale tentée par le gouvernement du Québec aurait un
fondement juridique, comme le prétend ce gouvernement, ou n'en aurait pas,
comme le prétend le gouvernement du Canada. C'est là une question purement
juridique dont la réponse, dans les circonstances, éclairera le débat
démocratique.
En l'espèce, la question fondamentale est la
suivante : Si le gouvernement du Québec s'auto-proclame gouvernement d'un État
indépendant, les citoyens et les autres gouvernements ont-ils l'obligation
légale de le considérer comme tel? Si, comme le pense le gouvernement du
Canada, la réponse à cette question est non, tant du point de vue du droit
interne que du droit international, alors il vaut mieux le savoir le plus tôt
possible. Il est peu de choses plus dangereuses en démocratie qu'un
gouvernement qui sort du cadre juridique tout en exigeant quand même
l'obéissance des citoyens.
Vous le savez bien, vous, étudiants en droit,
que le principe de la primauté du droit, qui veut que nul ne soit au-dessus de
la loi, et surtout pas celui qui la fait, que cette primauté du droit est
essentielle à la démocratie. Vous savez bien que la démocratie ne tient pas
tout entière dans le principe majoritaire et qu'une majorité simple obtenue à
un référendum ne donne à aucun gouvernement le droit d'annuler
unilatéralement les garanties constitutionnelles qu'un pays accorde à ses
citoyens et à ses minorités.
Le gouvernement du Québec, lui, veut mettre de
côté la Constitution tout en exigeant l'obéissance à ses lois. Il veut
concevoir sa sécession comme un geste purement politique, qui ne le lie pas au
droit, mais qui lierait les citoyens et les autres gouvernements à sa
conception du droit. À notre avis, cela ne se fait pas en démocratie. Pas dans
une démocratie exemplaire comme le Canada, que les Québécois ont bâtie avec
les autres Canadiens.
Avec une question et une procédure claires et
honnêtes, jamais les Québécois ne renonceront au Canada. Telle est ma
conviction. Mais dans le cas contraire, si les Québécois indiquaient très
clairement leur désir de renoncer au Canada pour faire du Québec un État
indépendant, alors la scission du pays devrait être négociée à l'intérieur
du cadre juridique. Ce serait la seule façon de procéder si l'on veut
respecter l'État de droit et la démocratie pour tous et minimiser les risques
graves de dérapage.
3. Comparons avec les autres démocraties afin de
mieux juger la nôtre. Certaines énormités proférées à l'encontre de telle
ou telle réalité du Québec ou de l'ensemble du Canada sont carrément
surréalistes par rapport à ce qui se passe ailleurs dans le monde
démocratique. Parfois je me demande si une façon de régler le problème
constitutionnel ne serait pas d'écrire à l'article 2 de la Constitution : «Le
Canada a été injuste envers tout le monde». Après on fermerait le livre et
on jouirait ensemble des bienfaits de notre pays.
Je ne prendrai que deux exemples récents qui
nous touchent de près, nous Québécois : le changement constitutionnel de 1982
et, de nouveau, le renvoi à la Cour suprême.
On peut apprécier différemment les événements
qui ont mené à la Loi constitutionnelle de 1982. Mais les chefs
indépendantistes rêvent s'ils croient cet épisode de notre histoire récente
susceptible d'émouvoir l'opinion internationale dans un sens qui leur soit
favorable. Il est impossible de voir comment un changement constitutionnel
appuyé par la totalité des entités constitutionnelles sauf une, et par la
quasi-totalité des Québécois qui siégeaient au Parlement du pays, et dont la
pièce maîtresse est une Charte des droits et libertés admirable par rapport
à ce qui existe dans le monde, pourrait être condamné par l'opinion
internationale. Nos chefs indépendantistes suscitent plutôt l'ahurissement
lorsqu'ils présentent des doléances aussi étranges au regard des normes
internationales.
Vous savez que le gouvernement fédéral a fait
valoir devant la Cour suprême que la sécession unilatérale n'est pas un droit
en démocratie. Ceux qui condamnent cette position devraient d'abord se demander
pourquoi plusieurs autres démocraties très respectables estiment que le
territoire du pays appartient à tous ses citoyens et qu'il ne saurait donc
être divisible. Ils devraient aussi se demander pourquoi la communauté
internationale manifeste une telle opposition à l'idée que des nations ou des
communautés régionales pourraient automatiquement posséder un droit de faire
sécession unilatéralement. J'avance que c'est parce qu'il serait bien
difficile de déterminer à qui ce droit serait conféré, qu'un tel droit
automatique à la sécession aurait des conséquences dramatiques pour la
communauté internationale -- avec plus de 3 000 groupes humains se
reconnaissant une identité collective dans le monde -- et que la création de
chaque nouvel État risquerait de créer dans cet État des minorités qui
revendiqueraient leur propre indépendance. De façon plus fondamentale, une
philosophie de la démocratie qui serait basée sur la logique de la sécession
inciterait les groupes à se séparer plutôt qu'à s'efforcer de se rapprocher
et de s'entendre.
Plutôt que de prôner un droit à la sécession,
la communauté internationale met l'accent sur les droits des populations ayant
des caractéristiques distinctes de préserver leur culture et de posséder
leurs propres institutions au sein d'une communauté plus large. En d'autres
mots, le droit à l'autodétermination se traduit en démocratie par le type
d'entente que nous procure notre fédération.
4. Nous devons solidifier et améliorer notre
démocratie et c'est ensemble que nous nous donnons les meilleures chances d'y
parvenir. C'est ensemble que des populations différentes, ne parlant pas la
même langue et n'ayant pas toujours les mêmes références culturelles, ont
appris à se tolérer, puis à s'apprécier et à s'entraider. Ce difficile
apprentissage nous vaut aujourd'hui, dans les comparaisons internationales,
d'être classés parmi les pays les plus tolérants et ouverts à la diversité
ethnique. Nous séparer, surtout sur le clivage entre francophones et
anglophones, défaire ce qui nous a réunis à l'origine, serait bien pire que
l'affaiblissement économique annoncé par la grande majorité des économistes;
ce serait une défaite morale. Nous avons trop appris de notre histoire pour ne
pas voir que le fait de partager ensemble cette fédération généreuse nous
rend, tous, meilleurs citoyens.
5. Prenons conscience que c'est dans cette
capacité de concrétiser les valeurs universelles que réside la vraie grandeur
de notre pays. Ce qu'il y a de plus admirable dans le Canada tient moins à ce
qui lui est propre, telle son immensité tant célébrée, qu'à ce qu'il a
d'universel. L'idéal canadien est celui d'un pays où l'être humain a les
meilleures chances d'être considéré comme un être humain.
«Où je vois le beau, le bien, le vrai, là est
ma patrie».
Cette formule de Rousseau résume bien l'idéal
canadien. Nous devons tout faire pour y tendre, mais, pour cela, il nous faut
rester ensemble. Il nous faut garder le Canada uni et l'améliorer toujours
davantage, pour nous-mêmes, nos enfants, les futures générations de
Canadiens, mais aussi pour tous ces êtres humains qui, à travers le monde,
aiment notre pays comme une préfiguration de ce que le monde peut devenir.
L'allocution prononcée fait foi.
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