«SOMMES-NOUS EN TRAIN DE SORTIR DE
NOTRE OBSESSION CONSTITUTIONNELLE?»
NOTES POUR UNE
ALLOCUTION
DEVANT LES ÉTUDIANTS DE L'UNIVERSITÉ DE TORONTO
TORONTO, ONTARIO
LE 28 JANVIER 1999
Je suis un produit de la science
politique canadienne. Tombé dedans étant petit, comme Obélix dans sa marmite
de potion magique, je lui dois beaucoup et tire une grande fierté d’être un
politologue canadien. Cela m’a notamment permis de côtoyer plusieurs
collègues de l’Université de Toronto, au premier chef ce grand professeur
qui vient de me présenter : Peter Russell.
Peter, qui a fait des travaux
irremplaçables sur la Constitution canadienne, ne doit pas se sentir inquiet du
titre de mon discours d’aujourd’hui : Sortons-nous de l’obsession
constitutionnelle? Je ne veux pas le mettre au chômage!
Par obsession constitutionnelle, je
ne vise pas la dévotion du constitutionnaliste envers son sujet. J’entends
plutôt cette croyance fausse qui veut que l’existence d’un mouvement
séparatiste fort au Canada est la preuve que la Constitution de ce pays ne
fonctionne pas et qu’il doit donc la modifier de fond en comble s’il veut
survivre.
Il me semble que cette croyance a
été ébranlée ces dernières années. On s’en détache, tant dans le débat
public que dans les travaux universitaires sur la société canadienne.
Permettez que je précise davantage
les contours de l’obsession constitutionnelle avant que j’explique pourquoi
il m’apparaît souhaitable qu’on en sorte.
1. L’obsession constitutionnelle :
ce qu’elle n’est pas et ce qu’elle est
Sortir de l’obsession
constitutionnelle ne veut pas dire moins respecter la Constitution.
Le respect de la Constitution est essentiel au bon fonctionnement de notre
démocratie et de tout notre système politique. Le gouvernement du Canada
respecte scrupuleusement la Constitution canadienne et entend continuer de le
faire, quoi qu’en ait dit le premier ministre de ma province hier.
Prenons la question du pouvoir
fédéral de dépenser dans les champs de compétence provinciaux. Ce pouvoir
est reconnu par les tribunaux, suivant le principe qui veut que le partage des
compétences constitutionnelles porte sur le pouvoir de légiférer et non sur
le pouvoir de dépenser. Ainsi, ce jugement de la Cour suprême de 1989 : «Le
pouvoir de dépenser du fédéral peut être exercé du moment que cela ne
constitue pas essentiellement de la législation relative à un sujet de
compétence provinciale.»
Ce pouvoir de dépenser ne date pas
d’hier : la Commission Rowell-Sirois a calculé que les deux tiers des revenus
des provinces provenaient de transferts fédéraux au moment de la
Confédération. Aujourd’hui, le pouvoir fédéral de dépenser a un poids
bien moindre, à l’image de la fédération décentralisée qu’est devenu le
Canada. Il est d’ailleurs moins utilisé et assorti de moins de conditions que
dans les autres grandes fédérations modernes.
Il est des constitutionnalistes au
pays qui affirment que le pouvoir fédéral de dépenser a été reconnu par les
tribunaux comme un moyen par lequel le gouvernement du Canada remplit sa
responsabilité constitutionnelle envers le maintien de la paix, de l’ordre et
du bon gouvernement.Sur cette base, ces experts nient au gouvernement fédéral
le droit de priver les citoyens d’une pleine utilisation du pouvoir fédéral
de dépenser, libre de tout véto provincial. Le gouvernement du Canada croit
que ces experts font une interprétation inexacte de la Constitution et de la
jurisprudence et que le gouvernement fédéral est tout à fait dans sont droit
de rendre, comme il le fait depuis 1996, l’utilisation d’une certaine forme
de son pouvoir de dépenser conditionnelle à l’appui d’une majorité de
provinces. Mais vous voyez que l’accusation de non respect de la Constitution
vient des deux côtés : des provincialistes comme des centralisateurs.
Donc, la fin de l’obsession
constitutionnelle n’est pas synonyme d’irrespect envers la Constitution. Pas
davantage ne signifie-t-elle le renoncement à toute réforme de la
Constitution. Celle-ci est bien sûr perfectible. On y retrouverait une
meilleure reconnaissance du Québec que ce serait là un ajout souhaitable,
parce c’est vrai que la société québécoise a sa spécificité propre. Et
on a proposé quantité d’autres changements constitutionnels tout à fait
valables, encore que la plupart du temps, les questions ainsi visées se
régleraient plus efficacement en dehors de la réforme constitutionnelle et de
ses rigidités.
Mais c’est lorsque des suggestions
de réformes constitutionnelles sont faites dans le seul but de calmer la menace
séparatiste, indépendamment de leurs conséquences sur la qualité du service
public, que l’on tombe dans une obsession constitutionnelle néfaste. Et c’est
donc ça précisément l’obsession constitutionnelle : la réduction tant du
débat sur l’unité nationale que du débat sur l’amélioration de la
Constitution à «l’offre» qu’il faut supposément faire au Québec pour le
garder dans le Canada.
Mais nous en sortons de cette
obsession. Nous convenons de plus en plus que notre Constitution «fonctionne»
même si elle est perfectible. La solution à nos problèmes politiques,
économiques et sociaux ainsi que la promotion des valeurs auxquelles nous
croyons n’exigent pas un chambardement constitutionnel. Nous voyons que le
chantage à la séparation n’a jamais rien donné de positif aux Québécois
comme aux autres Canadiens, et que c’est en décidant résolument de rester
ensemble en toute confiance que nous serons mieux à même de répondre aux
aspirations de chacun, y compris des Québécois.
Je voudrais examiner avec vous trois
manifestations bénéfiques de cette prise de distance vis-à-vis de l’obsession
constitutionnelle ainsi définie. Il me semble que, premièrement, nous
comprenons mieux le phénomène sécessionniste qui existe au Canada, que
deuxièmement nous parvenons mieux à distinguer ce phénomène des autres
réalités canadiennes et que, troisièmement, nous envisageons de façon plus
concrète et salutaire la question du partage des compétences et des pouvoirs
des deux ordres de gouvernement.
2. Le phénomène
sécessionniste est mieux compris
La population québécoise est
certainement la plus sondée au monde sur la question de l’appartenance
nationale. De cet amoncellement de données, ce qui est le plus souvent cité
est la distribution de l’opinion publique québécoise entre les quatre choix
suivants: 1) le statu quo constitutionnel, 2) le fédéralisme renouvelé, 3) la
souveraineté-association - maintenant souveraineté avec offre de partenariat -
et 4) l’indépendance.
Comme l’on constate depuis
longtemps que la grande majorité des Québécois - à peu près les deux tiers -
choisissent les deux solutions présentées comme médianes - le
fédéralisme renouvelé et la souveraineté-partenariat -, on a essayé d’inventer
le modèle constitutionnel qui conviendrait à ce ventre mou de l’opinion
québécoise. Politiciens, politologues, juristes et autres intervenants ont
consacré à cette entreprise intellectuelle une énergie peu commune qui, dans
certains cas, a tourné, comme je l’ai dit plus haut, à l’obsession.
Or, le problème, avec ce
raisonnement, c’est que le véritable enjeu, celui de la sécession, se trouve
tout à fait occulté. Cette notion vague qu’est la «souveraineté-partenariat»
y apparaît comme une solutions modérée, voisine de cette autre nébuleuse qu’est
le ‘fédéralisme renouvelé’. Nous voyons mieux maintenant que ce n’est
pas vrai que le fédéralisme renouvelé et la souveraineté-partenariat sont
des notions voisines. Entre les deux, il y a un gouffre, celui de la sécession.
En fait, les notions de statu quo constitutionnel et de fédéralisme renouvelé,
d’une part, et celles de souveraineté-partenariat et d’indépendance, d’autre
part, forment deux paires séparées par la cassure de la sécession.
Les Québécois ne sont pas devant
un éventail de solutions bien étalées. L’éventail est déchiré par ce
choix fondamental qui est de faire ou de ne pas faire sécession. Comme le dit
souvent le Premier ministre Jean Chrétien, la sécession c’est comme
être enceinte: ou on l’est ou on ne l’est pas. Ou on fait sécession, ou on
ne la fait pas. Ou on reste dans le Canada, ou on sort du Canada pour faire du
Québec un État indépendant.
Si on reste dans le Canada, on
participe à l’évolution de ce pays, l’un des plus prospères,
modérés et tolérants qui soit, l’une des fédérations les plus
décentralisées, en changement constant, malgré les contraintes de la voie
constitutionnelle. Si on fait du Québec un pays indépendant, on peut essayer d’établir
des alliances et des aménagements avec les pays voisins, sans connaître à l’avance
les résultats de cette entreprise incertaine. Mais le choix fondamental demeure
celui du pays dont on parle.
Vous connaissez les nombreux
sondages qui montrent que de 20 à 35% des électeurs du OUI au référendum de
1995 croyaient qu’un Québec souverain ferait toujours partie du Canada. Cette
confusion se dissipera si le débat public continue dans la direction actuelle
qui est celle d’une clarification de l’enjeu sécessionniste.
Vous vous rappelez du principal
argument référendaire de M. Bouchard, celui de la fin de la chicane. Après un
OUI, il n’y aurait plus de souverainistes et de fédéralistes promettait-il,
que des Québécois plus solidaires que jamais. Il est beaucoup plus difficile
aujourd’hui de souscrire à cette théorie de la fin de la chicane. On voit
plus clairement que le plus sûr moyen de diviser les Québécois entre eux est
de les plonger dans une tentative de sécession sur la base d’une question
confuse, d’une majorité incertaine et sans cadre légal.
On m’objectera que je dis cela
parce que je suis un politicien fédéraliste. Pourtant, je pense sincèrement
qu’indépendantiste, j’accueillerais avec la même satisfaction la
clarification de l’enjeu sécessionniste. Je dirais que la procédure confuse
de M. Parizeau comportait des risques énormes de dérapage et que, pour changer
le Québec de province canadienne en État indépendant, il faut une question
claire et une majorité claire sur la sécession, suivie d’une négociation
faite dans le respect du droit. Nous n’aurions pas eu besoin de la Cour
suprême pour comprendre cela si, quelles que soient nos allégeances, nous
avions fait nos devoirs sur le phénomène sécessionniste.
Il n’est jamais trop tard pour
bien faire cependant. On observe en ce moment l’éclosion d’excellents
travaux de chercheurs canadiens, notamment des politologues, sur la conciliation
difficile entre la sécession et la démocratie, y compris le sort des
minorités. Après les travaux pionniers comme ceux de Jean-Pierre Derriennic et
de Robert Young, je note la sortie récente du collectif paru sous la direction
de Margaret Moore (National Self-Determination and Secession). Le
phénomène sécessionniste y est abordé sous plusieurs angles théoriques, qui
ne sont pas sans rappeler le débat public autour du récent avis de la Cour
suprême sur la sécession unilatérale.
3. Nous distinguons mieux le
phénomène sécessionniste des autres enjeux
L’obsession constitutionnelle
conduit à inclure dans l’enjeu sécessionniste toutes sortes de
considérations qui n’ont rien à y faire. Nous avons un seul problème de cet
ordre au Canada, et un seul c’est bien suffisant : le séparatisme
québécois.
Par ailleurs, nous avons aussi d’autres
problèmes graves à résoudre : la pauvreté, le fardeau fiscal, les
inégalités de toutes sortes, etc. Mais ces problèmes, nous les partageons
avec d’autres pays qui, eux, n’ont pas de problème d’unité nationale
comparable au nôtre pour la simple raison qu’ils n’ont pas de séparatisme.
Par exemple, affirmer que l’amélioration
de la condition des Autochtones n’est pas un enjeu qui met en cause l’existence
même de notre pays, ce n’est aucunement diminuer le caractère crucial
et hautement prioritaire de cet enjeu. C’est simplement constater que les
Autochtones ne veulent pas se séparer.
Mais l’obsession
constitutionnelle, là encore, amène à tout confondre. La solution, nous
dit-elle, réside dans une offre de changements constitutionnels faite au
Québec, à coups de transferts de pouvoirs et de reconnaissance symbolique.
Mais encore faut-il que cette offre soit acceptable aux autres Canadiens. Cela
aiderait si elle comportait quelque chose pour eux aussi. Du coup, toutes les
revendications le moindrement importantes se transforment en questions d’unité
nationale. L’unité canadienne devient une boîte de pandore.
Alors on improvise carrément des
solutions. Puisqu’on «offre» quelque chose au Québec, que va-t-on
«offrir» à l’Ouest? Pourquoi pas un Sénat? Cette réforme essentielle que
serait celle de notre Sénat, plutôt que d’être envisagée comme elle
devrait l’être du strict point de vue de l’efficacité du Parlement,
devient une monnaie d’échange symbolique: si le Québec a sa société
distincte ou unique, l’Ouest doit avoir son Sénat triple E.
La province qui revendique le plus
un Sénat triple E, c’est l’Alberta . Notre collègue Ted Morton du
département de science politique de l’Université de Calgary s’est même
fait élire «sénateur en attente» à force de réclamer le Sénat triple E.
Mais voilà qu’après avoir présenté pendant des années le modèle triple E
comme étant le modèle pour une réforme du Sénat, le professeur Morton
vient de déclarer publiquement qu’un Sénat égal serait désavantageux pour
l’Alberta car il accorderait un poids démesuré aux provinces plus petites et
plus pauvres. Si le débat sur la réforme du Sénat avait été motivé par un
véritable désir d’amélioration et non par le besoin de recevoir quelque
chose en échange d’une concession accordée au Québec, nous aurions pu avoir
un débat éclairé sur cette question plus tôt.
Les modifications constitutionnelles
ne doivent surtout pas être des monnaies d’échange. Chaque proposition doit
être considérée à son mérite, selon le bénéfice qu’en tire la
population.
4. Le partage des pouvoirs libéré de l’obsession
constitutionnelle
La Constitution est la loi
fondamentale du pays. Elle renvoie à l’essentiel de la vie en société : des
droits individuels jusqu’à la légitimité politique. Mais l’obsession
constitutionnelle a une approche beaucoup plus réductrice. Elle tend à limiter
le débat constitutionnel à la stricte question des pouvoirs des gouvernements,
et elle envisage cette question des pouvoirs en fonction de ‘l’offre’ qu’il
faudrait supposément faire au Québec pour le garder dans le Canada.
Or, on voit de mieux en mieux que la
valeur qu’il convient de mettre au centre de cette réflexion sur le partage
des compétences est la qualité du service à la population. Et on
réalise aussi que ce partage des responsabilités publiques ne doit pas être
envisagé comme une érection de cloisons étanches, une bataille de carrés de
sable. Nous voyons que l’un des avantages d’une fédération moderne est d’obliger
les gouvernements à toujours inventer de nouvelles façons de coopérer dans l’interdépendance.
La répartition des pouvoirs entre
nos deux ordres de gouvernement doit évoluer constamment de façon à en donner
aux contribuables canadiens toujours plus pour leur argent. Pour cela il faut
certes tenir compte de la spécificité de chaque province et de la dimension
culturelle et linguistique, mais toujours dans le but, il me semble, d’offrir
le meilleur service public possible aux citoyens, où qu’ils vivent au Canada.
Dans la perspective de l’obsession
constitutionnelle, la qualité des politiques publiques n’est pas une
préoccupation, elle disparaît comme enjeu pour laisser toute la place à la
seule préoccupation de donner des «gains» aux fédéralistes québécois au
moyen d’une décentralisation accrue des pouvoirs. On a pu dans le passé
assister à des colloques, lire de longs traités sur le partage des pouvoirs,
sans que la qualité du service au public ne soit mentionnée une seule fois.
Je doute que cette activité
intellectuelle ait eu un impact positif sur l’amélioration des politiques
publiques. Je ne crois pas non plus qu’elle nous ait aidés à connaître de
quoi se nourrit vraiment le mouvement indépendantiste.
Nous voyons mieux maintenant que c’était
une erreur de penser que c’est en gonflant le gouvernement du Québec de
nouvelles responsabilités que l’on calmera les ardeurs indépendantistes. On
ne renforce pas un pays en s’appuyant sur une telle logique de séparatisme
intérieur. Surtout pas quand le pays en question est déjà, sous plusieurs
aspects, une fédération décentralisée par rapport aux autres qui existent
dans le monde. Les transferts de pouvoirs ne peuvent calmer le séparatisme s’ils
sont effectués en fonction de cette seule visée. Chaque nouveau transfert
conduirait les Québécois à se retrancher toujours davantage sur leur
territoire, à se définir par un ‘nous’ exclusif, à ne plus voir les
autres Canadiens que de loin en loin et à rejeter le gouvernement canadien et
les institutions communes canadiennes comme une menace à leur nation, un corps
étranger.
Les chefs indépendantistes
eux-mêmes se sont chargés de l’expliquer lors de la dernière campagne
électorale. Ils ont bien averti que chaque concession en terme de transferts de
pouvoirs serait accueillie comme une avancée vers l’indépendance.
Je puis vous assurer que le
gouvernement du Canada, lui, envisage ses relations avec les gouvernements
provinciaux du strict point de vue de la qualité du service à la population.
Toutes nos initiatives récentes ont visé cette seule fin, qu’il s’agisse
par exemple, des ententes sur la main-d’oeuvre, de l’harmonisation
environnementale, ou des modifications constitutionnelles touchant les
commissions scolaires québécoises et terre-neuviennes. De même, dans les
présentes négociations sur l’union sociale avec les gouvernement provinciaux
et territoriaux, nous sommes à la recherche de l’entente-cadre la plus
susceptible d’améliorer nos politiques sociales et de santé. Les résultats
qui en ressortiront seront bénéfiques pour les Canadiens et par cela même
renforceront chez les Québécois et les autres Canadiens le goût de rester
ensemble.
Non au séparatisme intérieur, oui
à l’entraide des gouvernements dans le respect de leurs compétences
respectives. C’est d’ailleurs ce que nous demande la majorité des
Canadiens, y compris des Québécois, sondage après sondage.
Conclusion
L’obsession constitutionnelle,
cette croyance qui veut que le Canada ne pourra survivre que s’il réécrit sa
Constitution, occulte le véritable enjeu, celui de la sécession et de la
cassure qu’elle représente. Elle ouvre une boîte de pandore d’où
jaillissent toutes sortes de surenchères symboliques. Elle conduit à envisager
la question du partage des pouvoirs selon une logique de séparatisme intérieur
plutôt que du point de vue de l’intérêt des citoyens.
Heureusement, nous sommes en train
de sortir de l’obsession constitutionnelle. Nous en sortons sans doute en
partie pour des raisons négatives: Meech et Charlottetown ont échoué et n’ont
pas été des expériences constructives et le gouvernement du Québec actuel n’est
aucunement intéressé à s’engager dans une ronde constitutionnelle. Mais
nous nous éloignons de l’obsession constitutionnelle aussi parce que nous
sommes en train de procéder à un changement de perspective des plus positifs.
Au lieu de voir dans l’existence d’un
mouvement séparatiste fort au Québec la preuve que le Canada ne marchera qu’au
prix d’un bouleversement constitutionnel, nous convenons de plus en plus que
le Canada, avec ou sans changement constitutionnel, fonctionne admirablement à
l’échelle de cette planète, et que nous l’améliorerons d’autant mieux
que nous déciderons résolument de rester ensemble.
Nous l’améliorerons en suivant
des voies qui ne mènent pas forcément à des réformes constitutionnelles.
Sans bouleverser la Constitution, les gouvernements ont assaini leurs finances
publiques ces dernières années et inventé des façons nouvelles de mieux
travailler ensemble au service des Canadiens. Ils parviennent à réduire les
barrières commerciales entre les provinces, sans changer un mot à la
Constitution. Le nouveau Conseil ministériel sur la refonte de la politique
sociale permet aux gouvernements de mieux promouvoir ensemble le mieux-être des
enfants et d’aider les jeunes et les autres citoyens à développer leurs
aptitudes sociales. Il a été créé sans amendement constitutionnel. Les
progrès qui résulteront de tous ces efforts, et de bien d’autres, dureront
longtemps.
Voilà ce que je tenais à dire
aujourd’hui, devant un public universitaire, trois ans et trois jours après
avoir quitté l’université pour la politique, en espérant qu’étudiants
comme professeurs trouveront une certaine validité dans ces propos d’un homme
politique qui est tout sauf neutre dans cette affaire.
L'allocution prononcée fait
foi.
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