« La contribution
des universitaires au débat médiatique québécois sur la procédure de sécession »
Article par l’honorable Stéphane Dion
Président du Conseil privé et
ministre des Affaires intergouvernementales
Texte paru dans l'ouvrage
La science politique au Québec : le dernier des maîtres fondateurs
Hommage à Vincent Lemieux
sous la direction de M. Claude Beauchamp,
doyen de la Faculté des sciences sociales et de
M. François Blais, directeur du Département de sciences politiques
Université Laval
Québec (Québec)
le 23 octobre 2003
« L’intellectuel
ne refuse pas l’engagement et, le jour où il participe à l’action, il en
accepte la dureté. Mais il s’efforce de n’oublier jamais ni les arguments
de l’adversaire, ni l’incertitude de l’avenir, ni les torts de ses amis,
ni la fraternité secrète des combattants. »
Raymond Aron1
Vincent Lemieux, qui sait faire preuve de rigueur scientifique dans tous les registres
de sa discipline, de la théorisation poussée au simple commentaire sur
l’actualité, a beaucoup réfléchi sur le rôle de « l’expert ».
C’est même sur ce thème qu’il a fait porter le discours présidentiel
qu’il a prononcé devant l’Association canadienne de science politique, à
Charlottetown, en juin 1992.2 Par
expert, je précise qu’il faut entendre ici un universitaire qui, au nom de
son savoir scientifique, prodigue des conseils en vue d’influencer les décisions
collectives.
Différentes
voies s’offrent à l’universitaire qui veut jouer un rôle d’expert, dont
celle des médias. Il peut notamment faire part de ses vues dans les quotidiens.
C’est sur cette forme écrite d’intervention de l’universitaire que je
vais faire porter ma contribution à cet ouvrage en l’honneur de Vincent
Lemieux. Plus précisément, je vais me pencher sur le débat politique qui a
sans doute pris le plus d’importance dans les quotidiens québécois au cours
des années qui ont suivi le référendum de 1995 sur l’avenir du Québec :
le débat sur la procédure de sécession. Je vais m’intéresser à ce que les
universitaires de toutes les disciplines ont écrit sur ce thème dans les trois
principaux quotidiens de langue française au Québec : La Presse, Le
Devoir et Le Soleil.
Le
débat sur les règles de sécession porte non pas sur les raisons qui
pourraient justifier une sécession, mais plutôt sur la procédure suivant
laquelle elle pourrait être réalisée : le « comment » plutôt que
le « pourquoi ». Je me suis intéressé exclusivement à ce que les
universitaires ont écrit à l’intention du grand public sur la façon dont le
Québec pourrait cesser d’être une province canadienne et devenir un État
indépendant. Je me suis demandé si les universitaires ont su apporter, par
l’intermédiaire de nos quotidiens, une contribution véritablement éclairée
et empreinte de rigueur scientifique à ce débat chargé d’émotivité.
Idéalement,
j’aurais voulu analyser aussi les interventions des universitaires sur ce thème
dans les grands quotidiens anglophones du pays, mais je n’avais pas
suffisamment de temps à ma disposition pour ratisser si large. De même,
j’aurais voulu analyser les interventions faites dans les médias audio-visuels.
Mais il aurait été trop difficile de les retracer toutes. Je tends à croire,
de toute façon, que l’écrit reflète davantage que l’oral le fond d’une
pensée.
Les
quotidiens publient des écrits d’universitaires pourvu qu’ils soient
courts, reliés à l’actualité et accessibles au grand public. Il faut donc
savoir satisfaire aux exigences des quotidiens pour y être publiés. Ces
contraintes liées à ce genre de publication ne doivent pas servir de prétexte
pour écrire n’importe quoi ou pour se complaire dans l’à-peu-près.
L’obligation de communiquer au grand public de façon simple et claire ne
saurait servir d’excuse à un manque de rigueur sur le fond.
Dans
son discours de 1992 à Charlottetown, Vincent Lemieux fait une mise en garde
contre différents écueils qui peuvent faire trébucher l’universitaire qui
intervient dans les médias à titre d’expert. J’en retiens deux en
particulier. Le premier écueil est la sollicitation insistante des médias, ce
qui peut conduire l’universitaire à se prononcer sur des sujets qu’il connaît
peu ou pas du tout. C’est ce que Lemieux appelle l’« expert en tout
» : « Cela peut arriver lorsque les médias déclarent certains d’entre
nous “experts en tout” parce que nous communiquons bien notre message ou
parce que nous sommes toujours disponibles. »3
[traduction]
Le
deuxième écueil est fait des propres préférences idéologiques de
l’universitaire : celles-ci peuvent obscurcir son jugement et l’empêcher de
présenter une expertise objective. La recherche de l’objectivité ne consiste
pas à s’abstenir de prendre position, – cela, c’est le neutralisme; elle
vise plutôt à prendre position sur la base d’une réfutation rationnelle et
rigoureuse des positions contraires. Vincent Lemieux ne demande pas à tous les
universitaires de s’abstenir de prendre parti pour une cause (ce qui me
rassure). Mais il ne veut pas que l’adhésion du cœur à une cause empêche
l’esprit de se faire une opinion fondée sur la raison et la rigueur
scientifique : « Les universitaires sont des citoyens qui ont des préférences
et des aversions politiques et qui, le moins qu’on puisse dire, sont toujours
prêts à “colorer” leurs opinions. »4 [traduction]
«
Expert en tout » ou « expert partisan », l’universitaire doit
éviter ces deux écueils s’il veut intervenir en faisant appel à ses compétences
et non sous de fausses représentations. Si les quotidiens lui ouvrent leurs
pages de façon aussi privilégiée, c’est grâce à son statut de
scientifique. On lui prête la capacité de livrer des informations empiriques
exactes et des réflexions approfondies sur le sujet précis de son
intervention. S’il n’a pas cette expertise scientifique, il devrait
s’abstenir de se prononcer. Ou alors il devrait le faire à titre de simple
citoyen qui écrit dans la section réservée aux lecteurs.
Plus
un sujet est médiatisé et chargé d’émotivité, plus les écueils que sont
l’« expert en tout » et l’« expert partisan » recèlent
des dangers. Les professeurs Michel Fortmann et Stéphane Roussel ont décrit à
quel point, durant les mois qui ont suivi les attentats terroristes du 11 septembre
2001, afin de couvrir l’actualité, les médias exigeaient «“un
expert”, n’importe lequel, pourvu qu’il ait un titre, un diplôme et
l’air de connaître son sujet »5. Les deux professeurs déplorent que trop de leurs collègues aient succombé à
« l’appel de “l’expertmanie” » et se soient improvisés « experts
Minute Rice, prêts en cinq minutes »6. Ils invitent les universitaires à définir honnêtement leur domaine de compétence
et à s’y tenir.
Or,
je ne crois pas qu’il y ait eu au Québec, ces dernières années, un débat
politique plus médiatisé ni plus émotif que celui portant sur la procédure
de sécession. En réalité, si l’on considère la question nationale dans son
ensemble, cela fait des décennies que les médias sollicitent l’expertise des
universitaires dans un contexte souvent chargé d’émotivité. Déjà en 1958,
c’est dans un texte consacré à la question nationale que Léon Dion
formulait, en substance, les mêmes mises en garde que Vincent Lemieux à propos
des interventions publiques de l’universitaire toujours « menacé de
se laisser conduire à gauche et à droite, au gré des demandes, en donnant son
opinion un peu sur tout et en toutes occasions »7.
Si les universitaires canadiens-français, affirmait-il, devaient accepter « les
solidarités que propose le nationalisme local » au point de perdre de vue
que leur rôle est de formuler une pensée réfléchie en faisant appel aux
outils analytiques de leur discipline respective, « le mal, pour l’activité
intellectuelle dans notre milieu, en serait irrémédiable »8.
Le
point de vue que je vais développer, dans les pages qui suivent, est que
plusieurs de nos collègues universitaires auraient pu mieux utiliser leur
statut d’expert s’ils avaient vérifié avec plus de rigueur les fondements
des idées qu’ils ont véhiculées au sujet des procédures de sécession. Il
me semble qu’ils ont offert une caution scientifique à des données erronées
et à des arguments largement rejetés dans la littérature scientifique
pertinente. Ils m’apparaissent avoir présenté leurs opinions ex cathedra
sans les fonder sur une réfutation objective des opinions contraires. Sur le
plan de la forme, certains me semblent avoir délaissé les règles de leur
discipline pour épouser un discours partisan, fait de slogans en vogue, de dénonciations
émotives et d’attaques personnelles. Je ne sais si c’est le désir de paraître
(l’« expert en tout »), un engouement nationaliste (l’« expert
partisan ») ou toute autre raison qui a pu les faire trébucher à ce
point, mais je ne crois pas qu’à la lecture de leurs interventions je sois le
seul à m’inquiéter au sujet de « l’activité intellectuelle dans
notre milieu ».
Bien
sûr, étant moi-même un acteur politique engagé dans ce débat, je me méfie
de mon propre jugement. Il se peut que ce soit parce que leurs prises de
position sont contraires aux miennes que je fais une évaluation aussi sévère
des interventions de plusieurs de mes collègues. Mais je revendique pour moi
aussi le titre de chercheur, formé à l’école de Vincent Lemieux notamment.
La communauté universitaire québécoise, dont je me considérerai toujours
comme un membre, me tient à cœur. Aussi, sans blâmer personne, je soumets à
cette communauté les éléments de preuve que j’apporte à l’appui de la sévérité
de mon constat. Je demande seulement qu’on juge ma démonstration à son mérite.
Après
avoir décrit dans ses grandes lignes le débat sur les procédures de sécession
ainsi que le corpus des écrits universitaires dans trois quotidiens québécois
francophones sur ce sujet (partie 1), je traiterai successivement des trois
aspects fondamentaux du débat, soit la façon dont une procédure démocratique
de sécession doit s’agencer avec le droit (partie 2), avec la négociation
des frontières (partie 3) et finalement, avec le prérequis de clarté (partie
4).
1. Quel débat? Quel corpus?
La
façon la plus simple de résumer le débat sur les règles de sécession, tel
qu’il s’est posé dans les années qui ont suivi le référendum de 1995,
est de partir du contraste entre les positions qui ont été défendues
respectivement par le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada. Après
avoir exposé les deux positions, je procéderai à un premier examen du corpus
afin, notamment, de déterminer si les positions défendues par les
universitaires ont penché davantage vers un gouvernement que vers l’autre.
1.1 Les positions du gouvernement du Québec et du gouvernement du Canada touchant la
procédure de sécession
Le
gouvernement du Québec, sous l’impulsion successive des premiers ministres péquistes
Parizeau, Bouchard et Landry, a défendu la thèse que le Parti québécois a
toujours avancée. Selon cette thèse, une simple victoire électorale lors des
élections provinciales permettrait à un gouvernement du Parti québécois de
faire l’indépendance du Québec au moyen d’un vote majoritaire à
l’Assemblée nationale. La tenue d’un référendum n’est pas considérée
comme nécessaire en droit, mais on admet que cette sanction populaire est une
source de légitimité démocratique supplémentaire. C’est le gouvernement du
Québec qui, fort de sa majorité à l’Assemblée nationale, formulerait la
question référendaire. Un résultat majoritaire, si serré
fût-il en faveur du projet du gouvernement, serait suffisant pour que
l’Assemblée nationale du Québec puisse proclamer l’indépendance. Mais,
avant que cette proclamation d’indépendance n’ait lieu, une négociation
pourrait être engagée avec le gouvernement du Canada afin de faciliter la
transition et en vue de conclure éventuellement une forme d’association économique
ou de partenariat politique et économique. Cependant, à tout moment au cours
de cette négociation, l’Assemblée nationale pourrait prendre sur elle de
s’autoproclamer, unilatéralement, parlement d’un État indépendant. Sitôt
faite, cette déclaration d’indépendance s’appliquerait à tout le
territoire du Québec, dont les frontières seraient sacrées. Tous les citoyens
et tous les gouvernements seraient alors tenus de considérer le gouvernement du
Québec comme étant, effectivement, le gouvernement d’un État indépendant.
La négociation pourrait se poursuivre, mais entre deux États indépendants.
Cette
procédure de sécession est bien reflétée dans le projet de loi no
1, Loi sur l’avenir du Québec9,
présenté par le gouvernement Parizeau à l’Assemblée nationale avant le référendum
de 1995. Selon l’article 1, « L’Assemblée nationale est autorisée,
dans le cadre de la présente loi, à proclamer la souveraineté du Québec
». Pour plus de certitude, l’article 2 précise : « À la date fixée
dans la proclamation de l’Assemblée nationale, la déclaration de souveraineté
inscrite au préambule prend effet et le Québec devient un pays souverain;
». L’article 26 ajoute que les négociations sur un traité de partenariat
avec le Canada ne doivent pas dépasser un an, délai à l’intérieur duquel
l’Assemblée nationale peut proclamer la souveraineté à tout moment s’il
est constaté que les négociations sont infructueuses.
Telle
est la conception que le gouvernement péquiste se fait de la procédure de sécession.
Il la fonde sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Tantôt les
leaders péquistes affirment que ce principe d’autodétermination confère un
droit à la sécession reconnu dans le droit international, tantôt ils en font
une règle démocratique qui transcende le droit formel.
Selon
le gouvernement du Canada, il n’est pas un paragraphe, pas une ligne dans le
droit international qui permette de confondre le droit à l’autodétermination
des peuples avec un droit à la sécession dans un contexte démocratique. Quand
le Procureur général du Québec a soutenu, devant la Cour supérieure du Québec,
en avril 1996, dans la cause Bertrand c. Bégin, que le processus
d’accession à l’indépendance « trouve sa sanction dans le droit
international et la Cour supérieure n’a pas juridiction à cet égard »10
le gouvernement du Canada a jugé qu’il avait le devoir d’intervenir pour
souligner cette erreur d’interprétation du droit. Le gouvernement du Canada
est intervenu d’abord dans la cause Bertrand c. Bégin, puis au moyen
d’un renvoi à la Cour suprême.
Quant
à la thèse selon laquelle l’accession à l’indépendance serait une
question purement politique et non juridique, le gouvernement du Canada soutient
qu’elle est incompatible avec les principes élémentaires de la démocratie
et de l’État de droit. Un gouvernement qui agit de façon contraire au droit
tout en exigeant que ses citoyens se conforment à ses lois fait courir à la
société des dangers inacceptables en démocratie.
Pour
le gouvernement du Canada, tous les Canadiens sont détenteurs d’un droit de
pleine appartenance au Canada. Un tel droit peut être remis en question
uniquement par une volonté de sécession exprimée clairement par une majorité
claire des électeurs d’une province. Le gouvernement du Canada juge qu'il a
l’obligation de s’assurer qu’une telle volonté claire de sécession
existe vraiment avant d’entreprendre une négociation sur la sécession. Sans
cette assurance, il ne saurait négocier la scission du pays et la fin de ses
obligations constitutionnelles envers une partie de la population canadienne.
Une sécession ne peut donc être effectuée de façon unilatérale par le
gouvernement d’une province; elle doit être négociée dans le cadre
constitutionnel sur la base d’un appui clair
à la sécession. La négociation devrait chercher à tenir compte, dans la
mesure du possible, des intérêts de chacun, ce qui pourrait nécessiter une
modification des frontières de la province visée par la sécession.
En
ce qui a trait à la clarté de la procédure de sécession, le gouvernement du
Canada est d’avis que tant la question référendaire de 1980 que celle de
1995 ont semé une confusion qui a eu pour effet de gonfler artificiellement les
appuis à la sécession. Il estime que la sécession ne peut être négociée à
la suite d'un vote sur une question dans laquelle la sécession est entremêlée
de façon confuse à un vague projet d’association ou de partenariat avec le
Canada. La majorité aussi doit être claire, notamment parce que la sécession
est une décision grave et irréversible qui engage les générations futures.
Le
gouvernement du Québec soutient que le gouvernement du Canada cherche à
changer des règles qui, selon lui, auraient été acceptées par toutes les
parties lors des référendums de 1980 et de 1995. Le gouvernement du Canada répond
que jamais un Premier ministre du Canada n’a accepté de reconnaître une déclaration
unilatérale d’indépendance faite par le gouvernement ou l’assemblée législative
d’une province. En 1980, le Premier ministre Trudeau avait déclaré :
« Si vous frappez à la porte de la souveraineté-association, il n’
y a pas de négociation possible. »11 Même
chose en 1995, alors que M. Bouchard, au lendemain du référendum, s’est
indigné que M. Chrétien se soit réservé le droit « de ne pas
respecter un verdict favorable à la souveraineté en cas d’une majorité serrée
pour le oui »12.
Quand
la Cour suprême du Canada a rendu son avis sur le Renvoi sur la sécession
du Québec13 le
20 août 1998, le gouvernement du Québec a soutenu
que le gouvernement du Canada serait obligé par la Cour d’entreprendre
une négociation sur la sécession si le gouvernement du Québec parvenait à
gagner un référendum. Le gouvernement du Canada a répliqué que cette
obligation n’existait, selon la Cour, qu’en cas d’un appui clair à la sécession,
exprimé par une majorité claire des électeurs d’une province, sur une
question claire sur la sécession. Le gouvernement du Canada a précisé que,
toujours selon la Cour suprême, la négociation devrait se tenir dans le cadre
constitutionnel canadien, sans que le gouvernement du Québec n’ait un droit
de faire l’indépendance, et ce même après des négociations qui auraient été
infructueuses de son point de vue14 En somme, la Cour a confirmé, selon le gouvernement du Canada, le prérequis de
clarté et le principe de constitutionnalité.
La
décision du gouvernement du Canada de donner effet à cet avis de la Cour suprême
au moyen d’une loi a été vivement contestée par le gouvernement du Québec.
La Loi de clarification15 (loi
sur la clarté) interdit au gouvernement du Canada d’entreprendre une négociation
sur la sécession d’une province à moins que la Chambre des communes n’ait
constaté que la question référendaire a porté clairement sur la sécession
et qu’une majorité claire s’est prononcée en faveur de la sécession. Le
gouvernement du Québec a répliqué en faisant adopter sa propre loi par
l’Assemblée nationale, le 7 décembre 200016.
Cette loi énumère une liste de principes, parmi lesquels on ne retrouve
cependant pas le principe de l’autodétermination externe ou droit à la sécession,
d’après ce qu’en a dit à l’Assemblée nationale le ministre parrain :
« Mais il n’est aucunement question par l’article 1 de lui [le
peuple québécois] conférer un quelconque droit à la sécession. »17 En
comparaison, comme on l’a vu, le projet de loi no 1, Loi sur
l’avenir du Québec, présenté par le gouvernement Parizeau en 1995, énonçait
une procédure de sécession unilatérale.
L’évolution
du débat est bien reflétée dans l’écart patent qui existe entre la loi 99
adoptée par l’Assemblée nationale du Québec en 2000 et le projet de loi no
1, Loi sur l’avenir du Québec de 1995.
Telles
sont, résumées dans leurs grands traits, les deux positions contraires défendues
par le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada. Il est évident que
ce débat important sollicite les expertises en sciences humaines et sociales
ainsi qu’en droit. L’expertise juridique : quels sont les rapports
entre le droit à l’autodétermination des peuples et le droit à la sécession?
L’expertise en science politique : quelle est la pratique des États face aux
tentatives de sécession unilatérale? qu’est-ce qu’une procédure de décision
claire en matière de sécession? L’expertise pluridisciplinaire : comment
harmoniser le droit et la politique afin qu’une sécession puisse se faire
dans la paix, la justice et le respect de la démocratie?
1.2 Les universitaires sur la procédure de sécession : fréquence et orientation générale
de leurs interventions
J’ai
choisi de retracer les interventions des universitaires sur les procédures de sécession
dans trois grands quotidiens francophones du Québec : Le Devoir, La
Presse et Le Soleil. La période couverte s’étend du 25 janvier
1996 au 30 juin 2002. La première date correspond à mon entrée en politique,
moment qui marque une accentuation du débat sur la procédure de sécession. Le
30 juin 2002 est tout bonnement la veille du jour où j’ai entrepris de rédiger
ce texte.
La
constitution du corpus18 s’est
faite par le repérage informatique, à l’aide de certains mots-clés, de tous
les textes publiés dans les trois quotidiens qui ont porté en totalité ou en
partie sur la procédure de sécession. Si des textes ont pu m’échapper, je
suis sûr qu’ils sont peu nombreux. J’ai retenu aussi bien les articles signés
par un seul ou plusieurs auteurs que les pétitions appuyées par plusieurs
signataires, suivant le principe qui veut que celui qui appose son nom à un
texte prend la décision de l’appuyer dans son entièreté.
Je
n’ai retenu dans le corpus que les auteurs qui se sont prononcés en tant
qu’experts en sciences humaines, sociales et juridiques. Cela inclut non
seulement des universitaires, mais aussi des auteurs qui se sont explicitement réclamés
d’une discipline donnée, à titre de sociologues ou de politologues par
exemple. Je ne me suis pas montré élitiste : les contributions des étudiants
ont été prises en compte au même titre que celles des professeurs. Par contre,
je n’ai pas retenu les textes écrits par des auteurs qui n’ont pas
d’expertise dans une discipline particulière. Leurs textes ne figurent dans
le corpus que s’ils les ont cosignés avec des universitaires ou des spécialistes
d’une discipline donnée. Ce n’est pas que je juge sans importance les
contributions de ceux qui interviennent à titre d’« intellectuels » plutôt
que d’« experts », pour reprendre la distinction bien développée par
André J. Bélanger19. Mais je ne m’intéresse ici qu’aux auteurs qui se réclament d’une rigueur
scientifique propre à leur discipline et qui, sur cette base, se croient en
mesure d’aider le grand public à mieux départager les domaines du vrai et du
faux, du possible et de l’impossible, du probable et de l’improbable, du
souhaitable et de l’indésirable.
Il
est temps de donner des précisions sur le corpus ainsi constitué. Commençons
par une description quantitative. Entre le 25 janvier 1996 et le 30 juin 2002,
les trois quotidiens ont publié 117 textes différents signés par des experts
et portant en tout ou en partie sur les règles de sécession. Certains de ces
117 textes ont été repris par plus d’un quotidien. Soixante-quinze auteurs
différents ont signé ou cosigné ces textes. En fait, 12 auteurs ont signé en
solo 60 textes à eux seuls. Le plus prolifique a été le professeur de
philosophie Michel Seymour qui a publié à lui seul huit articles, en a cosigné
un et a de plus signé une pétition.
Le
rythme de publication de ces textes a suivi les temps forts et les périodes
d’accalmie du débat dans l’actualité. De 1996 à 1998, année où la Cour
suprême a rendu son avis, le rythme de publication de textes d’experts sur
les règles de sécession ne ralentit pas dans nos grands quotidiens : 29 textes
publiés en 1996, 28 en 1997 et 29 en 1998. L’année 1999 marque une pause :
de janvier à novembre, seulement quatre textes d’experts sont publiés.
L’intérêt reprend à la suite de la présentation à la Chambre des communes
d’un avant-projet de loi sur la clarté20. De décembre 1999 à juin 2000, on dénombre 19 textes sur la question. Puis le
débat s’atténue et les interventions des experts se font rares : entre
juillet 2000 et juin 2002, en l’espace de deux ans donc, seulement 8 textes
traitent en totalité ou en partie de la procédure de sécession.
Passons
maintenant à une évaluation un peu plus qualitative du corpus. J’ai classé
les textes selon que la position défendue m’apparaissait, grosso modo, soit
« rapprochée » de celle du gouvernement du Canada, soit « éloignée » de
celle-ci, soit neutre. Par neutre, j'entends une position qui, généralement,
donne raison au gouvernement du Canada sur certains points et tort sur
d’autres tout aussi essentiels, ou une position qui ne fait que présenter des
faits que ni le gouvernement du Canada ni le gouvernement du Québec ne sont
susceptibles de contester. Dans la grande majorité des cas, cet exercice de
classification m’a été facile tant les positions défendues par les experts
étaient bien tranchées. On contestera peut-être ma classification de certains
textes, mais je ne crois pas que ces cas discutables soient nombreux.
Le
tableau 1 reproduit les résultats de cet exercice selon que l’on prend pour
unité de mesure les textes ou les auteurs. Sur 117 textes différents, 63
indiquent une position « éloignée » de celle du gouvernement du Canada,
33 une position « rapprochée » et 21 peuvent être classifiés comme neutres.
En pourcentage, cela donne 54 % de positions « éloignées », 28 % « rapprochées »
et 18 % neutres. La balance penche encore plus du côté des « éloignées »
si l’on prend comme unité de mesure les auteurs. Le tableau 1 indique que
seulement 15 auteurs sur 75 (20 %) ont
défendu, au fil de leurs textes, des positions « rapprochées » de celle du
gouvernement du Canada alors que 52, soit 69 %, ont défendu des positions éloignées.
Le
tableau 2 reprend la classification des textes en « rapprochés », « éloignés
» ou « neutres », mais selon le quotidien (le total dépasse 117 textes
puisque certains ont été publiés dans plus d’un quotidien). On constate que
Le Devoir a publié plus de textes d’experts que La Presse :
76 comparativement à 43. Le Soleil n’en a publié que 6. La proportion
de textes exposant une position « éloignée » de celle du gouvernement du
Canada est plus élevée dans Le Devoir que dans La Presse :
59 % comparativement à 44 %.
Si
l’on compare la position des juristes et des politologues,les experts les plus sollicités dans ce débat, on constate une répartition plus équilibrée des positions chez les premiers que chez le seconds.
Sur les 15 juristes qui se sont prononcés, on trouve 6 « éloignés »,
8 « rapprochés » et 1 « neutre ». En comparaison, chez les politologues, la
quasi-totalité, soit 19 sur 23, ont adopté des positions « éloignées »,
seulement 2 des positions « rapprochées » et 2 sont demeurés neutres.
En
somme, je retiens surtout de ces données l’information contenue dans le
tableau 1 montrant que les experts ont été plus de trois fois plus nombreux
(52 contre 15) à défendre une position « éloignée » plutôt que « rapprochée
» de celle du gouvernement du Canada. Cela témoigne d’une orientation différente de celle du grand public. En effet, s’il ressort des
sondages que les Québécois n’étaient pas à l’aise dans ce débat et ont
eu tendance à désapprouver sur le coup les initiatives fédérales devant la
Cour suprême et le Parlement, il apparaît aussi que les Québécois dans leur
majorité sont plutôt d’accord avec le contenu de la position du gouvernement
du Canada. Ils tendent à être d’avis que le gouvernement du Québec n’a
pas le droit de faire l’indépendance du Québec unilatéralement21 et
que le gouvernement du Canada doit avoir son mot à dire sur la procédure de sécession22,
y compris la question référendaire23 et
la majorité requise24. Les Québécois tendent à considérer que la question référendaire de 1995
n’était pas claire25 et
qu’une majorité de « 50 % plus un » serait insuffisante pour
faire l’indépendance26. Ils sont enclins à trouver justifié, surtout dans le cas des Autochtones, que
des populations territorialement concentrées puissent rester dans le Canada si
c’est ce qu’elles souhaitent clairement27.
Cette
différence de vues entre l’opinion publique québécoise et celle de la
grande majorité des experts semble avoir provoqué, à la longue, un sentiment
de frustration chez certains de ces derniers. Ainsi, le professeur Seymour a
parlé d’« attitude “bonasse” typiquement québécoise »28!
Mais
l’expert n’est pas astreint à une obligation d’osmose avec l'opinion
publique au nom de la démocratie. Il se peut très bien que ses analyses
l’aient conduit à défendre une position différente de celle d’un public
moins bien informé. Toutefois, je ne crois pas que ce soit ce qui s’est passé
dans le cas qui nous occupe. Plusieurs des universitaires qui ont pris position
ne m’apparaissent pas avoir apporté une valeur ajoutée qui relève de leur
expertise scientifique. Ou bien ils n’ont rien ajouté d’inédit au débat,
ou bien ils ont défendu des positions originales mais sans informer le public
qu’elles étaient hautement contestées dans les milieux de la recherche.
Certains me semblent avoir apporté leur caution d’experts à des thèses
nationalistes en vogue, sans s’appuyer sur des faits ou sur une réfutation
rationnelle des arguments contraires. Ils n’ont cité à peu près personne et
n’ont tenu compte ni des témoignages d’experts présentés devant la Cour suprême,
ni des débats parlementaires, ni des lettres ouvertes entre ministres. Bien peu
de cas étrangers ont été véritablement discutés.
Le
résultat me semble assez préoccupant du point de vue de la capacité de notre
communauté universitaire de jouer un rôle utile dans ce débat public. C’est
ce que je vais démontrer en me livrant à une analyse plus qualitative du
corpus.
2. Les rapports entre le droit et la sécession en démocratie
Le
débat sur la procédure de sécession soulève des questions précises qui font
appel à des expertises particulières. Je vais passer en revue, une à une, les
plus importantes de ces questions afin d’analyser comment les universitaires-experts
les ont traitées. La première d’entre elles est sans doute celle que le
gouvernement du Canada a posée à la Cour suprême : « [...] en vertu du
droit international, existe-t-il un droit à l’autodétermination qui
procurerait à l’Assemblée nationale, la législature, ou le gouvernement du
Québec le droit de procéder unilatéralement à la sécession du Québec du
Canada? »29. La réponse à cette question étant, comme l’a dit la Cour suprême, négative,
les experts se sont demandé si le gouvernement sécessionniste pourrait réussir
à effectuer une sécession pacifique en démocratie en dehors du droit, soit en
considérant la question comme purement politique, soit en faisant appel à la
reconnaissance internationale.
2.1 Le droit à la sécession existe-t-il en démocratie?
Des
universitaires sont intervenus dans les quotidiens en postulant qu’il y avait
équivalence entre le droit à l’autodétermination des peuples et le droit à
la sécession. Il faut dire que c’était là une croyance largement répandue
dans le milieu politico-médiatique lorsque le débat sur la procédure de sécession
s’est intensifié au début de l’année 1996. Persuadés à tort que le
droit à l’autodétermination supposait le droit à la sécession, ces
universitaires ont reproché au gouvernement du Canada, souvent en des termes
assez émotifs, de nier que la sécession soit un droit reconnu en démocratie.
Par
exemple, le premier texte universitaire consacré aux règles de sécession à
paraître après mon entrée en politique, publié dans Le Devoir du 3 février
1996, a été signé par M. Henri Lamoureux. Celui-ci se présentait comme
un « écrivain, professeur d’éthique sociale qui enseigne les principes
de l’action collective à l’Université de Montréal, à l’UQAM et à
l’Université de Sherbrooke »30. Il confond d’une phrase à l’autre le « droit à l’autodétermination »
et le « droit à l’indépendance ». Il affirme que « M. Dion sait
cela » et que mes déclarations publiques sur cette question comme sur la négociation
des frontières ou la majorité requise ne sont que « pure provocation »
et « divagations » qui « n’ont strictement rien à faire avec la
science politique »31.
Heureusement,
des juristes compétents en droit international ont apporté au débat l’éclairage
requis. Le premier à l’avoir fait a été le professeur José Woehrling, de
l’Université de Montréal. Dans les pages de La Presse, les 14 et 15 février 1996,
il signe deux textes dans lesquels on retrouve presque tout ce
que l’avis de la Cour suprême confirmera deux ans et demi plus tard. En
citant les textes juridiques pertinents, le professeur Woehrling fait la
distinction fondamentale entre l’autodétermination interne et l’autodétermination
externe : « Dans l’opinion dominante, il n’est donc pas possible de
faire découler le droit de sécession (ou de séparation) en contexte non
colonial du droit des peuples à l’autodétermination. La pratique suivie par
les Nations Unies vient confirmer ce point de vue. »32
Il
s’est trouvé toutefois un autre juriste de l’Université de Montréal, le
professeur Jacques-Yvan Morin, pour défendre un point de vue divergent. Le 6
janvier 1998, il signe dans Le Devoir un texte dans lequel il affirme que
la distinction entre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (ou droit
à l’autodétermination) et le droit à la sécession est le produit d’un
droit onusien trop marqué par l’influence de régimes autoritaires ou
despotiques. Si l’on s’en tient au droit occidental, tel qu’il s’exprime
notamment dans l’Acte final d’Helsinki de 197533,
il apparaît, selon le professeur Morin, que le droit des peuples en démocratie
comprend effectivement le droit à la sécession. Il écrit : « Il serait
tout de même paradoxal que le gouvernement fédéral obtînt de la Cour
qu’elle se comportât comme un tribunal du Nigeria plutôt qu’en cour
constitutionnelle de tradition occidentale. »34 Il
aurait été souhaitable que le professeur Morin précise à quelle tradition
occidentale il faisait allusion. On voit mal comment cette tradition pourrait être
celle de la France, des États-Unis, de l’Italie, de l’Australie et de tous
les autres États démocratiques qui se déclarent indivisibles dans leur
Constitution ou leur jurisprudence.
De
plus, il aurait fallu, selon moi, que le professeur Morin informe ses lecteurs
du fait que son interprétation de l’Acte final d'Helsinki est
contraire à celle qui domine dans la littérature pertinente. En effet, l’Acte
final d'Helsinki, qui n’a pas été négocié uniquement entre démocraties,
mais qui est le fruit d’un compromis entre des démocraties occidentales et
les pays de l’Europe de l’Est de l’époque, a eu pour l’un de ses résultats,
selon les experts, de confirmer le principe de l’intégrité territoriale des
États. Le droit des peuples à déterminer leur statut politique y est défini
de façon compatible avec le principe d’intégrité territoriale et les autres
conventions internationales. Bien sûr, le professeur Morin a le droit de se
dissocier d’un consensus entre experts35. Mais je maintiens qu’il aurait dû en informer les lecteurs du Devoir
– ou de L’Action nationale36. La raison en est simple : c’est en fonction de la doctrine juridique établie
que les tribunaux et les États interprètent l’Acte final d’Helsinki,
et non en fonction d’une opinion isolée. De fait, dans son avis, la Cour suprême
du Canada mentionne l’Acte final d’Helsinki parmi les textes
juridiques qui circonscrivent le droit à l’autodétermination dans les
limites accordées à l’intégrité territoriale des États37.
En
quelques phrases, le politologue Jean-Pierre Derriennic a résumé les principes
de droit qui s’appliquent à la sécession d’une façon qui, à mon avis,
fait consensus auprès des sommités du domaine : « En droit international,
le Québec n’a pas le droit de faire sécession, mais rien ne l’interdit. Le
Canada a le droit à son intégrité territoriale, donc de refuser la sécession
du Québec. Mais il peut l’accepter, et donc le Québec peut devenir indépendant.
S’il le devient, il aura, à son tour, le droit à son intégrité
territoriale, donc de refuser que certains se séparent de lui. »38
Il
est à souligner que la distinction entre droit à l’autodétermination et
droit à la sécession vaut autant pour les pays fédérés que pour les pays de
régime unitaire. Le politologue François Rocher et l’historien Michel
Sarra-Bournet suggèrent le contraire. Ils considèrent que, dans une fédération,
la sécession est un droit dont les entités fédérées peuvent se prévaloir
sur demande, au nom du respect de la diversité : « Si le fédéralisme
repose sur une adhésion volontaire et le libre consentement des entités fédérées,
le gouvernement fédéral ne peut disposer d’un droit de veto sur le droit de
retrait qui, lui, est non négociable. »39
Il
me semble que MM. Rocher et Sarra-Bournet auraient dû préciser de quelles
fédérations ils voulaient parler. Je ne sais dans quelle fédération existe
aujourd’hui un droit à la sécession sur demande, alors qu’on connaît des
fédérations démocratiques qui se déclarent indivisibles, comme les États-Unis
et l’Australie. Dans les milieux de la recherche, le point de vue dominant est
que le fédéralisme repose sur une interdépendance des entités incompatible
avec la sécession unilatérale. Ces experts incluent, par exemple, le
professeur de droit international Luzius Wildhaber, aujourd’hui président de
la Cour européenne des droits de l’homme. Il a expliqué, dans une lettre
soumise en 1998 à la Cour suprême du Canada, pourquoi l’intégrité
territoriale des États fédérés n’est pas moins garantie en droit que
celles des États centralisés : « Ce serait injuste qu’il en soit
autrement. On créerait une inégalité flagrante entre les États si on
laissait les entités composant une fédération réclamer non seulement le
“privilège” de se séparer, mais si on leur accordait en plus le droit de
conserver l’intégrité de leur territoire. »40
Il
est toujours possible que MM. Rocher et Sarra-Bournet aient raison contre
l’avis dominant dans le monde de la recherche. Mais là encore, il me semble
qu’il aurait été de rigueur qu’ils informent les lecteurs de La Presse
du caractère marginal de leur position. Ils auraient dû leur dire qu’elle
n’était pas conforme à la façon dont les tribunaux et les États considèrent
l’intégrité territoriale des États fédérés.
2.2 La procédure de sécession est-elle une question purement politique ou revêt-elle
aussi un aspect juridique?
Plusieurs
experts ont soutenu que le droit n’était pas pertinent en l’occurrence
puisque l’accession à l’indépendance serait un phénomène purement
politique. Le sociologue André Turmel a posé une question qui exprime
bien ce point de vue : « [...] de la légitimité des urnes et
de la primauté du droit, laquelle doit prévaloir dans le cas de la souveraineté
du Québec? »41. Mon sentiment est que ces universitaires ont adopté cette position sans jamais
vraiment en évaluer les implications. Je crois que, s’ils avaient approfondi
davantage le sujet, ils auraient été obligés de
reconnaître que la démocratie ne peut s’exercer en dehors du droit.
Par exemple, on ne peut faire appel à la « légitimité des urnes
» en l’absence de règles juridiques qui précisent, notamment, qui peut
voter, comment et sur quoi.
Que
l’exercice de la démocratie doive s’appuyer sur le droit m’apparaît être
une réalité bien admise en science politique. Je ne comprends pas les raisons
qui ont conduit certains universitaires à se rallier à l’opinion qui
voudrait que la procédure de sécession échappe à cette réalité.
Il
n’est pas si facile d’évacuer le droit. Le gouvernement péquiste, qui régulièrement
prétend que l’accession à l’indépendance est une question purement
politique, ne manque pas d’annoncer son intention d’utiliser son autorité
juridique pour rendre effective la sécession. Des universitaires me semblent
avoir repris à leur compte cet argument de deux poids deux mesures qui consiste
à nier la pertinence du droit tout en l’invoquant quand elle devient utile à
la cause. Par exemple, le droit devient subitement pertinent dans l’hypothèse
où certaines régions du Québec s’aviseraient au nom de « la légitimité
des urnes » de se séparer d’un Québec indépendant : « Il faut
rappeler et expliquer [...] que le droit international joue en faveur de
l’intégrité territoriale d’un Québec souverain. »42
Il
est très difficile d’imaginer comment une sécession démocratique pourrait
se réaliser en dehors du droit. Le politologue Max Nemni se demande comment le
gouvernement du Québec « forcerait [...] les citoyens fidèles
au Canada à payer toutes leurs taxes à un gouvernement qu’ils percevraient
comme hors-la-loi? »43. De même, le professeur Yves-Marie Morissette44 a
bien expliqué les difficultés concrètes qui empêcheraient une déclaration
unilatérale d’indépendance d’être effective sur le terrain. Il est bien
possible que ces professeurs se trompent, mais encore aurait-il fallu tenter de
réfuter leurs arguments, plutôt que de s’en tenir à répéter que la
question est politique et non juridique.
L’État
de droit est un principe essentiel à la démocratie. On me permettra de m’étonner
que des universitaires aient pu rejeter ce principe sans en évaluer toutes les
conséquences pour la société québécoise et l’ensemble du Canada.
La
principale raison invoquée par plusieurs universitaires pour défendre une
position non conforme au droit est que les dispositions constitutionnelles qui
pourraient permettre la sécession du Québec sont, selon eux, trop exigeantes
pour être réalistes. Il faudrait obtenir au moins l’assentiment de sept
provinces représentant 50 % de la population canadienne. Ainsi, le
constitutionnaliste Henri Brun parle de « l’impossible accord du fédéral
et des autres provinces du Canada » et à la suite de plusieurs évoque les
échecs des accords de Meech et de Charlottetown : « Si les cinq modestes
conditions de l’Accord du lac Meech n’ont jamais pu recevoir cet accord, on
peut imaginer ce qu’il en serait de l’idée de permettre au Québec de
quitter le Canada. »45 Plusieurs,
comme le professeur Christian Dufour, parlent de « prison
constitutionnelle pour le Québec »46. Un étudiant à la maîtrise en science politique soutient que : « La
grande majorité des parlementaires qui composent la Chambre des communes est
d’avis que le Canada est et sera toujours indivisible. »47 Certains
professeurs vont plus loin et accusent, sans preuve aucune, le gouvernement fédéral
de planifier une intervention militaire pour stopper la sécession48.
Je
m’étonne de la facilité avec laquelle tant d’universitaires se permettent
d’écrire de telles choses sur le reste du Canada sans jamais avancer le
moindre élément de preuve à l’appui. Aucun d’entre eux ne rapporte les
opinions qui ont cours dans l’ensemble du Canada sur cette question. S’il
existe dans notre pays plusieurs formations politiques résolues à s’opposer
à toute réédition de l’Accord du lac Meech, on n’en connaît
aucune qui se déclare disposée à garder les Québécois dans le Canada contre
leur volonté clairement exprimée.
Le
gouvernement du Canada a pour sa part réitéré, aussi bien avant que la Cour
suprême ne rende son avis qu’après, que l’expression claire d’une volonté
des Québécois de faire sécession entraînerait une négociation sur la sécession.
On
peut toujours soutenir que toutes ces formations politiques mentent effrontément
à la population. Mais il me semble qu’un universitaire devrait avancer des
preuves à l’appui d’un tel procès d’intention. En l’absence de preuve,
je ne vois aucune raison de mettre en doute la déclaration du Procureur général
du Canada lorsqu’il a exposé devant la Chambre des communes les raisons du Renvoi
à la Cour suprême, le 26 septembre 1996 : « Les principales personnalités
politiques de toutes nos provinces et le public canadien ont convenu depuis
longtemps que le pays ne restera pas uni à l’encontre de la volonté
clairement exprimée des Québécois. »49
Je
m’étonne aussi que ces universitaires ne semblent pas avoir saisi la
distinction, que fera finalement le professeur Woehrling, entre la négociation
de la sécession et la modification constitutionnelle qui lui donnerait effet.
La négociation de la scission d’un État moderne soulèverait inévitablement
de nombreuses questions épineuses. Mais si la négociation réussit, « [...]
on voit mal comment le gouvernement fédéral ou une province pourrait encore
refuser son consentement formel à la modification nécessaire pour mettre
l’accord politique en œuvre »50.
Or, il est raisonnable de penser que les
probabilités de s’entendre sur un accord de séparation sont plus grandes si
on respecte le droit que si on le bafoue. Ceux qui pensent le contraire ont le
fardeau de la preuve.
2.3 Les États se montrent-ils enclins à reconnaître des sécessions unilatérales?
Quelques
universitaires ont suggéré qu’un gouvernement du Québec qui tenterait une sécession
unilatérale aurait des chances raisonnables d’obtenir la reconnaissance des
autres États contre l’avis du gouvernement canadien. Le professeur Brun, par
exemple, insiste sur ce qu’il appelle « l’égide de la communauté
internationale »51. Il est dommage qu’il n’ait pas commenté plus à fond la probabilité
d’une telle reconnaissance internationale.
Le
professeur Jacques-Yvan Morin, lui, admet qu’une telle reconnaissance serait
difficile : « La partie sera rude. »52 En
effet, selon le professeur Woehrling, « les États étrangers éprouveraient
sûrement une certaine réticence à adopter la position inverse [à celle
du gouvernement canadien], puisque ceci les amènerait à poser un geste
qu’Ottawa considérerait comme inamical, voire hostile, et les ferait entrer
en conflit avec l’État canadien »53. De même, selon M. Benoît Pelletier, à l’époque professeur de droit à
l’Université d’Ottawa : « [...] la communauté internationale favorise
nettement le maintien d’une stabilité territoriale, économique et sociale
des États existant actuellement. »54 Le
professeur Derriennic est plus direct : « [...] si le Canada
s’oppose à la sécession et la déclare illégale, aucun pays ne la reconnaîtra
formellement. »55
Dans
son avis, la Cour suprême du Canada a évalué le rôle de la communauté
internationale de façon prudente et réaliste56. En fait, elle s’en tient à l’évidence : il faudrait 1) que l’appui
à la sécession soit clair au Québec, 2) que le gouvernement du Québec négocie
dans le respect des principes constitutionnels et 3) qu’il se heurte à
l’intransigeance injustifiée des autres participants, pour qu’il augmente
« probablement »57, précise la Cour, ses chances d’être reconnu.
On
comprend cette prudence de la Cour quand on connaît la réticence extrême de
la communauté internationale à reconnaître des sécessions unilatérales.
Comme l’a écrit le professeur James Crawford, de l’Université de
Cambridge, dans le rapport d’expert qu’il a présenté à la Cour suprême
du Canada, depuis 1945, hors du contexte colonial, « aucun État créé par
sécession unilatérale n’a été admis aux Nations Unies à l’encontre de
la volonté exprimée par le gouvernement de l’État prédécesseur »58.
Aucun
des universitaires qui ont écrit dans les trois quotidiens n’a rapporté le
moindre fait qui pourrait mettre en doute cette affirmation du professeur
Crawford.
Il
aurait été profitable pour tous que soient discutées dans nos quotidiens les
raisons de cette réticence évidente des États à reconnaître des déclarations
unilatérales d’indépendance. On aurait peut-être alors convenu que cette réticence
n’est pas seulement inspirée par des considérations d’ordre et de stabilité.
On aurait pu débattre, par exemple, de l’idée selon laquelle une philosophie
de la démocratie qui serait fondée sur la logique de la sécession inciterait
les groupes à se séparer plutôt qu'à s’efforcer de se rapprocher et de
s’entendre : « [...] les institutions démocratiques sont le plus
susceptibles de prospérer lorsque la sortie n’est pas aussi facile qu’un
droit majoritaire à la sécession la rendrait. »59
[traduction]
3. Vaut-il mieux négocier ou ne pas négocier les frontières afin d’effectuer une sécession
juste et pacifique?
La
négociation de la scission d’un État démocratique moderne serait une tâche
énorme, source « d’incertitude et de bouleversements profonds », et
soulèverait « une multitude de questions très difficiles et très
complexes », pour reprendre les termes de la Cour suprême60. Cependant, la question qui, de loin, a été la plus vivement débattue dans nos
trois principaux quotidiens a été celle de la négociation des frontières du
Québec. L’affirmation du gouvernement du Canada selon laquelle ces frontières
seraient effectivement négociables dans le cadre du droit a indigné les partis
sécessionnistes, indignation à laquelle de nombreux universitaires ont fait écho.
Je
ne vois pas l’utilité de rapporter tous les anathèmes qui ont pu être
formulés. Disons que le premier texte, celui de M. Lamoureux, a donné le ton
en parlant de « despotisme politique précoce » et en accusant le
gouvernement du Canada de chercher à « provoquer une réaction
violente chez certains Québécois »61. De telles accusations ont fusé de toutes parts même si le gouvernement du
Canada s’est toujours engagé à agir de façon pacifique et dans le respect
du droit. Aucune de ces critiques n’a visé les ministres péquistes qui ont
invoqué le recours à la force comme moyen de rendre effective la sécession
sur l’ensemble du territoire québécois62.
D’autres
universitaires, tout en gardant une sobriété de ton, n’en ont pas moins
soutenu que le gouvernement du Canada, en soulevant la question des frontières,
provoquait une « dangereuse polarisation »63 d’ordre
ethnique : « La partition est essentiellement une question qui [ne]
se règle ni par la loi, ni par la politique, mais par les chars d’assaut et
les soldats »64, a affirmé le politologue Denis Saint-Martin.
Autrement
dit, ces universitaires soutiennent que le risque de violence est moins élevé
quand les autorités politiques font fi des demandes de modification de frontières
que lorsqu’elles consentent à les examiner. L’assurance avec laquelle une
telle thèse a été défendue étonne car, à une exception près, aucun de ces
auteurs ne s’est référé à des exemples concrets de négociation des frontières
en cas de sécession. On connaît pourtant des cas de sécession pacifique où
des modifications frontalières ont été négociées (l’ex-Tchécoslovaquie
en est un) et d’autres cas où la violence a éclaté quand on a refusé de négocier
les frontières.
Le
seul de ces auteurs qui ait rapporté des cas étrangers est le professeur
Pierre Binette, qui enseigne l’histoire et la science politique à
l’Université de Sherbrooke. Il s’attarde notamment sur le cas de
l’Abkhazie, république qui s’est déclarée indépendante de la Géorgie en
1992. Un conflit armé s’en est suivi et l’Abkhazie n’a toujours pas
obtenu sa reconnaissance internationale malgré une sécession de fait. Quelle
conclusion en tire le professeur Binette? Qu’un partitionnisme ethnique de
style abkhaze est « à l’origine de conflits et de violence »65. Pour ma part, je ne me risquerai pas à départager les torts dans cette
affaire, mais je sais que des frontières n’ont pas été négociées et
qu’il y a eu violence. Dans une telle situation, le professeur Binette
recommanderait-il au gouvernement du Canada, ou au gouvernement d’un Québec
indépendant, de se comporter comme l’a fait le gouvernement géorgien?
On
ne peut discuter utilement de la position du gouvernement du Canada si on la déforme.
Ce gouvernement ne préconise pas la négociation de frontières sur la base de
fractionnements entre nations, peuples ou ethnies. Il dit simplement que
l’expression claire des choix démocratiques des citoyens peut rendre préférable
une modification négociée des frontières en cas de sécession. Les
universitaires qui sont en désaccord avec cette position n’ont rien écrit à
mon avis qui justifierait que les autorités politiques ferment a priori la
porte à toute demande de modification des frontières.
Beaucoup
plus utiles à mon avis ont été les commentaires de certains universitaires
selon lesquels la modification des frontières peut être impraticable dans
certains cas en ce qu’elle créerait des entités non fonctionnelles66. Je suis tout à fait d’accord et il est dommage que cet aspect pragmatique
n’ait pas davantage retenu l’attention. Voilà un argument d’ordre
pratique susceptible de garder les gens raisonnables lors de la turbulence
d’une négociation sur la sécession. On ne les gardera pas raisonnables en
les qualifiant d’extrémistes et en leur tenant un discours fait de deux poids
deux mesures.
À
propos de deux poids deux mesures, cela me semble être le cas de tous ces
discours qui consistent à hiérarchiser les droits des citoyens en fonction de
leurs appartenances collectives. Selon cette conception des choses, le
territoire canadien pourrait être divisé mais pas celui du Québec parce que
les Québécois formeraient une nation ou un peuple distinct au sein du Canada,
alors qu’il n’y aurait pas de nations ou de peuples distincts au Québec,
seulement des sous-groupes de la nation québécoise. De la sorte, allègue-t-on,
des Québécois peuvent imposer à d’autres Québécois une sécession dont
ils ne veulent pas, au nom du caractère indivisible du territoire de la nation
québécoise. Le professeur de philosophie Michel Seymour s’est fait le
champion de cette théorie. Il y revient constamment au fil de ses textes67.
Sur
le fond, je considère que c’est avec beaucoup de légèreté que ces
universitaires acceptent de hiérarchiser les droits des citoyens selon que
certains d’entre eux peuvent être décrits comme formant un peuple et
d’autres comme formant quelque chose de moins qu’un peuple. Mais je m’en
tiendrai ici à un commentaire sur la méthode : il aurait été approprié, à
mon avis, que ces universitaires discutent des raisons pour lesquelles ces
tentatives de hiérarchisation des citoyens en nations et en sous-groupes de
nations n’ont aucune pertinence en démocratie du point de vue du droit, comme
l’a confirmé l’avis de la Cour suprême du Canada68. Peut-être que certains d’entre eux auraient fini par convenir, comme l’a
souligné le professeur Derriennic, que « [...] si le fait pour un
groupe humain d’être ou de ne pas être une nation permettait à certains de
revendiquer des droits qui sont refusés à d’autres, tous les discours visant
à montrer que certains sont des nations et que d’autres ne le sont pas
seraient moralement répugnants »69.
On
a reproché au gouvernement du Canada d’avoir inventé ce problème de la
modification des frontières. Les universitaires qui lui ont fait ce reproche
semblent ignorer qu’en 1980 comme en 1995 des populations autochtones du Québec
ont tenu leurs propres consultations populaires et ont exprimé clairement en
ces occasions leur volonté de rester dans le Canada. Puisque de telles préférences
risqueraient de se manifester en cas de négociation d’une sécession, il
apparaît raisonnable d’établir à l’avance les bases normatives et
juridiques qui permettraient d’en tenir compte. À mon avis, les
universitaires auraient apporté une meilleure contribution en ce sens si un
plus grand nombre d’entre eux ne s’en étaient pas tenus à un discours de dénonciation.
Comme l’a écrit le politologue Philip Resnick : « Advenant un Oui lors
d’un troisième référendum québécois, les appels des concitoyens du reste
du Canada pour leur venir en aide, jumelés à ceux d’autres Québécois qui
voudraient rester Canadiens, pourraient nous plonger dans le marasme. [...]
Je trouve donc utile et pertinent [...] que le nouveau ministre des
Affaires intergouvernementales aborde dès maintenant la question de la
partition; sans la souhaiter, il faut reconnaître qu’elle risque de se poser
et que le gouvernement fédéral sera obligé d’en tenir compte. »70
La
lecture des interventions de plusieurs universitaires donne la fausse impression
que la position du gouvernement du Canada, selon laquelle il serait imprudent
d’exclure à l’avance la négociation des frontières, serait scandaleuse
par rapport aux vues qui prévalent dans le monde démocratique. Pourtant, cette
position, qui est aussi celle de la Cour suprême, n’a rien d’original. On
la trouve souvent exprimée dans la littérature scientifique traitant des sécessions.
Elle s’inspire du principe démocratique selon lequel on doit s’efforcer en
pareilles circonstances de satisfaire aux intérêts de tout le monde, dans les
limites du possible : « Le proverbe selon lequel on ne doit pas faire aux
autres ce que nous ne voulons pas qu’on nous fasse, s’applique dans ce cas.
»71 [traduction]
4. La sécession et le prérequis de clarté
Il
s’est trouvé des universitaires pour soutenir que toute majorité, si mince
soit-elle, doit être considérée comme claire et suffisante pour faire une sécession.
On peut citer notamment les professeurs Morin72 et
Brun73 à ce sujet. Cependant, ils n’ont pas vraiment développé leur argument. Je ne répliquerai
donc pas en reprenant toute l’argumentation qui amène à conclure qu’un référendum
sur la sécession ne devrait être tenu que lorsqu’il permet de confirmer
officiellement l’existence, dans la population, d’un consensus évident pour
la sécession74.
Je
veux plutôt souligner la prise de position des chercheurs d’allégeance indépendantiste
Jean-Herman Guay, Pierre-Alain Cotnoir, Pierre Drouilly et Pierre Noreau : « Il
faut que, pour le prochain référendum, on ne vise plus une majorité précaire,
mais une majorité confortable, parce que cette troisième fois sera sans doute
la dernière. »75 Ces
auteurs ne sont pas loin d’admettre qu’on ne devrait jamais tenter de faire
une sécession en démocratie à moins d’avoir l’assurance qu’elle reçoit
un large appui dans la population. Je crois bien que c’est cette conclusion
qu’un plus grand nombre de nos universitaires auraient exprimée dans nos
quotidiens s’ils avaient fondé leurs prises de position sur les exemples de référendums
qui ont été tenus lors de processus de sécession réussie hors du contexte
colonial. Mais, pour une raison que je ne m’explique pas, ils n’ont pas
traité de ces exemples ni inscrit leurs interventions dans une perspective
comparative.
Un
seul exemple a été mentionné à plusieurs reprises. Mais justement, il n’a
été que mentionné au passage et non vraiment analysé. Il s’agit du cas de
Terre-Neuve dont on a souligné l’entrée dans la Confédération canadienne
à la suite d’un référendum dont le résultat a été serré76. Une analyse de ce cas aurait amené ces universitaires à relever que seulement
14 % des Terre-Neuviens se sont prononcés, en 1948, pour le maintien du lien
avec la Grande-Bretagne.
Au
sujet de la clarté de la question, là encore, peu d’universitaires ont prétendu
que celle de 1995 était claire. Il s’en est trouvé cependant pour
l’affirmer. Ils ont repris à leur compte l’argument des leaders indépendantistes
selon lequel le fort taux de participation au référendum de 1995 serait en soi
une preuve que les électeurs avaient compris l’enjeu77. On se serait attendu de la part d’universitaires à ce qu’ils appuient un
tel argument sur des données empiriques. Il aurait été souhaitable qu’ils
donnent leur avis sur les données de sondage bien connues qui montrent que
quantité d’électeurs se sont présentés aux urnes en croyant, de bonne foi,
que la souveraineté était liée à une entente de partenariat politique et économique
avec le Canada. Par exemple, en octobre 1995, un sondage indiquait que seulement
46 % des électeurs avaient compris que la question signifiait que le Québec
deviendrait indépendant même si les négociations sur le partenariat politique
et économique devaient échouer78.
En
sciences sociales appliquées, on enseigne qu’il est bien difficile d’être
clair dans un sondage ou un référendum quand on pose deux questions dans une79. Dans le cas qui nous occupe, le point de vue du professeur de droit Patrice
Garant, selon lequel une question claire devrait porter « uniquement et
exclusivement sur la sécession »80, paraît conforme à cet enseignement.
Cela
m’amène à commenter la façon dont certains universitaires ont abordé dans
les quotidiens le thème du partenariat Québec-Canada. On relève, dans le
corpus, deux tentatives visant à projeter un peu de clarté sur ce projet :
celle du philosophe Michel Seymour81 et
celle des sociologues Gilles Bourque et Jules Duchastel82. Il s’agit, dans les deux cas, d’échafaudages intellectuels compliqués
selon lesquels le Canada serait obligé d’ajouter une superstructure à ses
deux ordres de gouvernement. Les auteurs jonglent avec des mécanismes de décision
qui ne sont pas tout à fait paritaires – pour rendre le projet acceptable au
Canada, mais en même temps qui le sont suffisamment pour que le Québec préserve
sa souveraineté. De plus, le professeur Seymour propose un partenariat
tripartite avec les Autochtones, ce qui ajoute à la complexité83.
Le
résultat de ces tentatives ambitieuses laisse sceptique. Le professeur Seymour
lui-même concède que : « Au départ, peut-être, le partenariat sera
minimal. »84 Il
soutient même que « le projet de partenariat est accessoire au projet
de souveraineté »85. Mais alors, pourquoi inclure ce qui est accessoire dans une question sur la sécession?
Le
professeur Denis Monière et le journaliste Pierre de Bellefeuille ont vivement
critiqué la tentative du professeur Seymour de donner chair au projet de
partenariat. Le résultat leur paraît trop lourd pour être crédible : « une
garantie de paralysie [...] cadenassée à double tour. »86 Le
Canada aurait, selon eux, bien raison de rejeter cet arrangement biscornu et même
le Québec y perdrait : « un Québec libre se tirerait mieux d’affaire
sans un partenariat de structures. »87 Ils
en concluent que la promesse du partenariat n’est finalement qu’un procédé
malhonnête utilisé à des fins tactiques. En leurs mots : « Si certains
souverainistes font miroiter la perspective du partenariat, c’est moins pour
influencer le Canada que pour rassurer les Québécois craintifs devant un grand
dérangement. Mais cela est proprement
malhonnête, étant donné que, même dans le scénario le plus
optimiste, un partenariat ne deviendra possible qu’à la suite d’un long
cheminement de l’opinion canadienne. On
ne peut donc rien promettre »88. c’est moi qui souligne).
Après
une répudiation aussi éloquente du concept de partenariat, on s’attendrait
à ce que MM. Monière et de Bellefeuille militent pour qu’on ne se serve plus
jamais de ce procédé « malhonnête » dans la formulation d’une
question référendaire. Après tout, ils semblent en appeler eux-mêmes à la
clarté : « Le pays nommé Québec ne pourra naître que si ses habitants en
sont majoritairement de fiers citoyens qui renoncent consciemment à l’identité
canadienne. »89 Or,
au contraire, les deux hommes tiennent au maintien du procédé malhonnête,
puisque, dans un texte subséquent90,
ils reprochent vertement au gouvernement du Canada de ne pas reconnaître comme
valable une question référendaire qui supposerait une négociation sur la
souveraineté-partenariat. La question leur est posée : comment un gouvernement
démocratique pourrait-il négocier la fin de ses responsabilités
constitutionnelles envers une partie de ses citoyens sur la base d’une
question malhonnête?
L’anthropologue
Claude Bariteau se montre un intellectuel indépendantiste beaucoup plus conséquent.
Puisqu’il lui apparaît clair que les autres Canadiens ne s’empêtreront pas
« d’une union à deux qui limiterait leur marge de manœuvre »91, et puisque le concept obscur de partenariat n’a finalement qu’une fonction
attrape-votes, il faut renoncer à insérer cette notion floue dans une question
référendaire : « Les Québécois, qui ont choisi l’indépendance,
veulent entrer la tête haute dans l’histoire. Aussi refuseront-ils la démarche
partenariste. »92 Bien
que le professeur Bariteau ait dit pis que pendre du gouvernement du Canada –
« le peuple québécois est sous attaque »93, je reçois comme un compliment son aveu selon lequel la loi sur la clarté
constitue un argument en faveur de l’abandon de ce qu’il appelle les
« mythes »94 du partenariat.
Conclusion
Je
viens de porter un jugement critique sur la contribution de nombreux
universitaires avec lesquels je suis en désaccord quant à la façon dont une sécession
peut s’effectuer en démocratie. Mais ce n’est pas ce désaccord de fond qui
a été mon sujet. J’ai plutôt rassemblé ce qui constitue à mon avis des
illustrations préoccupantes de manque de rigueur dans la méthode,
d’information incomplète, parfois même d’une certaine incapacité à
discuter des arguments contraires sans verser dans l’insulte et l’anathème.
Trop
souvent, des universitaires n’ont pas fondé leurs positions sur des faits
empiriques ni ne les ont confrontées sur une base rationnelle à des arguments
contraires pourtant bien reconnus dans la littérature pertinente. Parfois,
certains ont donné l’impression de ne pas même se relire d’un texte à
l’autre : par exemple, on ne peut pas sans se contredire à la fois qualifier
une question référendaire de malhonnête et reprocher à un gouvernement de
refuser d’en tenir compte.
Je
répète que je ne sais pas si c’est le syndrome de l’« expert en tout
» ou celui de l’« expert partisan », pour reprendre les
concepts de Vincent Lemieux, qui sont à la source de ce manque de rigueur. Mais
je suis persuadé que la contribution dans nos quotidiens de plusieurs
universitaires aurait été de meilleure qualité s’ils avaient suivi les règles
de méthode qu’ils enseignent sans doute dans leurs salles de cours.
Il
a été dit que les leaders indépendantistes ont évité ou escamoté95 le
débat de fond sur la procédure de sécession. Il est infiniment dommage que
plusieurs universitaires aient fait de même.
Je
risque en terminant trois suggestions dont la mise en pratique, selon moi,
aiderait à faire en sorte que les interventions de l’universitaire dans les médias
gagnent en utilité. Premièrement, il lui faudrait suivre le conseil des
professeurs Fortmann et Roussel96 que
j’ai cités en introduction : s’en tenir à son domaine de compétence, du
moins quand il intervient comme expert et non comme simple citoyen.
Deuxièmement,
il serait souhaitable que, de façon claire et concise, il explique au grand
public dans quelle mesure le point de vue qu’il défend est bien admis dans le
monde de la recherche. L’expert a le droit d’aller à contre-courant, mais
il doit en informer ses lecteurs.
Enfin,
il lui faudrait inscrire son intervention dans le débat qui a cours dans nos
quotidiens. Ainsi le débat aurait un effet cumulatif. J’aimerais que nous
formions une véritable communauté intellectuelle. Le débat que je viens de
rapporter ne m’apparaît pas précisément avoir été un modèle de dialogue
ouvert. On dirait plutôt une collection de monologues fermés où à peu près
personne n’a cité ou discuté des textes des autres experts. Pourtant,
presque tout le monde dans le Québec intellectuel francophone lit La Presse
et Le Devoir (et le Le Soleil
dans la région de Québec). Il ne nous en coûterait pas beaucoup de réfléchir
sur ce que les autres experts ont présenté dans les pages de ces quotidiens
avant d’y faire connaître nos positions. La qualité des débats en
deviendrait meilleure sur le fond et peut-être, aussi, plus respectueuse dans
la forme.
* * *
Tableau 1
: Prises de position « éloignées », «
rapprochées » ou « neutres » par rapport à la position fédérale, selon le
nombre de textes et selon le nombre d’auteurs
Unité de mesure
|
Éloignées
|
Rapprochées
|
Neutres
|
Total
|
Textes
|
63 (54 %)
|
33 (28 %)
|
21 (18 %)
|
117 textes
|
Auteurs
|
52 (69 %)
|
15 (20 %)
|
8 (11 %)
|
75 auteurs
|
Tableau 2 : Prises de position « éloignées
», « rapprochées » ou « neutres » par rapport à la position fédérale,
selon le nombre de textes publiés dans chaque quotidien *
Quotidien
|
Éloignées
|
Rapprochées
|
Neutres
|
Total
|
Le Devoir
|
45 (59 %)
|
19 (25 %)
|
12 (16 %)
|
76 textes
|
La Presse
|
19 (44 %)
|
14 (33 %)
|
10 (23 %)
|
43 textes
|
Le Soleil
|
4 (67 %)
|
2 (33 %)
|
0
|
6 textes
|
* Certains de ces textes ont été publiés dans plus d’un quotidien.
- Raymond Aron, L’opium des intellectuels, Paris, Calman-Lévy, 1955, p. 311.
- Reproduit dans la Canadian Journal of Political Science/Revue
canadienne de science politique,vol. XXV, n̊ 4, décembre
1992, pp. 651-660, sous le titre : « The Scholar and the Expert ».
- Ibid., p. 655.
- Ibid., p. 654.
- Michel Fortmann et Stéphane Roussel, « Les experts Minute Rice »,
La Presse, 26 novembre 2001, p. A13.
- Ibid.
- Léon Dion, « Aspects de la condition du professeur d’université
dans la société canadienne-française »,Cité libre, 21,
juillet 1958, p. 17.
- Ibid., p. 30.
- Projet de loi no 1, Loi sur l’avenir du Québec, présenté
le 7 septembre 1995.
- Bertrand c. Bégin, Québec, 200-05-002117-955 (Cour supérieure).
- Transcription de l’allocution du Très honorable Pierre-Elliott
Trudeau à l’aréna Paul Sauvé de Montréal, le14 mai 1980, reproduite en
annexe dans Philippe Gigantès, Faut-il se quitter pour vivre heureux?,
Montréal,Éditions RD, 1995, p. 141.
- Hansard, 1er novembre 1995, p.16063.
- Avis de la Cour suprême du Canada sur le Renvoi sur la sécession
du Québec, [1998] 2 RCS, par. 217.
- Ibid., 97.
- Loi de clarification : Loi donnant effet à l’exigence de
clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi
sur la sécession du Québec, sanctionnée le 29 juin 2000.
- Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du
peuple québécois et de l’État du Québec,sanctionnée le 13 décembre
2000.
- Déclaration de M. Joseph Facal, ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes à l’Assembléenationale du Québec dans le
cadre de l’étude du projet de loi no 99, Loi sur l’exercice
des droitsfondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État
du Québec, Journal des débats,36e législature, 1re session,
Commission permanente des institutions, cahier no 80, 30 mai 2000, p.
22. LeProcureur général du Québec a répété
le même argument pour convaincre la Cour supérieure duQuébec de la
consitutionnalité de cette loi : « Encore là, rien qui ne permette de
prétendre que cette loiprend la couleur d’une déclaration unilatérale de
souveraineté. » (Henderson c. Québec (Procureurgénéral),
[2002] R.J.Q. 2435 (C.S.), plaidoirie orale de l'intimé, transcriptions du 13
mars 2002, p. 63).
- On peut consulter ce corpus sur le site Web des Affaires
intergouvernementales du gouvernement duCanada : http://www.pco-bcp.gc.ca/aia.
- André J. Bélanger, The Ethics of Catholicism and the Consecration
of the Intellectual,Montréal & Kingston, McGill-Queen’s
University Press, 1997, 242 pages.
- Avant-projet de loi donnant effet à l’exigence de clarté définie
dans l’avis de la Cour suprême du Canadasur le Renvoi relatif à la sécession
du Québec, présenté le 10 décembre 1999.
- CROP, octobre 1997, août 1998.
- CROP, février 1996, mai 1996, mars 1999, décembre 1999; EKOS, juin
1997; Sondagem, décembre 1997.
- SOM, mai 1997; CROP, février 1998, août 1998, janvier 2000; Angus
Reid, mars 1998, décembre 1999.
- CROP, mars 1999.
- CROP, septembre 1998.
- CROP, mai 1996, août 1998, mars 1999, décembre 1999; Léger et Léger,
août 1998, décembre 1999;Angus Reid, août 1998.
- SOM, juillet 1997, décembre 1999; CROP, avril 1998, octobre 1998.
- Michel Seymour, « Pour sortir du cul-de-sac », Le Devoir,
19 juin 2002, p. A7.
- Avis de la Cour suprême du Canada, op.cit., question 2, en page
2.
- Henri Lamoureux, « La divisibilité du Québec et du Canada »,
Le Devoir, 3 février 1996, p. A9; repris dans La
Presse, 8 février 1996, p. B3, sous le titre : « Déclarations
de Stéphane Dion : incompétence ouprovocation? ».
- Ibid.
- José Woehrling, « Aspects juridiques d’une éventuelle sécession
du Québec (1) », La Presse,14 février 1996, p. B3; voir
aussi la mise au point publiée quelques mois plus tard par Michel
Lebel,professeur de droit public à l’UQAM : «
La contestation de Me Bertrand : l’État de droit »,
Le Devoir, 22 mai1996, p. A7.
- Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe, Acte
final d’Helsinki, 1er août 1975.
- Jacques-Yvan Morin, « Comment Ottawa peut contourner le droit
international », Le Devoir,6 janvier 1998, p. A7.
- Antonio Cassese, « The Helsinki Declaration and
Self-Determination », dans Human Rights, InternationalLaw and
the Helsinki Accord, sous la direction de Thomas Buergenthal, Montclair/New
York,Allanheld, Osmun/Universe Books, 1977, pp. 83-110, notamment p. 104;
Patrick Thornberry,« Self-Determination, Minorities, Human Rights: A
Review of International Instruments », International andComparative Law
Quarterly, n̊ 38, octobre 1989, pp. 867-889; Harold S. Russell,
« The HelsinkiDeclaration: Brobdingnag or Lilliput? », American
Journal of International Law, vol. 70, avril 1976,pp. 212-272,
notamment pp. 269-70; voir aussi l’article signé dans La Presse par M.
Sven Deimann, alorsstagiaire à la Cour d’appel de Berlin : « Le droit européen
s’opposerait à la reconnaissance unilatérale duQuébec », La Presse,
6 mars 1998, p. B3.
- Jacques-Yvan Morin, « Démembrer le Québec? », L’Action
nationale, vol. LXXXVI, no 6, juin 1996,pp. 150-168 et du même
auteur, « La sécession du Québec et la Cour suprême du Canada »,L’Action nationale,
vol. LXXXVIII, no 4, avril 1998, pp. 117-135.
- Avis de la Cour suprême du Canada, op.cit., par. 129.
- Jean-Pierre Derriennic, « Les frontières du Québec : le droit, la
politique et les erreurs de lecture »,Le Devoir, 18 septembre 1997,
p. A7.
- François Rocher et Michel Sarra-Bournet, « Le Renvoi à la Cour suprême
transgresse l’esprit dufédéralisme », La Presse, 27 février 1998,
p. B3.
- Lettre datée du 15 janvier 1998, que l’on peut consulter sur le site
Web de Justice Canada à l’adressesuivante :
http://canada.justice.gc.ca.;
voir aussi Allen Buchanan, « Theories of Secession », Philosophy
&Public Affairs, no 26, hiver 1997, p. 43.
- André Turmel, « Réplique à Marc Angenot : le devoir de mémoire »,
Le Devoir, 28 juin 1996, p. A9.
- Jean-François Thuot, « Pourquoi avoir peur du débat sur la
partition? », La Presse, 11 octobre 1997, p. B3.
- Max Nemni, « Cherchons plutôt les clowns dans les rangs péquistes »,
La Presse, 11 septembre 1996,p. B3.
- Yves-Marie Morissette, « Que saurons-nous de plus après le jugement
de la Cour suprême? », La Presse,13 mars 1998, p. B3.
- Henri Brun, « Le renvoi à la Cour suprême sur l’accession du Québec
à la souveraineté : une bien drôle dejustice », Le Devoir, 12 février
1998, p. A7.
- Christian Dufour, « La cause de l’avocat Bertrand : la main dans le
tordeur », Le Devoir, 23 mai 1996,p. A7.
- Stéphan Larouche, « C-20 ou le refus de se soustraire à l’avis de
la Cour suprême », Le Devoir,22 août 2000, p. A6.
- Daniel Latouche, « La loi du silence », Le Devoir, 9 mars
1996, p. A8; Pierre Desjardins, « Requiem pourla souveraineté ? », La
Presse, 6 avril 1996, p. B3; Denis Monière et al., « Un sens
étriqué de la démocratie »,Le Devoir, 7 janvier 2000, p. A8.
- Hansard, 26 septembre 1996, p. 4707.
- José Woehrling, « La Cour supême a-t-elle voulu se “racheter”
pour son attitude de 1982? », La Presse,10 septembre 1998, p. B3.
- Henri Brun, « Le Clarity Act est inconstitutionnel », Le
Devoir, 23 septembre 2000, p. A7.
- Jacques-Yvan Morin, « Une souveraineté systématiquement entravée en
pratique », Le Devoir,1er septembre 1998, p. A7.
- José Woehrling, « Aspects juridiques d’une éventuelle sécession
du Québec (2) », la Presse,15 février 1996, p. B3.
- Benoît Pelletier, « Droit international : les assises de la sécession
du Québec », Le Devoir,2 novembre 1996, p. A13.
- Jean-Pierre Derriennic, « Les déclarations unilatérales d’indépendance
en Palestine et au Québec »,Le Devoir, 26 avril 2000, p. A7.
- Avis de la Cour suprême du Canada, op. cit., par. 103.
- Ibid.
- James Crawford, La pratique des États et le droit international
relativement à la sécession unilatérale,rapport présenté le 19 février
1997 à la Cour suprême du Canada dans le cadre des travaux portant sur leRenvoi
sur la sécession du Québec, p. 20.
- Allen Buchanan, « Democracy and Secession », dans Margaret Moore
(dir.), National Self-Determinationand Secession, Oxford University
Press, 1998, p. 21. La conciliation difficile entre la sécession et ladémocratie
est le sujet de ma contribution au livre en l’honneur de Jean Leca : Stéphane
Dion, « Lagouvernance démocratique et le principe d’intégrité territoriale
», dans Pierre Favre, Jack Hayward et YvesSchemeil, Être gouverné,
Paris, Presses de Sciences Po, 2003, pp. 91-108.
- Avis de la Cour suprême du Canada, op. cit., par. 96.
- Henri Lamoureux, op. cit.
- Voir les déclarations de Jacques Brassard rapportées dans Le
Devoir, 31 mai 1994, p. A4; Le Soleil,15 février 1996, p.
A1; The Globe and Mail, 30 janvier 1997, p. A4.
- Neil Bissoondath et al., « Pas de Québec morcelé »,
Le Devoir,
10 février 1996, p. A7; voir aussi Jane Jenson et al., « Le
prix du plan B », Le Devoir, 5 septembre 1996, p. A7.
- Denis Saint-Martin, « Pour les fédéralistes, la partition est
une stratégie gagnante », La Presse,30 août 1997, p. B3.
- Pierre Binette, « La légitimité de la sécession et celle de la partition, deux cas bien
différents : la rouletterusse du partitionnisme », Le
Devoir, 27 septembre 1997, p. A11.
- Pierre Drouilly, « À quoi pourrait ressembler un Québec morcelé? »,
La Presse, 9 mars 1996, p. B3; Daniel Latouche, « Les têtes à Papineau », Le
Devoir, 10 février 1996, p. A10; Jane Jenson et al., op.
cit.
- Voir notamment l’article de Michel Seymour, « Le partenariat, une réponse à la
tentation partitionniste », Le Devoir, 19 août 1997, p. A7; aussi du même auteur,
Le pari de la démesure. L’intransigeance canadienneface au Québec, l’Hexagone, Montréal, 2001,
notamment p. 247.
- Avis de la Cour suprême du Canada, op. cit., par. 125.
- Jean-Pierre Derriennic, « Réplique à Claude G. Charron : quel rapport! »,
Le Devoir, 25 octobre 1997,p. A13; voir aussi Carol Hilling, « Réplique
à Michel Seymour : les Amérindiens ont aussi le droit de décidereux-mêmes
de leur avenir », Le Devoir, 8 septembre 1997, p. A9.
- Philip Resnick, « La guerre des nerfs », Le
Devoir, 9 février 1996, p. A10.
- Radmila Nakarada, « Federalism, Civil Society and Multiethnic
Conflicts: Challenges in the Era ofGlobalization », in Conférence
internationale sur le fédéralisme 2002, Federalism in a Changing World
–Learning from Each Other, 2002, Saint-Gall, Suisse, p. 348; voir aussi
Hurst Hannum, « RethinkingSelf-Determination », Virginia Journal of
International Law, vol. 34, no1, automne 1993, p. 56 : «
L’appui àla sécession doit reposer sur la volonté d’une majorité
substantielle de la population [...]. Il est égalementdéraisonnable de
soutenir que les frontières sont immuables dans tous les cas [...]. Les
États nouvellementreconnus qui fondent leurs droits à l’autodétermination
sur des considérations ethniques ou religieusesdoivent reconnaître la légitimité
de revendications semblables à l’intérieur du nouvel État [...],
bien que desrestrictions raisonnables découlant de la contiguïté géographique
puissent être imposées. » [traduction];aussi
Benedict Kingsbury, « Claims by Non-State Groups in International Law »,
Cornell International LawJournal, vol. 25, 1992, p. 499; Margaret Moore, «
On National Self-Determination », Political Studies, 1997,n̊ 45,
p. 910.
- Jacques-Yvan Morin,
« Une souveraineté systématiquement entravée en pratique », op.
cit.
- Henri Brun, « Le Clarity
Act est inconstitutionnel », op. cit.
- J’ai développé cette
argumentation à plusieurs reprises, notamment dans mon mémoire intitulé « Qui
a peurde la clarté? », que j’ai présenté le 16 février 2000
devant le comité législatif de la Chambre des communeschargé d’étudier le
projet de loi C-20, et dans ma présentation lors du débat en troisième
lecture du projet deloi C-20 à la Chambre des communes le 15 mars 2000. On peut
consulter ces documents sur le site Web desAffaires intergouvernementales du
gouvernement du Canada : http://www.pco-bcp.gc.ca/aia.
- Jean-Herman Guay et al., « Entre le lys et l’érable », La
Presse, 6 septembre 1997, p. B3.
- Henri Lamoureux, op. cit.; André Turmel, op. cit.; Jean-François
Thuot, « La morale, selon StéphaneDion », La
Presse, 28 novembre 1997, p. B3; Claude Emanuelli,
« La constitution d’un État fédéral peut êtrecomparée à un traité
multilatéral », La Presse, 16 septembre 1997. P. B3; Stéphan
Larouche, op. cit.
- Denis Monière et al., « Un sens étriqué de la démocratie », op. cit.
- Maurice Pinard, « Confusion et incompréhension entourant
l’option souverainiste », mémoire présentédevant le comité législatif
de la Chambre des communes chargé d’étudier le projet de loi C-20, 24 février2000.
- Vincent Lemieux, « La formulation de la question », dans Pierre F. Côté
et al., Démocratie et référendum :la procédure référendaire,
Éditions Québec-Amérique, Montréal, 1992, p. 98; de même, pour Earl R. Babbie,il
importe d’ « éviter les questions à deux volets » [traduction]
(« Avoid Double-Barreled Questions »),Earl R. Babbie, Survey
Research Methods, Belmont, Wadsworth Publishing Company Inc., 1973, p.
140;aussi pour André Blais et Claire Durand, « Une question est [...]
ambiguë si elle porte sur plus d’unedimension. Il convient donc de
n’introduire qu’une seule idée à la fois. », dans Recherche
sociale, BenoîtGauthier (dir.), Montréal, Presses de l’Université du Québec,
1997, p. 385.
- Patrice Garant,
« Projet de loi C-20 “sur la clarté” », Le Devoir,
1er mars 2000, p. A7.
- Michel Seymour, « Partenariat Québec-Canada : comment bonifier
l’offre? », La Presse, 22 mars 1996,p. B3.
- Voir les trois articles de Gilles Bourque et de Jules Duchastel : « La
souveraineté n’est plus le monopole del’État-nation », Le Devoir,
26 mai 2001, p. A11; « Souveraineté partagée et union confédérale », Le Devoir,28 mai
2001, p. A7; et « L’union confédérale n’est pas une réforme du fédéralisme
», Le Devoir,29 mai 2001, p. A7.
- Michel Seymour, « Partenariat et partitionnisme : la problématique
autochtone », Le Devoir, 20 août 1997,p. A7.
- Michel Seymour, « Le partenariat, une réponse à la tentation
partitionniste », op. cit.
- Michel Seynour, « Les intellectuels souverainistes doivent repenser le
partenariat », La Presse,26 juin 1998, p. B2.
- Pierre de Bellefeuille et Denis Monière, « La dérive des “IPSO”
», La Presse, 17 juin 1998, p. B3.
- Ibid.
- Ibid.
- Ibid.
- Denis Monière et al., « Assurer l’avenir du Québec : il
faut convoquer une assemblée constitutante »,Le Devoir, 3 avril
2000, p. A7.
- Claude Bariteau, « L’union confédérale après le partenariat », Le
Devoir, 8 juin 2001, p. A7.
- Claude Bariteau, « Lucien Bouchard appelait à des changements
qualitatifs, que refuse Bernard Landry »,Le Soleil, 29 janvier 2001, p.
B7.
- Claude Bariteau, « Être Canadien implique la soumission aux diktats
de la Chambre des communes »,Le Devoir, 18 février 2000, p.
A8.
- Claude Bariteau, « L’union conférale après le partenariat », op.
cit.
- Jean-François Thuot,
« Pourquoi avoir peur du débat sur la partition? », op.
cit.; Michel C. Auger,« La victoire de Dion », Le Journal de Montréal,
30 mars 2002, p. 14.
- Michel Fortmann et Stéphane Roussel, op. cit.
|