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Archives - Salle de presse

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«Préparer notre fédération aux
défis budgétaires à venir»

Notes pour une allocution de
l'honorable Stéphane Dion
Président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales

devant le Cercle Canadien de Montréal

Montréal (Québec)

le 27 septembre 1999

Le Canada a opéré ces dernières années un redressement financier des plus impressionnants. Les Canadiens ont fait bien des sacrifices pour atteindre ce résultat. Nous y sommes parvenus tout en préservant l'essentiel de nos programmes sociaux, en contenant l'inflation, en relançant l'emploi et la croissance et en gardant le poids du fardeau fiscal dans l'économie à la moyenne de l'OCDE.

Il y a tout lieu de dégager de cette expérience une confiance accrue dans notre pays. Ce message de confiance est la première chose sur laquelle j'insisterai aujourd'hui.

Mais il y a une autre chose que je tiens à souligner. Cette confiance accrue ne doit pas nous amener à nous reposer sur nos lauriers. Elle doit au contraire nous encourager à relever les défis qui s'annoncent avec lucidité et détermination.

Il y a un défi sur lequel je vais insister : les pressions budgétaires que l'évolution démographique du Canada ? notamment le vieillissement de la population ? exercera tant sur le gouvernement fédéral que sur ceux des provinces et territoires. En raison de ces pressions à venir, la réduction du fardeau de notre endettement collectif doit demeurer l'une de nos priorités.

Depuis la rencontre de premiers ministres provinciaux, tenue du 9 au 11 août dernier, on a beaucoup parlé au Canada du consensus qui s'est établi entre tous les gouvernements de notre fédération quant à la nécessité de trouver un juste équilibre entre les baisses d'impôts et les réinvestissements dans les programmes. Je vais mettre l'accent, aujourd'hui, sur le troisième pilier de notre politique budgétaire : l'importance primordiale pour nos gouvernements de réduire notre fardeau d'endettement dès maintenant pour nous donner la capacité de relever les défis de demain, tout en maintenant un juste équilibre avec les besoins d'aujourd'hui.

Je vais le faire en tant que ministre fédéral responsable des relations intergouvernementales. À l'aube du 21e siècle, notre gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux se doivent d'identifier les défis auxquels ils devront faire face ensemble au cours des prochaines décennies. Ils doivent en discuter avec les Canadiens.

1. L'assainissement des finances publiques : le miracle canadien

Nous, les Canadiens, avons peut-être tendance à oublier un problème dès qu'il est réglé. Je ne prétends pas qu'il s'agisse là d'un trait qui nous soit propre, mais on en voit souvent la manifestation chez nous.

Maintenant que nos gouvernements dégagent des surplus, et que nous débattons ferme de leur utilisation, il ne faudrait pas oublier d'où nous revenons. Il y a des leçons à tirer du redressement de nos finances publiques qui a surpris tout le monde par sa rapidité, sans exception, y compris, comme vous le savez bien, les ministres des finances eux-mêmes.

Un des enseignements à retenir, à mon avis, et qui m'intéresse particulièrement du point de vue de l'unité canadienne, est qu'il ne faut jamais sous-estimer les ressorts de notre pays, les forces de notre fédération. Il faut se rappeler que les débats constitutionnels difficiles de l'après-Meech ont coïncidé avec la récession économique et l'accumulation des déficits. Avec des finances publiques qui s'enfonçaient de plus en plus dans le rouge, et tandis que le Wall Street Journal nous déclarait candidats au tiers monde, plusieurs en ont déduit que le Canada était un échec économique.

«Le Canada ne marche plus», entendait-on répéter. «La fédération nous coûte des milliards en dédoublements inutiles». «Seulement les dédoublements en formation professionnelle nous font gaspiller 250 millions de dollars», prétendait-on sérieusement au Québec. «On ne s'en sortira jamais à moins d'un changement constitutionnel majeur», clamait presque à l'unisson l'industrie constitutionnelle. C'était l'époque où M. Lucien Bouchard, alors Chef du Bloc, faisait campagne en exhortant les Québécois à sortir du Canada pour éviter la «faillite» : «S'ils [les Canadiens hors-Québec] ont l'intention de faire faillite, tant pis pour eux. Mais nous allons sauver notre peau», affirmait-il le 14 août 1993.

Et nous voilà aujourd'hui, à peine quelques années plus tard, avec, comme le confirmait récemment une étude publiée par la Banque Royale, tous les gouvernements au Canada ? et non seulement le Québec et le gouvernement fédéral ? équilibrant leurs budgets (ou étant sur le point de le faire) et pouvant espérer une marge de manoeuvre budgétaire croissante au cours des prochaines années. Le World Competitiveness Yearbook de 1999 classe d'ailleurs le Canada troisième parmi 47 pays pour l'amélioration de la gestion de ses finances publiques. Nous devançons tous nos principaux partenaires commerciaux à cet égard. Pas mal pour un pays dont il fallait sortir pour cause de faillite!

On a médit de notre pays à cette époque, on l'a sous-estimé, mais il a fait mentir les prophètes de malheur. Je dirais même qu'on a médit du système fédéral en général : les comparaisons internationales ne montrent pourtant aucune propension particulière des fédérations à l'endettement public.

Notre fédération a redressé ses finances en misant sur sa capacité à allier la diversité des expériences à l'action commune. La stratégie d'assainissement suivie au Québec n'a pas été la même que celle adoptée en Saskatchewan ou au Nouveau-Brunswick. Le gouvernement fédéral, lui, y est parvenu avec une équipe de ministres et de députés élus dans toutes les régions du pays. On me permettra de souligner de façon toute particulière l'apport de trois grands Québécois : Jean Chrétien, Paul Martin et Marcel Massé.

Nous avons donc toutes les raisons d'avoir confiance en notre pays, en notre capacité collective de relever de grands défis, de surmonter des obstacles qui peuvent paraître, au départ, comme insurmontables ou, du moins, très inquiétants.

Et parlant de grands défis, celui sur lequel je veux attirer votre attention aujourd'hui est le coût financier du vieillissement de la population canadienne. Il s'agit assurément d'un mobile d'inquiétude. Les pressions fiscales que ce phénomène exercera d'ici dix à quinze ans exigent que nous utilisions notre marge de manoeuvre d'aujourd'hui de façon intelligente et responsable. 2. Le défi du vieillissement de notre population

Comme bon nombre d'entre vous faites partie de ma génération, je voudrais prendre quelques instants pour vous parler de notre responsabilité envers nos enfants et nos petits-enfants.

Entre 1946 et 1960, le Canada a connu un «baby boom» qui a été plus important et a duré plus longtemps que dans la plupart des autres pays de l'Occident.

Notre population est aujourd'hui plus jeune qu'ailleurs. Selon l'OCDE, la proportion des personnes âgées de 65 ans et plus au Canada n'était que de 12 % en 1996, comparativement à 17 % en Italie et en Suède, à 15 % en France, au Royaume-Uni et au Japon, et à 13 % aux États-Unis. Au Québec, la proportion de personnes âgées de 65 ans et plus était également de 12 % en 1996, selon l'Institut de la statistique du Québec.

Notre jeunesse relative contribue elle aussi à la marge de manoeuvre budgétaire dont jouissent aujourd'hui nos gouvernements, car notre génération est à un âge où l'on dépend le moins de l'aide des gouvernements : en règle générale, notre vie d'étudiant est chose du passé, nous subissons moins les contrecoups du chômage et de l'instabilité économique et nous avons moins besoin des services de santé que nos aînés.

Toutefois, le vieillissement de l'ensemble de la population canadienne sera particulièrement marqué au cours des prochaines décennies : de 12 % de la population à l'heure actuelle, la proportion des plus de 65 ans doublera d'ici 2050, toujours selon l'OCDE. Un Canadien sur quatre aura plus de 65 ans au milieu du siècle prochain. Selon l'Institut de la statistique du Québec, 29,4 % de la population québécoise sera âgée de 65 ans et plus en 2051.

C'est donc dire que, bien que nous ayons aujourd'hui l'une des populations les plus jeunes des pays riches, nous subirons l'une des plus grandes augmentations de la part relative des personnes âgées.

Il sera particulièrement important que nous tenions compte de l'impact de ce vieillissement sur les régimes de retraite et sur les budgets des gouvernements. Les déboursés au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) connaîtront de fortes augmentations : d'environ 18 milliards $ en 1998, ces déboursés annuels doubleront une première fois d'ici 2011 et doubleront encore d'ici 2021. Le Régime des rentes du Québec (RRQ) connaîtra un défi semblable.

Pour sauvegarder l'intégrité financière du RPC, le gouvernement fédéral a dû prendre les mesures nécessaires, notamment l'augmentation graduelle des taux de cotisation au régime (de 7 % à l'heure actuelle à 9,9 % d'ici 2003). Mais ce n'est pas tout : en plus de son impact sur le RPC et le RRQ, le vieillissement de notre génération nécessitera l'augmentation des budgets consacrés aux pensions de sécurité de la vieillesse, un domaine dont la responsabilité incombe au gouvernement du Canada; de 23 milliards $ aujourd'hui, ces dépenses atteindront 40 milliards $ vers 2011 et plus de 70 milliards $ d'ici 2021.

En même temps ? et bien que les prévisions varient beaucoup quant à son envergure, compte tenu des changements technologiques qui heurtent ce secteur - on estime que le vieillissement entraînera une augmentation de la demande pour les soins de santé, un domaine dont la responsabilité incombe largement aux gouvernements provinciaux; par exemple, selon la projection « moyenne » du Vérificateur-Général, les dépenses globales en matière de santé pourraient augmenter d'environ 60 milliards $ aujourd'hui à environ 120 milliards $ en 2011 et à 200 milliards en 2021.

Il est possible que le ralentissement de la croissance de la population active sur le marché du travail entraîne également un certain ralentissement de la croissance économique ? et, par conséquent, un ralentissement de la croissance des recettes des gouvernements.

Ces pressions deviendront de plus en plus importantes au cours des prochaines années, bien qu'elles ne nous heurteront pas de plein fouet avant 10 ou 15 ans, c'est-à-dire lorsque les premiers de notre génération atteindront 65 ans.

Compte tenu de tous les avantages dont jouit notre génération de baby boomers, j'estime que nous avons la responsabilité envers nos enfants et nos petits-enfants d'adopter une stratégie équilibrée qui protégera leurs intérêts aussi bien que les nôtres.

Voilà pourquoi les gouvernements les plus endettés - le gouvernement du Canada et, dans une moindre mesure, ceux de certaines provinces, dont le Québec doivent s'engager à réduire le fardeau de la dette.

Il s'agit là d'un élément essentiel de nos préparations pour relever le défi du vieillissement de notre population. À l'heure actuelle, le gouvernement du Canada doit consacrer 27 % de ses recettes au service de la dette; pour les provinces, ce chiffre est, en moyenne, de 13 % et d'environ 17 % au Québec.

Il est particulièrement important de réduire cette part du service de la dette maintenant, pendant que les effets du vieillissement de la population ne réduisent pas encore notre marge de manoeuvre, car nous aurons besoin des sommes ainsi libérées.

La prudence exige notamment que l'on assure une diminution continue de la taille de notre endettement relativement à celle du PIB. Par exemple, avec une croissance du PIB nominal d'environ 4 % par année au cours des prochains 10 ans, l'endettement global de nos gouvernements diminuerait de 86 % du PIB à l'heure actuelle à environ 58 %, s'ils parvenaient tous à maintenir des budgets équilibrés tout au long de cette période. Cependant, cela nous laisserait avec un taux d'endettement plus élevé que celui qui prévaut aujourd'hui aux États-Unis. Par ailleurs, ces chiffres supposent que nous ne subissions aucune récession marquée au cours de la prochaine décennie.

Ainsi, c'est par prudence et par souci de s'assurer que l'on réussira vraiment à dégager la marge de manoeuvre budgétaire dont nous aurons besoin dans l'avenir que le ministre fédéral des finances, M. Paul Martin, s'est engagé à un plan de remboursement de la dette? fondé sur des hypothèses économiques prudentes ? qui envisage le versement de tout montant non utilisé de la réserve budgétaire pour éventualités au remboursement de la dette.

Conclusion

Il est nécessaire de réduire notre fardeau d'endettement aujourd'hui pour mieux faire face à nos responsabilités à venir compte tenu de notre population vieillissante. Tous les gouvernements de notre fédération doivent agir maintenant et avec le même sens des responsabilités que celui qui leur a permis d'assainir leurs finances publiques.

Ce sens des responsabilités, le gouvernement du Canada en est habité. Il sait que de tous nos gouvernements, il a certes les surplus les plus importants, mais il est aussi le plus endetté, donc le plus vulnérable aux majorations des taux d'intérêt. Ses recettes, depuis vingt ans, ont progressé au même rythme que celles des provinces, et non plus rapidement, soit en moyenne de 8 % par année.

Le gouvernement du Canada sait aussi que lorsque les dépenses relatives au vieillissement de la population deviendront importantes, c'est-à-dire d'ici dix ou quinze ans, les provinces et les territoires subiront des pressions surtout dans le vaste domaine que représente pour elles les soins de santé. Elles doivent être en mesure d'y faire face. Le gouvernement fédéral lui aussi subira des pressions, notamment en matière de sécurité de la vieillesse. Nos deux ordres de gouvernement doivent assumer leurs propres responsabilités tout en travaillant en partenariat pour se préparer en conséquence.

Mais nos gouvernements, j'en suis sûr, notre fédération entière, feront preuve de prévoyance, sauront prendre les mesures qui s'imposent pour réduire leur fardeau d'endettement, libérant ainsi pour l'avenir les recettes qui pourront être affectées à des fins autres qu'au service de la dette.

Le gouvernement du Canada, lui, s'est engagé à le faire à partir d'une politique saine et équilibrée, faite de réinvestissements stratégiques, de baisses d'impôts et de remboursement de notre dette collective, une politique qui tient compte des besoins d'aujourd'hui comme de ceux de demain.

J'ai donc confiance que lorsque nous aurons à rendre des comptes à nos enfants et à nos petits-enfants de nos décisions d'aujourd'hui, nous pourrons le faire la tête haute.

L'allocution prononcée fait foi  


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Mise à jour : 1999-09-27  Avis importants