NOTES D'ALLOCUTION - CONFÉRENCE DE PRESSE DE
L'HONORABLE STÉPHANE DION
MINISTRE DES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES
VENDREDI LE 10 DÉCEMBRE 1999
Merci beaucoup. Mesdames et messieurs, l'avant-projet de loi sur la clarté
que j'ai présenté à la Chambre des communes aujourd'hui garantira à tous les
Canadiens, et plus particulièrement à mes concitoyens québécois, qu'ils
n'auront jamais à vivre une scission du Canada dans la confusion.
L'éclatement d'un pays démocratique avancé comme le Canada serait
extrêmement grave et sans précédent. L'acte même d'engager des négociations
sur un tel sujet serait lourd de conséquences, quelle qu'en soit l'issue.
Plutôt que de déposer un tel avant-projet de loi aujourd'hui, le
gouvernement du Canada aurait préféré que le Premier ministre du Québec
accepte de s'engager à ne pas tenir un référendum avant la fin de son mandat
actuel, comme le lui avait proposé le Premier ministre du Canada. Dans les
circonstances imposées par le Premier ministre du Québec et par son
gouvernement, l'intérêt de cet avant-projet de loi, son avantage pour tout le
monde, est qu'il précise les circonstances de clarté sans lesquelles le
gouvernement du Canada ne saurait entreprendre la négociation de la séparation
d'une province du Canada.
En l'absence d'un tel appui clair pour la sécession, le gouvernement du
Canada a l'obligation morale de ne pas négocier la scission du Canada et la fin
de l'appartenance au Canada pour les citoyens de la province touchée. C'est là
une position raisonnable et je suis sûr que tout le monde le comprend.
Raisonnable, cette position a aussi un fondement juridique certain. La Cour
Suprême l'a confirmé le 20 août 1998.
En effet, l'avis de la Cour suprême du Canada a fourni des principes
directeurs sur la façon dont les Canadiens devraient se comporter face à
l'épineuse perspective d'une sécession.
Premièrement, la Cour a statué qu'une sécession unilatérale n'avait aucun
fondement en droit.
Deuxièmement, la Cour a reconnu que, si un jour la population du Québec ou
d'une autre province exprimait clairement sa volonté de se séparer du Canada,
les autres acteurs constitutionnels du Canada auraient l'obligation d'entamer
des négociations sur la possibilité d'une éventuelle sécession.
C'est là la position raisonnable que le gouvernement du Canada a défendu
dans le passé : si c'est clair on négocie, mais pas de clarté pas de
négociation.
L'importance qu'accorde la Cour à la clarté est frappante. Dans l'avis, les
termes «clair» et «clarté» apparaissent pas moins de 38 fois, sans parler
des autres références faites à la nécessité de faire en sorte qu'il n'y ait
pas d'ambiguïté. L'exigence de clarté établie par la Cour est double : une
question claire sur la sécession et une majorité claire sur une question
claire sur la sécession.
La détermination de l'existence d'une telle volonté claire de sécession,
nous a dit la Cour, revient aux acteurs politiques, c'est-à-dire nos
gouvernements et nos représentants élus.
Finalement, la Cour souligné que si des négociations étaient engagées,
celles-ci devraient traiter d'un certain nombre d'enjeux extrêmement complexes
et difficiles, qu'aucun de ces enjeux ne pourrait être exclu et déterminé à
l'avance et que l'issue de telles négociations serait incertaine.
Le gouvernement du Canada respecte cette décision dans sa totalité.
Fondamentalement, l'avant-projet de loi sur la clarté établit les principes et
les procédures qui détermineront comment le gouvernement du Canada et la
Chambre des communes devront procéder si un jour ils devaient juger de la
clarté à l'égard d'une volonté de sécession éventuelle.
Aussi, cet avant-projet de loi n'encadre pas un référendum. Il encadre le
gouvernement du Canada. Il oblige le gouvernement du Canada à négocier si
c'est clair et à ne pas négocier si ce n'est pas clair.
L'avant-projet de loi lui-même est bref et simple.
Il exige que la Chambre des communes se prononce sur la clarté de toute
question référendaire sur un projet de sécession dans les trente jours
suivant sa communication par un gouvernement provincial. Cette mesure fait en
sorte que la population de la province et l'ensemble de la population canadienne
sauront à l'avance si la Chambre des communes considère que la question est
claire sur le sujet de la sécession.
Les questions faisant intervenir d'autres options comme le partenariat ou
visant simplement à obtenir un mandat de négocier ne seraient pas
considérées claires parce qu'elles ne demanderaient pas directement à la
population si celle-ci souhaite quitter le Canada ou non. Il ne pourrait pas y
avoir de négociations sans une telle clarté.
C'est parce qu'on veut la sécession qu'on la négocie. On ne la négocie pas
pour découvrir si par hasard on la veut. L'ouverture de telles négociations
aurait des conséquences si graves pour tous les Canadiens que seule la volonté
claire de faire sécession rendrait de telles négociations justifiées. La Cour
parle d'ailleurs et je la cite : "de la volonté de ne plus faire partie du
Canada."
Si à la suite d'un référendum sur une question claire, le gouvernement de
la province demandait que soient engagées des négociations sur la sécession,
il faudrait que la Chambre des communes détermine s'il y avait eu une majorité
claire et une volonté claire de faire sécession. Ils ne pourraient y avoir de
négociations sans une telle clarté.
Dans ses délibérations, la Chambre des communes ne prendrait pas uniquement
en considération la question et le vote même, mais elle tiendrait compte des
opinions d'autres parties, comme les partis d'opposition de la province qui
propose de faire sécession et les gouvernements et assemblées législatives
d'autres provinces, quant à la présence ou non de clarté.
Finalement, l'avant-projet de loi sur la clarté réaffirme que la sécession
d'une province requiert une modification constitutionnelle, ce qui exige des
négociations auxquelles participeraient au moins les gouvernements de toutes
les provinces et le gouvernement du Canada. Une telle modification ne pourrait
pas être proposée à la Chambre des communes à moins qu'il y ait eu des
négociations traitant d'une série de conditions de sécession, tel qu'établit
pas la Cour suprême : la répartition de l'actif et de la dette, toute
modification des frontières, les droits, les intérêts et les revendications
territoriales des peuples autochtones ainsi que la protection des droits des
minorités.
Là encore, puisque le gouvernement du Québec a toujours comme objectif de
tenir encore un autre référendum et puisqu'il refuse toujours d'indiquer qu'il
respectera l'avis de la Cour suprême, le seul choix responsable que nous
puissions faire est de procéder à l'adoption de l'avant-projet de loi sur la
clarté.
L'avis de la Cour a été perçu comme un modèle de la façon de procéder
face à une tentative de sécession dans une démocratie. L'avant-projet de loi
sur la clarté épouse les mêmes intentions. Il viendra renforcer notre
démocratie. Bien sûr, nous espérons que nous n'en aurons jamais besoin.
Cette loi ne devrait jamais servir. Il est à souhaiter qu'elle convainque le
gouvernement du Québec de ne plus chercher ce qu'il appelle ses conditions
gagnantes dans la confusion.
Respecter les Québécois, c'est leur éviter une incertitude référendaire
dont ils ne veulent pas; c'est aussi leur garantir qu'ils ne perdront jamais le
Canada sans qu'ils y aient renoncé clairement et sans que la sécession ait
été dûment négociée avec un souci sincère de justice pour tous.
Cet avant-projet de loi sur la clarté vise à respecter les Québécois et
l'ensemble des Canadiens.
Merci.
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