LE MINISTRE DION AFFIRME QUE L'AVIS DE LA COUR
SUPRÊME SUR LA SÉCESSION UNILATÉRALE CONSTITUE UN POINT TOURNANT DE
L'HISTOIRE DU CANADA
EDMONTON (ALBERTA), le 24 septembre 1999 – S'adressant à des
étudiants et à des membres de la faculté du Centre d'études
constitutionnelles de l'Université de l'Alberta, à Edmonton, le Président du
Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales, l'honorable
Stéphane Dion, a déclaré aujourd'hui que l'avis du 20 août 1998 de la Cour
suprême du Canada, sur la sécession unilatérale, constituait une date
charnière de l'histoire de la fédération canadienne.
La Cour, a rappelé le Ministre, a confirmé qu'une sécession unilatérale
serait sans fondement juridique. Elle a précisé qu'en droit, une sécession
nécessite une modification constitutionnelle, laquelle doit être négociée.
Elle a ajouté que l'obligation d'entreprendre ces négociations
constitutionnelles ne peut venir que d'un appui clair en faveur de la sécession.
Le Ministre a dit voir dans cet avis de la Cour suprême du Canada la
confirmation d'un droit des Québécois : «le droit de ne jamais voir leur
pleine appartenance au Canada remise en cause à moins qu'ils aient clairement
exprimé leur volonté d'y renoncer.» Il a indiqué que le gouvernement du
Québec, contrairement à ce qu'il pensait, ne pourrait invoquer le droit
international pour faire unilatéralement la sécession. Il devrait la négocier,
dans le cadre constitutionnel canadien, en suivant les principes
constitutionnels de fédéralisme, de démocratie, d'État de droit et de
respect des minorités, et en admettant que rien n'est exclu à l'avance, y
compris la négociation des frontières, a expliqué M. Dion.
Quant à l'obligation de négocier en cas d'appui clair pour la sécession,
le Ministre a indiqué que cette position de la Cour satisfait tout à fait le
gouvernement du Canada. Il a rappelé que l'honorable Allan Rock avait donné la
portée morale de celle-ci, le 26 septembre 1996, alors qu'à titre de Procureur
général il exposait devant la Chambre des communes les raisons du renvoi à la
Cour suprême : «Les principales personnalités politiques de toutes nos
provinces et le public canadien ont convenu depuis longtemps que le pays ne
restera pas uni à l'encontre de la volonté clairement exprimée des
Québécois.» De même, le Premier ministre Jean Chrétien a déclaré le 8
décembre 1997 : «Dans une telle situation, il y aura des négociations avec le
gouvernement fédéral, cela ne fait aucun doute»
(Le Soleil, 08-12-97).
M. Dion a aussi mentionné qu'il a lui-même maintes fois souligné ce
principe dans ses discours et lettres publiques, à commencer par cette
première déclaration à titre de ministre : «Si le Québec malheureusement
votait avec une majorité ferme sur une question claire pour la sécession,
j'estime que le reste du Canada a l'obligation morale de négocier le partage du
territoire» (Le Soleil, 27-01-1996).
Aussi, l'élément significatif de l'avis de la Cour n'est pas, selon le
Ministre, l'obligation de négocier, il est fait du «lien de causalité solide
et irréfutable que la Cour établit entre cette obligation de négocier la
sécession et la clarté de l'appui pour la sécession», a soutenu le Ministre.
L'obligation de négocier ne peut naître que «d'une majorité claire de la
population du Québec en faveur de la sécession, en réponse à une question
claire», a-t-il rappelé en citant le paragraphe 93 de l'avis de la Cour. Elle
n'existe pas, précise-t-il, si l'expression de la volonté démocratique est «elle-même
chargée d'ambiguïtés. Seuls les acteurs politiques, nous dit la Cour,
auraient l'information et l'expertise pour juger du moment où ces ambiguïtés
seraient résolues dans un sens ou dans l'autre» (par. 100).
Par conséquent, d'ajouter M. Dion, «le gouvernement du Québec a certes le
loisir d'utiliser sa majorité parlementaire pour faire approuver par
l'Assemblée nationale une question référendaire qu'il aura lui-même
élaborée, et pour ensuite soumettre cette question aux électeurs québécois.
Mais le gouvernement du Canada, à titre "d'acteur politique" et de
"participant à la Confédération", a aussi le devoir d'évaluer par
lui-même la clarté de la question et de la majorité avant de conclure qu'il
est tenu de négocier la rupture du Canada.»
Le gouvernement du Québec pourrait-il alors essayer d'obtenir la
reconnaissance internationale? Le Ministre répond en soulignant la réticence
extrême de la communauté internationale à reconnaître des sécessions
unilatérales. «Il ne manque pas, malheureusement, a-t-il rappelé, de
populations dans le monde qui veulent leur indépendance de façon quasi unanime,
qui sont victimes d'exactions inimaginables de la part des États dont elles
font partie et qui pourtant ne parviennent pas à obtenir la reconnaissance
internationale à titre d'États indépendants.»
Aussi, de l'avis de M. Dion, «nous, les Québécois, ne devrions pas opter
pour la sécession en comptant sur un appui international qui s'exercerait à
l'encontre de la volonté de l'État canadien. Nous devrions plutôt compter sur
l'honnêteté des autres Canadiens. Nous devrions miser sur les valeurs de
tolérance que nous partageons tous au Canada et qui nous seraient terriblement
nécessaires pour la conduite de ces négociations pénibles et difficiles.
D'où la contradiction de ce projet sécessionniste : puisque les autres
Canadiens sont des gens biens et corrects, pourquoi se séparer d'eux?»
«Ainsi pourrait-on s'éviter tout ce débat, a expliqué le ministre. Il
suffirait que le gouvernement du Québec annonce demain matin qu'il ne tiendra
jamais de référendum, sauf si un jour il semble évident qu'un consensus
existe au Québec pour qu'il cesse de faire partie du Canada et devienne un pays
indépendant. Si le gouvernement du Québec faisait une telle déclaration,
l'incertitude référendaire disparaîtrait, avec tous ses coûts et pertes
d'énergie. Nous pourrions tous mieux travailler à l'amélioration de notre
qualité de vie et à la solution des problèmes sociaux qui commandent toute
notre attention, toute notre unité», a conclu le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Dion traitera du même sujet ce soir, devant l'Association des juristes
d'expression française de l'Alberta.
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André Lamarre
Conseiller spécial
(613) 943-1838
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