LE MINISTRE DION SOULIGNE L’IMPORTANCE DE LA COHABITATION
HARMONIEUSE DES POPULATIONS AU SEIN D’UN ÉTAT DÉMOCRATIQUE
MADRID, (ESPAGNE), le 21 novembre 2003
– Le Président du Conseil privé et ministre des Affaires
intergouvernementales, l’honorable Stéphane Dion, a déclaré aujourd’hui,
dans le cadre d’une conférence organisée par le Sénat espagnol à
l’occasion du 25e anniversaire de la Constitution de ce pays,
que la cohabitation harmonieuse de populations différentes au sein d’un même
État démocratique sera l’un des grands enjeux de ce siècle.
Le Ministre a souligné que cet enjeu est certes pertinent pour l’Espagne
et le Canada, deux démocraties qui composent avec le pluralisme des identités
collectives, mais que quantité d’autres États sont aussi dans le même cas :
« L’humanité n’a pas le choix : à moins de faire exploser la planète en
une poussière d’unités ethniques, il faut apprendre à vivre ensemble au
sein d’États pluralistes. »
M. Dion a qualifié de « terriblement fausse » la croyance voulant
que toute population ayant ses caractéristiques propres doive avoir son propre
État : « En plus d’être impraticable, elle est erronée sur le plan
moral, car elle rejette le fait que la cohabitation des cultures au sein d’un
même État aide les humains à devenir de meilleurs citoyens en leur permettant
de vivre l’expérience de la tolérance. »
Mais alors comment faire, comment s’y prendre, a demandé le Ministre pour
que des populations différentes par la langue, la religion, la culture vivent
dans la confiance et l’harmonie leur appartenance commune à un même État démocratique?
Il a répondu en proposant que les démocraties libérales se fondent d’abord
sur les droits individuels et non sur les appartenances collectives, qu’on les
appelle peuples, nations ou autrement.
La recherche d’un équilibre efficace entre la centralisation et la décentralisation
des pouvoirs publics doit viser le bonheur des individus, a soutenu le Ministre.
Il a cependant précisé que les individus sont des êtres sociaux qui développent
des affinités liées à la langue, à la culture ou à la religion. Il faut
prendre en compte ces identités collectives, a fait valoir le Ministre, non pas
pour nier les droits individuels, mais pour permettre aux citoyens de mieux se réaliser
et s’épanouir.
Le Ministre a illustré son point de vue en prenant l’exemple du Québec
dans le Canada. Faut-il au Québec plus d’autonomie au sein du Canada? La réponse,
selon M. Dion, doit être recherchée en prenant en compte les besoins des
citoyens du Québec et de la société particulière qu’ils forment au Canada.
Mais ce n’est pas ainsi que raisonnent certains nationalistes québécois qui
font passer leur conception de la nation avant les intérêts des citoyens, a déploré
le Ministre.
Le Ministre a aussi abordé la question de la sécession. Que faire si une
population devait exprimer clairement sa volonté de se séparer de façon démocratique
et pacifique? a-t-il demandé.
Il a noté que l’Espagne, comme bien d’autres démocraties, se déclare
indivisible dans sa Constitution, selon le principe qui veut que les citoyens et
les régions d’un pays sont liés par un devoir de solidarité.
Mais, en même temps, a fait remarquer M. Dion, on ne peut écarter la
possibilité qu’en démocratie, des circonstances se produisent qui font de la
négociation d’une sécession la moins mauvaise des solutions envisageables.
Autrement dit, la sécession n’est pas un droit en démocratie, mais elle
demeure une possibilité à laquelle l’État existant peut consentir devant
une volonté de séparation clairement affirmée, a soutenu le Ministre.
Il a expliqué que telle est la position que la Cour suprême du Canada a
prise dans son avis du 20 août 1998, lorsqu’elle a confirmé que le
gouvernement du Québec n’a pas le droit d’effectuer la sécession unilatéralement.
Le Ministre a résumé les principaux éléments de l’avis de la Cour :
l’obligation d’entreprendre une négociation sur la sécession
n’existerait qu’à la suite d’un appui clair à la sécession, exprimé au
moyen d’une majorité claire et en réponse à une question claire; le
gouvernement du Québec n’aurait toujours pas le droit d’effectuer unilatéralement
la sécession, même après des négociations infructueuses de son point de vue.
Le Ministre a cité la Cour : « En vertu de la Constitution, la sécession
exige la négociation d’une modification. »
Puis, le Ministre a expliqué que la « loi sur la clarté », adoptée le 29
juin 2000, interdit au gouvernement du Canada d’entreprendre une négociation
sur la sécession d’une province à moins que la Chambre des communes ait
constaté que la question référendaire a porté clairement sur la sécession
et qu’une majorité claire s’est prononcée en faveur de la sécession. Le
Ministre s’est déclaré d’avis qu’aucun État démocratique ne saurait
cesser d’honorer ses responsabilités envers une partie de sa population en
l’absence d’un appui clair à la sécession.
La loi sur la clarté, a ajouté le Ministre, précise que la négociation
sur la sécession devrait se dérouler dans le cadre constitutionnel canadien et
devrait être guidée par la recherche réelle de la justice pour tous, ce qui
peut conduire à envisager la divisibilité du territoire québécois avec le même
esprit d’ouverture que celui qui a conduit à accepter la divisibilité du
territoire canadien.
Le Ministre a souligné que, dans le cas du Canada, cet exercice de
clarification a eu un effet bénéfique sur l’unité nationale car les Québécois,
dans une grande majorité, désirent rester Canadiens et ne veulent pas briser
les liens de loyauté qui les rattachent à leurs concitoyens des autres parties
du Canada. Ils ne souhaitent pas être forcés de choisir entre leur identité
québécoise et leur identité canadienne. Ils rejettent les définitions
exclusives des mots « peuple » ou « nation » et veulent appartenir
à la fois au peuple québécois et au peuple canadien, dans ce monde global où
le cumul des identités sera plus que jamais un atout pour s’ouvrir aux autres,
a conclu M. Dion.
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André Lamarre
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