« Renforcer la dualité linguistique au bénéfice
de tous les Canadiens »
Notes pour une allocution
de l’honorable Stéphane Dion
Président du Conseil privé et
ministre des Affaires intergouvernementales
Discours prononcé dans le cadre de la 27e
assemblée
générale annuelle de la Fédération des communautés
francophones et acadienne du Canada
Whitehorse (Yukon)
le 22 juin 2002
L'allocution prononcée fait foi
Dans le discours du Trône de janvier 2001, le Premier ministre du Canada, le
très honorable Jean Chrétien, a pris l’engagement formel de faire de la
promotion de la dualité linguistique canadienne l’une des priorités de son
mandat. Le 25 avril 2001, il m’a demandé de coordonner la politique des
langues officielles du gouvernement, de présider un groupe de référence de
ministres sur cette question et, dans les mots du Premier ministre, « d’envisager
de nouvelles mesures énergiques pour continuer d’assurer l’épanouissement
des collectivités de langue officielle en situation minoritaire »1.
Ces mesures énergiques doivent aussi faire en sorte « que les langues
officielles du Canada soient mieux reflétées dans la culture de la fonction
publique fédérale »2.
Après une année de consultations et de dialogue avec vous, membres actifs
de différentes communautés francophones, j’ai l’honneur d’être votre
invité aujourd’hui, ici, à Whitehorse, à l’Assemblée générale annuelle
de la Fédération des communautés francophones et acadienne. C’est pour moi
l’occasion de vous dire à quel point il est important que le plan d’action
que le gouvernement du Canada prépare s’inspire des grandes orientations que
vous nous avez communiquées, vous comme vos partenaires des communautés
anglophones du Québec. Ce plan d’action, que je devrais être en mesure de
dévoiler dès cet automne, donnera un nouvel élan à notre politique des
langues officielles à un moment crucial pour la dualité linguistique
canadienne.
Après avoir dressé le bilan de cette année de consultations, j’indiquerai
l’orientation générale du plan d’action en préparation. Celui-ci sera
élaboré suivant trois axes : l’éducation, le développement
communautaire et la fonction publique fédérale.
Forts de cet échange que nous aurons aujourd’hui, et dont je compte pour
ma part profiter au maximum, vous pourrez, au cours des prochaines semaines et
des prochains mois, continuer à me communiquer, ainsi qu’à mes collègues et
au Premier ministre, toutes vos idées en vue de concevoir un plan d’action
qui soit le plus efficace et le plus réaliste possible et qui témoigne de
notre volonté d’agir de façon responsable.
1. Une année de consultations
Il y a un an, quand le Premier ministre m’a demandé de préparer ce plan d’action,
j’ai senti s’exercer une forte pression pour l’annoncer au plus tôt.
Cependant, cette pression pour une action hâtive ne venait ni du Premier
ministre ni des communautés comme telles. Elle émanait de certains milieux
politiques et médiatiques. Vous, leaders d’expérience, m’avez incité à
bien vous écouter. Vous avez demandé qu’on vous donne le temps de préparer
de solides dossiers afin de mieux guider le gouvernement dans ses réflexions.
C’est ainsi qu’au fil des mois, mes collègues et moi-même avons reçu
de votre part quantité de renseignements, de documents de réflexion et d’analyses
qui nous seront d’une aide inestimable. Ces informations ont été transmises
par différentes voies : les rencontres avec vous et les membres de vos
communautés, la lecture des documents que vous nous avez fait parvenir, ou
encore vos témoignages devant le Comité mixte permanent des langues
officielles coprésidé par l’infatigable Mauril Bélanger et ma
collègue de Saint-Laurent-Cartierville, Mme le sénateur
Shirley Maheu. J’ai aussi personnellement beaucoup profité de mes
entretiens avec des députés et des sénateurs. J’ai discuté avec plusieurs
universitaires. J’ai eu de fructueux échanges avec mes homologues
provinciaux. Nous avons beaucoup débattu ces questions entre ministres,
notamment au sein du Groupe de référence ministériel sur les langues
officielles. Les sous-ministres en ont fait autant au sein de leur propre
comité.
Ces consultations intenses étaient nécessaires, car ce n’est pas une
mince tâche que d’identifier l’approche générale la plus apte à
répondre aux besoins particuliers des différentes communautés. La situation
des anglophones du Québec est sur plusieurs plans différente de la vôtre. Par
exemple, les francophones du Québec sont majoritaires dans leur province, mais
minoritaires au Canada. Ceux du Nouveau-Brunswick constituent un tiers de la
population de leur province alors qu’ailleurs, les francophones comptent pour
moins de 6 % de la population. Les Franco-Manitobains bénéficient d’une
concentration de population que l’on ne retrouve pas dans les autres provinces
de l’Ouest. La situation des francophones dans la région d’Ottawa est
différente de ceux du nord de l’Ontario. La communauté francophone du Yukon
qui nous accueille aujourd’hui en aurait long à dire sur les enjeux qui lui
sont propres.
La plus substantielle de vos contributions à ce processus de consultations
est peut-être contenue dans le document préparé par votre fédération,
intitulé Des communautés en action, que vous m’avez soumis le mois
dernier. Aurais-je voulu agir trop vite que j’aurais privé le gouvernement
des analyses que contient ce document. Je tiens à vous remercier, et en
particulier votre président, M. Georges Arès, pour tous les efforts que
vous déployez afin d’aider le gouvernement du Canada à élaborer le plan d’action
le plus judicieux qui soit.
À la lecture de votre document, il est frappant de constater à quel point
vous insistez sur la mise en place d’un cadre d’imputabilité. Je tiens à
confirmer aujourd’hui que vous nous avez convaincus : le plan d’action
du gouvernement comportera effectivement un cadre d’imputabilité qui
rappellera de façon constante aux ministres et aux fonctionnaires que la
dualité linguistique est une priorité. Sans vous dire aujourd’hui la forme
exacte qu’il prendra, je vous en tracerai tout de même les contours plus tard
dans ce discours.
Votre document Des communautés en action propose également une
démarche pour chacun des neuf secteurs identifiés comme étant prioritaires
pour vos communautés : l’éducation, les arts et la culture, le
développement économique et l’employabilité, le développement
communautaire, la santé, la justice, les communications, l’immigration et la
francophonie internationale.
Je tiens à vous dire que le plan d’action du gouvernement comportera aussi
des mesures de renforcement dans ces secteurs. Je préciserai dans un moment
certaines de ces mesures.
Tout ce travail de réflexion s’est déjà traduit par des gestes concrets.
Le gouvernement a été très actif sur le plan des langues officielles depuis
un an. Stimulé par le discours du Trône de janvier 2001, par la création du
Groupe de référence ministériel sur les langues officielles, par le travail
du Comité mixte permanent des langues officielles, par les observations
régulières de la Commissaire aux langues officielles, Mme Dyane Adam,
et notamment par son document Cadre stratégique du gouvernement sur les
langues officielles, et constamment aiguillonné par l’intensification du
dialogue avec vous, le gouvernement a posé des bases solides sur lesquelles je
suis sûr que vous vous appuierez pour aller de l’avant.
Je rappelle tout ce que la ministre du Patrimoine canadien, l’honorable
Sheila Copps, a ajouté, depuis un an, à ce que son ministère faisait
déjà. C’est impressionnant :
- une subvention supplémentaire de 15 millions de dollars répartie sur 3
ans pour les échanges linguistiques;
- une aide financière de 2,5 millions de dollars à la ville d’Ottawa
afin de promouvoir l’offre active de services bilingues;
- une aide financière de 1 million de dollars au gouvernement du
Nouveau-Brunswick afin qu’il puisse traduire les arrêtés municipaux et
aider les municipalités à offrir des services dans les deux langues
officielles;
- l’annonce de la reconduction et de l’élargissement de l’entente
multipartite sur la culture, entre le gouvernement du Canada et la
Fédération culturelle canadienne-française;
- le lancement de l’initiative Jeunesse francophone et l’avenir des
communautés assortie d’une subvention de 3,5 millions de dollars,
initiative visant à aider vos jeunes à mieux participer à la vie de vos
communautés;
- neuf nouvelles ententes conclues en 2001-2002 dans le cadre du Partenariat
interministériel avec les communautés de langue officielle (PICLO), le
ministère du Patrimoine canadien y ayant investi 5,4 millions de dollars
auxquels ont été ajoutés 9,9 millions de dollars puisés dans
les autres ministères et divers organismes, ce qui montre bien que le PICLO
aide efficacement les ministères et les organismes fédéraux à mieux
coordonner leur action au bénéfice de vos communautés;
- et, en mars 2001, une subvention de 750 000 $ au Centre de la
francophonie, ici à Whitehorse, pour contribuer au rayonnement de la
présence culturelle francophone dans le Nord.
Voilà des aides ciblées qui vous donneront les coups de pouce nécessaires.
Encore n’ai-je mentionné là que les initiatives de Mme Copps qui
vous touchent directement. Pour rendre pleinement compte de l’action de cette
dernière, il faudrait énumérer toutes les retombées positives que vos
communautés retirent de son engagement dynamique et indéfectible dans le
domaine des arts et de la culture. Je tiens à souligner ici, en tant que
Québécois, que dans ma province, le gouvernement fédéral dépense plus pour
la culture que le gouvernement provincial et les municipalités réunis. Cela
aussi contribue à la cause du français et de la dualité linguistique
canadienne.
Il y aurait beaucoup à dire aussi sur la détermination dont a fait preuve
la présidente du Conseil du Trésor, l’honorable Lucienne Robillard. Je m’en
tiendrai à souligner les deux initiatives les plus marquantes à mon avis,
lancées en réponse à des demandes précises de votre part :
- la nouvelle Politique sur les différents modes de prestation de services
qui obligera les institutions fédérales à considérer leur impact sur les
langues officielles et à consulter les communautés lorsque des changements
dans la façon d’offrir les services pourraient avoir un effet sur le
développement des communautés.
- la nouvelle Politique de communications du gouvernement du Canada selon
laquelle les institutions fédérales sont tenues d’investir dans des
espaces publicitaires dans les médias qui desservent les milieux
minoritaires.
Quant à ma collègue l’honorable Jane Stewart, elle a accordé 24
millions de dollars répartis sur deux ans pour la reconduction de l’entente
des deux comités nationaux de développement des ressources humaines pour les
communautés de langue officielle. Le ministre de l’Industrie, l’honorable
Allan Rock, a injecté 4 millions de dollars dans Francommunautés
virtuelles, un programme qui, depuis sa création en 1998, facilite l’accès
à l’Internet des collectivités francophones et acadiennes de tout le pays.
Je veux aussi souligner l’action de mes deux collègues qui se sont
succédé au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, l’honorable
Elinor Caplan et l’honorable Denis Coderre. Ils ont renforcé l’importance
de la dualité linguistique dans la nouvelle Loi sur l’immigration et la
protection des réfugiés et la réglementation afférente et ils ont créé
un comité consultatif pour les communautés francophones et acadiennes.
Et je n’insisterai jamais assez sur l’appui devant les tribunaux de l’honorable
Anne McLellan, alors procureure générale du Canada à la communauté
franco-ontarienne pour empêcher la fermeture de l’hôpital Montfort.
Une autre mesure prise par le gouvernement du Canada au cours de la dernière
année revêt une importance particulière à mes yeux. Je pense à la
subvention de 10 millions de dollars pour la mise sur pied d’un institut de
recherche sur les minorités linguistiques à l’Université de Moncton. Tout
comme la Loi sur les langues officielles a été le résultat d’un
vaste effort de recherche, mené dans le cadre de la Commission royale d’enquête
sur le bilinguisme et le biculturalisme au cours des années 1960, il faut que
le renforcement de la dualité linguistique au début du XXIe siècle
soit guidé par les meilleures recherches dans le domaine.
Ainsi, vous pouvez constater que le gouvernement fédéral est déjà plongé
dans l’action et qu’il est déterminé à en faire encore davantage. Et il
veut le faire avec vous, de façon sérieuse, réaliste et responsable. Ce n’est
pas toujours facile, car on sait à quel point les besoins sont criants et les
attentes élevées dans bien des domaines. Mais rien ne sera possible sans une
approche responsable et réaliste. Le Canada défraie encore les coûts des
énormes déficits qu’il a accumulés jusqu’au milieu des années 1990. Sous
le leadership de Jean Chrétien, nous avons pu remettre de l’ordre dans
nos finances publiques. Le Premier ministre est déterminé à ce que jamais
plus notre qualité de vie soit menacée par la spirale de l’endettement. Il
veut vous aider davantage, vous n’avez pas de meilleur allié que lui, mais il
le fera à sa façon, étape par étape, par des politiques et des
investissements raisonnables qui donneront le maximum de résultats.
Je crois possible, à travers notre dialogue, de fournir au Premier ministre
les gages de responsabilités qui sont pour lui les conditions mêmes de la
bonne gouvernance. J’en veux pour preuve les immenses progrès que nous avons
faits ensemble en vue de la mise en place de nouvelles initiatives dans un
domaine que vos communautés considèrent comme névralgique, celui de la
santé. Je ne surprendrai personne si je dis que les premières discussions et
les attentes qui en ont découlé ont été perçues comme étant plutôt
irréalistes par le gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux.
Mais plutôt que de vous décourager, vous avez poursuivi un dialogue positif,
de sorte que les recommandations du Comité consultatif des communautés
francophones en situation minoritaire s’inscrivent maintenant dans un cadre
financier réaliste qui en font une source d’inspiration valable pour le
gouvernement. J’aimerais en remercier le coprésident,
M. Hubert Gauthier, et tous les membres du comité.
Un tel dialogue responsable est essentiel au succès du plan d’action dont
je vais dès maintenant esquisser les trois grands axes. Le premier est l’éducation,
car c’est par elle, surtout, que se transmet la langue de génération en
génération. Le second est la vie communautaire, car une langue ne peut s’épanouir
si elle n’est pratiquée qu’à l’école. Le troisième est la fonction
publique fédérale, car le gouvernement du Canada ne peut exercer un leadership
que s’il se montre lui-même exemplaire.
2. L’éducation
L’objectif du gouvernement du Canada est le même que celui des parents,
des conseillers scolaires, des éducateurs et des leaders des
communautés : maximiser les chances de transmission de la langue de
génération en génération. Nous pouvons maintenant nous appuyer sur un
réseau d’écoles et de commissions scolaires presque inexistant il y a
quelques décennies. Ce réseau vous est garanti par vos droits constitutionnels
contenus dans la Loi constitutionnelle de 1982, mais son dynamisme
et son développement dépendent de vous et des gouvernements.
Un des objectifs clés est certainement d’augmenter la proportion des
étudiants admissibles des communautés minoritaires inscrits dans des écoles
françaises. Cette proportion est passée de 45 % en 1986 à 54 %
en 1996. La progression ne continuera que si, grâce à un partenariat
accru avec les provinces et les territoires, et dans le plein respect de leurs
compétences constitutionnelles, quatre cibles sont atteintes :
i) L’aide dès la petite enfance
L’éducation ou l’acculturation, cela se décide souvent avant l’âge
scolaire. À ceux qui en douteraient, je recommande la lecture du Plan
national d’appui à la petite enfance, qui m’a été présenté par la
Commission nationale des parents francophones. La nécessité d’agir dès la
petite enfance est démontrée dans ce mémoire. Il résume l’essentiel de
la question en ces termes : « La naissance d’un enfant,
surtout le premier, est pour les parents le moment de choix déterminants à
long terme sur la vie de famille. Entre autres, sur l’insertion dans une
communauté. En milieu minoritaire, c’est le moment ou jamais de leur offrir
activement de l’appui et des services en français. »3
Dans cette optique, mes collègues Mmes Stewart et Copps sont
déterminées à travailler avec leurs homologues provinciaux pour trouver les
meilleures façons d’appuyer les communautés. On pourrait, par
exemple :
- encourager les provinces et les territoires à donner une priorité plus
grande aux minorités francophones dans le cadre des ententes de
développement de la petite enfance, conformément au principe endossé
par les Premiers ministres en septembre 2000;
- affecter de nouveaux fonds expressément aux communautés minoritaires
de langue officielle, par exemple pour le développement de matériel
didactique adapté aux besoins des tout-petits;
- appuyer les activités communautaires de sensibilisation des familles
exogames à la richesse que représente leur double héritage
linguistique, ce qui résulterait en un plus grand nombre d’enfants
admissibles (ayants droit) fréquentant les écoles francophones;
- explorer la possibilité d’utiliser, aux fins de la petite enfance,
les ententes fédérales-provinciales-territoriales sur les services à la
minorité.
C’est d’ailleurs dans le cadre de ce programme que j’ai l’honneur
et le plaisir d’annoncer au nom de la ministre du Patrimoine canadien, l’honorable
Sheila Copps, une subvention de 145 000 $ pour l’agrandissement de
la Garderie du Petit cheval blanc, ici à Whitehorse, juste à côté de la
très belle école Émilie-Tremblay. Les autres partenaires incluent le
gouvernement du Yukon qui versera 20 000 $, l’Association
franco-yukonnaise et le Conseil scolaire francophone qui contribueront chacun
5 000 $.
ii) La proximité des écoles
Il est compréhensible que des parents aient tendance à inscrire leurs
enfants à une école anglaise si l’école française est trop éloignée. D’ailleurs,
la décision de la Cour suprême dans l’affaire Arsenault-Cameron en
janvier 2000 introduit une forme de droit à la proximité. La Cour a statué
que lorsque le nombre d’enfants visés par l’article 23 de la Charte
canadienne des droits et libertés dans une région donnée justifie la
prestation de l’enseignement dans la langue de la minorité, cet
enseignement doit être dispensé dans un établissement situé dans la
communauté où résident ces enfants.
Cette question nécessitera l’entière collaboration de tous les
partenaires – les gouvernements et les communautés.
iii) La qualité de l’enseignement dans la langue de la minorité
Je parle ici de l’enseignement, du matériel didactique et des activités
parascolaires. Nous pouvons rendre les écoles plus invitantes pour les
parents et les enfants.
Les résultats scolaires des élèves appartenant à des minorités
francophones aux examens comparatifs normalisés ont révélé invariablement
des lacunes en lecture et en écriture comparativement à la moyenne
pancanadienne. Ces résultats s’expliquent notamment par la prédominance de
l’anglais à la maison.
Si on n’améliore pas la qualité de l’enseignement dans les écoles en
milieu minoritaire, les parents auront moins tendance à y inscrire leurs
enfants. Mais d’un autre côté, si on améliore cette qualité et que les
écoles deviennent plus invitantes pour plus de parents, cela posera des
défis additionnels du point de vue de l’intégration de ces nouveaux
élèves dont plusieurs auront, a priori, une compréhension plutôt limitée
du français.
En effet, les élèves actuellement inscrits aux écoles françaises sont
en général des enfants dont les deux parents sont francophones ou des
enfants qui possèdent déjà une solide connaissance du français. Environ le
tiers des ayants droit disent ne pas maîtriser assez bien le français pour
soutenir une conversation4. Les écoles des
minorités francophones auront besoin de ressources supplémentaires pour
assurer l’intégration de ces élèves tout en améliorant la qualité de l’enseignement.
Mais encore faut-il que ces ressources soient entièrement consacrées à l’atteinte
des objectifs que nous nous fixerons.
Il ne sera pas facile d’améliorer la qualité de l’enseignement dans
les écoles en milieu minoritaire tout en accueillant plus d’ayants droit.
Il faudra bien pourtant réussir à concilier ces deux objectifs. Cela prendra
de l’imagination, des efforts et des ressources.
Ces mesures destinées aux écoles doivent venir compléter les initiatives
destinées à la petite enfance.
iv) La rétention des élèves dans le système scolaire francophone à
la fin du primaire et l’amélioration de l’accès à l’enseignement
postsecondaire en français
Les élèves et leurs parents sont davantage susceptibles de choisir le
système scolaire de la minorité francophone ou de demeurer dans le système
francophone s’ils ont la possibilité de poursuivre au niveau
postsecondaire. Par exemple, selon une étude publiée par le Commissariat aux
langues officielles en janvier 1999, plus de parents à Sudbury choisissent d’inscrire
leurs enfants à l’école française depuis l’ouverture du Collège
Boréal.
De plus, les établissements postsecondaires ont un effet catalyseur sur le
développement de l’économie locale et sur l’entrepreneuriat francophone.
C’est pourquoi le gouvernement appuie déjà bon nombre de tels
établissements. Ainsi, en janvier dernier, Mme Copps annonçait
8,1 millions de dollars supplémentaires destinés au financement des
collèges communautaires de langue française en Ontario.
Voilà quatre cibles que nous ne devons pas rater si nous voulons appuyer
la formation de nos jeunes de la petite enfance à l’université. Les
parents des enfants appartenant aux communautés minoritaires ou inscrits à
des programmes de langue seconde nous ont dit qu’ils voulaient que le
financement actuel et tout accroissement de ce financement aient un impact
réel dont les résultats se feraient sentir dans les salles de cours. Nous
partageons évidemment cet objectif et c’est dans cet esprit que nous
travaillerons étroitement avec nos partenaires provinciaux. Car rien n’est
possible en éducation sans les provinces.
Pour répondre à la demande de votre fédération de « permettre
aux élèves francophones, et donc aux écoles et aux conseils scolaires, d’être
mieux outillés afin d’assurer qu’ils reçoivent une éducation de
qualité égale à celles des élèves de la majorité ou, autrement dit, que
la notion de gestion scolaire soit basée sur l’équivalence des résultats »5,
nous entendons examiner avec nos homologues des provinces les façons de nous
entendre sur des mécanismes efficaces d’affectation des ressources.
Les ententes fédérales-provinciales-territoriales sont notre principal
levier dans ce domaine. Elles viennent à échéance en 2003 et doivent donc
faire l’objet de renégociations. Ma collègue, l’honorable Sheila Copps,
mènera ces négociations pour le gouvernement fédéral. Suivant une longue
tradition de collaboration avec les autres gouvernements, nous chercherons à
renforcer l’orientation du Programme des langues officielles dans l’enseignement
(PLOE) vers des résultats concrets, à partir d’objectifs fixés
conjointement et visant les communautés les plus directement concernées. Il
faudra non seulement travailler tous ensemble mais encore investir les
ressources nécessaires, et surtout nous entendre pour le faire là où nous
voulons des résultats.
Il faudra aussi déployer des efforts analogues pour l’apprentissage de la
langue seconde. Là aussi, il faut continuer sur notre lancée et ne rien tenir
pour acquis.
Dans son approche globale pour le développement des compétences au Canada,
approche soumise pour discussion en février 2002 dans le document Le savoir,
clé de notre avenir – Le perfectionnement des compétences au Canada, ma
collègue Jane Stewart propose comme l’un des objectifs pour le pays de
doubler le nombre de diplômés bilingues au niveau secondaire.
Cet objectif, bien qu’exigeant, m’apparaît réaliste. Cela nous a pris
moins de deux décennies pour doubler le pourcentage des jeunes anglophones hors
Québec âgés de 15 à 19 ans en mesure de maîtriser le français. Ils
étaient 16 % en 1996, alors qu’ils ne représentaient que 8 % en
19816. Pourquoi ne pas porter cette proportion
à 33 % en 2010 ? Actuellement, 24 % des jeunes diplômés canadiens
du secondaire connaissent les deux langues officielles. Pourquoi ne pas doubler
cette proportion et faire en sorte que la moitié de nos jeunes diplômés
soient en mesure de parler nos deux langues officielles en 2010 ?
L’atteinte de ces objectifs est à notre portée, mais cela ne se fera pas
tout seul. Nous aurons besoin de la pleine collaboration de tous, et en
particulier des gouvernements provinciaux.
Le taux d’inscription aux programmes d’apprentissage de la langue seconde
n’a pas augmenté depuis dix ans, qu’il s’agisse des programmes de base
dans l’une ou l’autre langue ou des programmes d’immersion en français.
Outre les réductions de financement effectuées au cours des dix dernières
années dans ce domaine, les lacunes dans le matériel didactique, l’absence
de ressources d’appoint, une pénurie d’enseignants qualifiés et des
programmes insuffisants ont nui à la qualité de l’enseignement des langues
secondes. Le problème croissant de la pénurie d’enseignants au Canada est
particulièrement marqué dans les secteurs spécialisés comme l’immersion en
français. La demande d’enseignants de langue seconde dépasse déjà l’offre.
Afin de remédier à cette situation, on pourrait envisager, de concert avec
nos partenaires provinciaux, une stratégie comprenant notamment la promotion
des carrières d’enseignement de langue seconde, des bourses d’études en
enseignement de langue seconde et l’expansion des programmes d’enseignement
spécialisés.
Pour parvenir à doubler le nombre d’étudiants bilingues comme nous
entendons le faire, il nous faudra :
- inciter un plus grand nombre d’étudiants à s’inscrire aux programmes
d’enseignement de la langue seconde;
- accroître le nombre d’enseignants à tous les niveaux, ainsi que leurs
compétences;
- améliorer la qualité de l’enseignement dans la langue seconde en
augmentant la disponibilité du matériel didactique, des ressources d’appoint
et des enseignants qualifiés;
- offrir aux diplômés du secondaire des occasions de mettre à profit
leurs compétences en langue seconde dans le cadre d’emplois d’été, de
programmes d’échange d’études et par un meilleur accès aux études
postsecondaires.
3. Le développement des communautés
Votre mémoire Des communautés en action fait état des progrès
importants dans les domaines des arts, de la culture et des communications et
constate que « dans l’ensemble, le secteur artistique et culturel
apparaît donc en assez bonne position aujourd’hui, même s’il reste
confronté à un certain nombre de difficultés chroniques. »7
Vous nous invitez à consolider ce secteur et il faudra en effet que le plan d’action
prévoie des mesures en ce sens. Car c’est grâce à la culture qu’une
langue s’épanouit.
Vous nous demandez aussi de vous aider à développer d’autres secteurs de
la vie communautaire. Sans en faire aujourd’hui une revue exhaustive,
permettez-moi de proposer quelques pistes de réflexion.
i) La santé
J’ai déjà souligné à quel point les besoins dans ce secteur ont été
bien décrits dans un rapport exhaustif présenté au ministre fédéral de la
Santé par le Comité consultatif des communautés francophones en situation
minoritaire.
Comme le Comité consultatif l’a souligné dans son rapport, plusieurs
études ont confirmé que la langue est un facteur clé dans l’efficacité de
certaines formes de soins. Aussi le Comité consultatif propose-t-il, entre
autres choses :
- de permettre la concertation de tous les intervenants en vue de la mise en
œuvre de stratégies d’amélioration de l’accessibilité des services;
- d’accroître le nombre d’infrastructures et de lieux d’accueil
offrant des services de santé dans la langue maternelle des communautés de
langue officielle desservies;
- d’augmenter le nombre de professionnels de la santé qui parlent la
langue des communautés de langue officielle desservies;
- et enfin, de tirer profit des outils technologiques.
Le rapport final du Comité consultatif des communautés anglophones en
situation minoritaire, coprésidé par M. Eric Maldoff, est encore à venir
mais nous prévoyons des constats similaires et des recommandations
concordantes.
La ministre de la Santé, l’honorable Anne McLellan,
étudie sérieusement les façons de répondre à ces préoccupations. Elle
tient à travailler de près avec vous et est pour cela particulièrement fière
de l’aide qu’elle a apportée à votre fédération pour la tenue du forum
« Santé en français », l’automne dernier à Moncton. Mme
McLellan peut d’ailleurs bâtir sur des acquis.
Depuis 1999, grâce à une subvention de 10 millions de dollars du ministère
du Patrimoine canadien, nous avons appuyé le Centre national de formation en
santé. Coordonné par l’Université d’Ottawa, ce projet-pilote faisait
appel à d’autres partenaires dont plusieurs institutions postsecondaires de
la francophonie canadienne. Il a entrepris la formation de 75 nouveaux
étudiants en sciences de la santé provenant des provinces autres que le
Québec et l’Ontario; il a créé une équipe pluridisciplinaire de
spécialistes qui animent un centre multimédia des ressources en formation
clinique à l’hôpital Montfort; il a suscité le développement de
ressources similaires à distance; et il a permis la formation à distance de
quelque 40 autres étudiants en sciences infirmières à travers le pays.
Ces partenariats ont déjà conduit à la mise en place d’un programme de
sciences infirmières au Collège universitaire de Saint-Boniface et à la mise
sur pied de stages cliniques et pratiques en région.
Je sais qu’un consortium de transition est actuellement en train de
planifier la deuxième phase de ce projet en vue d’en étendre les bénéfices
aux autres régions du pays. Nous trouvons encourageants ses efforts en vue d’accentuer
la portée nationale du projet. Le gouvernement examinera sérieusement la
demande du consortium.
Le plan d’action fera de la santé une priorité. Nous ferons des progrès
ensemble. Il me fait plaisir de vous en donner, aujourd’hui même, un exemple
additionnel. En effet, j’ai l’honneur de confirmer, au nom de ma collègue,
la ministre de la Santé, l’honorable Anne McLellan, l’investissement
imminent de 1,9 million de dollars afin de permettre, en 2002-2003, la
transition vers une phase de plein déploiement du réseautage, principale
priorité confirmée par le Comité consultatif. Ces ressources seront
affectées au maintien ou à la création de quelques réseaux, à la
réalisation d’études de faisabilité ainsi qu’à la création d’un
réseau national de coopération capable d’appuyer ces diverses initiatives.
ii) La justice
L’administration de la justice étant une responsabilité partagée, le
gouvernement du Canada doit, là encore, travailler en partenariat avec les
provinces et les territoires. Avec eux, nous avons déjà commencé à évaluer
la situation du point de vue de l’accès à la justice dans les deux langues
officielles, où que ce soit au Canada. Le ministère fédéral de la Justice a
en effet complété une étude, intitulée État des lieux, qui porte sur
l’accès aux services juridiques et judiciaires dans les deux langues
officielles. Cet État des lieux porte sur les domaines de compétence
fédérale (Code criminel, divorce et pensions alimentaires ainsi que faillite).
Il a été réalisé avec la collaboration des gouvernements provinciaux et
territoriaux de même que celle des juristes d’expression française
regroupés en sept associations provinciales. En fait, tout l’appareil
judiciaire a été mis à contribution, depuis le personnel de soutien
administratif jusqu’aux juges.
Cette étude d’envergure nationale avait pour objectifs de recueillir des
données quantitatives et qualitatives sur les services, de faire le relevé des
obstacles liés à leur prestation, d’inventorier des pistes de solutions
adaptées aux situations rencontrées, et enfin, de constituer un inventaire des
pratiques existantes ou envisagées.
Les résultats de l’étude devraient être rendus publics au cours de l’été.
Selon toute probabilité, ils mettront en évidence certains obstacles à l’accès
à la justice dans les deux langues officielles, dont :
- les coûts et les délais associés à la demande de services juridiques
en français;
- la difficulté de constituer un jury apte à entendre une cause en
français;
- et le nombre insuffisant de juges capables d’entendre une cause dans la
langue officielle de l’accusé.
L’État des lieux précise également des pistes de solution et fait
l’inventaire de mesures novatrices déjà mises en œuvre dans les provinces
et les territoires.
Je désire remercier tous ceux et celles qui ont contribué à cette
étude. Elle aidera beaucoup le ministre de la Justice, l’honorable Martin
Cauchon, ainsi que ses homologues, à élaborer des solutions novatrices,
pratiques et adaptées aux différentes circonstances. Certains ont même
avancé l’idée d’un fonds d’appui aux langues officielles qui offrirait
la souplesse nécessaire sans pour autant devenir une panacée. Ou encore, on
pourrait penser à mettre en place un guichet unique en matière de services
juridiques dans les deux langues officielles. Deux projets-pilotes sont d’ailleurs
en cours au Manitoba, l’un à Saint-Pierre-Jolys et l’autre à
Saint-Boniface.
iii) L’immigration
L’immigration aussi est un domaine de compétence partagée. Le
gouvernement fédéral contribue de façon importante aux investissements
consacrés à l’enseignement du français et de l’anglais aux enfants des
immigrants et aux autres services utilisés par les immigrants, comme les
programmes liés au marché du travail et à l’intégration à la communauté.
La Commissaire aux langues officielles, Mme Dyane Adam, a
contribué à faire reconnaître explicitement dans la Loi sur l’immigration
et la protection des réfugiés l’apport de l’immigration à l’épanouissement
des communautés de langue officielle en situation minoritaire. La nouvelle
réglementation entourant la sélection des immigrants accorde des points
supplémentaires à la connaissance de l’une ou l’autre langue officielle.
Le comité consultatif mis sur pied par l’honorable Denis Coderre,
ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, explore déjà des façons d’attirer
des nouveaux immigrants qui possèdent les compétences professionnelles et
linguistiques nécessaires pour contribuer à l’essor du pays. Le comité
réfléchit aux façons d’aider ces nouveaux immigrants à prendre contact
avec vos communautés et éventuellement à s’y intégrer.
iv) Le développement économique
Le ministre de l’Industrie, l’honorable Allan Rock, est tout à fait
conscient de l’importance de nos deux langues officielles pour le
développement économique de notre pays. Il veut travailler de près avec vous
comme avec les communautés anglophones du Québec. Il tient à ce que les
programmes de son ministère soient plus accessibles aux communautés de langue
officielle en situation minoritaire. À cette fin, il vient d’amorcer l’examen
des initiatives de son ministère et des organismes s’y rapportant. M. Rock
peut compter sur le plein appui des quatre secrétaires d’État responsables
du développement économique régional, soit l'honorable Stephen Owen,
Diversification de l'économie de l'Ouest canadien; l'honorable
Gerry Byrne, Agence de promotion économique du Canada atlantique;
l'honorable Andy Mitchell, Initiative fédérale de développement
économique dans le nord de l'Ontario; et l'honorable Claude Drouin,
Développement économique du Canada pour les régions du Québec.
De plus, dans le cadre de l’objectif que s’est donné le gouvernement d’être
le pays le plus « branché » au monde d’ici 2005, M. Rock va
se pencher tout particulièrement sur l’accès à l’Internet dans les
régions rurales et éloignées. Cela concerne évidemment plusieurs de vos
communautés.
M. Rock porte aussi un grand intérêt aux industries de la langue. Nous
avons développé au fil des ans l’une des industries les plus compétitives
au monde dans ce domaine. Pensons à la compétence de nos traducteurs, de nos
interprètes, des terminologues et des autres spécialistes reconnus à la
grandeur du pays et au-delà de nos frontières. Mais il faut maintenir toute l’efficacité
de notre industrie de la langue et assurer une relève d’une qualité
maximale. Le gouvernement du Canada est déterminé à jouer son rôle à cette
fin.
Le plan d’action traitera à fond de ces questions. Je vous invite aussi à
communiquer vos idées sur ces sujets à mon collègue, M. Rock, notamment
lors des consultations qu’il mène à travers le pays afin de déterminer la
meilleure stratégie d’innovation possible pour le Canada.
4. Une fonction publique exemplaire
Au cours des 30 dernières années, le gouvernement du Canada a investi
pour créer une fonction publique fédérale bilingue, offrir des possibilités
d’emploi aux deux groupes linguistiques et servir les Canadiens dans la langue
officielle de leur choix.
Aujourd’hui à 31 %, le taux de participation des francophones est
plus élevé que leur représentation dans la population canadienne, qui elle,
est de 25 %. Par contre, les anglophones sont sous-représentés dans la
fonction publique fédérale au Québec : 7 % alors qu’ils
constituent 13 % de la population. Mme Robillard est
préoccupée par ce problème. Le Secrétariat du Conseil du Trésor et la
Commission de la fonction publique travaillent en étroite collaboration pour
favoriser le recrutement et assurer une meilleure intégration des anglophones
au milieu de travail tout en protégeant leurs droits linguistiques. Le Quebec
Community Groups Network est consulté et le Conseil des hauts fonctionnaires du
Québec suit attentivement la situation.
La capacité linguistique de la fonction publique fédérale s’est
améliorée depuis 30 ans mais il reste beaucoup à faire. À l’heure
actuelle, près de 37 % des postes sont désignés bilingues, mais
seulement 82 % des personnes qui les occupent sont réellement bilingues.
Malgré la proportion importante de francophones dans la fonction publique,
le français est sous-utilisé comme langue de travail, en particulier dans les
institutions à vocation scientifique et technologique ainsi que dans celles
assurant l’application des lois. De plus, contrairement à la politique, les
administrations centrales communiquent trop souvent en anglais avec les bureaux
situés au Québec.
Durant les années 1990, les services offerts au public dans la langue
officielle minoritaire sont restés stables ou ont décliné, comme l’ont
révélé les rapports de la Commissaire aux langues officielles. Il faut dire
que les ressources à l’appui des programmes de langues officielles au
gouvernement ont été réduites considérablement. Ces compressions n’ont
certes pas renforcé le message aux fonctionnaires que les langues officielles
constituent une priorité. Elles ont aussi nui au partage de l’information et
à la formation pertinentes. Conséquemment, l’ignorance et l’information
erronée concernant les droits et les responsabilités en matière de langues
officielles sont aujourd’hui très répandues.
Un changement durable, y compris un meilleur service au public et une plus
grande utilisation du français comme langue de travail, ne sera possible que si
la culture d’ensemble de la fonction publique change à l’égard de la
langue. Aussi le Secrétariat du Conseil du Trésor mène-t-il présentement une
étude sur les attitudes des fonctionnaires face à la langue, afin de mieux
orienter ses programmes d’information et de communication.
Il importe d’autant plus d’agir maintenant sur la culture de la fonction
publique que celle-ci va connaître un roulement de personnel élevé au cours
des cinq à dix prochaines années. C’est là une occasion en or de renforcer
les compétences linguistiques de la fonction publique. Il faudra multiplier les
efforts pour recruter des employés bilingues et favoriser l’acquisition des
compétences linguistiques en début de carrière. De plus, des efforts seront
déployés pour maintenir un taux de bilinguisme élevé dans la catégorie de
la gestion.
Non seulement la fonction publique se renouvelle-t-elle, mais ses façons de
travailler sont aussi en profonde mutation. L’Internet et les initiatives
comme Gouvernement en direct (GED) et Service Canada ont
transformé la prestation des services aux Canadiens, avec les répercussions
que l’on imagine sur la langue de travail et de communication au public. GED a
accru la demande de traduction d’énormes quantités de documents. Avec l’Internet,
le lieu géographique d’un bureau ne constitue plus un critère aussi
déterminant, l’information gouvernementale devenant accessible à tous en un
même lieu virtuel. Il importe que cette information soit disponible dans la
langue de l’utilisateur potentiel.
Mme Robillard a accueilli avec ouverture le rapport que la
Commissaire aux langues officielles a rendu public le 13 juin dernier sur ces
sujets, qu’il s’agisse de numérisation des documents, de publication en
ligne ou de communication directe avec le public.
Vous pouvez le constater, la présidente du Conseil du Trésor est
déterminée à s’inspirer des meilleures pratiques pour renforcer le
bilinguisme à tous les niveaux de notre fonction publique, à commencer par le
sommet. Le nouveau greffier du Conseil privé, M. Alex Himelfarb, a
fait des langues officielles une priorité stratégique de gestion et, pour une
deuxième année consécutive, le rendement des cadres supérieurs pourra être
évalué en fonction des résultats qu’ils auront atteints dans ce domaine
dans leur ministère.
Mme Robillard a communiqué clairement son intention de redonner
la priorité aux langues officielles. Elle a fait preuve d’un leadership
remarquable et aura besoin de ressources supplémentaires pour transformer ce
message en action dans l’ensemble de la fonction publique. Nous voulons l’excellence
dans notre fonction publique. Nous exigeons d’avoir une fonction publique qui
respecte les langues officielles et qui serve vraiment les Canadiens dans la
langue officielle de leur choix. Nous voulons une fonction publique à la mesure
de notre vision de l’avenir du Canada.
À cette fin, comme vous l’a décrit hier la secrétaire adjointe
responsable des langues officielles au Secrétariat du Conseil du Trésor, Mme Diana Monnet,
des mesures spécifiques toucheront la formation, la modernisation, le
gouvernement en direct et les industries de la langue.
En fait, ce n’est pas seulement la fonction publique, mais tout le
gouvernement, y compris les ministres, qui doit être toujours conscient de l’importance
de la dualité linguistique. C’est d’ailleurs ce que prévoit la partie VII
de la Loi sur les langues officielles, laquelle, comme vous le savez,
définit un engagement politique fondamental. Cet engagement politique convie le
gouvernement du Canada à faire en sorte que tous ses programmes et toutes ses
politiques soient élaborés et mis en œuvre en tenant compte des besoins
particuliers des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Nous sommes très conscients de vos préoccupations à l’égard de la mise
en œuvre de la partie VII. Nous reconnaissons que le plein potentiel de l’article
41 n’a pas encore été réalisé, en dépit des mesures importantes qui ont
été prises à ce jour.
La progression vers une plus grande transparence et une participation accrue
des citoyens s’inscrit dans le vaste programme de gestion du gouvernement. En
mars 2000, Mme Robillard a présenté au Parlement un document
intitulé Des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes : Un
cadre de gestion pour le gouvernement du Canada. Nous y avons pris, entre
autres, l’engagement de mettre les citoyens au cœur de nos préoccupations au
moment de concevoir, de mettre en œuvre et d’évaluer nos activités.
Le gouvernement, par l’entremise de différents ministères, a établi
plusieurs mécanismes destinés à associer vos communautés à l’élaboration
de politiques dans des secteurs clés comme la santé, l’immigration et le
développement des ressources humaines. Je crois comprendre que Mme Eileen Sarkar
vous décrira cet après-midi les moyens envisagés au ministère du Patrimoine
canadien pour accroître la concertation entre les communautés et le
gouvernement. Je suis certain que vous l’écouterez avec intérêt.
Au cours de l’année qui vient de s’écouler, j’ai travaillé avec mes
collègues du Cabinet à accroître notre capacité de travailler avec les
communautés. Les discussions se poursuivent sur les différentes façons d’améliorer
l’imputabilité des ministères et des hauts fonctionnaires à ce chapitre.
Comme je l’ai déjà dit, nous travaillons à la mise en place d’un tel
cadre d’imputabilité dont les objectifs seraient :
- de sensibiliser les institutions fédérales et les fonctionnaires aux
besoins des communautés minoritaires de langue officielle et aux
obligations qu’ils ont envers celles-ci, en vertu de la loi;
- de tenir compte de la promotion et de l’épanouissement des minorités
linguistiques dès les étapes initiales de l’élaboration et de l’application
des lois, des politiques et des programmes plutôt que d’attendre à la
fin du processus;
- de mieux informer et consulter les communautés minoritaires de langue
officielle sur les programmes et les activités du gouvernement du Canada
devant favoriser leur épanouissement et leur croissance.
Cela m’amène à parler de la fameuse « diligence
raisonnable ». Dans le cadre de mes consultations, il n’est pas une
seule communauté où je n’ai entendu des plaintes au sujet des nouvelles
règles de diligence raisonnable établies par le gouvernement, notamment à l’égard
du Programme d’appui aux communautés de langue officielle, qui assure un
financement au réseau de 350 groupes communautaires.
Nous sommes conscients du fardeau qu’une administration tatillonne
imposerait à des groupes obligés de fournir les mêmes informations
détaillées à différents ministères ou agences. Mais d’un autre côté,
des contrôles sont nécessaires pour que les programmes dont vous bénéficiez
ne soient pas entachés par les problèmes de gestion qui ont mis en cause d’autres
programmes fédéraux ces dernières années. Nous voulons rechercher avec vous
et les ministères l’équilibre entre la nécessité de justifier l’allocation
des fonds publics et votre capacité de vous conformer aux exigences
administratives qui en découlent.
Conclusion
Je vous ai parlé des consultations en vue d’élaborer un nouveau plan d’action,
des mesures déjà prises et de l’orientation générale de ce plan d’action
en préparation. Il me reste à répondre à une question en conclusion :
au fait, pourquoi un plan d’action ? Pourquoi réinvestir dans la
dualité linguistique canadienne ?
La réponse à cette question, c’est encore vous qui l’avez fourni de la
façon la plus claire. Je fais référence au document intitulé Agrandir l’espace
francophone au Manitoba émis par la Société franco-manitobaine en octobre
2001. On y lit que « pour occuper un plus grand espace démographique,
social, culturel et économique, la communauté franco-manitobaine entend
insérer le projet francophone dans le projet social de la province dans son
ensemble. »8
Ce qui est valable pour le Manitoba l’est aussi pour l’ensemble du
Canada : il faut insérer la dualité linguistique dans le projet social du
Canada dans son ensemble.
Si on porte notre regard au-delà du Canada, on constate que l’humanité
entière est à un point tournant en ce qui a trait à la question des langues.
Du fait de l’explosion des communications, les échanges se font de plus en
plus intenses entre les cultures. Rares sont celles qui sont encore à l’abri
des contacts avec les autres. Ce choc des cultures amène deux pressions
contradictoires. D’une part, les forces de l’assimilation sont décuplées
et plusieurs langues et façons de vivre disparaissent. Mais d’autre part, les
humains voient de plus en plus leur intérêt à développer leurs compétences
langagières afin de diversifier leurs capacités de communication.
C’est ainsi que les pressions assimilatrices s’accentuent alors même que
le pluralisme linguistique est plus que jamais valorisé.
Les langues disparaissent à un rythme qui s’accélère. Selon l’Atlas
des langues en péril dans le monde de l’Unesco9,
la moitié des 6000 langues parlées sont en danger. Un dernier utilisateur d’une
de ces langues décède à toutes les deux semaines. En même temps, les pays
les plus modernes multiplient les efforts pour aider leurs populations à
acquérir la maîtrise de plusieurs langues.
Il y a bien sûr un engouement pour l’anglais, la langue dominante dans
tant de domaines d’activité humaine. Mais le français ne s’en sort pas
trop mal non plus. Selon l’enquête Eurobaromètre 200110,
la langue la plus fréquemment connue par les Européens, en plus de leur langue
maternelle, est l’anglais (41 %), suivi par le français (19 %), l’allemand
(10 %), l’espagnol (7 %) et l’italien (3 %). Donc, près du
cinquième des Européens non francophones disent connaître le français.
Le Canada est l’un des rares pays qui a la chance de pouvoir compter sur
deux langues internationales comme langues officielles. Les Canadiens sentent
bien que c’est là un atout qu’ils ne doivent pas perdre malgré la force
assimilatrice de l’anglais. Selon un sondage Environics de février 2002,
82 % des Canadiens, dont 91 % des jeunes de 18 à 24 ans, appuient la
politique fédérale des langues officielles.
Voilà pourquoi le Canada a besoin d’un plan d’action visant à renforcer
sa dualité linguistique, voilà pourquoi il a besoin de vous, communautés de
langue officielle. Vous ramenez le Canada non seulement à l’un des fondements
de son histoire, mais vous représentez aussi un élément essentiel de son
avenir et de sa modernité. La vision de Pierre Elliott Trudeau est plus d’actualité
que jamais, comme l’a dit M. Chrétien après le décès de l’ancien Premier
ministre.
« À l'ère de la concurrence mondiale [...], », a écrit
Mme Jane Stewart dans son document Le savoir, clé de notre avenir,
« [...] les jeunes Canadiens qui apprennent à parler les deux langues
officielles du pays augmentent leur compétitivité sur les marchés de
l'emploi, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde. Sur le plan culturel, le
bilinguisme ouvre les portes d'une vision différente du monde. Sur le plan
économique, la capacité de communiquer dans les deux langues augmente l'accès
aux marchés et aux emplois et facilite la mobilité des Canadiens ».11
Que le gouvernement du Canada lie l’avenir du pays à la promotion de notre
dualité linguistique ne surprendra pas étant donné le leadership qu’il
exerce dans ce secteur depuis des décennies. Mais quand c’est le Fredericton
Daily Gleaner qui acclame la nouvelle Loi sur les langues officielles du
Nouveau-Brunswick, votée à l’unanimité par l’Assemblée législative
de cette province, on voit bien qu’une prise de conscience fondamentale
traverse le Canada. « Les avantages pour le bilinguisme sont manifestes »,
écrit-on, ajoutant que « Ces avantages sont la clé du succès au sein
d’une économie très compétitive et de plus en plus mondiale. »12
[traduction]
Alors oui, il nous faut préparer un plan d’action efficace, réaliste et
raisonnable pour renforcer la dualité linguistique canadienne. Oui, il nous
faut des communautés en action, pour elles-mêmes comme pour le Canada en
entier. Ensemble, nous pouvons et nous devons faire mieux. Nous allons faire
mieux.
- Communiqué
du Premier ministre du Canada, 25 avril 2001.
- Ibid.
- La Commission nationale des parents francophones, Plan national d’appui
à la petite enfance, document non publié, janvier 2002.
- Angéline Martel, Droits, écoles et communautés en milieu minoritaire
1986-2002, Étude réalisée pour le Commissariat aux langues
officielles, 2002.
- Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Des
communautés en action : politique du développement global à l’égard
des communautés francophones et acadiennes en milieu minoritaire,
document non publié, mai 2002, p. 50.
- Stacy Churchill, Nouvelles perspectives canadiennes, Patrimoine
canadien, 1998.
- Des communautés en action, op. cit., p. 18.
- Société franco-manitobaine, De génération en génération :
Agrandir l’espace francophone au Manitoba, octobre 2001, p. 1.
- Stephen A. Wurm, Atlas of the World’s Languages in Danger of
Disappearing, UNESCO Publishing, 2001.
- Commission européenne, Eurobaromètre : l’opinion publique dans la
communauté européenne, Rapport numéro 54, février 2001, pp. 1 et 2.
- Gouvernement du Canada, Le savoir, clé de notre avenir : le
perfectionnement des compétences au Canada, 2002, p. 20.
- The Fredericton Daily Gleaner, 7 juin 2002.
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