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Archives - Salle de presse

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« L'Ouest et le gouvernement libéral 
en ce début de mandat : l'obligation
 de mieux travailler ensemble »

Notes pour une allocution
de l'honorable Stéphane Dion
Président du Conseil privé et
ministre des Affaires intergouvernementales

Saskatchewan Institute of Public Policy
Université de Regina

Regina (Saskatchewan)

le 6 mars 2001

L'allocution prononcée fait foi


          Notre pays est si grand et diversifié que notre connaissance en est toujours limitée. Cela pourrait être un inconvénient. Je crois au contraire que nous en tirons trois avantages. D'abord, une incitation permanente à la modestie : chaque Canadien sait qu'il a beaucoup à apprendre sur son pays. Ensuite, une invitation à l'écoute : nous savons que c'est des uns et des autres que nous apprendrons. Enfin, une candeur créatrice : le regard neuf qu'un Saskatchewannais pose sur les Québécois peut leur être utile, et réciproquement.

          Voilà cinq ans que le Premier ministre Jean Chrétien m'a donné la chance de servir mon pays au sein du gouvernement du Canada, cinq années pendant lesquelles j'ai travaillé côte à côte avec des Canadiens de toutes les régions du pays. J'ai beaucoup appris, et je continue à le faire, en regardant comment un Saskatchewannais aide puissamment, de toute son énergie, le développement de l'agriculture et des ressources naturelles de ma province. Mais j'apprends autant en l'aidant de toutes mes forces, ici, dans sa province. Je suis fier de travailler aux côtés de ce fils de la Saskatchewan qu'est Ralph Goodale.

          J'ai tiré beaucoup d'enseignements de mes relations avec des élus provinciaux de partout au pays dont, bien sûr, votre premier ministre fraîchement retraité, M. Roy Romanow. Il incarne pour moi la grande tradition de service public de votre province dont le Canada tout entier tire tant profit.

          Mais là où j'ai le plus appris depuis cinq ans, c'est par mes contacts avec la population canadienne. Je connaissais l'Ouest canadien avant d'entrer en politique. Je le connais bien mieux aujourd'hui. Mais je suis conscient de le connaître moins que vous ou que Ralph. Il y a des choses que je crois comprendre, mais il y en a beaucoup qui m'étonnent.

          Je vais discuter avec vous, aujourd'hui, avec ma candeur de Québécois, de quelques-unes de ces choses qui m'étonnent dans l'Ouest. Permettez que j'ouvre la discussion sur deux questions qui m'ont souvent été posées, surtout depuis la dernière élection fédérale : l'aliénation de l'Ouest existe-t-elle pour le gouvernement Chrétien et si oui, que comptez-vous faire?

1. L'aliénation de l'Ouest existe-t-elle?

          Je ne raffole pas des batailles de mots. Aussi suis-je prêt à utiliser le mot aliénation si c'est ainsi que vous définissez votre situation au Canada. Mais plusieurs Canadiens de l'Ouest disent et écrivent que ce n'est pas le cas. Quoi qu'il en soit, il me semble que la grande majorité des Canadiens de l'Ouest n'a aucune envie de se définir comme aliénée de la même façon que, à une certaine époque, M. Bouchard allait partout répétant qu'il était humilié. En tout cas, je peux vous assurer que nous étions nombreux au Québec à contredire M. Bouchard : les Québécois ne sont pas humiliés au Canada.

          Mais au-delà du choix des mots, je vais vous dire ce que je comprends. Je suis conscient que vous tenez à votre identité de l'Ouest et que vous en êtes fiers. En même temps, vous ne voulez pas que votre identité de l'Ouest masque en quoi que ce soit les différences entre les quatre provinces et au sein de chacune d'elles. Dès que l'on parle de l'Ouest, vous de la Saskatchewan avertissez : attention, nous ne sommes pas l'Alberta! Et à Edmonton on prévient : attention, nous ne sommes pas Calgary!

          Vous avez fait de cette identité de l'Ouest un enrichissement pour le Canada, jamais quelque chose qui lui serait opposé. Je sais à quel point les Canadiens de l'Ouest sont des Canadiens convaincus. Quand certains d'entre vous parlez d'aliénation, ce n'est pas votre pays qui est l'objet de votre mécontentement. Vous visez plutôt des pouvoirs qui ont marqué votre histoire et qui vous ont échappé, pouvoirs souvent situés dans ce que vous appelez le Canada central - notion, je dois vous le dire, inconnue des Québécois. Vous pensez à des pouvoirs économiques, financiers, mais aussi politiques.

          La capitale de votre pays vous apparaît souvent très éloignée, et pas seulement sur le plan géographique. Le plus souvent, le parti au pouvoir à Ottawa n'est pas celui qui a recueilli le plus de suffrages dans votre province ou dans l'Ouest. Vous en ressentez une inquiétude quant à la capacité du gouvernement fédéral de vous écouter, de vous comprendre et de travailler avec vous. C'est un sentiment que je crois comprendre en tant que Québécois. Bien que nous les Québécois ayons plus rarement que vous vécu une telle situation, nous craignons toujours qu'elle se produise. Un gouvernement fédéral qui compterait peu ou pas de Québécois - et qui de surcroît, dans notre cas, parlerait à peine notre langue - aurait a priori toute une côte à remonter au Québec.

          Vous revoilà dans cette situation à la suite du dernier scrutin fédéral. Le Parti libéral forme le gouvernement mais est arrivé second dans l'Ouest (avec 25,3 % des voix) et troisième en Saskatchewan (avec 20,7 %). Face à un gouvernement où vous êtes de nouveau peu représentés, vous ressentez l'appréhension dont je viens de parler. D'où la nécessité de se parler afin de partir du bon pied en ce début de mandat.

          Voilà pourquoi le Premier ministre Jean Chrétien a invité à siéger à la table du Cabinet 8 des 14 députés libéraux élus dans les provinces de l'Ouest. Depuis plusieurs années déjà, il confie la présidence des deux comités les plus importants du gouvernement, celui de l'union sociale et celui de l'union économique, à deux grands Canadiens de l'Ouest, Anne McLellan et Ralph Goodale.

          Le Livre rouge III, qui comprend nos engagements auprès des Canadiens, nous allons le réaliser avec vous, gens de la Saskatchewan. Dans tous les domaines, nous allons travailler plus fort que jamais pour que notre action s'ajuste à vos réalités concrètes et soit menée de concert avec vous.

          Il importe que votre gouvernement fédéral intensifie ses contacts avec vous d'autant plus qu'historiquement l'Ouest, et particulièrement votre province, ont été une pépinière d'innovations qui ont inspiré tout le Canada. Le redressement financier des années quatre-vingt-dix, par exemple, doit beaucoup aux initiatives prises par vos gouvernements provinciaux et aux orientations qui sont venues de vos universités et de vos entreprises.

          Nous avons beaucoup de pain sur la planche pour relever ensemble les défis qui se posent à nous en ce début de mandat dans tous les domaines, qu'il s'agisse de l'agriculture, de l'environnement ou de la recherche et du développement. Avec Ralph Goodale et Rick Laliberté, le gouvernement est déterminé à travailler avec vous tous pour aider l'agriculture saskatchewannaise en ces moments difficiles, pour que vos jeunes soient mieux préparés que jamais à affronter la nouvelle économie, pour que vos populations autochtones aient les mêmes chances dans la vie que les autres Canadiens. Il faut que tous les engagements du Livre rouge III se réalisent pleinement en Saskatchewan comme partout au Canada.

          Certains diront bravo pour cette détermination, mais ils ajouteront qu'il serait naïf de croire que cela suffira à abaisser le sentiment d'aliénation de l'Ouest. Ce qu'il faut en plus, selon eux, c'est une grande réforme fondamentale, un virage, un traitement de choc.

          Cependant, d'autres voix se font entendre dans l'Ouest qui émettent des doutes sur la capacité de telles grandes réformes de faire la différence. Par exemple, dans une lettre ouverte adressée récemment au Premier ministre, le Président et Chef de la direction de la Canada West Foundation, le professeur Roger Gibbins, a écrit :

          La source du problème régional à l'heure actuelle ne réside pas dans de profonds désaccords entre l'Est et l'Ouest. Aucun enjeu politique particulier ne sépare l'Ouest du reste du pays. Par conséquent, aucune mesure législative ni engagement politique annoncé dans le prochain discours du Trône ne parviendra, en soi, à apaiser le mécontentement de l'Ouest. [traduction libre]

          L'une des raisons qui m'amènent à penser comme le professeur Gibbins est que les projets de réformes fondamentales dont il est question, quand on les examine, apparaissent peu susceptibles de faire consensus dans l'Ouest. Plusieurs Canadiens de l'Ouest ne les considèrent pas comme souhaitables. Cela est vrai pour les trois principaux virages qui nous sont proposés : le virage conservateur, le virage décentralisateur et le virage populiste.

2. Un virage conservateur?

          Certains disent que les politiques libérales ne pourront jamais convenir à l'Ouest car celui-ci serait foncièrement conservateur. Je suis très intéressé de connaître votre opinion sur cette théorie, mais, pour ma part, elle m'inspire certains doutes, surtout quand je me trouve en Saskatchewan, berceau de la social-démocratie canadienne!

          En tout cas, plus d'un sondage d'opinion suggère que les différences idéologiques entre les Canadiens de l'Ouest et ceux des autres régions ne sont pas si grandes, voire « très faibles » (1). Il n'est pas rare que les différences idéologiques entre l'Ouest et le reste du pays ressortent moins dans les sondages que celles qui distinguent les provinces de l'Ouest entre elles (ou les régions urbaines et rurales de chaque province).

          Considérons par exemple la question du conservatisme fiscal. S'il faut en croire les sondages, quand on demande aux Canadiens si le gouvernement fédéral devrait utiliser ses surplus surtout pour 1) réduire la dette, 2) baisser le niveau d'imposition ou 3) investir dans les programmes sociaux tels que la santé, les différences d'opinions entre les régions du pays n'ont rien de spectaculaire (graphiques 1 et 2). L'Alberta paraît moins favorable aux investissements dans les programmes sociaux, surtout si on la compare aux régions à plus forts taux de chômage que sont le Québec et l'Atlantique (graphique 1), mais pour le reste, on ne voit pas apparaître le conservatisme appuyé que l'on prête à l'Ouest.

          De même, cette question cruciale pour le Canada qu'est l'ouverture aux immigrants et aux minorités visibles n'oppose en rien l'Ouest au reste du pays (graphique 3).

          C'est sur les questions morales que l'on trouve davantage d'indices d'un conservatisme propre à l'Ouest (graphique 4). L'appui à la peine capitale est un peu plus élevé dans l'Ouest qu'en Ontario ou dans l'Atlantique et nettement plus qu'au Québec. Tant à propos de l'avortement que des droits des homosexuels, votre province et celles du Manitoba et de l'Alberta sont plus conservatrices que les autres régions, mais la Colombie-Britannique l'est moins que la moyenne canadienne.

          Vous pourrez me dire si ces données confirment ou non vos propres observations, mais l'impression que j'en dégage est la suivante : il y a des différences régionales, mais le tableau d'ensemble ne fait pas ressortir l'Ouest comme étant systématiquement plus conservateur que le reste du pays. D'ailleurs, si votre région était vraiment plus conservatrice, alors mon parti y serait frappé d'impopularité permanente. Or, régulièrement, entre les élections, des sondages placent le Parti libéral en tête dans trois provinces sur quatre et bon deuxième en Alberta. À l'approche d'un scrutin, par contre, l'appui aux libéraux diminue dans l'Ouest. J'espère ne pas trop vous paraître partisan si je vous avoue que ce phénomène me préoccupe et que j'aimerais en connaître l'explication.

          Un autre phénomène électoral dans l'Ouest m'étonne : pourquoi vos comtés ruraux appuient-t-ils à ce point le parti de l'Alliance? Il me semble douteux qu'un tel parti, résolu à sabrer dans les dépenses du gouvernement fédéral et à réduire ses sources de revenus, investirait davantage dans l'agriculture ou les transports que ne le fait le gouvernement actuel.

          Chose certaine, je refuse de voir en ces phénomènes électoraux une fatalité. M. Chrétien, M. Goodale et toute notre équipe libérale sommes résolus à redoubler d'ardeur pour que la prochaine fois vous nous conserviez votre appui jusque dans l'isoloir. La seule façon d'y parvenir est de travailler à vos côtés pour vous donner le meilleur gouvernement possible.

          Un virage vers le conservatisme? Mon sentiment est que pas plus qu'ailleurs au pays un tel virage ne ferait consensus dans l'Ouest.

3. Un virage vers une décentralisation radicale?

          Certains disent que les Canadiens de l'Ouest (ou du moins ceux de l'Alberta et de la Colombie-Britannique) seraient très favorables à un renforcement considérable du pouvoir provincial : ils voudraient que leurs gouvernements provinciaux se gonflent de responsabilités aujourd'hui assumées par le gouvernement fédéral. Par exemple, vous savez que six intellectuels albertains ont écrit récemment au premier ministre Klein pour l'exhorter à se soustraire à la Loi canadienne sur la santé ou à se retirer du Régime de pensions du Canada. Ils appellent cela l'Alberta Agenda. Mais je ne suis pas sûr que c'est vraiment ce que les Albertains souhaitent - sans parler des Saskatchewannais. En tout cas, s'il faut en croire le sondage publié dans le Globe and Mail du 14 février 2000, les deux tiers des Albertains n'appuient pas le soi-disant Alberta Agenda.

          Mes contacts avec la population, comme l'ensemble des sondages d'opinion dont j'ai pris connaissance, m'indiquent que la majorité des Canadiens de toutes les régions du pays ne souhaitent pas des transferts massifs de pouvoirs vers les gouvernements provinciaux dans cette fédération qui est déjà l'une des plus décentralisées au monde. Ce qu'ils veulent avant tout, il me semble, c'est que leurs gouvernements coopèrent mieux ensemble. C'est dans cette direction que le gouvernement Chrétien a concentré ses efforts avec des résultats tels que l'entente sur l'union sociale ainsi que l'entente sur la santé et le développement de la petite enfance. Nous sommes résolus à continuer à faire des progrès en ce sens dans tous les domaines. C'est pourquoi je me suis empressé de prendre contact avec votre nouveau premier ministre, M. Lorne Calvert, et avec mon nouvel homologue aux Affaires intergouvernementales, M. Chris Axworthy.

4. Un virage populiste?

          Certains disent que les Canadiens de l'Ouest sont plus populistes que ceux du reste du pays. Ils affirment par exemple que vous avez une prédilection particulière pour le recours fréquent au référendum d'initiative populaire, pour le relâchement de la discipline de parti et pour le mode de scrutin proportionnel. Ils disent que le refus des autres Canadiens d'accepter de telles réformes est une source importante de frustration dans l'Ouest. Ils prédisent que l'aliénation de l'Ouest diminuerait de beaucoup si le gouvernement fédéral procédait à de telles réformes.

          Ce n'est pas moi qui vous apprendrai que le populisme a de profondes racines dans l'Ouest.(2) Du Parti progressiste à l'Alliance, de grands partis populistes y sont nés. Mais le populisme y a pris plusieurs visages.(3) Le vôtre, en Saskatchewan, c'est bien connu, s'est exprimé davantage par le mouvement coopératif que par le recours au référendum. Vous avez même tenu un référendum en 1913 pour révoquer la loi provinciale sur les référendums adoptée la même année!

          Mais revenons à aujourd'hui. À supposer qu'il soit vrai que les Canadiens de l'Ouest soient de nos jours particulièrement attachés au référendum et à d'autres mesures de cet ordre, je m'étonne que les quatre gouvernements provinciaux ne mettent pas davantage ces idées en pratique. Après tout, de telles réformes ne dépendent que d'eux et de vous. Elles n'exigent aucune modification constitutionnelle, aucune négociation avec le gouvernement fédéral ou avec les autres Canadiens.

          À l'heure actuelle, deux provinces, la vôtre et la Colombie-Britannique, ont en place des lois qui permettent des référendums d'initiative populaire. Comment se fait-il que, dans les deux provinces, pas un seul référendum d'initiative populaire n'a été tenu depuis l'adoption de ces lois?

          Est-il possible que les Canadiens de l'Ouest éprouvent une réticence analogue à celle de leurs concitoyens des autres régions du pays à trancher des questions souvent complexes et délicates par référendum? L'exemple californien, avec ses référendums à la chaîne, vous semble-t-il positif? Et celui de l'Oregon, où l'on a dû voter sur 26 questions en novembre dernier? Matthew Mendelsohn, un politologue canadien qui a étudié l'expérience américaine, conclut « qu'aucune amélioration de l'efficacité politique n'accompagne l'instauration ou l'élargissement de la démocratie directe. Les citoyens des États qui se prévalent de telles initiatives ne se sentent pas plus efficaces (...) ».(4) [traduction]

          Faut-il renoncer à la discipline de parti? Si votre réponse est oui, alors je m'attendrais à ce que la discipline de parti soit significativement plus faible dans vos assemblées législatives qu'à la Chambre des communes. Est-ce vraiment le cas? Peut-être êtes-vous, vous aussi, attachés au principe qui veut que des candidats d'un même parti élus en fonction d'un programme doivent travailler en équipe pour le réaliser? Il faut se demander si, là encore, l'exemple américain est instructif : l'absence de discipline de parti ne rend pas le Congrès américain plus populaire aux yeux des Américains que notre Parlement ne l'est chez nous.(5)

          Faut-il modifier le mode de scrutin pour y introduire la représentation proportionnelle? Si oui, vos assemblées législatives peuvent procéder à de telles modifications pour vos élections provinciales. Après tout, c'est pour ça que nous avons une fédération : pour essayer différentes solutions de sorte que celles qui sont bonnes soient reprises ailleurs. L'expérience étrangère peut là aussi nous être utile. La Nouvelle-Zélande a abandonné récemment le mode de scrutin britannique pour une formule de représentation proportionnelle. La conclusion que retient de cette expérience le professeur Jonathan Boston, du Public Policy Group de l'Université Victoria de Wellington (Nouvelle-Zélande), n'est guère encourageante : « [À en juger par l'expérience néo-zélandaise à ce jour], il convient de rejeter d'emblée les arguments voulant qu'une réforme électorale peut enrayer l'insatisfaction constitutionnelle que l'on observe en ce moment dans un grand nombre de démocraties. En fait, une telle réforme risque de simplement empirer les choses. »(6)

          Il reste la question de la réforme du Sénat qui, elle, exige l'accord de toutes les régions du Canada. Mon sentiment est que cette question n'oppose pas l'Ouest au reste du pays. Dans toutes les régions, on trouve plus de partisans d'un Sénat élu que d'un Sénat nommé (graphique 5). En fait, la solution préférée des Saskatchewannais semble être l'abolition.

          Dans l'hypothèse où nous opterions pour une réforme du Sénat afin de le rendre électif, le problème majeur que nous aurions à résoudre, à mon avis, serait la répartition des sénateurs : le même nombre par province? par région? une autre formule? Personne ne s'entend. Même les deux dits « sénateurs en attente » de l'Alberta divergent d'opinion : l'un tient à une répartition égale par province, l'autre est contre.

          Je ne sais pas comment ni quand nous allons résoudre ce problème. Mais il y a une chose que je sais : c'est que cela n'a rien à voir avec un manque de respect pour l'Ouest et tout à voir avec la pluralité des opinions partout au Canada.

Conclusion

          Comme vous pouvez le voir, j'ai beaucoup de questions pour vous, qui sont autant de sources d'étonnement pour moi. Je n'en ai d'ailleurs pas fait le tour.

          J'aurais pu m'arrêter aussi, par exemple, sur la question de la « juste part » de l'Ouest par rapport aux autres régions. Le Premier ministre a coutume de dire à ce sujet que les Canadiens partagent deux convictions. La première, c'est que le Canada est le plus beau pays au monde. La deuxième, c'est que leur province ne reçoit pas sa juste part. Cette deuxième conviction aurait en ce moment davantage prise dans l'Ouest que dans les autres régions du pays, selon certaines études.(7)

          C'est là une question complexe dans une région dont deux provinces reçoivent de la péréquation et deux n'en reçoivent pas. Pour aujourd'hui, je m'en tiendrai à dire que la quête d'une équité toujours meilleure passe par un dialogue permanent. Il faut s'assurer tous ensemble que les programmes administrés par le gouvernement du Canada et qui s'adressent directement aux Canadiens sont basés sur les critères les plus objectifs possibles et qu'ils reflètent les besoins des Canadiens dans toutes les régions du pays. Et il faut se rapprocher toujours davantage de cet idéal où toutes nos provinces et nos trois territoires pourront offrir des services de qualité comparable à leur population.

          Mais j'aimerais conclure sur un autre aspect de la question de l'Ouest, dont je n'ai pas suffisamment traité. Il s'agit de la notion de respect. Dans sa lettre ouverte au Premier ministre que j'ai déjà citée, Roger Gibbins place cette notion de respect au cœur du problème :

          En termes simples, le cœur du problème n'est pas une question de politiques publiques ou d'argent; il s'agit plutôt d'un manque de respect. [traduction libre]

          Ce sentiment d'être insuffisamment respecté me préoccupe beaucoup. Car, s'il y a une chose qui soit digne de respect, c'est bien cette extraordinaire aventure humaine qu'est l'Ouest canadien.

          Il y a exactement dix ans j'étais chercheur invité au Centre canadien de gestion, à Ottawa. Je n'oublierai jamais ces conversations que j'ai eues avec mon voisin de bureau, un monsieur fort distingué, qui s'appelait Al Johnson. Il s'agissait de l'un des plus grands commis de l'État de l'histoire de notre pays. Il a été le leader de ce groupe de fonctionnaires influents qui, après avoir tant accompli dans votre province, sont allés aider le gouvernement fédéral à se moderniser durant les années soixante. On les a appelés la Saskatchewan Mafia. Le Canada doit beaucoup à votre province, la pionnière de notre système de santé, la première à s'être dotée d'une charte des droits. Elle a peut-être été sa province la plus inventive.(8)

          Si vous avez le sentiment qu'on vous manque de respect, c'est là un problème grave dont il faut parler. Car la dernière chose que je voudrais, c'est que vous doutiez de la grande fierté que ressent un Québécois d'avoir la Saskatchewan et l'Ouest canadien comme faisant partie de son pays.

 

1. André Blais, Neil Nevitte, Elisabeth Gidengil et Richard Nadeau. « Un clivage régional », La Presse, le 16 décembre 2000, p. A18.

2. David Laycock. Populism and Democratic Thought in the Canadian Prairies, Toronto, University of Toronto Press, 1990, 369 pages.

3. Tom Flanagan. « From Riel to Reform: Understanding Western Canada ». Document de travail présenté au Fourth Annual Seagram Lecture, McGill Institute for the Study of Canada, le 26 octobre 1999.

4. Matthew Mendelsohn. « Introducing Deliberative Direct Democracy in Canada: Learning from the American Experience », American Review of Canadian Studies, 26 (3), p. 455, cité dans Lisa Young. « Le choc des valeurs : Le Parlement et les citoyens après 150 ans de gouvernement responsable au Canada », Le point sur 150 ans de gouvernement responsable au Canada, Ottawa, Groupe canadien d'étude des questions parlementaires, 1999, p. 136.

5. Louis Massicotte. « Parliament: The Show Goes On, But the Public Seems Bored », Canadian Politics, 2e éd., Peterborough (Ontario), Broadview Press, 1994, p. 328-343.

6. Jonathan Boston. « Institutional Change in a Small Democracy: New Zealand's Experience of Electoral Reform », texte révisé d'une allocution prononcée lors de la conférence « Le régime parlementaire et le nouveau millénaire : continuité et changement dans les systèmes d'origine britannique », Groupe canadien d'étude des questions parlementaires, 10 et 11 juin 2000, p. 43.

7. André Blais, loc. cit.

8. Dale H. Poel. « The Diffusion of Legislation Among the Canadian Provinces: A Statistical Analysis », Revue canadienne de science politique, IX, no. 4, décembre 1976, p. 605-626.

 


Graphique 1 : Priorités quant à l'utilisation des surplus

 

Vous savez probablement que le gouvernement du Canada prévoit un surplus budgétaire au cours des prochaines années. Comment préféreriez-vous que le gouvernement du Canada utilise ce surplus ? Est-ce le gouvernement du Canada devrait ...?

Graphique : Priorités quant à l'utilisation des surplus

Source : Ekos, Sondage de l'élection fédérale-1, octobre 2000 (2 265 répondants)

 

Graphique 2 : Préférence entre baisser les impôts et réduire les dépenses fédérales

 

Ceux qui sont d'accord avec l'énoncéGraphique : Préférence entre baisser les impôts et réduire les dépenses fédérales

Source : a) Ekos-Toronto Star, juin 2000 (1 200 répondants)

b) Ekos, Repenser le gouvernement 2000-3, juillet 2000 (1 505 répondants)


Graphique 3 : Attitudes à l'égard de l'immigration et des minorités visibles

  • À votre avis est-ce qu'il y a un trop grand nombre, trop peu ou juste assez d'immigrants venant au Canada ?
  • En ne tenant pas compte du nombre total d'immigrants venant au Canada, de ceux qui y viennent effectivement, diriez-vous qu'il y a trop, pas assez ou juste assez de ceux qui sont des minorités visibles ?
  • Est-ce que le fait d'accepter des immigrants de plusieurs cultures différentes rend notre culture plus forte ou plus faible ?
Graphique : Attitudes à l'égard de l'immigration et des minorités visibles

Source : a) et b) Ekos, Repenser le gouvernement 2001-1 (décembre 1999), 2000-2 (avril 2000) et 2001-1 (janvier 2001); Ekos-Toronto Star, juin 2000 (7 353 répondants; moyenne des quatre sondages)

c) Ekos, Repenser le gouvernement 2000-2 (avril 2000) et Ekos-Toronto Star, juin 2000 (2 705 répondants; moyenne des deux sondages)


Graphique 4 : Attitude sur les questions morales

 

Ceux d'accord avec l'énoncé

Graphique : Attitude sur les questions morales

Source : a) Environic, Focus Canada 2000-2 (2 020 répondants); b) et c) Ekos-Toronto Star, juin 2000 (1 200 répondants)


Graphique 5 : Changements au Sénat

D'après vous, est-ce que le Sénat canadien devrait être... ?

Graphique : Changements au Sénat

Source : Environics/CROP pour le compte du Centre de recherche et d'information sur le Canada, moyenne des sondages de septembre 1999 et octobre 2000 (4 000 répondants; moyenne des deux sondages)

 

 

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Mise à jour : 2001-03-06  Avis importants