LE MINISTRE DION DÉCLARE EN ESPAGNE QUE CE PAYS ET LE
CANADA ONT POUR RESPONSABILITÉ DE DÉMONTRER AU MONDE LES AVANTAGES DU
PLURALISME DES LANGUES ET DES CULTURES AU SEIN D’UN MÊME ÉTAT
MADRID (ESPAGNE), le 13 décembre 2002 – Lors d’une cérémonie au
cours de laquelle l’Université Carlos III de Madrid lui a remis un doctorat honoris
causa, le Président du Conseil privé et ministre des Affaires
intergouvernementales, l’honorable Stéphane Dion, a précisé tout ce que son
cheminement intellectuel doit à ses contacts avec l’Espagne.
Après avoir indiqué à quel point il était honoré qu’un tel hommage lui
soit rendu par une université prestigieuse d’Espagne, et après avoir
exprimé sa reconnaissance envers sa famille, ses professeurs, ses collègues d’université
et le Premier ministre Jean Chrétien, le Ministre a décrit, dans son discours,
le rôle décisif que l’Espagne a joué dans l’avancée de la démocratie à
la fin du XXe siècle.
Le Ministre a déclaré que, lorsqu’il avait 20 ans et qu’il étudiait la
science politique, au milieu des années soixante-dix, une telle percée de la
démocratie paraissait improbable. À l’époque, l’Amérique latine, l’Afrique,
l’Asie, l’Europe de l’Est et une partie de l’Europe méditerranéenne
étaient sous la férule de régimes autoritaires ou totalitaires, a-t-il
rappelé. D’ailleurs, les théories collectivistes étaient en vogue, a-t-il
ajouté : « Certains courants de la sociologie politique voyaient
dans les cultures nationales un déterminisme tel que, par exemple, on en
concluait presque à une incompatibilité insurmontable entre les pays
catholiques et latins et la démocratie dite de type anglo-saxon. Le courant
marxiste, lui, annonçait l’avènement inéluctable du collectivisme
communiste. »
Or, ce qui s’est passé, au cours des années qui suivirent, fut tout le
contraire d’un rétrécissement de l’espace démocratique et de la liberté
individuelle, a fait remarquer M. Dion : « L’humanité a connu l’un
des phénomènes les plus positifs de toute son histoire : l’avancée
fulgurante de la démocratie sur tous les continents. Et d’où cet
ébranlement mondial est-il parti? De la Grèce, du Portugal, de l’Espagne, en
somme de la Méditerranée, éternel berceau de la civilisation. »
Le Ministre a insisté sur le rôle de l’Espagne dans cet heureux
développement : « Je pense depuis longtemps que l’un des héros
du XXe siècle aura été votre roi,
Sa Majesté Juan Carlos I. Plutôt que d’écouter les voix
fatalistes qui clamaient que les peuples latins n’étaient pas faits pour la
démocratie, il a cru au destin démocratique d’une Espagne prête à assumer
son pluralisme. Ce faisant, ce n’est pas seulement le destin de l’Espagne
qui s’est joué; on peut croire que c’est peut-être, aussi, celui de l’humanité. »
M. Dion a aussi parlé des rapports entre la démocratie libérale et les
nationalismes tels qu’ils se posent dans des pays multiculturels et
plurilingues comme l’Espagne et le Canada. Le Ministre s’est interrogé sur
les moyens de faire en sorte que le nationalisme soit un principe d’entraide
et non une incitation au repli sur soi, voire à la haine des autres. « Je
crois que la réponse réside dans la promotion constante du pluralisme
identitaire. Il faut, dans une société libérale, accepter que les citoyens
aient différentes façons de se définir par rapport à la collectivité. L’important
est que ce pluralisme des identités collectives crée une dynamique favorable
à l’entraide et à la compréhension mutuelle », a fait valoir le
Président du Conseil privé, en ajoutant que lui-même se refusait de
choisir entre son identité québécoise et son identité canadienne.
M. Dion a décrit en quoi son expérience de l’Espagne et des débats
nationaux qui y ont cours l’ont aidé à réaliser à quel point le débat que
nous avons au Québec, quant à savoir si nous devons accepter ou rejeter notre
appartenance canadienne, est de portée universelle : « Je me suis
dit que le Canada avait mieux à faire à l’aube d’un nouveau siècle que d’offrir
au monde le spectacle de sa rupture. Il devait, au contraire, démontrer au
reste du monde qu’il était à la fois possible et souhaitable de faire
cohabiter dans l’entraide, la tolérance et l’harmonie, au sein d’un même
État, des populations de langues et de cultures différentes. »
Il y a entre la sécession et la démocratie une antinomie qui rend ces deux
notions difficilement compatibles, a fait valoir le Ministre : « Je
suis persuadé que la démocratie nous demande d’accepter tous nos
concitoyens, sans distinction de race, de religion ni d’appartenance
régionale. La sécession, elle, équivaut à choisir parmi nos concitoyens ceux
que nous acceptons et ceux que nous voulons transformer en étrangers. [...] Les
citoyens en démocratie n’ont pas pour vocation de se transformer en
étrangers les uns par rapport aux autres. »
« Cette conviction, je la dois en partie aux échanges que j’ai
eus avec des citoyens de votre pays », a ajouté M. Dion.
Le Ministre s’est dit d’avis qu’un pays se donne les meilleures chances
de s’améliorer quand tous ses citoyens ressentent une forte solidarité les
uns envers les autres et lorsqu’ils voient leurs différences de langue, de
culture ou de religion comme une complémentarité fructueuse, jamais comme une
menace ou une source de division. « Je sais que c’est l’idéal que
vous poursuivez en Espagne, encouragés par vos réussites, et sans reculer
devant un terrorisme que le gouvernement auquel j’appartiens condamne
fermement au nom de tous les Canadiens. »
« Les contextes nationaux diffèrent, mais la quête des Espagnols
et des Canadiens est la même. Sachez que vous n’êtes pas seuls dans vos
efforts pour bâtir une société toujours plus tolérante et ouverte à sa
propre diversité. Les Canadiens, eux aussi, voient bien que leur pays ne
progressera vers plus de mieux-être et de prospérité que par l’unité dans
la diversité », a affirmé le Ministre.
Et M. Dion de conclure : « Voilà du moins ce que m’a
enseigné une vie faite de voyages, d’études et d’action. Le doctorat honoris
causa que vous me décernez aujourd’hui signifie surtout pour moi un
encouragement à poursuivre ces idéaux de liberté et de solidarité humaine. »
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André Lamarre
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