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« VERS UN CANADA ENCORE MEILLEUR »

NOTES POUR UNE ALLOCUTION
À L'UNIVERSITÉ DALHOUSIE

HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

LE 30 JANVIER 1997


Le Canada est un pays hors de l'ordinaire, qui vit une situation hors de l'ordinaire. Le Canada est une grande fédération menacée d'effritement. Nous ne pouvons pas nous permettre de pratiquer la politique de l'autruche, de nous enfouir la tête dans le sable, de faire fi des événements qui se sont déroulés et qui se déroulent toujours au Québec. C'est pourquoi je vais vous parler franchement et ouvertement de l'état de notre fédération et de la nécessité d'une réconciliation nationale. Les Canadiens et Canadiennes ont édifié un pays extraordinaire, un pays où l'équité fait loi, un pays où, tous ensemble, nous pouvons nous bâtir un avenir encore meilleur.

Pour un universitaire maintenant engagé dans la politique, c'est un grand plaisir pour moi de me retrouver dans l'une des plus prestigieuses facultés de droit au Canada. Au fil des ans, votre faculté a formé de nombreuses personnalités politiques de notre pays, depuis le premier ministre fédéral R. B. Bennett jusqu'aux premiers ministres provinciaux Allan Blakeney et les regrettés Angus L. Macdonald, Richard Hatfield et Joe Ghiz. Cette institution a également accueilli plus de la moitié de la députation libérale fédérale de la Nouvelle-Écosse, notamment l'honorable David Dingwall, ministre de la Santé, Mary Clancy, députée d'Halifax, et Geoff Regan, député d'Halifax-Ouest. Mon équipe qui s'occupe du dossier de l'unité nationale au Bureau du Conseil privé compte également des collaborateurs précieux, diplômés de la Faculté de droit de l'Université Dalhousie. Et je ne fais pas de la politique partisane depuis suffisamment longtemps pour oublier les anciens premiers ministres conservateurs Brian Mulroney et Joe Clark, qui ont aussi étudié ici.

Comme certains d'entre vous le savent, je projetais à l'origine de venir vous parler en septembre dernier; j'ai dû annuler mon engagement parce que le gouvernement annonçait sa décision de soumettre certaines questions clés sur la légalité d'une déclaration unilatérale d'indépendance (DUI) à la Cour suprême.

Je suis entré en politique pour combattre la sécession, et s'il y a une province qui connaît un peu les sécessionnistes, c'est bien la Nouvelle-Écosse. Comme vous le savez, Joseph Howe a présenté à Londres, en 1868, une requête exprimant le désir de la Nouvelle-Écosse de quitter la Confédération; mais le Parlement britannique a refusé de l'accepter parce qu'elle n'émanait pas du Parlement du Canada. Heureusement, votre province est demeurée au sein du Canada où elle est devenue un partenaire fier et dynamique de notre fédération. Quant à M. Howe, ses sentiments ont changé, et il est devenu l'un de mes prédécesseurs au poste de président du Conseil privé. M. Bouchard devrait peut-être en prendre acte.

Bien que je compte donner une saveur néo-écossaise à mon allocution d'aujourd'hui, j'évoquerai certaines idées que j'ai exprimées d'un océan à l'autre -- que ce soit à Lethbridge, le 18 octobre, à Québec, le 19 du même mois, ou à Toronto, le 27 janvier. Le Canada est un pays vaste et très diversifié, mais, en tant que Canadiens, nous devons faire face à des défis communs.

Nous avons nos problèmes, bien sûr, vouloir prétendre le contraire serait idiot. Il y a beaucoup trop de chômage et trop de pauvreté, surtout chez les enfants. Mais, malgré les défis qui nous interpellent, la fédération canadienne fonctionne bien et nous pouvons en être fiers. Nous nous comparons fort bien à d'autres pays industrialisés. Nous n'avons pas besoin des données des Nations Unies pour savoir combien nous sommes privilégiés d'avoir la qualité de vie que nous avons et combien il serait difficile de trouver la même chose ailleurs. Lorsque des amis de l'étranger nous rendent visite, ils sont toujours impressionnés par la vie paisible que nous menons, le soin que nous mettons à protéger nos immenses et magnifiques espaces naturels, notre ouverture d'esprit, notre respect de la diversité et le dynamisme de nos villes. Nous avons une fédération remarquable, même s'il est toujours permis de l'améliorer.

Aujourd'hui, je souhaite vous parler du défi que nous devons relever pour sauvegarder l'unité de notre pays. Pour ce faire, nous devons améliorer notre fédération et dissiper le regrettable malentendu qui existe quant à la reconnaissance de la place du Québec au sein du Canada.

MAINTENIR ET AMÉLIORER LES SERVICES À LA POPULATION CANADIENNE

Trop souvent, nos débats entourant les relations fédérales-provinciales sont centrés sur des abstractions symboliques, plutôt que sur les réalités quotidiennes que vivent les Canadiennes et les Canadiens, de Victoria au cap Spear. L'enjeu réel doit être de déterminer la meilleure façon de fournir les services à des citoyens en chair et en os. Une des mesures importantes qui contribuent à promouvoir l'unité nationale, c'est d'informer les Canadiens -- y compris les Québécois -- de la façon dont notre fédération évolue pour mieux répondre aux besoins et aux aspirations de ses citoyens.

Notre vision de la fédération ne doit pas s'arrêter à une lutte de pouvoirs entre différents gouvernements; elle doit aller beaucoup plus loin. Je suis sûr que vous avez lu, tout comme moi, de nombreux articles qui traitent avec éloquence du partage des responsabilités entre le gouvernement fédéral et les provinces en termes de qui a quoi, sans jamais consacrer ni un paragraphe, ni une phrase, ni même une ligne, au service au public. Et pourtant, ce sont la santé, la sécurité et le bien-être des Canadiennes et des Canadiens qui sont en jeu.

Il nous faut des provinces fortes, un gouvernement fédéral fort et des liens forts entre tous. En décidant de notre avenir, nous n'avons pas à choisir entre la création de dix républiques égocentriques et un gouvernement fédéral tout-puissant. Cet avenir, nous devons plutôt le bâtir ensemble en nous appuyant sur les bases solides que nous offre une fédération saine et unie.

Il nous faut trouver un juste équilibre entre la solidarité, qui se définit par notre engagement à nous aider mutuellement, et la subsidiarité, qui consiste à rapprocher le gouvernement des citoyens. Prenons le cas de la Nouvelle-Écosse. À l'instar du Québec, ma province, la Nouvelle-Écosse est une province moins bien nantie en ce moment. L'une et l'autre peuvent profiter à bon droit du partage de la richesse, un principe qui fait partie de la tradition canadienne depuis des décennies. Dans les années 1930, par exemple, l'Alberta a bénéficié des transferts d'autres provinces. Aujourd'hui, sa situation économique enviable lui permet d'aider les provinces qui traversent des moments plus difficiles, comme la vôtre et la mienne. Voilà comment fonctionne la famille canadienne : chacun s'entraide. C'est ça notre esprit de solidarité.

En même temps, la fédération canadienne permet à la Nouvelle-Écosse et aux autres provinces de considérer les choses dans leur perspective propre et d'aborder à leur manière les défis qu'elles ont à relever. Il y a quelques années, les dix provinces du Canada enregistraient un déficit budgétaire; aujourd'hui, chacune d'elles a trouvé comment régler la situation à sa façon, et sept d'entre elles équilibrent leur budget ou affichent un excédent. Grâce à la performance du gouvernement libéral du premier ministre Savage pour l'exercice financier 1996-1997, pour la première fois en vingt-cinq ans, votre province aura un budget entièrement équilibré. Les méthodes retenues par la Nouvelle-Écosse ne sont pas les mêmes que celles de l'Alberta, et l'Alberta a suivi une route très différente de celle que le Québec est en train de suivre. Toutes les provinces peuvent tirer profit de leurs propres forces, et ces forces peuvent aussi servir l'intérêt commun. Le Canada aide les provinces à atteindre un juste équilibre entre l'autonomie, qui stimule l'innovation, et la solidarité, qui encourage l'assistance mutuelle.

La conciliation des principes de subsidiarité et de solidarité doit guider notre conception de la prestation des services au public; c'est ce qui nous permet de garantir l'égalité dans le respect de la diversité. Prenons l'exemple suivant. Le gouvernement fédéral verse des montants de péréquation à certaines provinces et pas à d'autres; cela ne rend pas les provinces inégales pour autant. Ces argents visent plutôt à s'assurer que tous les citoyens reçoivent des services comparables, quel que soit l'endroit où ils vivent au Canada. Même si tous les citoyens sont égaux, les gouvernements doivent répondre à une diversité de besoins et tenir compte des circonstances particulières.

Confondre traitement égal et traitement uniforme, c'est plonger le service au public dans la médiocrité. Un personnage de la mythologie grecque, Procruste, forçait ses victimes à s'allonger sur un de ses deux lits -- sur le grand, il les étirait pour les mettre aux dimensions du lit, et sur le petit, il leur coupait les jambes. Nous ne voudrions pas que Procruste conçoive nos lits d'hôpital! Et pourtant, c'est exactement ce que nous demandons lorsque nous insistons pour qu'égalité signifie uniformité.

La confusion s'installe souvent lorsqu'il est question de reconnaître la différence linguistique et culturelle du Québec comme caractéristique fondamentale du Canada. Certains craignent que les provinces ne seraient plus égales si elles n'étaient pas perçues comme étant uniformes -- bref, si elles ne sont pas toutes mises aux dimensions d'un des lits de Procruste. La reconnaissance de la spécificité du Québec ne compromettrait en rien l'égalité des provinces, et encore moins celle des citoyens.

En fait, une telle reconnaissance serait fidèle au principe que nous appliquons dans d'autres domaines, comme la formation de la main-d'oeuvre. Nous sommes en train d'établir dans ce secteur un nouveau partenariat par lequel le gouvernement fédéral continuera à verser les prestations d'assurance-emploi et s'occupera de divers aspects nationaux du système, alors que les provinces auront la possibilité de gérer quelque 2 milliards de dollars au titre des mesures actives d'aide à l'emploi. Ainsi, quel que soit l'endroit où ils vivent au Canada, les citoyens continueront de bénéficier de services comparables, mais adaptés par leur gouvernement provincial aux besoins régionaux. Donc, l'égalité des services ne veut pas dire l'uniformité des services.

Pour assurer les meilleurs services possibles à la population canadienne, il faut aussi que les provinces collaborent entre elles. Les provinces de l'Atlantique nous offrent des exemples utiles à cet égard. La Fondation d'éducation des provinces Atlantiques travaille à la mise sur pied d'un programme d'études commun dans les deux langues officielles ainsi qu'à des stratégies d'évaluation communes dont les Indicateurs en Éducation pour le Canada Atlantique, le tout premier rapport sur les indicateurs régionaux au Canada. Entre-temps, le réseau Canada Atlantique en Direct, commencé en 1996, rendra les données gouvernementales plus accessibles, facilitant ainsi les interactions des citoyens avec leurs gouvernements. Ces initiatives démontrent à quel point la coopération et la coordination dans le domaine des politiques publiques peuvent améliorer la qualité des services offerts aux Canadiens.

Ce n'est pas en critiquant les fondements mêmes du Canada que nous améliorerons nos services au public. C'est plutôt en misant sur ses forces, notamment nos programmes sociaux, et c'est ce dont je voudrais vous parler plus en détail.

Aucune province n'aurait pu, avec ses seules ressources et à l'intérieur de ses propres frontières, développer tous les aspects du régime canadien de soins de santé et des programmes sociaux. Parce que si nous sommes arrivés à créer un réseau de programmes qui nous procure une qualité de vie presque inégalée dans le monde, c'est parce que nous l'avons fait tous ensemble.

Dans un discours qu'il prononçait au mois d'octobre dernier, le premier ministre Savage a fait ressortir le fait que les Canadiens croient que nous devons maintenir les liens sociaux, comme le régime d'assurance-santé par exemple, dans lesquels les Canadiens se reconnaissent des traits de famille; ces liens font partie intégrante de notre citoyenneté et de notre unité canadiennes. Le Premier ministre Chrétien, le ministre de la Santé, David Dingwall, tout le gouvernement libéral à Ottawa, entendent maintenir ces liens sociaux et les cinq principes qui régissent notre régime d'assurance-santé, soit l'universalité, l'accessibilité, l'intégralité, la transférabilité et la gestion publique. Reflets de notre solidarité nationale, ces principes occupent une place importante dans la prestation de services comparables et équitables à tous les Canadiens, partout au pays.

À ceux qui en dénoncent les coûts, j'aimerais signaler qu'un régime d'assurance-santé et des programmes sociaux bien structurés et efficaces constituent aussi un bon investissement. Un régime de santé privé, à l'américaine, supposerait pour nos entreprises une augmentation de leurs frais qui nuirait à leur compétitivité. En fait, aux États-Unis, le régime d'assurance-santé coûte plus cher aux fabricants d'automobiles que l'acier dont ils ont besoin. Le régime dont nous nous sommes dotés nous procure de meilleurs avantages concurrentiels, ce qui explique, en partie du moins, pourquoi le Canada, qui représente 6,8 % du marché nord-américain de l'automobile, livre 15,8 % de la production totale sur le continent.

En passant, les frais d'administration résultant de l'intervention fédérale dans le secteur des soins de santé sont vraiment minimes, contrairement à ce que l'on affirme trop souvent. Selon certains, Santé Canada emploierait 8 000 personnes dont la tâche consisterait strictement à surveiller ce qui ce passe dans les provinces et à se livrer aux mêmes activités que leurs correspondants provinciaux. En fait, au cours de l'exercice financier 1996-1997, ce ministère ne comptait en tout que 6 400 employés. Maintenant, combien d'entre eux, pensez-vous, veillent à ce que soit correctement appliquée la Loi canadienne sur la santé, pierre angulaire de notre régime d'assurance-santé?

- Qui dit 6 000? Ou 3 000? 1 000? 500? 100 peut-être? Vous n'y êtes pas du tout! La bonne réponse, Mesdames et Messieurs, est 23!

Les autres employés de Santé Canada se consacrent à des fonctions qui, en toute logique, relèvent du gouvernement fédéral, comme les services offerts aux Autochtones, la réglementation des médicaments et la prévention des épidémies. Après tout, il serait ridicule d'exiger des compagnies pharmaceutiques que les résultats de leurs essais cliniques soient approuvés par dix gouvernements!

Nous sommes déterminés à atteindre un juste équilibre entre solidarité et subsidiarité. C'est dans cet esprit que nous sommes tout à fait disposés à chercher, avec les provinces, des mécanismes plus consensuels et plus efficaces en vue de moderniser notre union sociale et de veiller à ce que tous les Canadiens, où qu'ils vivent, puissent bénéficier des services auxquels ils ont droit. Tel est le mandat qui a été confié au comité mixte fédéral-provincial présidé par le ministre Pierre Pettigrew et son homologue albertain, M. Stockwell Day. Sur sa liste de priorités figure l'adoption de nouvelles mesures conjointes qui nous permettront de venir à bout de cette plaie qu'est la pauvreté chez les enfants, et de mieux répondre aux besoins des personnes handicapées.

À cet égard, un groupe de travail présidé par le député de Fredericton-York-Sunbury, M. Andy Scott, a déposé un important rapport qui s'intitule Donner un sens à notre citoyenneté canadienne. La volonté d'intégrer les personnes handicapées, et que ses auteurs nous présentent comme un «guide qui aidera les gouvernements et la collectivité à aller dans la bonne direction», à donner à ces Canadiens une chance de participer de façon pleine et entière au mieux-être de notre société.

En travaillant ensemble, dans un esprit de respect mutuel et d'engagement à répondre aux attentes des Canadiens, le gouvernement fédéral et les provinces parviendront à assurer la durabilité de notre régime d'assurance-santé et de nos programmes sociaux. Ensemble, nous pourrons maintenir une union sociale souple et dynamique, qui nous aidera à franchir plus facilement le cap du prochain millénaire.

LE QUÉBEC ET LE CANADA

Vous savez, si tous les Canadiens s'arrêtaient à réfléchir aux avantages et aux services que nous procurent notre fédération, je suis convaincu que plus personne ne parlerait de séparation. Cela dit, pour le moment, l'unité nationale est un défi qu'il nous faut relever.

J'aimerais que tous ceux et celles de mes concitoyens du Québec qui songent à voter OUI lors d'un prochain référendum prennent bien conscience de ce qui reposera sur leurs épaules. En votant OUI, ils renonceront au Canada. En votant OUI, ils imposeront un choix personnel aux autres Québécois et à l'ensemble des Canadiens. En votant OUI, ils imposeront cette volonté à leurs enfants et à leurs petits-enfants. Tout cela doit être bien clair dans leur esprit.

Malheureusement, si jamais nous devions vivre un nouveau référendum, il ne fait aucun doute que le gouvernement du Québec se soucierait davantage de remporter la victoire que de poser une question claire. Il devrait alors se souvenir du devoir qu'il a, envers les Québécois comme envers les autres Canadiens, d'éviter toute espèce d'équivoque, tant dans la formulation de la question que dans ses propos concernant les conséquences d'une sécession.

De la même façon que nous sommes disposés à reconnaître que nous ne pouvons retenir les Québécois contre leur gré, on voudra bien nous reconnaître le droit de nous assurer que les choses sont claires au moment de la tenue éventuelle d'un vote référendaire. Il est raisonnable de prétendre que les Canadiens de la Nouvelle-Écosse ne peuvent retenir les Québécois dans la Confédération contre leur volonté clairement et démocratiquement exprimée; il est tout aussi raisonnable de prétendre que les Néo-Écossais, tout comme les autres Canadiens, ont le droit d'être certains que le processus suivi est clair, mutuellement acceptable et juste pour tous. Après tout, la sécession du Québec aurait de graves conséquences pour la Nouvelle-Écosse et pour les autres provinces Atlantiques, car vous vous trouveriez alors coupés du reste de la fédération. C'est pour toutes ces raisons que notre gouvernement a décidé de renvoyer à la Cour suprême du Canada certains aspects fondamentaux de la sécession.

Les ténors sécessionnistes parlent d'une déclaration unilatérale d'indépendance, ou d'une OUI - comme si c'était un pas tout à fait normal à franchir. Dans les faits, une déclaration unilatérale d'indépendance, comme le premier ministre Bouchard l'envisage, ne serait acceptable dans aucune démocratie dans le monde. Qui plus est, dans bon nombre de pays, la sécession, sous quelque forme que ce soit, n'est même pas envisagée dans la constitution. C'est le cas, notamment, en France, en Norvège, en Afrique du Sud et en Espagne. Le Canada fait preuve d'une ouverture démocratique exceptionnelle en considérant la possibilité que notre pays puisse se diviser.

Mais nous pouvons éviter la sécession et les déchirements qui en découleraient, en travaillant à la réconciliation nationale. C'est mon travail de montrer aux Québécois qu'ils ont tout avantage à demeurer au sein de la grande famille canadienne. Mais j'aimerais que vous tous qui êtes réunis ici aujourd'hui, en tant que membres de l'Université Dalhousie, en tant qu'habitants de la Nouvelle-Écosse, vous en fassiez autant.

Chacun de vous peut contribuer à faire du Canada un pays plus fort et plus uni. Un étudiant de votre université, Graham Murray, a mis toute son énergie à créer sur Internet un site Web qu'il a baptisé «Unity Link» et qui a pour but de faire mieux comprendre les véritables avantages qu'offre le Canada. Au nom de tous les Canadiens, je te remercie Graham.

Les moments que j'ai passés à explorer «Unity Link» se sont avérés enrichissants. Certes, je n'y ai rien trouvé de particulièrement flatteur pour le gouvernement fédéral, mais je peux comprendre les inquiétudes des Canadiens. Comme le soutient «Unity Link», le jugement de l'Histoire ne portera que sur les gestes que nous aurons posés pour sauver le Canada. Parce que, dans cinquante ans, personne ne se souviendra de l'actuelle politique budgétaire du gouvernement fédéral. Ne nous leurrons pas : l'Histoire nous jugera tous. C'est pourquoi l'unité nationale est un enjeu qui ne concerne pas seulement les gouvernements; ce n'est pas un problème qu'ils peuvent résoudre tout seuls : la participation enthousiaste et spontanée de tous les Canadiens est essentielle.

Je suis d'un naturel franc, et c'est une qualité que j'aime bien retrouver chez ceux et celles qui participent au débat sur l'unité canadienne. Vous savez, il est mal vu au Québec de dire qu'il faut clarifier les enjeux de la sécession, et que la sécession ne peut se faire dans la confusion. Mais cela ne m'arrêtera pas, car je n'ai pas choisi d'entrer en politique pour gagner à court terme un prix de popularité. À l'extérieur du Québec, il n'est pas toujours bien vu non plus de parler de la nécessité de reconnaître le Québec comme une société distincte. Mais je continuerai de promouvoir cette reconnaissance parce que ce serait une grande chose à faire pour l'unité canadienne, au nom de la grande solidarité canadienne.

Pour mieux saisir pourquoi les Québécois tiennent tant à cette reconnaissance, imaginez un instant que la Nouvelle-Écosse soit la seule province majoritairement anglophone sur un continent peuplé de 300 millions de francophones; imaginez que partout dans le monde, le français domine dans les milieux d'affaires, dans les médias d'information, sur Internet; imaginez que la plupart des députés et des fonctionnaires fédéraux ne parlent pas votre langue. Vous comprendrez alors ce que peuvent ressentir bon nombre de Québécois francophones. Si vous étiez à leur place, n'aimeriez-vous pas que les autres Canadiens reconnaissent et appuient chaleureusement les efforts que vous déployez pour protéger votre langue et votre culture?

Les Canadiens savent que l'égalité n'exige pas l'uniformité. La reconnaissance du caractère distinct de la société québécoise ne se traduirait pas non plus, pour le gouvernement de cette province, par des pouvoirs ou des crédits supplémentaires. J'aimerais souligner que la contribution positive de premiers ministres de l'Atlantique au débat sur la reconnaissance de la spécificité québécoise me touche profondément.

Je m'adresse à vous en tant que Québécois et en tant que Canadien très attaché à mes deux identités. La grande majorité des Québécois ressent la même chose. Il incombe maintenant à nous, du gouvernement, de faire comprendre aux Québécois qu'ils n'ont pas à choisir entre deux identités qui leur sont chères, de leur montrer comment ces deux identités se complètent. Pour ce faire, nous avons besoin de votre appui.

CONCLUSION

Comme je l'ai signalé dans mon introduction, le Canada est une fédération qui fonctionne bien et dont nous avons tout lieu d'être fiers. Nous devons travailler ensemble à préserver l'unité de notre pays; et nous devons le faire, non pas seulement pour nous-mêmes et pour nos enfants, mais aussi pour tous ces hommes et toutes ces femmes ailleurs dans le monde pour qui le Canada est une source d'espoir. Bon nombre d'entre eux ne peuvent que rêver des avantages dont nous jouissons -- en les tenant peut-être même pour acquis -- en faisant partie du système fédéral canadien. Un survol rapide de l'actualité mondiale suffit pour constater qu'une multitude d'États ou de régions sont présentement déchirés par des conflits ethniques ou religieux. Un pays aussi généreusement comblé que le Canada devrait continuer d'offrir au monde un modèle de cohabitation harmonieuse.

Ensemble, nous pouvons faire du Canada un pays où il fait encore mieux vivre. Forts de nos réalisations sociales et économiques, nous pouvons bâtir une fédération qui soit encore plus sensible aux besoins, aux espoirs et aux rêves de ses citoyens. Telle est la vision du Premier ministre Jean Chrétien, qui s'est exprimé en ces termes à propos du processus de renouvellement en cours, «[l]e fonctionnement de notre fédération doit répondre à nos besoins collectifs et correspondre à notre diversité. Il doit être une expression de respect réciproque et de respect envers nos institutions. Il doit comprendre un partenariat et un dialogue entre les pouvoirs publics et les citoyens.»

Je suis heureux de cette occasion qui m'est donnée aujourd'hui de m'entretenir avec des gens de la Nouvelle-Écosse, avec les étudiants et les membres du personnel enseignant de la faculté de droit de l'Université Dalhousie. Ce que vous avez à dire m'intéresse au plus haut point. Ensemble, nous pouvons relever le défi du renouvellement de la fédération et du maintien de l'unité canadienne. Ensemble, nous pouvons travailler à bâtir un Canada encore meilleur.

L'allocution prononcée fait foi.  


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Mise à jour : 1997-01-30  Avis importants