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Salle de presse

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« LE CARACTÈRE DÉCENTRALISÉ DE LA
FÉDÉRATION CANADIENNE »

NOTES POUR UNE ALLOCUTION À
L'UNIVERSITÉ D'OTTAWA

OTTAWA

LE 25 MARS 1998


«Nous avons tendance à oublier qu'en réalité, le Canada est très décentralisé». Jacques Parizeau (1) [Traduction libre]

Dans une autre vie, alors que j'étais professeur de science politique à l'Université de Montréal, j'ai mené différentes études sur l'administration publique fédérale. Je me souviens qu'avec mon collègue Jacques Bourgault, professeur à l'Université du Québec à Montréal, nous avions découvert que l'Université d'Ottawa était devenue la principale pépinière de sous-ministres. C'est chez vous, avant toute autre université, que nos hauts fonctionnaires sont allés chercher leurs diplômes. C'est vous dire la nervosité que je ressens aujourd'hui face à tous ces futurs serviteurs de l'État.

D'autant plus que mon sujet du jour est précisément le gouvernement fédéral et, plus largement, l'ensemble de la fédération. En fait, j'ai essentiellement deux choses à vous dire aujourd'hui.

Premièrement, notre fédération est décentralisée. C'est très clair si on la compare avec les autres grandes fédérations. Et c'est d'ailleurs une bonne chose. Un pays aussi grand et diversifié que le Canada ne saurait fonctionner autrement que sous une forme fédérative très poussée. Il est heureux que nous ayons des provinces fortes et je suis un grand admirateur de «l'État provincial», si vous me permettez cette expression. Chacune peut expérimenter des solutions propres à sa culture et à son contexte et, par une saine émulation, apprendre des autres. Mais en même temps, ces provinces ne doivent pas se comporter comme dix républiques égoïstes, et il est des responsabilités plus globales qui relèvent d'un gouvernement fédéral. C'est pourquoi il est tout aussi heureux que nous ayons un gouvernement fédéral fort dans ses champs de compétence et des relations constantes et suivies entre les deux ordres de gouvernement.

Deuxièmement, le gouvernement fédéral et les provinces ont beaucoup amélioré la fédération depuis deux ans. L'objectif de ces réformes a été de clarifier les rôles et de renforcer la coopération entre les deux ordres de gouvernement. Cette fédération nous sert bien et se compare avantageusement aux autres fédérations à plusieurs égards, mais elle est loin d'être parfaite. Elle sera toujours en changement. Le Premier ministre Jean Chrétien est déterminé à poursuivre l'amélioration de notre fédération, étape par étape, dans un esprit de concertation.

Pourquoi est-ce que je tiens à vous dire ces deux choses aujourd'hui? Encore là j'ai deux raisons. D'abord, il se trouve qu'il existe un gouvernement dans ma province qui propose la sécession en alléguant, entre autres, que la fédération canadienne est trop centralisée. Ainsi, lors d'une conférence de presse tenue le 10 décembre 1997, le premier ministre Lucien Bouchard disait craindre le rabaissement des provinces «à une sorte d'entité aseptique qui ne serait même pas une grande municipalité». Son ministre des Finances, M. Bernard Landry, affirmait, le 24 février 1998, assister au «spectacle d'un État autrefois confédéral puis fédéral qui chemine vers un État unitaire». La façon dont ces chefs indépendantistes décrivent la fédération canadienne est, selon moi, tout à fait surréaliste. J'aimerais vous expliquer en quoi.

De plus, je trouve qu'il faut être juste envers notre fédération et ne pas en parler seulement quand il y a des problèmes. Il est normal qu'il existe des tensions et des conflits entre ordres de gouvernement. Cela existe dans toutes les fédérations. Il est aussi normal, je suppose, que ces conflits fassent plus la manchette que les ententes auxquelles les gouvernements parviennent régulièrement. Mais permettez-moi, en tant que ministre des Affaires intergouvernementales du Canada, de dire, aujourd'hui, que cette fédération marche et qu'elle progresse.

1. Une fédération décentralisée

L'affirmation précitée de Bernard Landry, selon laquelle le Canada de 1867 avait été pensé comme une confédération très décentralisée, où les provinces gardaient l'essentiel des responsabilités publiques importantes, est un mythe très répandu. Je pense que cette confusion vient en bonne partie du mot «confédération» lui-même, qui évoque une association d'États souverains. En fait, la confédération a signifié dans notre cas l'acte de se fédérer. Et cette fédération a été voulue centralisée par ceux qui l'ont conçue. John A. Macdonald, comme vous le savez, aurait même préféré une union législative. Ce sont les délégués du Canada Est (le Québec) et des provinces maritimes qui, fort heureusement, ont fait pression pour le choix fédératif.

Ce compromis entre les pères de la Confédération a mené à la mise en place d'un système qui se voulait centralisé, où le gouvernement fédéral devait tenir en laisse les provinces grâce à son droit de désavouer leurs lois. Le gouvernement fédéral héritait des principaux champs de taxation et de l'essentiel des responsabilités publiques jugées importantes à cette époque, notamment celles de nature économique. Effectuant lui-même les deux tiers des dépenses publiques, il dominait les provinces, dont le financement dépendait, aux deux tiers, de subventions fédérales (The Rowell-Sirois Report, vol. 1, Toronto, McClelland and Stewart, 1963, p.188).

Le Canada d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec ce centralisme. Le Comité judiciaire du Conseil privé et, à sa suite, la Cour suprême du Canada, ont su donner à la Constitution une interprétation respectueuse de l'autonomie des provinces. Le pouvoir de désaveu et le pouvoir de réserve ne sont plus utilisés. La naissance et le développement de l'État providence ont considérablement accru l'importance des compétences provinciales reliées à l'éducation, à la santé et aux affaires sociales. En 1960, les dépenses fédérale étaient deux fois plus lourdes que celles des provinces et des municipalités réunies; aujourd'hui, elles leur sont globalement inférieures.

La fédération canadienne est décentralisée en comparaison de ce qu'elle était auparavant, soit. Mais l'est-elle par rapport aux autres fédérations qui existent aujourd'hui? Les experts en fédéralisme comparé répondent par l'affirmative. Ainsi, le professeur Edmond Orban, de l'Université de Montréal, a conclu, dans son étude préparée pour la Commission Bélanger-Campeau, que «l'autonomie des provinces (canadiennes) et leurs possibilités (pour les plus importantes) sont relativement plus poussées, en fait, que celles des länder et surtout des cantons suisses».

Je peux illustrer cette comparaison entre fédérations à partir d'un exemple qu'affectionne particulièrement M. Bernard Landry : le programme canadien de nutrition prénatale. Le 24 février dernier, il s'exclamait :

«Imaginez, à l'époque du principe de la subsidiarité, à l'époque de la construction des grandes ententes économiques, à l'époque où le Canada se targue de son appartenance au G-7 (...), il s'introduit dans les soins prénataux».

Ainsi décrit, cela frappe l'imagination en effet : on voit les fonctionnaires fédéraux déambuler dans les rues en distribuant les pintes de lait! Alors que dans les faits, de quoi s'agit-il?

Le programme canadien de nutrition prénatale vise à assurer la santé des bébés de mamans considérées à risque. Il a été mis en place en 1992 -- par les conservateurs donc, voyez comme je suis peu partisan. Le programme n'entre en vigueur dans une province que si le gouvernement fédéral signe un protocole d'entente avec le gouvernement de cette province. L'entente est résiliable en tout temps, au gré de chacune des parties. Et devinez quelle est la première province à avoir signé une telle entente : oui, le Québec. Les fonds fédéraux sont utilisés sur la base des priorités et des programmes établis par le gouvernement du Québec.

Maintenant, d'où est venue l'idée de ce programme? D'une initiative analogue du gouvernement fédéral américain : the Special Supplemental Food Program for Women, Infants and Children. États-Unis : fédération, pays du G-7.

En fait, j'ai été frappé, pendant un récent voyage d'études en Europe, par l'étendue du contrôle qu'exercent les provinces canadiennes dans le domaine des soins de santé par rapport à leurs homologues des autres fédérations.

En Belgique, par exemple, c'est au gouvernement fédéral que revient l'entière responsabilité d'établir les politiques dans le secteur de la santé. En Allemagne, la santé est un domaine de compétence partagée, mais les länder ne peuvent pas légiférer dans ce domaine si le gouvernement fédéral l'a déjà fait. En Autriche, le gouvernement fédéral demeure, en vertu de la Constitution, responsable de la législation et de la mise en oeuvre de la plupart des mesures qui touchent les soins de santé. En Suisse, une loi fédérale fixe des normes très précises qui doivent être respectées par chaque canton.

Chez nous, la santé relève largement des provinces. Le gouvernement fédéral intervient essentiellement par son pouvoir de dépenser, qui repose sur un fondement constitutionnel clair, comme l'ont confirmé les tribunaux. D'ailleurs, toutes les grandes fédérations sont dotées d'un pouvoir fédéral de dépenser. En matière de santé, notre gouvernement fédéral lie son aide financière au respect par les provinces de cinq normes seulement, qui sont en fait des principes moraux populaires partout au pays : l'universalité, l'accessibilité, l'intégralité, la transférabilité et la gestion publique. L'objectif est de protéger notre système de santé d'une américanisation qui le rendrait moins accessible à tous.

En faisant cette comparaison avec d'autres fédérations, je ne veux pas donner à penser qu'il nous faut nous aligner sur les autres fédérations et remettre au gouvernement fédéral certaines responsabilités provinciales en matière de santé. Je ne prétends pas non plus que tout soit parfait dans nos relations fédérales-provinciales touchant les politiques de santé. Je dis simplement que l'agencement actuel n'a rien d'un carcan centralisateur, bien au contraire.

Si le Canada se classe au quatrième rang pour la santé de sa population et au deuxième pour la qualité de ses pratiques médicales (British Economist Intelligence Unit, 1997), la façon dont nos provinces et le gouvernement fédéral travaillent ensemble doit bien y être pour quelque chose. Mais en même temps, les Canadiens voient que notre système de santé subit une pression énorme en ce moment, même si nous sommes l'un des pays qui consacrent à la santé la plus grande part de leur richesse collective. Plus que jamais, nos gouvernements sont confrontés au défi d'inventer des façons de travailler ensemble dans le respect de leurs compétences respectives.

Permettez que je prenne un autre exemple d'actualité qui, lui aussi, permet de placer notre fédération dans une perspective comparative : les bourses du millénaire. Le gouvernement fédéral a décidé de créer une fondation privée et de la doter d'une somme initiale de 2,5 milliards de dollars pour dix ans afin d'offrir des bourses à des étudiants à revenu faible ou moyen. Le gouvernement fédéral s'engage à consulter les gouvernements provinciaux pour faire en sorte que la Fondation évite les dédoublements, s'appuie sur les mécanismes provinciaux existants pour ce qui est de l'examen des besoins et ait le pouvoir de passer des contrats avec les autorités provinciales au niveau de la sélection des bénéficiaires. De plus, le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada aura un rôle clé à jouer au moment de déterminer qui seront les administrateurs.

Le gouvernement du Québec éprouve une crainte compréhensible quant aux risques de dédoublements. En effet, cette province a développé un programme de bourses très complet depuis qu'elle a exercé un droit de retrait avec compensation financière dans ce domaine en 1964. Il faut donc que les gouvernements se parlent et trouvent une solution afin de s'aider mutuellement à aider les étudiants.

Si les inquiétudes du gouvernement du Québec sont compréhensibles, il est tout à fait injustifié de la part du ministre des Finances du Québec de voir dans la création de cette fondation la marque «d'un État unitaire qui ne tient aucun compte des structures fédérales». Car alors que doit-on dire des autres fédérations? Aux États-Unis, 75 % de l'aide financière publique aux étudiants provient du gouvernement fédéral (United States College Board). En Allemagne, c'est 65 % (Ulrich Teichler, dans Higher Education in Federal Systems, sous la direction de Douglas Brown, Pierre Cazalis et Gilles Jasmin). En Australie et en Autriche, l'autorité législative pour l'éducation postsecondaire relève du gouvernement fédéral. En Suisse, la loi fédérale d'aide aux universités est très complète et détaillée.

Au Canada, l'éducation est de responsabilité provinciale exclusive de par la Constitution. Le gouvernement fédéral ne légifère pas en matière d'éducation. Par contre, l'aide financière qui permet aux Canadiens d'avoir un meilleur accès aux institutions provinciales d'éducation est depuis très longtemps un champ où les deux ordres de gouvernement interviennent. Cette intervention conjointe est plus que jamais nécessaire dans cette économie du savoir où la compétitivité de notre main-d'oeuvre est la condition du maintien de notre qualité de vie.

Je pourrais multiplier les illustrations du caractère décentralisé de notre fédération. Je me contenterai d'ajouter pour cette fois-ci que toutes les fédérations sont dotées d'un pouvoir fédéral de dépenser mais que c'est seulement dans la nôtre qu'il est arrivé d'accorder des droits de retrait avec compensation financière. Je peux vous référer aussi aux travaux du professeur Watts de l'Université Queen's, qui indiquent que les provinces canadiennes sont, sans contredit, moins dépendantes des transferts conditionnels du gouvernement fédéral que ne le sont les composantes des autres fédérations comparables et que notre gouvernement fédéral est, nettement, celui qui attache le moins de conditions à ses transferts intergouvernementaux. Le Canada n'est pas le champion de la décentralisation en tout, mais le fait est que dans le monde bien réel des fédérations, il n'est sans doute rien de plus autonome qu'une province canadienne.

2. Notre fédération après deux ans de changement

Il est dans la nature de notre fédération d'être en perpétuelle évolution. Le statu quo n'existe pas. Les gouvernements doivent simplement s'assurer que ce changement se fait dans le respect des compétences constitutionnelles de chacun et dans le sens d'une meilleure qualité du service public au bénéfice des citoyens. Il me semble que le gouvernement fédéral n'a pas trop mal travaillé avec les provinces depuis l'élection du gouvernement libéral en octobre 1993, et surtout depuis le discours du Trône du 27 février 1996. Je vous en laisse juges :

La limitation du pouvoir fédéral de dépenser. L'exercice unilatéral du pouvoir fédéral de dépenser peut nuire à la capacité des provinces d'établir des priorités. C'est pourquoi, dans le discours du Trône de 1996, le gouvernement du Canada s'est engagé à ne plus exercer son pouvoir de dépenser pour créer de nouveaux programmes cofinancés dans des domaines qui relèvent de la compétence exclusive des provinces sans le consentement de la majorité des provinces. De plus, tout nouveau programme cofinancé, créé dans un domaine qui relève de la compétence exclusive des provinces sera conçu de façon à ce que les provinces qui exercent leur droit de retrait soient compensées, dans la mesure où elles créent des programmes équivalents ou comparables. Parmi les fédérations, le gouvernement du Canada est le seul à avoir imposé de son propre chef de telles limites à son pouvoir de dépenser, et le seul qui prévoit des dispositions de retrait avec compensation. Bien que non constitutionnel, cet engagement va plus loin que l'Accord du lac Meech qui n'exigeait pas, lui, l'accord d'une majorité de provinces.

L'adoption de la loi sur les vetos régionaux (C-110). Le gouvernement a présenté et fait adopter la Loi concernant les modifications constitutionnelles. Aucune modification constitutionnelle ne peut être déposée au Parlement sans le consentement de chacune des régions suivantes : l'Atlantique, le Québec, l'Ontario, l'Ouest et la Colombie-Britannique.

L'adoption de la résolution sur la société distincte. Le gouvernement a présenté une résolution à la Chambre des communes qui reconnaît que le Québec forme au sein du Canada une société distincte qui comprend notamment une majorité d'expression française, une culture qui est unique et une tradition de droit civil. Dans cette résolution, adoptée le 11 décembre 1995, la Chambre et le gouvernement s'engagent à se laisser guider par cette réalité.

La réduction du caractère conditionnel du principal transfert fédéral aux provinces. Le remplacement, en 1995, du Régime d'assistance publique du Canada (RAPC) et du Financement des programmes établis (FPE) par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux a accru la marge de manoeuvre des provinces. Les provinces doivent continuer à respecter les cinq normes nationales en matière de santé et la non-assignation de résidence en matière d'aide sociale. Pour le reste, elles choisissent d'utiliser ces fonds selon leurs priorités en matière de santé, d'éducation postsecondaire et d'aide sociale.

La clarification des rôles dans différents domaines. Afin d'éliminer des dédoublements inutiles, le gouvernement fédéral s'est retiré dans une large mesure des secteurs de l'exploitation minière, de l'exploitation forestière, du loisir et du tourisme. La Commission canadienne du tourisme consolide ses partenariats avec les provinces et les entreprises. De plus, le gouvernement fédéral négocie le transfert de l'administration du logement social aux provinces; cinq ententes ont été signées jusqu'à présent.

Les nouvelles ententes sur la formation de la main-d'oeuvre. Le gouvernement fédéral a maintenant conclu avec neuf provinces et les deux territoires des ententes sur la formation de la main-d'oeuvre. Ces ententes permettent aux gouvernements provinciaux et territoriaux d'assumer l'entière responsabilité des mesures de formation financées à même le compte de l'assurance-emploi ou d'établir un nouveau partenariat de cogestion avec le gouvernement fédéral. Les Canadiens sans emploi et ceux qui désirent se perfectionner pourront s'adresser à un «guichet unique» pour leurs besoins en formation, ce qui contribuera également à l'atteinte d'un autre objectif, celui de mieux adapter les services aux besoins des citoyens.

Le Régime national de prestation pour enfants. À la demande des gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral a élaboré conjointement avec ceux-ci cette importante initiative. Le gouvernement fédéral augmentera la valeur des crédits d'impôt pour enfants, de sorte que les provinces pourront réinvestir leurs ressources dans de nouveaux programmes pour aider les familles à faible revenu et favoriser l'entrée dans le marché du travail. Lors d'une récente réunion des ministres responsables des services sociaux, un certain nombre de provinces ont présenté leurs plans de réinvestissement. Dans le dernier budget, le gouvernement fédéral s'est engagé à une deuxième contribution de 850 millions de dollars au Régime pendant le présent mandat.

L'harmonisation environnementale. Le 29 janvier 1998, les gouvernements du Canada et de toutes les provinces, sauf celui du Québec, ont signé un accord visant à améliorer la collaboration entre les divers gouvernements afin de garantir la meilleure qualité environnementale et la mise en oeuvre des ententes auxiliaires sur l'établissement de normes nationales, sur l'inspection et sur l'évaluation environnementale. L'initiative comprend l'adoption d'une approche à «guichet unique» selon laquelle chaque ordre de gouvernement se chargera des activités qu'il est le mieux placé pour gérer, dans un effort pour éliminer les chevauchements et pour parvenir à de meilleurs résultats dans ce domaine.

L'harmonisation des lois fédérales avec le nouveau Code civil du Québec. Pour tirer le meilleur parti du caractère bijuridique de notre pays, le gouvernement du Canada a décidé d'harmoniser ses lois avec le nouveau Code civil du Québec adopté le 1er janvier 1994. Un projet de loi sera déposé à la Chambre des communes d'ici juin 1998.

L'accord sur la libéralisation du commerce intérieur. L'Accord sur le commerce intérieur, entré en vigueur le 1er juillet 1995, vise à réduire les obstacles au commerce interprovincial et à améliorer les échanges commerciaux entre les provinces. Les ministres responsables du commerce intérieur se sont réunis le 20 février dernier à Ottawa et, à l'exception de ceux de la Colombie-Britannique et du Yukon, ont signé une entente sur des dispositions qui permettront d'étendre le chapitre sur les marchés publics au secteur MESS (municipalités, organismes municipaux, conseils et commissions scolaires, entités d'enseignement supérieur, services de santé ou services sociaux financés par l'État).

Le programme des travaux d'infrastructures. Le programme des travaux d'infrastructures est un bon exemple de la volonté du gouvernement du Canada de travailler en partenariat avec les provinces et les municipalités pour répondre aux attentes et aux besoins des Canadiens. Ce programme ayant connu un très grand succès pendant notre premier mandat, il a été reconduit. D'ici le 31 mars 1999, 8 milliards de dollars auront été dépensés en vertu de ce programme.

La formule Équipe Canada. Créée en 1994, Équipe Canada est un partenariat unique selon lequel le gouvernement du Canada, les provinces, les territoires et les municipalités mettent leurs ressources en commun pour travailler de concert avec les entreprises et aider un plus grand nombre de Canadiens à réussir sur les marchés mondiaux. La formule «Équipe Canada» et les missions commerciales qui en appliquent les principes sont une composante essentielle de notre stratégie de l'emploi.

Le Régime de pension du Canada. Le vieillissement des populations est un phénomène auquel le Canada entend mieux se préparer que les autres pays industrialisés. Le gouvernement du Canada et huit provinces se sont entendus sur les changements qui garantiront la viabilité du Régime de pension du Canada (RPC), c'est-à-dire que la caisse du RPC ne manque pas de fonds et que les taux de cotisation n'atteignent jamais 14,2 %, ce qui se serait produit en l'absence de mesures. Une loi a été adoptée pour fixer les augmentations des taux de cotisation, mettre en oeuvre une nouvelle politique d'investissement et apporter des modifications mineures aux prestations.

La modification constitutionnelle pour les commissions scolaires du Québec. Cette modification constitutionnelle va permettre au gouvernement du Québec de moderniser son système d'éducation et de mettre sur pied des commissions scolaires linguistiques. Grâce à la Constitution de 1982, cette modification a pu se faire de façon bilatérale.

La modification constitutionnelle pour les commissions scolaires de Terre-Neuve. La modification constitutionnelle visant la clause 17 des Conditions de l'Union de Terre-Neuve au Canada aura permis de laïciser le système des commissions scolaires à Terre-Neuve à la demande du gouvernement de cette province, après qu'un référendum a été tenu auprès des Terre-Neuviens le 2 septembre 1997.

La refonte de la politique sociale. Le gouvernement du Canada s'est engagé à travailler avec les provinces pour élaborer une approche plus concertée en vue de la refonte de la politique sociale. En juin 1996, les gouvernements ont mis sur pied le Conseil ministériel sur la refonte de la politique sociale, un forum au sein duquel ils peuvent discuter des meilleurs moyens pour moderniser et assurer la viabilité des programmes sociaux au Canada. Le gouvernement et toutes les provinces, sauf le Québec, se sont également entendus lors de la dernière Conférence des premiers ministres pour amorcer des négociations concernant un éventuel accord-cadre sur l'union sociale basé sur le respect des responsabilités constitutionnelles de chaque ordre de gouvernement et sur la collaboration des partenaires fédéral et provinciaux pour ce qui est de la planification et de la gestion de l'union sociale canadienne.

L'appui à la déclaration de Calgary. Cette déclaration, faite le 14 septembre dernier, par les neuf premiers ministres qui croient en un Canada uni, énonce des valeurs fondamentales autour desquelles les Canadiens peuvent se rassembler. On y reconnaît l'égalité des citoyens, l'égalité de statut des provinces, la diversité du Canada exprimée par ses populations autochtones, ses deux langues officielles et son caractère multiculturel ainsi que le caractère unique de la société québécoise. La déclaration a fait l'objet de consultations publiques dans toutes les provinces, sauf au Québec. Pour l'heure, elle a été adoptée dans tous les parlements provinciaux, sauf en Colombie-Britannique, en Ontario et en Nouvelle-Écosse.

Conclusion

Je viens d'énumérer dix-sept changements effectués ou en cours, dont un bon nombre ont été lancés au cours des deux dernières années. Cette liste de réalisations me paraît impressionnante. Mais la question est de savoir si elle réunit des éléments disparates et sans lien ou si on peut trouver une cohérence dans cet ensemble. Je crois que c'est la deuxième hypothèse qui est vraie. Il y a une logique inhérente aux améliorations qui ont été apportées depuis deux ans à notre fédération. La logique en a été on ne peut mieux exprimée par le septième principe de la déclaration de Calgary :

«Le Canada est un régime fédéral dans le cadre duquel les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux travaillent de concert, tout en respectant leurs compétences respectives. Les Canadiens et les Canadiennes souhaitent que les rapports entre leurs gouvernements soient marqués par la coopération et la souplesse pour faire en sorte que la fédération fonctionne efficacement. La population canadienne désire que ses gouvernements oeuvrent de concert, tout particulièrement en matière de prestation des programmes sociaux. Les provinces et les territoires réaffirment leur volonté de collaborer avec le gouvernement du Canada afin de mieux répondre aux besoins des Canadiens et des Canadiennes».

Tout est là, dans ce que le plus récent programme constitutionnel du Parti libéral du Québec appelle «l'incontournable interdépendance» des gouvernements dans le respect de leurs compétences (Reconnaissance et interdépendance, p. 44). Nous ne sommes plus au XIXe siècle, alors que le poids fiscal du secteur public dans son ensemble était marginal dans l'économie. Maintenant, il en représente près de la moitié, de sorte que les compétences des gouvernements se touchent dans presque tous les secteurs d'activité. Le fédéralisme moderne passe par l'interdépendance dans la clarté des rôles.

C'est d'ailleurs ce que veulent les Canadiens, y compris les Québécois. Dans leur majorité, ils ne veulent pas de mouvements importants vers la centralisation ou la décentralisation mais souhaitent une meilleure coopération entre leurs gouvernements, s'il faut en croire les sondages. (CROP/Insight, octobre 1996; CROP, mars 1997; EKOS, novembre 1997). Cela dit, des conflits entre gouvernements, il y en aura toujours. Leurs conséquences ne sont pas toujours négatives. Les fédérations puisent leur énergie dans une sorte de tension permanente. C'est parfois difficile à vivre pour les politiciens et les bureaucrates, mais les citoyens y trouvent leur compte. Le pari de la forme fédérative de gouvernement est que les solutions se découvrent mieux quand les désaccords paraissent au grand jour, entre partenaires constitutionnels, plutôt que dans l'atmosphère raréfiée des grosses bureaucraties centralisées qui alourdissent la marche des pays unitaires.

Il faut donc rechercher la coopération et mettre en place de bons mécanismes de résolution des conflits. Surtout, il faut être juste envers notre fédération et l'apprécier pour ce qu'elle est : une fédération décentralisée qui marche bien. Le Canada n'est pas une dispute constitutionnelle perpétuelle, c'est un principe d'entraide, l'un des meilleurs que l'humanité ait inventés. C'est grâce à la forme fédérative que le Canada s'est donnée, que des populations différentes, ne parlant pas la même langue et n'ayant pas toujours les mêmes références culturelles, ont pu se réunir autour d'objectifs communs et se doter de l'une des meilleures qualités de vie. Nous devons rester ensemble et améliorer toujours davantage cette fédération décentralisée et généreuse qui est notre oeuvre commune.

(1) Tiré d'un discours prononcé à l'Université d'Édimbourg, tel que rapporté dans The Globe and Mail du 9 décembre 1977.

L'allocution prononcée fait foi.  


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Mise à jour : 1998-03-25  Avis importants