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« LE QUATRIÈME BUDGET MARTIN ET
LE RENOUVEAU DE LA FÉDÉRATION CANADIENNE »

NOTES POUR UNE ALLOCUTION DEVANT LA
CHAMBRE DE COMMERCE DU GRAND JOLIETTE

JOLIETTE (QUÉBEC)

LE 3 MARS 1997


Introduction

En gens d'affaires avisés que vous êtes, en tant que membres d'une chambre de commerce qui suit de près les grands enjeux nationaux, je suis sûr que vous vous intéressez aux budgets de nos gouvernements.

Le quatrième budget Martin a été bien reçu, notamment au Québec, comme le confirme un sondage réalisé par Léger & Léger pour le compte du Journal de Montréal et du Globe and Mail, et publié en fin de semaine. Ce budget est cependant critiqué injustement par le vice-premier ministre du Québec. M. Bernard Landry prétend que c'est un budget «centralisateur», qui reflète un fédéralisme «prédateur», et que le gouvernement continue à «pelleter» son déficit dans la cour des provinces.

Je prétends au contraire que c'est un budget qui montre la grande force des fédérations. C'est un budget qui nous montre à quel point sont liés l'équilibre budgétaire, la croissance économique et l'unité de notre pays. Tel va être le sujet de mon exposé, que je développerai en trois points. Je vous parlerai d'abord des progrès que nous avons réalisés sur le plan budgétaire. Ensuite, je répondrai aux arguments de M. Landry et des leaders sécessionnistes. Pour terminer, je vous démontrerai en quoi les initiatives de ce budget correspondent à l'esprit fédératif canadien.

Les progrès réalisés

Rappelez-vous qu'en 1992, les leaders indépendantistes, monsieur Parizeau, monsieur Bouchard, faisaient campagne lors du référendum de Charlottetown en disant que le Canada était un pays en quasi-faillite; on parlait du «syndrome argentin», du «déclin inévitable», des «chevauchements» qui nous coûtaient soi-disant les yeux de la tête, du «gouvernement de trop». Avez-vous remarqué qu'ils ont remisé le discours alarmiste sur le déclin inéluctable du Canada?

Je crois qu'ils seraient bien malvenus de revenir à la charge; ils seraient contredits non seulement par le gouvernement du Canada, mais aussi par les économistes d'ici et d'ailleurs, par les gouvernements étrangers et par l'OCDE, qui dit que le Canada se situe parmi les pays les mieux placés pour franchir le cap du XXIe siècle en bonne santé économique.

«Les experts n'hésitent plus à parler du ‘miracle canadien'», pouvait-on lire récemment dans le quotidien français Libération : inflation contenue, croissance prévue entre 3 et 4 %, dollar stable, taux d'intérêt les plus bas depuis 35 ans, finances publiques assainies, forte création d'emplois, excédent record de la balance commerciale.

Le prestigieux quotidien de Londres, Financial Times, s'exprimait dans les mêmes termes en parlant du spectaculaire redressement financier du Canada à la suite des quatre derniers budgets. Le quotidien La Presse rapportait récemment que les Japonais, qui traversent une crise financière sans précédent, sont impressionnés par le redressement de nos finances publiques et vantent le «modèle canadien» et ses mérites. Le même journal citait les propos du président du Comité économique Canada-Japon, M. Koichiro Ejiri, qui a déclaré en entrevue :

«J'ai été profondément impressionné par la façon dont les gouvernements canadiens s'y sont pris pour réduire leurs dépenses» (rapporté dans La Presse, le 24 février 1997, Claude Picher, «Le "modèle"canadien»).

Voyons maintenant les indicateurs économiques qui nous valent ces éloges. Le déficit fédéral, en proportion du PIB, aura été réduit de moitié en trois ans et le budget prévoit que nous atteindrons notre cible de réduction du déficit de 2 % du PIB en 1997-1998, et de 1 % du PIB en 1998-1999. Les taux d'intérêt sont à leur plus bas niveau en près de 35 ans. Le taux d'inflation est très faible. En 1998, pour la première fois en 28 ans, nos nouveaux besoins d'emprunts sur les marchés financiers pour financer les programmes et les frais de la dette seront éliminés; nous avons renforcé la confiance des marchés financiers et rétabli notre compétitivité internationale; notre balance commerciale est aujourd'hui excédentaire; et nos perspectives de croissance économique et de création d'emplois sont les plus prometteuses des pays du G-7.

Bien sûr, nous avons encore du travail à faire puisque le ratio de la dette fédérale au PIB, qui est actuellement de 75 %, est beaucoup trop élevé. Mais nous avons rompu le cercle vicieux du déficit et mis en place les mesures nécessaires qui vont faire en sorte que, pour la première fois depuis 20 ans, ce ratio commencera à baisser en 1997-1998, et il continuera de baisser l'année suivante. Nous pouvons envisager l'avenir avec optimisme.

Ces performances encourageantes pour l'économie et pour la crédibilité financière du Canada le sont tout autant pour les provinces, car ce que le ministre Landry ne dit pas, c'est que les provinces ont profité directement de l'amélioration de la situation financière du gouvernement fédéral. Les progrès réalisés au niveau fédéral ont entraîné une baisse des taux d'intérêt. Selon les estimations du ministère fédéral des Finances, les taux d'intérêt plus bas que prévu ont permis au Québec d'épargner quelque 645 millions de dollars en frais d'intérêt sur sa dette au cours des deux dernières années. En outre, la baisse des taux d'intérêt a favorisé la croissance économique, ce qui a eu un impact positif sur les revenus des gouvernements.

Inversement, le redressement financier qui s'opère au niveau fédéral ne constitue qu'une partie de l'amélioration de la situation financière au pays. Il y a seulement trois ans, toutes les provinces accusaient des déficits importants. En 1996-1997, le déficit combiné des provinces et des territoires devrait se situer autour de 9,0 milliards de dollars, ce qui représente une diminution de plus de 60 % par rapport à son niveau record de 1992-1993. En 1992, le déficit combiné du gouvernement fédéral et des provinces représentait, selon les comptes nationaux, 7,4 % du PIB, soit près du double de la moyenne - 3,8 % - pour les pays du G7; le Canada se retrouvait donc à l'avant-dernier rang de ce groupe de pays, soit avant l'Italie, en termes d'importance du déficit. En 1997, on prévoit que le déficit de l'ensemble des gouvernements du Canada sera le plus bas parmi les pays du G-7, à 1,3 % du PIB.

Les provinces ont adopté des stratégies différentes pour redresser leurs finances respectives. L'approche de la Saskatchewan n'est pas la même que celle de l'Ontario, par exemple, et c'est ce que permet la souplesse de notre fédéralisme. Il en résulte en bout de ligne qu'un bon nombre de provinces prévoient des budgets équilibrés ou même des excédents budgétaires pour l'exercice 1996-1997, comme c'est le cas de l'Alberta. Même les provinces qui sont plus pauvres, comme le Nouveau-Brunswick, ont réussi à mettre de l'ordre dans leurs finances publiques. L'Ontario et le Québec, chacune à sa façon et selon sa propre culture, sont en train de se rapprocher de leur objectif d'atteindre un déficit zéro d'ici les deux ou trois prochaines années.

Si nous avons réalisé de tels progrès, c'est parce que nous avons travaillé tous ensemble et que les quatre budgets du ministre Paul Martin ont fait preuve de rigueur, de discipline et d'équité. Le gouvernement de Jean Chrétien a commencé par sabrer dans ses propres dépenses. Entre 1993-1994 et 1998-1999, nous aurons réduit nos dépenses de programmes de 14 %. Nous avons diminué les transferts aux provinces, mais dans une moindre proportion puisque les transferts aux provinces - de fonds et de points d'impôt - n'auront baissé que de 9,9 %, ce qui représente à peine 2 % du total des recettes provinciales.

Les réponses aux critiques

Est-ce que le gouvernement fédéral aurait pu remettre de l'ordre dans ses finances de façon responsable sans toucher les transferts aux provinces, qui représentent 21 % des dépenses de programmes? Sincèrement je ne le crois pas.

Certains diront qu'on aurait pu couper davantage dans la défense. Pourtant, le Canada est déjà un des pays qui y consacre le moins d'argent. Entre 1994-1995 et 1998-1999, le budget du ministère de la Défense aura été amputé de 21 % (de 10,7 à 8,5 milliards de dollars). Quel serait l'impact de restrictions additionnelles sur la capacité du Canada de remplir ses obligations internationales et, plus particulièrement, son rôle de gardien de la paix aux quatre coins du globe?

Aurait-on pu réduire davantage l'aide internationale alors que celle-ci aura été réduite de 34 % entre 1994-1995 et 1998-1999 (de 2,9 à 1,9 milliard de dollars)? Aurait-on pu réduire davantage dans les transports alors que le budget de ce ministère aura été amputé de plus de 50 % au cours de la même période (de 2,9 à 1,4 milliard de dollars)? Aurait-on pu réduire davantage dans les subventions aux entreprises qui ont diminué de 60 % (de 3,7 à 1,5 milliard de dollars)? Aurait-on pu réduire davantage dans nos propres dépenses de fonctionnement, alors que quelque 50 000 postes dans la fonction publique fédérale auront été supprimés d'ici deux ans et que le salaire des fonctionnaires fédéraux est gelé depuis cinq ans?

Pour aider les provinces à absorber ces compressions, le gouvernement Chrétien a accru leur marge de manoeuvre et leur a garanti une base de financement prévisible. Voilà pourquoi il a réuni en une seule enveloppe le Régime d'assistance publique du Canada et le Financement des programmes établis et a créé le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS). La ministre d'État et à l'Emploi à la Solidarité du Québec, madame Louise Harel, a dit elle-même, le 10 novembre dernier, en rendant public le Livre vert sur la réforme de la sécurité du revenu, que le TCSPS donnait «plus de latitude au gouvernement du Québec». Le TCSPS se maintiendra à un niveau stable à 25,1 milliards de dollars avant d'augmenter en fonction du taux de croissance de l'économie. La partie fonds du transfert ne descendra jamais en-dessous de 11 milliards de dollars.

Les provinces qui reçoivent des paiements de péréquation, comme le Québec, ont été moins touchées que les autres, parce que le programme de péréquation, contrairement au TCSPS, n'a pas subi de compression et les paiements sont toujours calculés selon la même formule. Les changements dans les niveaux de péréquation sont essentiellement attribuables aux réductions d'impôts provinciaux, à l'amélioration des perspectives financières dans certaines provinces, ou encore aux mouvements de population entre les provinces.

«Le Québec ne reçoit pas sa part», ne cessent de répéter le Bloc et le Parti québécois. En attendant, le gouvernement fédéral aura réduit ses propres dépenses de 14,0 %, entre 1993-1994 et 1998-1999 comparativement à une réduction de 10,9 % touchant les transferts au gouvernement du Québec. Et notre province, qui compte pour le quart de la population canadienne, reçoit 31 % des dépenses de transfert fédérales, dont 46 % en paiements de péréquation. Le Québec continue de recevoir les transferts fédéraux les plus élevés au Canada. Pas mal pour un fédéralisme «prédateur»!

Confrontez le PQ et le Bloc Québécois à ces chiffres, et vous verrez qu'ils ne peuvent les nier. À la place, il vous répliqueront que le fédéral peut bien envoyer au Québec de «l'assistance sociale», mais il garde «l'argent qui crée de l'argent», ses investissements, pour l'Ontario - ou pas pour le Québec en tout cas. Là encore ils se trompent. Prenez la péréquation. C'est un transfert sans condition, c'est-à-dire que les provinces peuvent l'investir comme elles le veulent : pour les programmes sociaux, pour l'éducation, pour les infrastructures ou encore pour la recherche et le développement.

Et justement à propos des dépenses fédérales en recherche et développement, le PQ et le Bloc Québécois ne cessent de répéter que le Québec ne reçoit pas sa «juste part». Là encore, ils faussent la réalité. En 1994-1995, données les plus récentes de Statistique Canada, 23,8 % de l'ensemble des dépenses fédérales en R & D ont été effectuées au Québec, ce qui est près de notre poids démographique et supérieur à notre part dans l'économie canadienne, qui est de 22,4 %. Ces données incluent les laboratoires qui sont dans la région de la capitale nationale, comme par exemple le Conseil national de recherche dont la vocation n'est pas lucrative mais plutôt auxiliaire : soit d'aider à la recherche partout au pays. Si on s'en tient aux seules dépenses qui sont distribuées sur une base régionale, la part du Québec est encore plus intéressante : les entreprises québécoises reçoivent 40,2 % des subventions et 42,8 % des contrats fédéraux pour la R&D; les universités québécoises, elles, reçoivent 27,6 % des sommes distribuées aux universités canadiennes. Monsieur Landry et ses amis affirment pourtant que le Québec ne reçoit pas sa part des dépenses fédérales en R&D. Alors vous vous demandez «qui dois-je croire? : Bernard Landry ou Stéphane Dion?» Ne croyez ni l'un ni l'autre, si vous voulez, mais allez plutôt consulter la publication de Statistique Canada intitulée «Bulletin de service Statistique des sciences», Volume 20, no. 8, pages 1 à 5.

C'est toujours la même stratégie que les chefs sécessionnistes utilisent. Plutôt que de donner l'heure juste en présentant le portrait d'ensemble qui démontre que nous tirons bien notre épingle du jeu, ils livrent une interprétation tronquée d'un nombre limité de postes de dépenses; partant de là, ils se lancent dans des généralisations victimisantes sur le sort réservé au Québec au sein de la fédération, dans le seul but d'entretenir un ressentiment à l'endroit d'Ottawa. En fait, notre fédération est équitable pour tous ses membres y compris le Québec. Le tableau d'ensemble montre que le Québec est aidé en tant que province dont la richesse est actuellement moindre que la moyenne nationale. En 1994, dernière année pour laquelle les données sont disponibles, les dépenses fédérales au Québec se sont élevées à 24,5 % alors que les Québécois ont contribué pour 21,4 % des revenus du gouvernement du Canada. (Comptes économiques provinciaux : 1961-95, Statistique Canada, 1996). Voilà une aide que nous, les Québécois, devrions accepter en disant aux autres Canadiens : «À charge de revanche!»

M. Landry, qui parle parfois plus comme un vice-premier ministre péquiste que comme un ministre des Finances, devrait cesser de répéter que c'est de la faute du gouvernement fédéral si le gouvernement du Québec est en difficulté financière. L'éditorialiste en chef de La Presse, Alain Dubuc, lui a bien répondu en soulignant que tous les gouvernements provinciaux ont dû composer avec une réduction de transferts fédéraux, ce qui n'a pas empêché une majorité de provinces de surmonter la crise de leurs finances publiques.

Mais je vais vous dire : nous sommes capables, nous les Québécois, de relever notre économie à un point tel qu'un jour c'est nous qui donnerons de la péréquation aux provinces moins riches. La Saskatchewan est tout près d'y arriver. Nous en sommes capables aussi! Et nous donnerons alors avec la même générosité que les autres Canadiens. Après tout, dans les années 1930, nos grands-parents ont aidé l'Alberta encore plus touchée que nous par la Grande dépression. Aujourd'hui, c'est elle qui nous aide, mais qui sait dans trente ans? Pourquoi nous priverions-nous de son aide maintenant? Trouvez-moi un seul argument moral qui pourrait justifier une telle absurdité économique!

Le quatrième budget Martin

Le Canada est une fédération qui fonctionne bien dans son ensemble, mais qui doit toujours être améliorée pour mieux servir les citoyens. Non seulement elle fonctionne bien, mais c'est aussi une des fédérations les plus décentralisées au monde, avec la Suisse, quoi qu'en disent messieurs Bouchard et Landry. Les dépenses propres au gouvernement fédéral ne représentent plus que 11 % du PIB et 37 % des dépenses de programmes, 27 % si on enlève la dette. Ce que nous faisons pour l'améliorer depuis le discours du Trône de février 1996, c'est de clarifier les rôles dans un grand nombre de domaines comme l'exploitation des mines et des forêts, le logement social, les mesures actives d'emploi, la main-d'oeuvre, l'environnement et l'utilisation du pouvoir fédéral de dépenser. Ce que nous recherchons avant tout, c'est un gouvernement fédéral efficace dans ses champs de compétence, des provinces efficaces dans les leurs et une solide collaboration entre tous. De ce renouveau émergera une société plus forte et plus confiante en son avenir.

Le discours du dernier budget Martin poursuit sur cette lancée. Pour vous le démontrer, voici cinq des mesures les plus importantes qui se prennent de concert avec les provinces, des mesures que nous pouvons réaliser parce que nous sommes une fédération où tout le monde travaille ensemble : la réforme de nos régimes de pension, le régime national de prestation pour enfants, les initiatives dans le domaine de la santé, le programme de travaux d'infrastructure et le Fonds d'innovation pour la recherche et le développement.

1. La réforme du Régime de pension du Canada

Prenons comme premier exemple la réforme de notre régime de pension du Canada, qui a été conçue par le ministre Paul Martin en collaboration avec les provinces et largement discutée en consultation publique.

Dans tous les pays industrialisés, la viabilité des régimes de pension est rendue incertaine par les modifications économiques et démographiques. Au Canada, comme dans bien d'autres pays, le nombre de retraités augmente par rapport à la population active, et les gens vivent plus longtemps, ce qui a comme effet d'exercer d'énormes pressions sur les régimes de pension, au point d'en menacer la survie. Au Québec, par exemple, entre 1981 et 1991, les plus de 65 ans sont passés de 8,7 % à 11,0 %. D'ici 25 ans, ce taux devrait passer à 25 %. (Rapport sur l'état de la population du Canada, Cat. 91-209F Statistique Canada).

Le Canada est l'un des premiers pays à s'être attaqués à la problématique des régimes de pension. Le Président Clinton vient de diagnostiquer ce problème comme un des grands défis de la fédération américaine.

Le gouvernement fédéral et les provinces ont une responsabilité conjointe à l'égard du Fonds de pension du Canada; nous avons une formule particulière de vote pondéré qui fait en sorte que le gouvernement fédéral et les provinces sont impliqués dans tout changement au régime. Nous avons identifié ensemble les problèmes, et nous nous sommes entendus avec les provinces pour mettre en place une réforme qui renforce le Régime de pension du Canada et assure sa viabilité, non seulement au plan de l'efficience économique, mais aussi et surtout au nom de l'équité entre les générations. Les Canadiens eux-mêmes étaient inquiets et nous ont pressés de régler les problèmes du régime de pension.

La réforme du régime prévoit des modifications au chapitre du calcul des prestations et de leur administration; elle prévoit aussi une capitalisation plus complète de manière à constituer un fonds de réserve beaucoup plus important, ainsi qu'une nouvelle politique de placement qui assurera des rendements plus élevés. Cette réforme va nous placer à l'avant-garde des pays industrialisés à ce chapitre. Notre fédération, que certains qualifient de «bloquée» ou «d'inefficace» a réussi ce que bien d'autres pays fédéraux ou unitaires ont du mal à mettre en place.

Non seulement la fédération canadienne est efficace, mais elle est souple au point de permettre au Québec d'avoir son propre régime de pension à l'intérieur du système canadien. Le gouvernement du Québec a approuvé les changements au régime fédéral. Il reste à voir quels seront exactement les changements au Québec, mais normalement, ils iront dans le sens de la réforme du Régime de pension du Canada.

2. Le régime national de prestation pour enfants

Le régime national de prestation pour enfants est mon deuxième exemple. C'est un programme qui a été élaboré conjointement avec les provinces et conçu pour renforcer leur action dans ce domaine.

Pourquoi mettre en oeuvre un tel programme alors que les familles à faible revenu bénéficient déjà d'une prestation fiscale des deux ordres de gouvernements? On s'est rendu compte qu'il y avait un problème d'iniquité : les parents qui quittaient l'aide sociale pour réintégrer le marché du travail étaient pénalisés par une diminution des services et de l'aide qu'ils recevaient. Le moyen de sortir de ce «piège de l'aide sociale» c'est de mettre en place un régime plus équitable en réformant les prestations pour enfants. Toutes les provinces sont en train de s'attaquer à ce problème, et nous voulons les appuyer dans leurs efforts.

L'originalité de cette initiative, c'est que ce n'est pas un programme cofinancé. Nous utiliserons une formule nouvelle par le biais du système fiscal, ce qui créera un plancher fédéral sur lequel chaque province peut établir ses propres programmes. De l'inventivité des unes et des autres naîtra une saine émulation dans la conception et l'exécution des programmes. C'est ce que j'appelle du bon fédéralisme. Cette initiative, qui est tout à fait conforme à la Constitution, nous a d'ailleurs été demandée par les provinces avant d'être pilotée de main de maître par mon collègue Pierre Pettigrew. Ses homologues provinciaux ont reconnu l'urgence d'agir en déclarant que la collaboration fédérale-provinciale-territoriale était la voie à privilégier pour trouver des solutions efficaces et innovatrices aux problèmes de la pauvreté chez les enfants.

Nous avons bien réussi à faire reculer la pauvreté chez les personnes âgées au Canada; tout au long de notre vie adulte on est assuré d'une protection sociale que nos voisins du Sud nous envient. Mais, pour ce qui est de l'enfance et des familles pauvres, nous avons du chemin à faire pour rattraper certains autres pays; c'est une faiblesse de notre fédération et nous sommes en train d'y remédier ensemble.

Ken Battle, un spécialiste en politique sociale du Caledon Institute of Social Policy, a décrit la nouvelle prestation pour enfants comme «la plus grande innovation sociale depuis l'assurance-santé dans les années 60».

3. Les initiatives visant les soins de santé

Je donnerai comme troisième exemple les nouvelles initiatives budgétaires visant les soins de santé : le Fonds pour l'adaptation des soins de santé, le Programme d'action communautaire pour les enfants et le programme de nutrition prénatale, par lesquels nous aiderons les provinces à financer des projets pilotes dans le domaine de la santé.

On entend souvent dire que la santé est un domaine de compétence provinciale exclusive au regard de la Constitution; ce qui est vrai en ce qui concerne les soins de santé dispensés par les réseaux de santé publique. Mais la santé dans son ensemble englobe forcément des responsabilités qui concernent le gouvernement fédéral. Prenons la réglementation des médicaments et la prévention des épidémies : la Constitution n'interdit pas un rôle fédéral, et le bien public l'exige. Je vois mal comment on pourrait exiger des compagnies pharmaceutiques qu'elles fassent approuver les résultats de leurs essais cliniques par dix gouvernements! Ce serait absurde.

Selon un mythe trop répandu, Santé Canada emploierait 8 000 fonctionnaires dont la tâche consisterait uniquement à surveiller les provinces et à assumer les mêmes tâches que leurs homologues provinciaux. En fait, Santé Canada compte 6 400 employés qui ont des responsabilités bien distinctes de leurs homologues provinciaux. Combien d'entre eux, pensez-vous, ont la responsabilité de veiller à ce que les provinces respectent les principes qui sont conditionnels aux transferts fédéraux en matière de santé? Il y en a 23, croyez-le ou non; ces personnes-là jouent un rôle essentiel en assurant l'observance de ces cinq principes. Je vais vous les nommer, ces principes; vous allez voir que tout le monde peut être d'accord avec ça : il s'agit de l'universalité, de l'accessibilité, de l'intégralité de la couverture des soins médicaux essentiels, de la transférabilité du régime entre nos provinces et de la gestion publique. Ces principes occupent une place importante dans la prestation de services comparables et équitables à tous les Canadiens, dans tout le pays.

Pour améliorer notre système de santé, la collaboration des deux ordres de gouvernement est nécessaire si nous voulons utiliser plus efficacement les ressources consacrées à la santé des Canadiens. Le budget Martin prévoit consacrer 300 millions de dollars, au cours des trois prochaines années, à trois nouvelles initiatives dans ce domaine, qui se réaliseront grâce à une collaboration fédérale-provinciale.

La moitié du 300 millions sera consacrée au Fonds pour l'adaptation des services de santé. C'est une mesure d'appui aux provinces et territoires qui lancent des projets pilotes en matière de soins de santé, comme par exemple l'assurance-médicaments que le Québec vient de mettre en place.

L'intérêt de cette initiative au plan national c'est qu'elle créera un réseau d'informations et favorisera les échanges d'expériences entre les provinces sur les projets pilotes. Voilà une des grandes forces du Canada et de son régime fédératif. C'est important pour le Québec de savoir ce qui se passe en Saskatchewan, et vice versa; ainsi, chaque province s'inspire de l'expérience des autres et partage avec elles le fruit de ses propres expériences. La mise en place du Fonds pour l'adaptation des soins de santé se fera dans le cadre de consultations et d'accords individuels de coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces.

La deuxième initiative dans le domaine de la santé va dans le même sens : il s'agit de la création d'un Système canadien d'information sur la santé, qui permettra aux professionnels de la santé de tout le pays d'avoir accès à l'information médicale la meilleure possible et aux progrès les plus récents dans le domaine.

La troisième initiative ne crée pas de nouveau programme; elle vient plutôt renforcer l'actuel Programme d'action communautaire pour les enfants, qui comprend aussi le Programme canadien de nutrition prénatale.

À entendre M. Landry décrier ce programme, on a l'impression que les fonctionnaires fédéraux se promènent dans les rues à distribuer des pintes de lait! Je vais vous expliquer de quoi il est question en réalité.

Les fonds servent à aider les groupes communautaires à concevoir et à offrir des services d'appui au développement de la petite enfance à risque et aux femmes enceintes. Les priorités de ces deux programmes sont définies conjointement par le gouvernement fédéral et par les gouvernements provinciaux et territoriaux, mais l'argent vient uniquement du gouvernement fédéral. Les protocoles d'entente assurent une action concertée et adaptée aux besoins de chaque province. Voilà un bel exemple de collaboration fédérale-provinciale. Le Québec a été la première province à ratifier un protocole d'entente en 1993, et l'annonce de nouveaux fonds répond directement à une demande des provinces. Même si les sommes d'argent engagées ne sont pas énormes, c'est vraiment le genre d'intervention fédérale qui aide les provinces à faire du bien à beaucoup de Canadiens.

4. Le programme de travaux d'infrastructure

Un autre exemple, et c'est mon quatrième, qui montre la souplesse et la créativité du fédéralisme canadien, c'est celui du programme de travaux d'infrastructure lancé par le Premier ministre Jean Chrétien, il y a trois ans, et mis sur pied de concert avec les provinces, les municipalités et le secteur privé.

Chaque province a défini ses propres besoins en fonction des initiatives présentées par ses municipalités et est maître d'oeuvre de ses opérations reliées au programme d'infrastructure. Ottawa n'a imposé aucun «carcan», aucune formule unique aux provinces. C'est un partenariat que nous avons formé et qui a permis aux provinces, même en période de rigueur budgétaire, de renouveler l'infrastructure des collectivités rurales et urbaines à travers le Canada, de créer des milliers d'emplois à court et à long terme et de stimuler la croissance économique régionale et nationale.

Voilà une autre forme de synergie que nous pouvons créer en travaillant ensemble. Et ça a bien réussi puisqu'il s'est investi au total 6,5 milliards de dollars, 12 500 projets et près de 100 000 emplois à l'échelle locale, sans compter les emplois indirects générés dans les secteurs connexes de l'économie.

Devant ce succès, le Premier ministre Jean Chrétien, à la demande des provinces, a annoncé que le Programme de travaux d'infrastructure était reconduit. Le gouvernement fédéral y contribuera pour 425 millions de dollars. Cette synergie fédérale-provinciale permettra de générer, en 1997, des investissements de près de 2 milliards de dollars, qui permettront d'exécuter quelque 2 500 projets porteurs d'emplois dont la nature variera selon les priorités de chaque province. La Nouvelle-Écosse vient de signer, vendredi, une entente de prolongation du programme.

5. La Fondation canadienne pour l'innovation

Je terminerai avec un cinquième exemple, celui de la création de la Fondation canadienne pour l'innovation, où tous sont invités à travailler de concert : les provinces, les universités, les hôpitaux de recherches et le secteur privé.

On ne rappellera jamais assez combien il est important pour l'économie du savoir d'investir dans la recherche et le développement. Pour toutes sortes de raisons, le Canada tire de l'arrière par rapport à d'autres pays à ce chapitre; peut-être parce que nous avons plus une économie de richesses naturelles qu'une économie militarisée. Mais ce n'est pas une raison pour se croiser les bras; nous devons agir pour rester compétitifs, pour garder nos chercheurs au Canada. Il faut aider la recherche, il faut créer une synergie.

C'est pourquoi nous avons annoncé la création d'une Fondation canadienne pour l'innovation. Encore une fois, il ne s'agit pas d'un programme fédéral-provincial cofinancé; le gouvernement fédéral investit dans l'infrastructure de recherche par l'entremise d'un organisme indépendant du gouvernement dont les administrateurs seront des représentants des différents milieux intéressés. Le Canada possède plusieurs points stratégiques en matière de recherche et développement. Par exemple, les produits pharmaceutiques et la haute technologie au Québec et en Ontario, la biotechnologie en Saskatchewan, l'exploitation forestière durable en Alberta et en Colombie-Britannique, la pêche en mer à Terre-Neuve. La Fondation appuiera l'infrastructure de recherche en tenant compte des besoins de chaque région en vue d'accroître notre capacité en matière de recherche et de technologie à l'échelle nationale.

C'est une initiative qui suscitera de nombreux partenariats entre les établissements universitaires, les hôpitaux, les milieux d'affaires, les organismes bénévoles, les particuliers de toutes les provinces. Cette synergie aidera les Canadiens à se tenir à la fine pointe de la recherche et du développement; elle aidera les entreprises et les institutions canadiennes à demeurer concurrentielles et à créer des emplois; elle nous aidera à former les diplômés du XXIe siècle; elle encouragera nos chercheurs à poursuivre leur carrière ici au Canada.

Conclusion

Nous avons la chance, au Canada, d'être une fédération, de pouvoir allier les forces et la solidarité de l'ensemble canadien à la souplesse et au génie de l'autonomie régionale. Grâce aux efforts conjugués des gouvernements provinciaux et fédéral, nous pouvons regarder l'avenir avec confiance.

On a demandé beaucoup de sacrifices aux Canadiens, ils ont répondu admirablement. Les autres pays n'en reviennent pas qu'on ait réussi ce tour de force, et qu'on ait réussi sans vivre les conflits sociaux qu'on voit ailleurs. Ça, nous le devons à tout ce que nous avons accompli ensemble. Si nous ne relâchons pas la discipline que nous nous sommes imposée, nous réaliserons nos objectifs et nous ouvrirons une nouvelle ère de prospérité. Nous aurons alors à gérer judicieusement les possibilités qui s'offriront à nous, et le ferons dans le respect le plus profond de l'esprit fédératif. C'est ce que montrent les initiatives du quatrième budget Martin, et c'est dans ce sens que nous poursuivrons.

C'est une erreur de croire que notre unité nationale repose sur une discussion sèche autour de la Constitution, et que les questions de croissance économique, d'emploi, de qualité de vie, n'en font pas partie. Tous ces sujets sont liés. Je crois vous avoir démontré que c'est par une bonne compréhension du fonctionnement de notre fédération que nous pourrons réussir à vaincre le chômage et à faire reculer la pauvreté, notamment chez les enfants. Tout ça fait partie de l'unité nationale : il faut redonner le goût à tous les Québécois et aux autres Canadiens de rester ensemble et de réaliser les grands défis que le prochain siècle va nous imposer. C'est dans l'unité et non pas dans la désunion que nous relèverons ces défis.

L'allocution prononcée fait foi.  


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Mise à jour : 1997-03-03  Avis importants