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Salle de presse

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En réponse au nouveau porte-parole du Bloc pour les affaires intergouvernementales M. Daniel Turp, le Président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales, l'honorable Stéphane Dion, explique pourquoi la notion de «souveraineté avec offre de partenariat» n'est ni claire ni réaliste et ne doit pas être incluse dans une question sur la sécession.

le 23 août 1999

 

POURQUOI UNE QUESTION QUI INCLURAIT LA NOTION DE PARTENARIAT NE SERAIT PAS CLAIRE

Le nouveau porte-parole du Bloc pour les affaires intergouvernementales, M. Daniel Turp, a souligné à sa façon le premier anniversaire de l'avis de la Cour suprême sur la sécession unilatérale. Il en a profité pour réitérer les positions habituelles de son parti et du gouvernement du Québec actuel sur la procédure par laquelle le Québec pourrait être changé en pays indépendant. M. Turp affirme que la règle de la majorité simple pourrait suffire et qu'une question qui inclurait la notion de partenariat serait claire. Je vais répondre en m'en tenant au fond, sans me livrer, comme il l'a fait, à des tentatives futiles de dénigrement personnel.

Une réponse point par point m'obligerait à répéter des arguments qui ont été étayés dans mes lettres et écrits précédents touchant la majorité claire requise pour entraîner l'obligation d'entamer une négociation sur la sécession. Sur ce sujet, je me contenterai de redire que si les procédures référendaires proposées en 1980 et en 1995 avaient été jugées claires, la Cour suprême ne serait pas revenue à 32 reprises dans son avis de l'an dernier sur l'importance de la clarté.

Je répète aussi que pour être conforme à la pratique observée ailleurs dans le monde, le gouvernement du Québec ne devrait tenir un référendum sur la sécession que s'il y a de bonnes raisons de croire à l'existence d'un consensus en faveur de cette option. C'est ce qui s'est produit dans tous les cas de sécession réalisée hors du contexte colonial où un référendum a été tenu. Ainsi, dans le cas des trois pays baltes mentionnés par M. Turp, l'appui a varié entre 74,9 % et 93,2 %.

Là où M. Turp me donne l'occasion d'ajouter à mes interventions précédentes, c'est sur la notion de partenariat. Il me reproche de me faire «l'apôtre d'une question sans référence au partenariat.»

La notion de «souveraineté avec offre de partenariat» n'est ni claire ni réaliste. Il ne convient pas de l'inclure dans une question sur la sécession. Reprenons cela.

La notion de partenariat n'est pas claire de l'aveu même des leaders sécessionnistes. Le 19 juin 1997, M. Bouchard l'a qualifiée de «squelette». Or, pas davantage avant cette déclaration qu'après, il n'a été possible de mettre de la chair sur ce squelette. Autrement dit, le 30 octobre 1995, MM. Bouchard et Parizeau nous ont proposé, à nous Québécois, la souveraineté avec offre de squelette. On ne peut concilier la sécession avec la démocratie en posant une question référendaire assortie d'une telle astuce.

La notion de partenariat n'est pas réaliste. On ne voit pas comment 25 % de la population d'un pays pourrait sortir de ce pays pour y revenir en force en comptant pour 50 % dans les institutions communes. Comme l'a dit le Premier ministre Harris le 12 octobre 1995 : «L'Ontario, qui compte plus du tiers de la population, aurait moins de pouvoir que le Québec et ne serait pas directement représenté à ce conseil [du partenariat] (...) Comment pourrait-on raisonnablement croire qu'il s'agit là d'une entente acceptable du point de vue de l'Ontario?»

Et M. Harris de qualifier ce projet de partenariat d'«absolument irréalisable» : «Du point de vue de l'Ontario, ou nous sommes un pays ou nous n'en sommes pas un. Un Québec séparé serait un pays étranger. Point. Toute autre perception est illusoire.»

Les leaders sécessionnistes rétorquent que M. Harris et les autres dirigeants du Canada hors Québec bluffent et qu'ils changeraient d'avis après une victoire du Oui à un référendum. Mais quand on lit le livre de M. Parizeau (Pour un Québec souverain, 1997), on en conclut que c'était plutôt lui qui bluffait. Il est clair qu'il ne croyait pas plus qu'il ne le fallait au succès des négociations sur le partenariat et qu'il espérait rapidement déclarer l'indépendance de façon unilatérale.

La notion de partenariat ne doit pas être incluse dans une question sur la sécession. En effet, il s'agit de savoir si les Québécois appuient la sécession, c'est-à-dire veulent que le Québec cesse de faire partie du Canada et devienne un pays indépendant. La seule façon d'en être sûr est de leur poser une question claire sur la sécession et non une question qui y mêle d'autres enjeux ou considérations.

De plus, en bonne démocratie référendaire, la question doit non seulement être claire mais aussi neutre : elle ne doit pas avantager un camp par rapport à l'autre. Elle ne doit pas tirer les électeurs dans un sens ou dans l'autre.

De ce point de vue, la Cour suprême a dit que les négociations «porteraient sur l'acte potentiel de sécession et sur ses conditions éventuelles.» Il serait incorrect que la question référendaire n'évoque que l'une de ces conditions éventuelles, surtout si le réalisme de cette condition est hautement contesté. On pourrait légitimement craindre que cette condition éventuelle ne soit évoquée dans la question que pour avantager un camp par rapport à l'autre.

Voilà pourquoi une question qui ne mentionne que la négociation du partenariat -- à supposer même que l'on sache de quoi il s'agit -- est aussi biaisée qu'une question qui ne mentionnerait que la négociation des frontières du Québec.

La Cour suprême a dit que l'évaluation de la clarté revient aux «acteurs politiques». Le gouvernement du Canada est évidemment l'un de ces acteurs politiques. La sécession signifierait l'abdication de ses responsabilités constitutionnelles envers les Québécois. Il ne pourrait entreprendre la négociation d'une telle abdication que si les Québécois devaient clairement indiquer que telle était leur volonté en répondant par une majorité claire à une question claire sur la sécession, et non à une question sur cette nébuleuse qu'est la souveraineté avec offre de partenariat.

M. Turp pourrait faire oeuvre utile en exigeant de ses leaders une procédure claire au lieu de les encourager à grappiller quelques milliers de voix de plus à coup d'astuce et de confusion. Ce n'est que si les Québécois appuyaient clairement la sécession qu'il serait possible de passer à travers les difficultés inévitables que poserait sa négociation.

Un troisième référendum sur la sécession est l'objectif de M. Bouchard et de son gouvernement, pas celui du gouvernement du Canada. Puisqu'ils déclarent toujours tenir à ce référendum, il leur appartient, depuis un an maintenant, d'indiquer à la population comment ils entendent se conformer à l'avis de la Cour suprême, notamment à propos de la clarté de la majorité et de la clarté de la question sur la sécession. Dans l'hypothèse où ils ne le feraient pas, tout en persistant néanmoins dans leur projet référendaire, le gouvernement du Canada a fait savoir qu'il pourrait être amené à préciser les circonstances raisonnables de clarté sans lesquelles il ne saurait entreprendre la négociation de la sécession du Québec du Canada.

Mais il existe une autre solution, celle souhaitée par plus des deux tiers des Québécois : que le gouvernement Bouchard prenne acte de la volonté des Québécois de rester Canadiens et annonce qu'il renonce à son projet référendaire. L'hypothèque référendaire nous nuit énormément et n'a pas sa raison d'être en l'absence évidente d'un consensus pour la sécession. Les forces indépendantistes pourraient toujours continuer, par une action militante tout à fait légitime, à faire valoir leur projet de sécession dans l'espoir d'y rallier un jour une majorité claire de Québécois. Mais l'important est que nous tous, Québécois de toutes allégeances, libérés de l'hypothèque référendaire, puissions mieux travailler ensemble à l'amélioration de notre qualité de vie dans ce pays formidable que nous partageons avec les autres Canadiens.

 

Stéphane Dion


 

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Mise à jour : 1999-08-23  Avis importants