« Le prochain plan d'action du
gouvernement du Canada et
la communauté anglophone du Québec »
Notes pour une allocution
de l’honorable Stéphane Dion
Président du Conseil privé et
ministre des Affaires intergouvernementales
Discours prononcé devant le
Quebec Community Groups Network
Ville de Québec (Québec)
le 20 octobre 2002
L'allocution prononcée fait foi
C’est pour moi un grand privilège que d’avoir cette occasion unique de
prendre la parole devant un réseau aussi dynamique de groupes régionaux et
sectoriels représentant la communauté anglophone du Québec. Vous regroupez,
à ce que je comprends, pas moins de 21 organisations provenant aussi bien
de la Gaspésie que de l’Outaouais, qu’il s’agisse de la Quebec Farmers’
Association ou de la Quebec Community Newspapers Association.
Je vous ai appelés une communauté, en ce sens que vous êtes unis par une
langue commune et que vous vous êtes engagés à évoluer ensemble, mais je me
rends compte que je pourrais aussi m’adresser à des communautés, en raison
de votre diversité et de la richesse de vos expériences différentes.
Depuis la fondation du Quebec Community Groups Network (QCGN) en 1995,
votre organisme a servi de forum pour rassembler les nombreux groupes locaux et
intérêts des anglophones du Québec. Vous avez exprimé efficacement les
intérêts et préoccupations légitimes de vos diverses communautés.
Il est important que mes collègues, notamment la ministre du Patrimoine
canadien, l’honorable Sheila Copps et moi-même, poursuivions le dialogue avec
des organisations comme la vôtre au moment où nous préparons un plan d’action
afin de relancer la politique sur les langues officielles du gouvernement du
Canada.
Le 20 juin de l’an dernier, j’ai eu une rencontre très productive
avec votre président d’alors, Hugh Maynard. Au cours des mois qui ont suivi,
des représentants du QCGN ont rencontré mes fonctionnaires à plusieurs
reprises. En particulier, le 17 septembre, mes fonctionnaires et des
fonctionnaires de plusieurs autres ministères ont eu une rencontre constructive
avec des représentants du QCGN et avec votre président actuel, M. Martin
Murphy. Permettez-moi de profiter de cette occasion pour vous féliciter, M.
Murphy, de votre élection au mois de juin dernier : je suis persuadé
que votre dévouement à votre communauté vous a bien préparé à ce nouveau
défi et je vous souhaite du succès dans vos entreprises au cours de votre
mandat.
Je ne saurais vous dire à quel point nous avons trouvé utile et éclairant
le document que vous nous avez soumis sous le titre Suggesting Change,
qui décrit la situation actuelle et les perspectives futures de la minorité
anglophone au Québec. Dans ce document, vous écrivez : « La
communauté anglophone du Québec souhaite oeuvrer de manière proactive et en
partenariat avec le gouvernement du Canada à l’établissement et à la mise
en oeuvre de la politique, à la coordination des interventions gouvernementales
et au déploiement des ressources. » [Traduction] Eh bien, le moment
ne pourrait être mieux choisi, étant donné que le gouvernement du Canada
souhaite vivement établir et améliorer son partenariat avec vous.
Dans votre document, vous exposez un certain nombre de résultats que vous
souhaitez obtenir, ou d’attentes que vous avez. J’ai structuré le discours
d’aujourd’hui autour de ces attentes.
Je note que vous voulez que le gouvernement du Canada comprenne clairement
qui vous êtes. Vous voulez que le gouvernement du Canada « comprenne,
reconnaisse et soutienne les besoins particuliers des communautés anglophones
du Québec. » [Traduction]
Vous voulez que le plan d’action gouvernemental « veille à ce qu’il
existe un mécanisme de consultation pour discuter avec les communautés et leur
demander leur avis avant l’élaboration de la politique et une déclaration de
priorité ministérielle. (...) Le plan d’action doit comporter des
mécanismes d’imputabilité ». [Traduction]
Vous voulez également une part équitable des emplois dans les institutions
fédérales. Quatrièmement, vous avez cerné un certain nombre de défis que
vous avez à relever dans le domaine de l’éducation. Cinquièmement, vous
avez affirmé clairement que la prestation des soins de santé dans votre langue
constitue une priorité. Et enfin, vous avez mis l’accent sur des questions de
développement économique qui touchent votre communauté.
Je vais tâcher de répondre à ces préoccupations aujourd’hui.
1. Comprendre votre communauté
À de nombreux égards, le Québec pose un défi unique en son genre à la
politique canadienne sur les langues officielles. La population du Québec se
compose de deux communautés linguistiques qui peuvent toutes deux faire valoir
un besoin de protection en tant que minorité. Les francophones au Québec
forment une majorité claire dans leur province, mais ils se trouvent en
situation minoritaire au Canada et en Amérique du Nord. Les anglophones au
Québec parlent la langue de la majorité au Canada et sur le continent, mais
ils sont minoritaires dans leur province où ils vivent tous les jours. Les
Québécois anglophones ne peuvent pas faire abstraction de la vulnérabilité
du français en Amérique du Nord, tandis que les francophones doivent prendre
en compte les préoccupations légitimes et la contribution des communautés
anglophones de leur province.
D’ailleurs, votre mémoire indique très clairement que « compte
tenu de l’histoire et de la position uniques de la communauté anglophone du
Québec comme minorité à l’intérieur d’une minorité qui se trouve
elle-même à l’intérieur d’une majorité, il n’existe pas de modèles
normalisés sur lesquels la communauté puisse s’appuyer pour se
guider » (p. 4). [Traduction]
Votre mémoire fait également remarquer que les difficultés inhérentes à
cette situation unique ne justifieraient nullement le gouvernement du Canada à
se soustraire de son engagement de soutenir vigoureusement le développement de
votre communauté. Les besoins de vos communautés exigent une réflexion
créatrice face à des questions de champ de compétences et à des questions
politiques.
Ces dernières années, la communauté anglophone a vécu des transformations
spectaculaires qui ont mis à l’épreuve même sa capacité considérable de s’adapter.
Au cours des 30 dernières années, le déclin démographique de la communauté
anglophone du Québec a exercé davantage de pressions sur votre structure
institutionnelle. La taille de votre population, définie par la langue
maternelle, a diminué, passant de 789 000 en 1971 à 622 000
en 1996, ce qui représente un passage de 13 % de la population du
Québec à seulement 9 % pendant la même période.1
Les tendances démographiques qui façonnent votre communauté comprennent
une faible fécondité et une migration nette vers d’autres provinces. Ces
facteurs n’ont été que partiellement contrebalancés par des gains provenant
de l’immigration internationale et des transferts linguistiques, gains surtout
concentrés à Montréal.
Les migrations interprovinciales sont le plus important facteur d’influence
sur la taille de la communauté anglophone ces dernières années. Elles ont eu
pour effet une perte nette de 244 000 Québécois anglophones au
bénéfice d’autres régions du Canada ces 30 dernières années. En
outre, de nombreuses régions du Québec ont également connu un exode de leur
population vers Montréal. Cette émigration a maintenant quelque peu diminué,
mais elle demeure une raison du déclin démographique général actuel de la
population anglophone.
Voilà pour la langue maternelle. Si nous examinons la première langue
officielle parlée, nous ne disposons de données comparables que pour les deux
derniers recensements. Elles font apparaître une stabilité des nombres
(904 000 en 1991 et 926 000 en 1996), mais une diminution du
pourcentage de la population du Québec (13,3 % en 1991 et 13,1 %
en 1996).
Les différences régionales auxquelles sont confrontées les communautés
anglophones au Québec sont saisissantes. Les besoins de vos communautés et les
problèmes qu’elles vivent sont de nature différente d’une région à l’autre
du Québec. Il est frappant de constater que pas moins de 40 % de la
population anglophone vit à l’extérieur de l’île de Montréal.
On trouve un exemple de cette diversité dans le degré de bilinguisme. Parmi
les anglophones (taux de 63 %), il est près de deux fois plus élevé que
parmi les francophones (taux de 34 %). Toutefois, le degré de bilinguisme
varie considérablement entre anglophones de différentes régions : il va
de 20 % dans le Nord du Québec à 97 % dans le Bas-St-Laurent. Les
communautés anglophones de Montréal et des régions environnantes ont toutes
des taux de bilinguisme se situant aux alentours de 60 %.1
Comme vous le savez fort bien, les transferts linguistiques et la
transmission de la langue d’une génération à l’autre sont souvent liés
aux mariages mixtes. La transmission de l’anglais comme langue maternelle d’un
parent à un enfant demeure forte, s’établissant à 96 %, lorsque les
deux parents sont anglophones, mais elle chute à 44 % dans les familles
où seulement un parent est anglophone. La langue maternelle du parent non
anglophone semble être une variable d’importance cruciale pour ce qui est de
la transmission de l’anglais en tant que langue maternelle. Dans les familles
anglophones/allophones, la transmission de l’anglais en tant que langue
maternelle se fait dans 83 % des cas, mais elle tombe à 33 % dans des
familles anglophones/francophones.3 À l’extérieur
de Montréal, les mariages anglophones/francophones sont très courants. De
fait, la majorité des anglophones mariés le sont à des francophones en
Mauricie, en Abitibi, dans la région Chaudière-Appalaches et au
Saguenay-Lac-Saint-Jean.4
Le défi qui vous est commun en qualité de minorité dans une minorité se
trouvant au sein d’une majorité et vos besoins précis à titre de
communautés diversifiées, sont deux réalités dont le gouvernement du Canada
ne peut pas faire abstraction. Il agira en conséquence dans ses politiques sur
les langues officielles, ainsi que dans le plan d’action à long terme que je
prépare avec votre concours.
2. Mécanismes de consultation
Depuis que j’ai reçu mon mandat du Premier ministre, j’ai parcouru le
pays, consulté les gens et reçu de nombreux mémoires. J'ai rencontré des
représentants de tous les organismes intéressés, y compris le Quebec
Community Groups Network.
Je sais que vous avez le sentiment que la voix de votre communauté n’a pas
toujours été entendue à Ottawa. Je crois que le moment est venu, et le plan d’action
nous fournit une occasion unique d’entamer une nouvelle ère dans les
relations entre votre communauté et le gouvernement du Canada. Des relations
fondées sur un véritable dialogue et des consultations constantes.
Notre engagement d’être à l’écoute ne se terminera pas avec l’annonce
d’un plan d’action. La mise en oeuvre du plan nécessitera naturellement
votre apport. En bref, nous entendons continuer à rédiger notre plan de la
façon dont nous avons commencé à le faire, c’est-à-dire par un vaste
mécanisme de consultation.
Permettez-moi de dire tout de suite que nous sommes encore ouverts à des
propositions supplémentaires en ce qui concerne le plan d’action. Nous en
sommes maintenant à l’étape de l’élaboration définitive des options, des
politiques et des stratégies. Je prévois avoir l’occasion de présenter au
Cabinet des propositions précises sous peu.
J’ai déjà déclaré publiquement, et je le répéterai ici, que le plan d’action
du gouvernement contiendra effectivement un cadre d’imputabilité qui fera
office de rappel constant aux ministres et aux fonctionnaires que la dualité
linguistique est une priorité. Je crois que nous pouvons fournir au Premier
ministre les mécanismes d’imputabilité qu’il considère comme étant des
conditions clés de la bonne gouvernance et assurer une mise en oeuvre
coordonnée du plan d’action.
Au cours de l’année qui vient de s’écouler, j’ai oeuvré avec mes
collègues du Cabinet afin de rehausser notre capacité de travailler de concert
avec les communautés. Nous travaillons à un cadre d’imputabilité visant les
objectifs suivants :
-
sensibiliser les institutions et fonctionnaires fédéraux aux besoins
des communautés minoritaires de langue officielle et à leurs obligations
en vertu de la loi;
-
prendre en compte la promotion et le développement des minorités
linguistiques à partir des étapes initiales de l’élaboration et de la
mise en oeuvre des lois, des politiques et des programmes, au lieu d’attendre
la fin du processus;
-
mieux informer et consulter les communautés minoritaires de langue
officielle au sujet des programmes et activités du gouvernement du Canada
qui sont le plus propices à leur développement et à leur croissance.
Ce cadre sera un élément crucial de notre engagement constant à oeuvrer
avec vous et avec vos communautés.
3. Participation équitable
Le mémoire du QCGN, Suggesting Change, affirme ce qui suit : « Il
reste beaucoup à faire pour corriger le déséquilibre et rendre le
gouvernement fédéral au Québec représentatif de la population qu’il sert. »
[Traduction].
La Loi sur les langues officielles stipule, et je cite, que « le
gouvernement s'engage à veiller à ce que les effectifs des institutions
fédérales, compte tenu de la nature de chacune d'elles et notamment, de leur
mandat, de leur public et de l'emplacement de leurs bureaux, tendent à
refléter la présence au Canada des deux collectivités de langue officielle ».
La loi stipule clairement que cette obligation s’applique à chacune des
institutions fédérales. Donc, dans l’ensemble, dans quelle mesure
respectons-nous cette obligation au Québec?
En 1996, les anglophones au Québec représentaient 13,1 % de la
population. Je fais ici référence à la première langue officielle parlée
– la définition la plus large de la communauté anglophone.5
En 2001, les institutions du gouvernement du Canada comptaient 70 000
employés dans la région du Québec (à l’exclusion de la région de la
Capitale nationale).6 De ceux-ci,10 000 étaient
des anglophones. Les anglophones représentaient donc 14 % de notre
effectif. Donc, dans l’ensemble, nous respectons notre engagement. Ce n’est
pas, je présume, ce que vous vous attendiez à entendre.
Ce que vous avez à l’esprit, et je comprends votre position, c’est la
proportion des employés fédéraux dont le Conseil du Trésor est l’employeur.
Ils représentent, en 2001, environ 19 000 employés dans la région
du Québec (à l’exclusion de la région de la Capitale nationale). Leur
nombre a diminué depuis 1984, soit de 42 %. Parmi eux, les anglophones, de
nos jours, représentent seulement 8 %, soit 1 500 fonctionnaires.
Les institutions qui ne représentent pas adéquatement la communauté
anglophone du Québec dans leur milieu de travail, que ce soit dans la fonction
publique ou à l’extérieur de celle-ci, doivent rendre des comptes. Ma
collègue, l’honorable Lucienne Robillard, s’assurera que les obligations
des institutions fédérales en matière de langues officielles sont mieux
connues et pleinement respectées. Le Secrétariat du Conseil du Trésor et la
Commission de la fonction publique travaillent en étroite collaboration pour
favoriser le recrutement et pour assurer une meilleure intégration des
anglophones en milieu de travail.
Au cours des prochaines années, il se produira un roulement massif d’employés
au sein de l’effectif fédéral, ce qui fournira une occasion unique de s’attaquer
aux déséquilibres dans les taux de représentation linguistique. De plus,
étant donné que nous chercherons à attirer des candidats bilingues, le
bilinguisme de votre communauté constituera un atout de première importance.
Mme Robillard s’est engagée à renforcer la mise en oeuvre
de notre politique sur les langues officielles à tous les niveaux de la
fonction publique, en commençant par le sommet. Le greffier du Conseil privé,
M. Alex Himelfarb, a fait des langues officielles une priorité de gestion clé
pour la deuxième année consécutive et le rendement des cadres supérieurs
sera évalué en fonction de leurs résultats dans ce domaine.
Le plan d’action nous permettra de faire davantage connaître les
obligations en matière de langues officielles et de garantir qu’elles soient
respectées au sein des institutions fédérales. Mme Robillard
recevra les ressources supplémentaires dont elle a besoin pour atteindre les
objectifs que je viens de décrire.
4. Éducation
Il est difficile de ne pas être impressionné par un système scolaire qui s’est
adapté à tant de changements récents, comme une baisse marquée des
inscriptions, la nécessité de dispenser une solide éducation dans la langue
seconde et de produire des diplômés bilingues et le passage des écoles
confessionnelles à des écoles linguistiques. Lorsque nous examinons où vous
en êtes sur la question clé de l’éducation, il y a cinq défis sur lesquels
je souhaite insister.
Premièrement, une baisse démographique. Le système scolaire anglophone a
vu ses inscriptions chuter considérablement entre 1972 et 1990, une
baisse de 57 % des inscriptions, qui sont passées de 250 000 à 108 000.
En 1992, le rapport Chambers a prédit une poursuite de cette baisse.
Cependant, contrairement à cette prédiction, les inscriptions dans leur
ensemble ont commencé à augmenter, atteignant aujourd’hui, selon les
estimations,119 000.
Deuxièmement, l’évolution du profil démographique. Les inscriptions dans
les écoles anglophones sont de plus en plus tributaires du nombre de personnes
allophones et de langue maternelle française qui poursuivent leurs études en
anglais. À Montréal, près du tiers de tous les élèves dans les écoles
anglaises sont allophones, tandis qu’à l’extérieur de Montréal, 25 %
des personnes inscrites dans les écoles publiques anglophones ont le français
pour langue maternelle. Cela pose plusieurs défis. Bon nombre de ces étudiants
ont besoin d’une formation en anglais langue seconde et les écoles ont besoin
de matériel spécialisé et d’une formation appropriée à l’intention des
enseignants.
Troisièmement, la nécessité de bien maîtriser le français. Le nombre d’heures
d’enseignement en français que les enfants reçoivent dans les écoles
préoccupe grandement votre communauté. Et, presque à l’unanimité, vous
dites qu’une priorité essentielle des parents anglophones au Québec est que
les enfants deviennent bilingues.
La popularité de l’immersion en français est un bon instrument de mesure
de l’intérêt pour le bilinguisme parmi les anglophones. De nos jours, selon
Jeff Polenz, le président de l’Association des commissions scolaires
anglophones du Québec, le système scolaire anglophone au Québec comprend
40 000 élèves en immersion française. Une proportion
supplémentaire de 20 à 30 % des élèves du système anglophone prennent
des cours intensifs de français.7
Au-delà de la qualité de l’enseignement en français langue seconde, vous
nous avez dit que vous avez une quatrième priorité : la préservation de
petites écoles qui sont d’une importance déterminante pour le maintien de
petites communautés rurales. Dans de nombreux arrondissements scolaires
anglophones, une proportion pouvant atteindre 60 % des écoles ont 200
élèves ou moins.
Cinquièmement, vous avez également cerné l’importance de l’éducation
à distance dans les régions rurales, à la fois pour accroître la diversité
des cours offerts et pour faire en sorte qu’un enseignement soit dispensé
dans votre communauté. Cela revêt une importance capitale pour que vous
reteniez des jeunes dans des communautés anglophones.
Ce sont là les cinq défis que vous avez soulevés auprès de nous. Le
gouvernement du Canada se propose d’accroître sa capacité d’agir avec vous
à propos de ces questions. Comment allons-nous procéder? Les ententes
fédérales-provinciales constituent les principaux mécanismes dans ce domaine.
Au cours de l’année qui vient de s’écouler, cela s’est traduit par le
fait que Patrimoine canadien a transféré 50 millions de dollars au
ministère de l’Éducation du Québec pour l’enseignement en anglais. Ces
ententes doivent être renouvelées en 2003 et doivent donc être
renégociées.
Ma collègue, l’honorable Sheila Copps, mènera ces négociations au nom du
gouvernement fédéral. Conformément à une tradition de longue date de
coopération avec les gouvernements provinciaux, y compris le gouvernement du
Québec, nous renforcerons le Programme des langues officielles dans l’enseignement
(PLOE) afin de produire des résultats tangibles, fondés sur des objectifs
communs. Il nous faudra non seulement travailler ensemble, mais aussi investir
les ressources nécessaires et, par-dessus tout, veiller à ce que nous
obtenions des résultats pour vos enfants. Mme Copps s’est
engagée à agir en collaboration avec le ministre de l’Éducation du Québec
pour trouver les meilleurs moyens de soutenir les communautés et de donner
suite aux priorités des communautés anglophones.
Les priorités que vous avez cernées seront incorporées au moment de ces
négociations.
5. Soins de santé
Vous avez déterminé que l’accès à des soins de santé de qualité dans
votre langue maternelle est un objectif tout à fait prioritaire. Un sondage
Missisquoi Institute-CROP réalisé en 2000 a indiqué que 84 % des
anglophones estiment que l’accès à ces soins est très ou extrêmement
important. L’accès aux soins revêt une importance particulière parce qu’une
grande proportion de la communauté anglophone a plus de 65 ans
(12,8 % par rapport à 10,7 % chez les francophones). Cet écart d’âge
est considérablement plus grand dans certaines régions comme les Cantons de l’Est
(20 %), la Mauricie (18 %), la région de Lanaudière et la ville de
Québec (16 % dans les deux cas). Cette population plus âgée tend
également à être beaucoup plus unilingue : 56 % d’entre eux ne
parlent pas le français.
Nous savons que la disponibilité et la qualité des soins de santé en
anglais varient considérablement d’une région à l’autre au Québec. Le
problème de l’accès est particulièrement aigu à l’extérieur de l’agglomération
métropolitaine de Montréal.
Le plan d’action fera de la santé une priorité. Nous avons reçu le
rapport final du comité consultatif sur les communautés minoritaires
anglophones et j’ai le plaisir de constater que vous êtes disposés à
appuyer ses travaux, et que vous reconnaissez l’importance de ce comité,
établi par Santé Canada.
Le président Eric Maldoff et son équipe ont tiré des conclusions qui
touchent bon nombre des questions que vous avez soulevées dans votre mémoire :
-
réseautage et coopération;
-
échange d’informations stratégiques;
-
technologie pour élargir la prestation de services à des communautés
éloignées, dispersées ou rurales;
-
développement des modèles de prestation des services;
-
formation et perfectionnement des ressources humaines.
Je peux vous assurer que la ministre de la Santé, l’honorable Anne
McLellan, étudie attentivement des moyens de s’attaquer à des
préoccupations dans le plan d’action et continuera de travailler en
collaboration étroite avec le comité consultatif.
Il est vrai qu’il n’existe pas en ce moment d’entente Canada-Québec
dans le domaine des services de santé et sociaux pour soutenir vos communautés,
mais je tiens à vous assurer que le gouvernement du Canada demeure ouvert à
une entente en ce sens et que nous continuerons d’agir en vue d’atteindre
cet objectif.
6. Développement économique
Nous comprenons que le développement économique revêt une importance
déterminante pour faire demeurer les jeunes dans les communautés anglophones.
Nous savons aussi qu’au moment du dernier recensement de 1996, le
chômage était plus élevé parmi les anglophones au Québec (13,2 %) que
parmi les francophones dans la province (11,5 %). Cela était même le cas
à Montréal.
La création du Comité national de développement des ressources humaines
pour la communauté minoritaire anglophone a donné à votre communauté voix au
chapitre et un moyen de construire un partenariat efficace avec le gouvernement
du Canada. La ministre du Développement des ressources humaines, l’honorable
Jane Stewart, a dégagé un financement de 24 millions de dollars sur
deux ans et a renouvelé l’entente avec les communautés des deux langues
officielles. Le plan d’action cherchera à tirer parti de cette initiative
réussie.
Je peux également vous dire que le ministre de l’Industrie, l’honorable
Allan Rock, est bien conscient de l’importance de nos deux langues officielles
pour le développement économique de notre pays. Il souhaite travailler en
collaboration étroite avec les communautés anglophones au Québec et rendre
les programmes de son ministère plus accessibles aux communautés minoritaires
de langue officielle.
Et, conformément à l’objectif du gouvernement que le Canada soit le pays
le plus branché du monde d’ici 2005, M. Rock concentrera ses
efforts sur l’accès à Internet dans les régions rurales et isolées. Les
communautés anglophones isolées et éloignées bénéficieront directement de
l’éducation à distance et de la prestation de soins de santé.
Conclusion
Il y a trois semaines, dans le discours du Trône, le gouvernement a
réitéré à nouveau notre ferme intention de prendre des mesures pour venir en
aide aux communautés de langue officielle: « La dualité linguistique
est au cœur de notre identité collective. Le gouvernement verra à l’application
d’un plan d’action sur les langues officielles mettant l’accent sur l’enseignement
dans la langue de la minorité et l’enseignement de la langue seconde(...) il
appuiera le développement des communautés minoritaires d’expression
française et anglaise et rendra plus accessibles les services dans leur langue
dans les domaines tels que la santé. »
L’engagement est clair. Le plan d’action suivra. Il répondra dans une
large mesure aux priorités que vous avez cernées : créer un cadre d’imputabilité
qui constituera un mécanisme permanent de consultation des communautés; s’assurer
que les anglophones sont présents à tous les niveaux dans l’effectif
fédéral; effectuer des investissements ciblés qui déboucheront sur des
résultats concrets dans vos écoles et pour vos enfants; fournir des ressources
qui améliorent l’accès aux soins de santé dans votre langue; prendre des
initiatives stratégiques qui soutiendront le développement économique de vos
communautés.
En tant que membres d’une des deux minorités de langue officielle au
Canada, vous avez des besoins légitimes et votre gouvernement fédéral a des
obligations envers vous. Tout en respectant pleinement les champs de compétence
du gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada assumera ses
responsabilités. Il s’agit de plus qu’une obligation, il s’agit tout
simplement de constituer un bon gouvernement pour les Canadiens.
C’est un fait incontestable que non seulement Montréal, non seulement le
Québec, mais l’ensemble du Canada est une réalisation humaine admirable,
grâce dans une large mesure à votre contribution indispensable à titre de
Québécois anglophones.
-
Louise Marmen et Jean-Pierre Corbeil, Languages in Canada:
recensement de 1996, Patrimoine canadien et Statistique Canada, 1998.
-
Quebec’s Regional Linguistic Communities, Patrimoine canadien,
mars 2002.
-
Recensement de 1996, calculs inédits.
-
The English-speaking Communities of Quebec and English Language
Schools, The Missisquoi Institute.
-
Louise Marmen et Jean-Pierre Corbeil, Languages in Canada:
recensement de 1996, Patrimonies Canadien et Statistique Canada, 1998
-
Rapport annuel des langues officielles : 2000-2001,
président du Conseil du Trésor.
-
Mathieu Perreault, « We're disentangling language and
emotion », dans le Montreal Gazette, 17 juin 2002.
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