DÉCLARATION À LA CHAMBRE DES COMMUNES
OTTAWA, ONTARIO
LE 10 FÉVRIER 1999
Monsieur le Président, le Cadre visant à
améliorer l’union sociale pour les Canadiens a été signé le 4 février
1999 par le Premier ministre du Canada, tous les premiers ministres des
provinces, sauf un, et les leaders territoriaux, après des négociations qui se
sont étalées sur plus d’un an, lesquelles ont été superbement co-présidées
par le ministre des Affaires intergouvernementales de la Saskatchewan, l’honorable
Berny Wiens, et notre collègue, la ministre de la Justice et présidente du
comité du Cabinet sur l’union sociale, l’honorable Anne McLellan.
Il me fait plaisir et je considère comme un honneur de souligner, en cette
Chambre, l’immense service que la députée d’Edmonton-Ouest a rendu à son
pays.
Cette entente-cadre a été très bien accueillie
à travers le pays, mais il subsiste une inquiétude du fait que le premier
ministre du Québec n’y a pas adhéré. On craint que les Québécois ne
puissent jouir de ses bienfaits autant que les autres Canadiens. C’est là une
inquiétude légitime, sur laquelle je vais me concentrer, Monsieur le
Président.
Bien que le premier ministre de ma province n’ait
pas signé cette entente-cadre, le Premier ministre du Canada, le très
honorable Jean Chrétien, s’est engagé à en faire bénéficier ses
compatriotes du Québec, «autant que faire se peut». C’est là une bonne
nouvelle pour les Québécois, comme pour les autres Canadiens. Je vais le
démontrer en m’arrêtant à quelques éléments importants de cette entente.
L’entente comprend sept parties. La première
énonce un certain nombre de principes engageant les gouvernements à promouvoir
partout au Canada plus de justice, d’équité et de respect de la diversité.
Il va de soi que le gouvernement du Canada s’engage, dans les limites de ses
compétences et pouvoirs constitutionnels, à faire en sorte que les Québécois
bénéficient autant que les autres Canadiens de la promotion de ces valeurs
fondamentales.
La deuxième partie concerne la mobilité. Elle
engage les gouvernements à éliminer les entraves nuisibles ou déraisonnables
à la mobilité des Canadiens partout au Canada. Le gouvernement du Canada, en
tant que seul gouvernement élu par tous les Canadiens, tient à ce qu’un
Canadien soit considéré comme un Canadien partout au Canada. C’est là un
élément essentiel de la citoyenneté canadienne. L’objectif n’est
évidemment pas d’uniformiser les politiques publiques et les pratiques
gouvernementales au pays. L’objectif est de donner à tous les Canadiens un
accès égal à la riche diversité de notre pays.
Le gouvernement du Canada espère que le
gouvernement du Québec participera à ces négociations sur la mobilité pour
que les Québécois en bénéficient pleinement.
La troisième partie engage les gouvernements à
informer davantage les Canadiens et à agir avec plus de transparence. Chaque
gouvernement s’efforcera d’améliorer sa reddition des comptes envers ses
citoyens, ce qu’on appelle l’imputabilité au public. Mais les gouvernements
ne seront pas imputables les uns vis-à-vis des autres.
Le gouvernement du Canada s’engage à mieux
rendre des comptes aux Québécois, comme aux autres Canadiens.
La quatrième partie de l’entente engage les
gouvernements à travailler en partenariat dans le respect de leurs compétences
et pouvoirs constitutionnels. Ils échangeront leurs connaissances afin de mieux
apprendre les uns des autres. Ils se consulteront sur leurs priorités
respectives et les possibilités de coopération. Ils se donneront des préavis
avant la mise en oeuvre de tout changement majeur et s’efforceront d’éviter
les dédoublements tout en clarifiant leurs rôles et responsabilités. Ils s’engagent
à mieux collaborer avec les peuples autochtones partout au Canada.
Le gouvernement du Canada s’engage à agir en
partenariat avec le gouvernement du Québec, comme avec tous les autres
gouvernements au Canada.
La cinquième partie engage les gouvernements, et
particulièrement le gouvernement fédéral, à recourir au pouvoir fédéral de
dépenser de façon plus coopérative afin d’améliorer les programmes sociaux
des Canadiens. Cela signifie que pour ce qui est des nouvelles initiatives
pancanadiennes pour les soins de santé, l’éducation postsecondaire, l’aide
sociale et les services sociaux, financées au moyen de transferts aux provinces
et territoires, qu’il s’agisse de financement fédéral ou de programmes à
frais partagés,
le gouvernement du Canada ne décidera plus
seul de lancer de nouvelles initiatives; il devra obligatoirement consulter
chaque province et territoire et ne pourra considérer aller de l’avant
que s’il obtient l’assentiment d’au moins une majorité de provinces
sur des objectifs et un cadre d’imputabilité;
le gouvernement du Canada n’imposera plus
de programmes; il devra laisser à chaque province le soin de déterminer sa
propre programmation afin d’atteindre les objectifs convenus;
le gouvernement du Canada n’exigera plus
que l’ensemble du transfert soit consacré à l’objectif prévu; si, en
raison de sa programmation existante, le gouvernement de la province peut
atteindre l’objectif sans y consacrer la totalité de sa part du transfert,
il pourra utiliser l’excédent à d’autres fins dans le même domaine,
ou dans un domaine connexe.
Quant aux initiatives de dépenses fédérales
directement acheminées aux personnes et aux organisations pour les soins de
santé, l’éducation postsecondaire, l’aide sociale et les services sociaux,
le gouvernement du Canada ne pourra en mettre en oeuvre de nouvelles sans un
préavis d’au moins trois mois et sans offrir de consulter les autres
gouvernements. Ceux-ci pourront repérer les possibilités de dédoublement et
proposer d’autres approches favorisant une mise en oeuvre souple et efficace.
Ces dispositions imposent au gouvernement
fédéral de nouvelles contraintes importantes. Elles vont bien au-delà des
limitations du pouvoir fédéral de dépenser incluses dans les accords de Meech
et de Charlottetown. Des observateurs indépendants au Québec reconnaissent l’importance
de ces dispositions.
Le gouvernement du Canada s’engage à respecter
ces nouvelles exigences de coopération et de consultation qui pèsent sur lui
et à en faire bénéficier tous les gouvernements, y compris celui du Québec.
La sixième partie de l’entente-cadre sur l’union
sociale engage les gouvernements à respecter un nouveau mécanisme de
prévention et de règlement des différends. Ce mécanisme prévoit des
négociations conjointes et la participation de tiers pour établir les faits ou
pour obtenir des services de médiateur. Même le premier ministre du
Québec a reconnu voir un progrès dans ce nouveau mécanisme. Il sera à sa
disposition, comme à celle de tous les gouvernements.
Enfin, la septième et dernière partie prévoit
une évaluation complète de l’entente-cadre sur l’union sociale avant la
fin de la troisième année. Après l’avoir expérimentée, on pourra en
discerner les forces et les faiblesses et voir à l’améliorer. Le
gouvernement du Québec sera invité à participer à cette évaluation. Les
Québécois y feront valoir leurs points de vue, comme tous les autres Canadiens.
Voilà donc ce que le gouvernement du Canada
entend faire pour que les Québécois bénéficient pleinement de cette entente.
À cette fin, il offrira à tout moment sa pleine collaboration au gouvernement
du Québec. Les Québécois veulent que leurs gouvernements travaillent
ensemble.
On peut comprendre que le gouvernement du Québec
juge insuffisants les progrès accomplis par l’entente. Mais on doit s’attendre
à ce que le gouvernement du Québec accepte le progrès qui lui est offert,
même s’il le juge insuffisant.
Les Québécois, comme les autres Canadiens,
doivent avoir pleinement accès à l’immense potentiel de leur pays et à
toute l’entraide qui passe par l’union sociale canadienne, l’une des
meilleures au monde, que nous allons parfaire encore davantage grâce à cette
entente.
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