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« POURQUOI UN QUÉBÉCOIS DÉSIRE QUE
LA COLOMBIE-BRITANNIQUE CONTINUE
DE FAIRE PARTIE DE SON PAYS »

NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DEVANT LE CANADIAN CLUB

HÔTEL VANCOUVER

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

LE 17 OCTOBRE 1997


Je veux vous dire pourquoi, en tant que Québécois, je veux que la Colombie-Britannique continue d'appartenir à mon pays. Je veux vous dire pourquoi la Colombie-Britannique devrait continuer à faire partie de l'avenir de ma fille de neuf ans, Jeanne. Je veux vous dire pourquoi je vais lutter contre les leaders séparatistes au Québec qui veulent m'enlever la Colombie-Britannique.

Votre province n'est pas un endroit qui m'est étranger, à trois mille milles de chez moi. La Colombie-Britannique fait partie de mon pays et elle est une partie de mon pays dont je suis très fier. Lorsque j'examine votre histoire, votre culture, vos innovations, qui ont eu des effets bénéfiques pour le Canada tout entier, je sais qu'il vaut la peine de lutter, en tant que Québécois, pour rester dans un pays qui comprend la Colombie-Britannique.

Votre histoire bat les records par sa croissance et son progrès. Elle figure parmi les grandes épopées d'explorateurs et de pionniers dans le monde. Nous savons que lorsque le capitaine Cook a débarqué sur ces côtes, il y a trouvé une culture raffinée qui prospérait déjà depuis des milliers d'années. Nous savons aussi que les colons qui ont suivi Cook, Vancouver et Juan de Fuca, y ont également accompli de grandes réalisations.

La Colombie-Britannique ne comptait que 12 000 colons lorsqu'elle s'est prononcée par vote en faveur de l'adhésion à la Confédération, en 1871. Ils n'auraient pas pu imaginer que, 126 ans plus tard, la province aurait une population de tout près de 4 millions de personnes venant de tous les coins du monde. Qui aurait deviné, lorsque William Van Horne a annoncé que les chemins de fer du Canadien Pacifique allaient prolonger leurs voies de quelques milles de Port Moody à Vancouver, qu'il jetait les fondements d'une des grandes villes du monde?

Ce que vous êtes parvenus à faire au sein du Canada est étonnant; c'est là un passé qui fait partie de mon histoire à moi aussi, en tant que Canadien. Cependant votre principale réalisation n'est peut-être pas la façon dont vous avez conquis les montagnes et les rivières, mais la façon dont vous avez réussi en tant qu'êtres humains à concilier la diversité. À l'instar de Montréal, Vancouver est une collectivité multiculturelle au sein de laquelle des gens venus de divers horizons ont appris à s'entendre. Bien sûr, tout comme il y a eu des difficultés entre les Anglais et les Français à Montréal, il s'est également produit par le passé des tensions, ici, entre différents groupes.

Toutefois, on en a tiré des leçons et, de nos jours, nos deux villes sont des collectivités tolérantes. Même si nous ne devrions pas oublier les tristes épisodes de notre passé comme les lois sur les taxes d'entrée auxquelles les immigrants chinois ont été jadis assujettis, aujourd'hui, nous pouvons célébrer le fait que la région de Vancouver a donné au Canada les premiers de ses ministres fédéraux de descendance indienne et chinoise, mes collègues Herb Dhaliwal et Raymond Chan. Je tiens également à souligner le travail remarquable de ma collègue Hedy Fry en tant que ministre responsable du multiculturalisme. Vous avez peut-être pris connaissance de l'étude récente réalisée par Immigration Canada : elle révèle que Vancouver se classe au premier rang des villes canadiennes pour ce qui est de la tolérance et de l'accueil à l'égard des groupes d'immigrants. Il s'agit là d'une réalisation dont vous pouvez tous être fiers.

Bien sûr, c'est devenu un cliché que des politiciens en voyage dans l'Ouest viennent en Colombie-Britannique et s'émerveillent devant vos montagnes; ce ne sont pas vos montagnes, mais votre population qui, avant tout, explique que je veuille que la Colombie-Britannique continue d'appartenir à mon pays. Votre province a donné au Canada de nombreuses personnalités de marque dans notre vie nationale, d'Emily Carr à Bryan Adams. En outre, on ne saurait surestimer les retombées du courage et de l'héroïsme de Terry Fox sur la perception que nous avons de nous-mêmes en tant que Canadiens. Je suis convaincu que la Colombie-Britannique nous donnera beaucoup d'autres Canadiens exceptionnels à l'avenir, et je veux partager la fierté d'être leur compatriote.

La Colombie-Britannique a non seulement une histoire remarquable, elle a aussi un avenir prometteur. Lorsque le Premier ministre Jean Chrétien est venu à Vancouver il y a deux semaines, il a déclaré ceci : «J'ai vu l'avenir et il se fait ici en Colombie-Britannique» [Traduction libre]. Qui peut prédire ce que nous allons accomplir ensemble au XXIe siècle?

Alors que Vancouver représentait la fin du parcours des gens qui se déplaçaient vers l'Ouest lorsqu'on a construit le chemin de fer du CP, elle n'en représente aujourd'hui que le début, car Vancouver est, sans conteste, la porte d'accès du Canada vers l'Asie-Pacifique, où une grande partie de la croissance économique de demain se fera. Et ici encore, votre diversité culturelle constituera plus que jamais un avantage sur les marchés mondiaux du prochain siècle.

À titre de politologue et, maintenant, de politicien moi-même, j'en suis venu à admirer les innovations apportées par la Colombie-Britannique dans le domaine des politiques publiques. Les réformes visant le régime de soutien du revenu de la province en faveur des enfants ont inspiré l'approche nationale intégrée face à la pauvreté chez les enfants que le gouvernement fédéral et les autres provinces sont maintenant en train de suivre. En tant que père, je suis fier du fait que la nouvelle prestation nationale pour enfants dont votre premier ministre a fait la promotion signifie que les enfants d'un bout à l'autre du Canada pourront envisager un avenir plus prometteur. Notre gouvernement a récemment fait de l'instauration d'un régime d'assurance-médicaments un objectif national à long terme : donc, une fois de plus, un programme de la Colombie-Britannique peut servir de modèle à tous les Canadiens et Canadiennes. Ce sont là des exemples concrets du mode de fonctionnement de notre régime fédéral. Je veux que la Colombie-Britannique demeure une partie de mon pays de sorte qu'elle puisse continuer d'apporter sa perspective propre aux défis auxquels nous faisons face ensemble.

Votre histoire, votre culture, vos solutions innovatrices et le potentiel que vous représentez pour l'avenir : voilà autant d'aspects de mon pays auxquels j'accorde de l'importance et je vais tenter d'empêcher quiconque de me les enlever. Il faut que nous travaillions tous ensemble à renforcer le Canada et la Colombie-Britannique.

Travailler ensemble pour renforcer la Colombie-Britannique

Travailler ensemble signifie conjuguer nos efforts en tant que citoyens, dans le secteur privé, dans les groupes communautaires, mais aussi à titre de gouvernements. Les différents ordres de gouvernement doivent travailler ensemble avec la collectivité pour résoudre nos problèmes communs. Et dans les faits, s'il est vrai qu'on prête souvent plus attention aux problèmes qui se posent entre les gouvernements fédéral et provinciaux qu'à nos succès, nombreux sont les domaines où les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada ont été en mesure d'oeuvrer de concert de manière constructive. Je voudrais vous donner quatre exemples de collaboration fructueuse.

Les transports ont toujours été d'une importance capitale pour l'économie de la Colombie-Britannique, qu'il s'agisse de rendre l'adhésion de la province à la Confédération conditionnelle à l'achèvement du chemin de fer du CP ou du choix du thème «L'homme en mouvement» pour Expo '86. C'est pourquoi le gouvernement fédéral a beaucoup fait, ces dernières années, pour améliorer les politiques et l'infrastructure de la Colombie-Britannique dans le secteur des transports. À ce chapitre, Vancouver est devenue une plaque tournante de grande importance pour le continent et le point de départ de toutes les missions commerciales d'Équipe Canada vers l'Asie. L'accord «Ciels ouverts» se traduit par une augmentation de 8 000 vols par année pour l'aéroport international de Vancouver, qui se classe maintenant au deuxième rang en Amérique du Nord pour ce qui est du nombre de vols à destination de la région du Pacifique.

J'ai été très heureux d'aider mon collègue David Anderson à mener à bien son action tout à fait remarquable en vue d'assurer la survie des Lignes aériennes Canadien International. Cette entreprise est le plus important transporteur aérien dans l'Ouest canadien, mais la restructuration facilitée par le gouvernement fédéral et ceux de l'Alberta et de la Colombie-Britannique a des effets bénéfiques sur le pays tout entier.

Prenons le rôle de la Colombie-Britannique en Asie-Pacifique. Comme je l'ai mentionné, le rôle que la Colombie-Britannique a joué en tant que porte d'accès du Canada à l'Asie est avantageux pour l'ensemble du pays. Naturellement, de par sa situation géographique et sa population, la Colombie-Britannique a bénéficié considérablement des échanges avec l'Asie-Pacifique. Mais il est important de reconnaître le rôle que le gouvernement fédéral a joué dans l'ouverture des marchés asiatiques aux entreprises de la Colombie-Britannique. Celles-ci ont bénéficié énormément des missions d'Équipe Canada du Premier ministre. Le fait que le Canada est l'hôte du Sommet de l'APEC à Vancouver générera en une semaine environ 23 millions de dollars dans l'économie de votre ville. Et à plus long terme, le Sommet rehaussera votre image de marque déjà solidement affirmée à l'échelle internationale.

Pensons également au domaine de l'immigration. La Colombie-Britannique a fréquemment insisté sur le fait que les politiques fédérales doivent tenir compte des courants d'immigration qui sont propres à la Colombie-Britannique et qui sont liés à votre ouverture sur l'Asie-Pacifique. C'est pourquoi, le printemps dernier, le premier ministre Clark et le Premier ministre Chrétien ont conclu une nouvelle entente sur l'établissement des immigrants, qui fait en sorte que la Colombie-Britannique obtiendra sa juste part des crédits qui y sont consacrés. Comme votre premier ministre l'a souligné, l'entente constituait «une victoire à la fois pour le Canada et pour la Colombie-Britannique»[Traduction]. J'ajouterais qu'il y a à peine deux semaines, en réponse aux préoccupations de la Colombie-Britannique, le ministre des Finances, M. Paul Martin, et le ministre du Revenu, M. Herb Dhaliwal, ont annoncé le report de l'exigence de déclaration des actifs à l'étranger, ce qui a ainsi supprimé une source importante d'irritation pour les gens d'affaires immigrants.

Enfin, même dans le secteur des pêches, qui, parfois, ne semble engendrer qu'acrimonie entre Victoria et Ottawa, nous ne devrions pas oublier les importants progrès que nous avons déjà accomplis. En avril, nous avons signé un accord qui améliorera la collaboration entre les deux gouvernements, l'industrie de la pêche au saumon et les parties concernées relativement à la gestion et à la préservation de cette ressource. Le premier ministre Clark a déclaré que la signature de cet accord marquait «une journée historique pour les résidants de la Colombie-Britannique» et «une preuve supplémentaire du fait que la collaboration entre nos deux ordres de gouvernement peut nous rapporter à tous des avantages réels»[Traduction]. Trois mois plus tard, les deux gouvernements ont signé un protocole d'entente prévoyant l'examen conjoint de l'état des pêches sur la côte ouest, ainsi que de leurs responsabilités et rôles respectifs en ce qui concerne leur gestion.

Les défis que nous devons relever ensemble

Je pourrais mentionner d'autres domaines -- la formation de la main-d'oeuvre, l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux, le financement de la recherche technologique -- où la Colombie-Britannique a bénéficié d'une collaboration fédérale-provinciale constructive, mais je tiens maintenant à aborder certains des défis que nous devons relever. Parmi ceux-ci, il y a deux domaines qui ressortent : la question des pêches, qui revient constamment dans les manchettes, et les mesures que nos gouvernements peuvent prendre pour contrer le ralentissement de l'économie de la Colombie-Britannique.

Nous devons nous assurer que les pêcheurs de la Colombie-Britannique obtiennent leur juste part des prises de saumon comparativement à leurs homologues américains et qu'il y aura toujours assez de saumons pour garantir l'existence de ce secteur d'activité dans vingt, cinquante, cent ans. Il nous faut trouver une solution à long terme.

Parfois, nous perdons de vue le fait que tous, nous souscrivons à ces objectifs et cela, à cause du débat qui a cours sur le meilleur moyen de les atteindre. C'est vrai, le gouvernement fédéral et son homologue de la Colombie-Britannique ne s'entendent pas toujours sur la tactique à employer. Mais les citoyens de la Colombie-Britannique sont aussi divisés entre eux sur la meilleure approche à suivre. D'aucuns sont nettement favorables à des mesures agressives, comme le blocage du traversier Malaspina. D'autres, y compris de nombreux représentants de votre secteur du tourisme, se prononcent publiquement en faveur d'une approche plus diplomatique, plus constructive. Cela étant, nous voulons tous obtenir le meilleur accord possible pour les pêcheurs de la Colombie-Britannique et pour leur famille.

Les parole dures et les menaces causent peut-être des remous, mais elles ne font pas avancer les choses. Pour ma part, je salue l'action vigoureuse que mon collègue David Anderson et le maire de Prince Rupert, Jack Mussallem, ont menée pour rétablir le service de traversier vers l'Alaska. Grâce à ces efforts, plusieurs millions de dollars découlant de cette activité commerciale reviennent à Prince Rupert, des dollars d'une importance capitale pour l'économie locale et pour les familles qui en dépendent. Je rends hommage, aussi, aux efforts que l'ancien recteur de l'Université de la Colombie-Britannique, David Strangway, déploie pour relancer les pourparlers sur le traité relatif au saumon du Pacifique, dans l'intérêt des citoyens de la Colombie-Britannique.

Certes, la question des pêches constitue un défi, mais elle a pour toile de fond le défi de plus grande portée d'assurer la croissance de l'économie de la Colombie-Britannique. Certains secteurs de votre économie connaissent un bon rendement : le rythme de création de petites entreprises est rapide et le travail autonome a enregistré au cours des douze derniers mois une progression de 15,3 %; le commerce de détail se porte raisonnablement bien à l'extérieur de Vancouver; de plus, des industries naissantes dans le secteur de la transformation ou fondées sur le savoir obtiennent d'excellents résultats. Cela dit, le fait que les secteurs des plastiques et des services informatiques se tirent bien d'affaire n'a guère de quoi réconforter un ouvrier d'une scierie dans le district de Cariboo qui a perdu son emploi parce que la scierie a été vendue.

Il serait faux de prétendre que la Colombie-Britannique a connu une période d'essor économique au cours des dernières années. Nous savons que les cycles économiques de cette province ne sont pas identiques à ceux de l'Ontario ou du Québec. Nous sommes conscients du besoin d'adopter une stratégie pour relever les défis que présente l'économie de la Colombie-Britannique. C'est pourquoi les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada oeuvrent de concert afin de maximiser les retombées dont votre province bénéficie en tant que porte d'accès à l'Asie-Pacifique. C'est pourquoi nous unissons nos efforts pour restructurer le secteur des pêches. C'est pourquoi nous en sommes venus à un accord sur la formation professionnelle en vertu duquel les programmes seront adaptés aux besoins particuliers de recyclage des citoyens de la Colombie-Britannique qui sont sans emploi. Enfin, c'est pourquoi nous appuyons les innovations technologiques en aidant à financer la pile à combustible Ballard et en situant le laboratoire national de physique des particules à l'Université de la Colombie-Britannique.

La séparation ne constitue pas une option

Nous avons fait des progrès ensemble. Toutefois, je sais qu'il existe encore des domaines où nous sommes en désaccord. Je sais que les citoyens de la Colombie-Britannique éprouvent parfois de la frustration envers un gouvernement fédéral situé à une distance de 3 000 milles, sur le plan géographique, mais qui peut parfois paraître encore plus loin pour ce qui est de sa compréhension de vos réalités. Je comprends les frustrations que cette situation suscite chez bon nombre de personnes, y compris certaines de vos personnalités politiques, ce qui m'amène aux propos tenus par la sénatrice Pat Carney il y a deux semaines.

Quand je suis entré en politique il y a près de deux ans pour combattre les séparatistes, je savais que je serais obligé de lutter contre eux à toutes sortes d'endroits. Mais je n'ai jamais imaginé que j'aurais à affronter une menace venant de ce ferment révolutionnaire que constitue le caucus conservateur au Sénat. Je n'avais pas l'intention, pour paraphraser le titre d'un récent discours de la sénatrice Carney, «de transformer en séparatiste une aimable dame comme elle» [Traduction]. Je sais que la sénatrice Carney a travaillé fort pour sa province et pour son pays; je suis certain que si on le lui demandait, elle affirmerait sa fierté d'être Canadienne à 100 %. Cela dit, je devrais vous expliquer pourquoi j'ai réagi aussi vigoureusement à ses propos, même si je sais que l'idée du séparatisme ne bénéficie d'aucun soutien sérieux dans votre province.

Pour me comprendre, il faut que vous sachiez que je me suis lancé dans l'arène politique non seulement pour combattre le séparatisme, mais aussi pour lutter contre le chantage sur la question de la séparation. Ceux qui disent «donnez ceci ou cela à ma province, sinon nous allons faire éclater le Canada» commettent une grave erreur sur le plan moral. Personne ne devrait menacer ses compatriotes de la sorte et ce n'est pas, en démocratie, la façon de discuter ni de faire des progrès. Dans un pays aussi démocratique, aussi tolérant, aussi riche et connaissant autant de succès que le Canada, rien ne saurait justifier la sécession ou la menace d'une sécession. Rien au Québec ni dans toute autre province ou tout autre territoire du Canada.

C'est peut-être parce qu'on parle de séparation au Canada depuis si longtemps que nous perdons parfois de vue à quel point l'idée d'une sécession est dangereuse et erronée. La sécession est un acte politique par lequel certaines personnes rejettent certains de leurs compatriotes. Le séparatiste québécois dit : «Je ne veux plus avoir de liens avec les citoyens de la Colombie-Britannique ou avec les autres Canadiens, sauf en ce qui concerne mes propres intérêts économiques froidement calculés. Je ne veux avoir des liens de solidarité nationale qu'avec des Québécois.»

Dans une démocratie, nous ne devrions pas menacer de briser les liens avec certains de nos concitoyens; nous devrions plutôt essayer de les accueillir et de les aider tous. La démocratie est un principe qui exige la solidarité et non pas la rupture et il est très difficile de concilier sécession et démocratie. Les lettres que j'ai écrites au gouvernement de M. Bouchard avaient pour but de souligner cette difficulté. Ce n'est pas par pure coïncidence que le droit international ne reconnaît pas le droit à la sécession, sauf dans une situation coloniale ou dans une situation d'oppression violente, ce qui revient à dire dans des situations où les droits du citoyen n'existent pas pour tous.

La sécession est une solution extrême, l'un des actes qui suscitent le plus de divisions au sein d'une société. C'est pourquoi, au Québec, je ne combats pas seulement la sécession, mais aussi la tactique consistant à brandir la menace d'une sécession. La sécession est une affaire trop sérieuse pour qu'on s'en serve comme outil de marchandage.

Vous, les gens de la Colombie-Britannique, vous êtes très attachés au Canada. Comme l'a dit le Premier ministre Chrétien, c'est ici qu'on voit les plus grands drapeaux canadiens flotter au vent. Pourtant, lorsque j'ai affirmé récemment que les difficultés actuelles de l'industrie de la pêche au saumon ne justifient pas la sécession, certaines personnes ont interprété mes propos comme témoignant d'un manque de respect et de sensibilité de ma part envers la population de la Colombie-Britannique. C'est comme si je faisais preuve d'un manque de respect parce que je tiens tellement à ce que la Colombie-Britannique continue de faire partie de mon pays. C'est absurde et c'est précisément cette attitude absurde que nous devons combattre ensemble partout au Canada.

En ma qualité de ministre fédéral des Affaires intergouvernementales, je suis très conscient de l'importance du saumon pour votre province. D'ailleurs, un de mes premiers souvenirs de la Colombie-Britannique remonte à l'époque où mon ami, le professeur Donald Blake, de l'Université de la Colombie-Britannique, m'a invité à faire avec lui une excursion de pêche au saumon. Si la pêche sportive revêt une importance pour nombre d'habitants de la Colombie-Britannique, ce sont vos pêcheurs commerciaux qui sont confrontés aux défis les plus redoutables aujourd'hui. S'employer à conclure avec les États-Unis un accord à propos de la pêche au saumon du Pacifique qui soit équitable pour les citoyens de la Colombie-Britannique, c'est là un des objectifs prioritaires de notre gouvernement.

Je partage votre frustration que cette question n'ait pas encore été réglée, bien que je ne sois pas convaincu que l'affrontement aboutira aux résultats que nous attendons tous. Quand on vient, ce qui est mon cas, d'une ville qui connaît l'angoisse provoquée par le chômage, je peux facilement sympathiser avec les pêcheurs de vos collectivités côtières, qui ne perdent pas seulement leur emploi, mais aussi leur mode de vie. La question ne s'arrête pas là. Le saumon est présent non seulement dans votre océan et dans vos rivières, mais aussi dans l'âme même de votre province.

Mais je le répète, il n'y a aucun enjeu dans quelque province que ce soit qui justifie la sécession, ni même la menace de sécession. Aucun Canadien ne devrait se sentir menacé de perdre son pays. Nous devons tous, dans chaque province, renoncer à l'usage de l'arme politique que constitue la menace de rupture.

D'ailleurs, cette menace n'est pas une arme très efficace. Prenez le débat sur la reconnaissance constitutionnelle du Québec. Si vous dites à des Canadiennes ou des Canadiens de l'extérieur du Québec qu'ils doivent reconnaître le caractère distinct du Québec, sinon le Québec va se séparer, le soutien à cette reconnaissance tombe à un niveau bien inférieur à 50 %. Mais si vous demandez aux gens s'ils reconnaissent que le caractère unique du Québec, de sa langue et de sa culture est une grande valeur canadienne, une partie fondamentale de notre identité canadienne, la grande majorité des Canadiens à l'extérieur du Québec en conviennent.

Si vous expliquez que vous pouvez concilier la diversité du Canada, y compris le caractère unique du Québec, avec les principes de l'égalité des citoyens et du statut des provinces, l'appui à la reconnaissance du Québec est encore plus fort. Il n'y a qu'à voir l'appui populaire aux principes de la déclaration de Calgary. Selon un sondage mené par la maison Angus Reid, 73 % des Canadiens, y compris pas moins de 70 % des citoyens de la Colombie-Britannique, pensent que l'initiative des premiers ministres en faveur de l'unité nationale «est un pas positif dans la bonne direction». De plus, un nouveau sondage de la maison Environics révèle qu'environ 70 % des Canadiens, y compris 68 % des résidants de la Colombie-Britannique et 68 % des Québécois, appuient la reconnaissance du caractère unique du Québec dans la Constitution, pourvu que tout avantage que pourrait en retirer le Québec soit accessible aux autres provinces.

C'est parce que les Canadiennes et Canadiens estiment que le principe de l'égalité dans la diversité est bon en soi qu'ils appuient la déclaration. C'est dans cet esprit que j'exhorte les citoyens à participer au processus de consultation que le premier ministre Clark et ses collègues ont lancé pour discuter de la déclaration de Calgary. C'est là une initiative qui aidera à préserver l'unité du Canada, de manière à ce que nous, citoyens du Québec et de la Colombie-Britannique, puissions continuer de partager notre merveilleux pays.

Conclusion

Je veux vraiment que la Colombie-Britannique continue de faire partie du pays de ma fille Jeanne. Je veux qu'elle voie le soleil miroiter à travers les arbres de la vallée de la Carmanah, ou la bruine matinale à bord d'un traversier qui mène à l'île de Vancouver; je veux qu'elle sache que ces endroits bien particuliers lui appartiennent. Je veux qu'elle bénéficie des possibilités qui vont de l'Atlantique au Pacifique, et au-delà. Je veux qu'elle fasse l'expérience de l'exubérance et du dynamisme de Vancouver et de sa population, et qu'elle sache qu'elles font partie de son pays. Je veux qu'elle ressente la fierté d'avoir Rick Hansen comme compatriote. Bref, les citoyens de la Colombie-Britannique sont une composante essentielle du Canada. Et je ne veux pas que Lucien Bouchard -- ni qui que ce soit d'autre -- lui enlève cela.

Ceux d'entre vous qui sont ici aujourd'hui et qui ont des enfants sont tout aussi résolus à leur transmettre en héritage un Canada uni. Donc, je vous demande instamment, en tant que citoyens de la Colombie-Britannique et du Canada, de vous demander pourquoi vous voulez que le Québec continue de faire partie de votre pays. Réfléchissez-y. Puis partagez vos conclusions avec vos amis. Peut-être voudrez-vous même en faire part à vos politiciens et même à ceux qui se proclament vos dirigeants, les animateurs de tribunes téléphoniques à la radio.

Je veux que votre voix, la voix des citoyens, se fasse entendre d'un bout à l'autre du Canada, de manière à ce que les Québécois et les autres Canadiens sachent que les citoyens de la Colombie-Britannique veulent bâtir un Canada plus fort, plus uni, pour le XXIe siècle, un Canada qui comprend le Québec, la Colombie-Britannique et toutes les autres régions de notre pays, travaillant ensemble à titre de partenaires, de compatriotes et d'amis. Voilà mon Canada, voilà notre Canada, voilà le Canada dont nous préserverons l'unité.

L'allocution prononcée fait foi.  


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Mise à jour : 1997-10-17  Avis importants